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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 10:35
Résurrection de Jésus et tombeau vide.
Modeste contribution à une question capitale
Paul Abéla
LPC n° 10 / 2010

"Si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine." (1 Co 15, 14)

La résurrection de Jésus est un phénomène décisif, mais que veut dire la "résurrection", que signifient les récits qu'en rapportent les évangiles ?

Les récits de l'Evangile :

Après la mort de Jésus, sa mise au tombeau, et le "tombeau trouvé vide", les évangélistes rendent compte de certains événements qui attestent la "résurrection" de Jésus.

Luc (24) raconte deux épisodes :

- Les pèlerins d'Emmaüs, où les disciples commencent par faire route avec Jésus et discutent avec lui, mais sans le reconnaître.

Au moment où ils le reconnaissent, à la fraction du pain, il disparaît.

- Jésus apparaît aux apôtres réunis. Pensant voir un spectre, ils sont troublés. Il leur dit : Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi, touchez-moi, un spectre n'a ni la chair ni les os que vous voyez que j'ai… Avez-vous quelque chose à manger ? Ils lui donnent du poisson grillé, il le prend et le mange devant eux… Il les bénit et s'élève au ciel.

Jean (20) présente, après l'épisode de Marie-Madeleine, trois apparitions collectives :

- Les portes closes par crainte des juifs, il arrive parmi eux et dit : "La paix soit avec vous". Il leur montre ses mains et son côté…

- Une seconde fois, sept jours plus tard, les portes closes, il arrive parmi eux et montre à Thomas ses mains et son côté et l'invite à toucher. [On ne nous dit pas si Thomas l'a touché.]

- Puis à l'apparition au bord du lac de Tibériade, il y aura un autre repas de pain et poisson.

Si l'on prend ces récits à la lettre et dans les détails, il y a des contradictions entre :

- Des actes humains : toucher, manger, en chair et en os ;

- Des actes inhumains : apparaître, disparaître, s'élever ;

- Les lieux des apparitions, à Jérusalem (Luc) ou en Galilée (Mt).

Les récits sont émaillés de détails pittoresques mais ne sont pas à prendre à la lettre. Ils veulent indiquer que ce qui s'est passé est authentique, comme si on pouvait en donner des détails. C'est un genre littéraire et un langage habituels à cette époque et encore en usage de nos jours dans les pays arabophones. Je l'ai remarqué au Liban, où j'ai vécu cinq années, et M.-E. Boismard de l'Ecole biblique de Jérusalem le fait aussi remarquer pour en avoir fait l'expérience.

L'historique et le mythique :

De nombreux passages de l'Ancien Testament comportent des récits mythiques qui ne pourraient être compris qu'en étant traités "comme si" ils étaient réels. Rappelons les plus connus, par exemple : la création en 7 jours, le péché originel, la tour de Babel, le déluge, etc. et l'ensemble des 11 premiers chapitres de la Genèse. Rappelons aussi quelques autres récits bien connus, tels que Josué arrêtant le soleil (Jos 10, 12), ou Elie égorgeant les 400 prophètes de Baal (1 R 18, 10), ou le son des trompettes abattant les murs de Jéricho, etc. Dans "La Bible dévoilée, Israël Finkelstein envisage même que certains récits majeurs tels que l'Exode pourraient ne pas être historiques, mais mythiques, ou "un tissu de légendes" (p. 120).

Dans le Nouveau Testament, il y a aussi d'une part des passages concrets, historiques ("Au temps du roi Hérode…") et d'autre part des passages mythiques, tels que la visite des bergers et les anges à la crèche, la conception virginale de Jésus, la visite des rois-mages, la transfiguration, l'ascension… etc.

Je conviens avec Bultmann que les récits concernant les relations des Apôtres avec le ressuscité ne sont pas d'ordre historique, mais mythique. Les Juifs refusant de distinguer, comme le font les Grecs, le corps et l'esprit, il leur était d'autant plus difficile de raconter ce qui s'était passé, savoir que Jésus n'y était pas, mais qu'il n'y avait que son corps. Ils ne pouvaient le faire que dans des récits mythiques (au sens symbolique) et dire qu'il était là, ou comme si il était présent "en chair et en os" et comme si il mangeait avec eux (Lc 24).

Mon expérience à la mort de ma mère

Je voudrais aussi partir d'une expérience personnelle, et de la distinction que je fais entre la personne globale et le corps proprement dit. Je pense qu'à la mort, le corps et l'esprit se dissocient. Il ne reste plus que le corps qui soit visible, l'esprit disparaît.

Lorsque ma mère est morte, à 90 ans, en 1986, je venais de déjeuner avec elle. Elle a été se reposer et elle est morte aussitôt. Je l'avais vue vivante juste avant, puis, juste après, elle n'était plus là, sa personne n'y était plus, elle n'était plus de ce monde, il n'y avait plus de visible que son corps. Mais elle n'était plus là, elle (son esprit) n'était plus dans l'espace-temps.

Je pense que, pour Jésus, le "tombeau vide" peut signifier que Jésus n'était plus là, que le tombeau était vide de Jésus, il n'y avait plus que son corps, inerte, que nous appelons son cadavre. Si aujourd'hui on découvrait ses restes, cela ne mettrait pas en cause sa "résurrection". Sa vie de "ressuscité" est d'un autre ordre, sans doute hors de l'espace-temps. Je suppose qu'à la mort, corps et esprit sont dissociés. Dès lors, tous les récits ne sont pas à prendre comme des récits historiques, mais ce sont souvent des récits symboliques significatifs d'une réalité dont on ne sait comment en parler.

Paul Abéla

Published by Libre pensée chrétienne - dans Résurrection