Croire en un Dieu qui n'existe pas de Klaas Hendrikse |
Marie-Jeanne De Pauw |
LPC n° 16 / 2011 |
Croire en un Dieu qui n'existe pas de Klaas Hendrikse (1)Brève biographie de l'auteurNé aux Pays-Bas en 1947, Klaas Hendrikse a grandi au sein d'une famille non-croyante. Après des études d'économie et de gestion, dans son pays et aux USA, il travaille de 1972 à 1983 dans l'entreprise d'imprimantes et de photocopieuses Xerox. Dès 1977, tout en poursuivant sa carrière professionnelle, il suit les cours de théologie à l'université d'Utrecht. K. Hendrikse quitte Xerox en 1983 et est consacré pasteur dans l'église protestante néerlandaise en 1984 ; il se rattache à l'aile libérale du protestantisme. Après la publication de son livre en 2007, le synode de son église envisage une action disciplinaire à son égard. Finalement, les autorités ecclésiastiques décident que Klaas Hendrikse peut rester en service, dans sa paroisse de Middelburg, jusqu'à sa retraite en 2012. Dans une lettre ouverte, le pasteur Hendrikse demande au synode de mettre le sujet de "l'existence" de Dieu à son agenda. L'auteur précise qu'il a volontairement publié son livre avant sa retraite pour assumer, en toute responsabilité, les conséquences de ses prises de position, face à l'autorité ecclésiale. K.H. se prépare à publier un livre sur Jésus. Le livre"Tout ce qu'on peut affirmer… c'est que Dieu se produit et non qu'il existe (p.104)… Il se peut que Dieu s'approche davantage de nous dans le questionnement qu'à travers les affirmations catégoriques ou les prétendues vérités (p.155)… Dieu n'existe plus et peut, par là même, recommencer à être Dieu" (p. 223). "L'athée existe par la grâce du théiste. Le théiste est quelqu'un qui conçoit Dieu comme un ‘être' assimilable à une personne et doté de facultés telles que la toute-puissance, l'omniscience et l'omniprésence. Un athée ne fait jamais que nier cette conception théiste mais un athée peut bel et bien être croyant" (p.43). Ces deux réflexions peuvent nous servir de fils conducteurs pour comprendre la pensée de Klaas Hendrikse, pensée qui nous oblige à revisiter les concepts d'existence de Dieu et d'athéisme. K.H. ne croit plus à l'existence d'un "Grand Manitou" qui, du haut de son ciel, exercerait sa toute-puissance et son omniscience. Les rédacteurs du Premier Testament utilisèrent bien souvent un langage mythologique, comme par exemple le récit de la création, mais ce langage a été ultérieurement interprété comme réalité de fait (p.72). Selon K.H. l'activité théologique a bien souvent perdu le sens et la fonction des mythes pour en faire des vérités, voire des dogmes. Personnellement, l'auteur précise que ses études de théologie dogmatique ont largement contribué à son ancrage dans l'athéisme. Par contre, K.H. croit en un Dieu qui se révèle au sein d'expériences humaines inexprimables, non communicables (p. 173). En ce sens, révélation et expérience sont indissolublement liées. Car croire, pour K.H., est bien plus une manière d'être qu'une façon de parler. C'est, comme le dit le philosophe Martin Buber, "Ouvrir l'oreille à l'appel du quotidien" (p. 106). Le langage biblique exprime cette idée par la formule "Dieu dit", ce qui signifie, pour l'auteur, qu'un homme s'est senti interpellé par une force, une énergie (que nous appelons Dieu), l'incitant à construire un monde meilleur. Si Dieu peut être conjecturé, ce n'est que là, quelque part dans l'engagement d'un être humain à contribuer, selon ses moyens, au bonheur et au bien-être d'autrui. (p.118-119) Mais, athée et pasteur, comment s'y prendre ? Choisir de représenter Dieu autrement que sous l'aspect d'une personne ne va pas de soi. Comment expliquer à quelqu'un que vous croyez en un Dieu qui est le fondement impersonnel de votre foi personnelle ?" (p.185). Peut-être, dit l'auteur, en relisant le combat de Jacob au gué du Jabbok (Genèse 32,22-32) : c'est en luttant toute la nuit avec un inconnu (sans doute, selon les psychanalystes, les forces obscures en lui), que Jacob a pu dire "J'ai vu Dieu face à face". Concernant la prière de demande, Hendrikse affirme qu'on ne peut être exaucé sans être soi-même directement impliqué. Cette réflexion rejoint la pensée de Marcel Légaut, selon laquelle la prière de demande a un sens car, en demandant du fond de notre être, nous nous mettons dans la disposition de réaliser ce que nous demandons. Petit tour dans et autour de l'Église : A la suite d'Edward Schillebeeckx, K.H. affirme que ce ne sont pas les gens qui abandonnent l'Église mais les Églises qui ont déserté les lieux où se déroule la vie réelle des gens (p. 214). "Seule une Église disposée à rendre perceptible le sens que la tradition peut avoir pour l'homme du XXIe siècle est à même de maintenir celle-ci vivante" (p.220). En résuméJ'ai abordé la lecture de ce livre avec pas mal de réticence car le titre, pris au premier degré, me semblait proche de l'imposture. J'ai découvert, au fil des pages lues et méditées, la pensée d'un homme honnête, conscient que le Dieu vivant est de plus en plus extérieur aux églises : "Si les monastères et les lieux de retraite ont leur liste d'attente… les bancs d'église, eux, sont déserts !" (p.209) Petit bémol : l'auteur précise maintes fois que les questions sont plus importantes que les réponses. Il me semble cependant que par moments - tout particulièrement lorsque H.K. évoque la prière collective - ses réponses sont un peu courtes. Au lecteur de juger… |
Marie-Jeanne De Pauw |
(1) Manifeste d’un pasteur athée. - Ed. Labor et Fides (2011) 232pp. - Première édition en néerlandais en 2007. - K.H. se prépare à publier un livre sur Jésus. (retour) |