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1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 14:04
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 27 / 2014

"Abderrahmane, Martin, David… et si le ciel était vide. Tant de processions, tant de têtes inclinées. Tant de démagogues de temples et de synagogues. Tant de mains pressées, de prières empressées. Tant d'angélus qui résonnent… Et si en plus, y' a personne.

Abderrahmane, Martin, David… et si le ciel était vide. Il y a tant de torpeurs, de musiques antalgiques, tant d'anti- douleur dans ces jolis cantiques. Tant de compassions et tant de revolvers. Tant d'angélus qui résonnent…Et si en plus, y'a personne

Abderrahmane, Martin, David… Et si le ciel était vide. Si toutes ces balles traçantes, toutes ces armes de poing. Toutes ces femmes ignorantes, ces enfants orphelins. Si ces vies qui chavirent, ces yeux mouillés, ce n'était que le vieux plaisir de zigouiller. Et l'angélus, qui résonne. Et si en plus, y' a personne… " (Chanson d'Alain Souchon)

Prier a-t-il toujours un sens? Sujet bien délicat s'il en est, puisque la prière a occupé et occupe encore une place prépondérante dans la pratique religieuse d'une multitude de croyants de par le monde !

Depuis l'aube de l'humanité, nous avons essayé d'acquérir une certaine maîtrise sur le monde en nous conciliant, par des prières et des rites, les bonnes grâces de forces obscures que nous avons appelées dieux. Le monothéisme, en concentrant ces forces dans un seul dieu tout-puissant, n'y a pas changé grand-chose. Si ce dieu a été, pendant des siècles, la seule réponse à nos questions, aujourd'hui, on peut dire que c'est ce dieu même qui est devenu La question.

Insinuer, comme Alain Souchon, que le ciel est vide, qu'il n'y a personne, n'est pas la négation de toute transcendance, mais le constat fait par nos contemporains de l'absence évidente d'un dieu personnel bon, tout-puissant, dominant et intervenant, selon son bon plaisir, dans les affaires humaines.

Ainsi, pour les auteurs de ce numéro, qui nous livrent chacun, avec beaucoup de sincérité, leur expérience personnelle et intime de la prière dans leur vie, ce système théiste de croyances ne tient plus la route. Bien sûr, se convertir à une autre conception du divin est un chemin inconfortable qui passe inévitablement par le désert et l'exil mais qui permet de développer une spiritualité personnelle et libératrice.

L'analyse du livre de Job, que le rabbin Harold Kushner nous propose, nous montre bien à quelle impasse peut mener la conception théiste d'un dieu, à la fois bon et tout-puissant.

Job, sûr de son innocence, anéanti par les terribles souffrances infligées injustement par son dieu, n'arrête pas de lui crier sa révolte et d'exiger des justifications.

Lorsque le dieu lui parle enfin, ce n'est ni pour s'expliquer, ni pour consoler, mais pour écraser Job par un discours sur la splendeur de sa création et lui lancer la question : "De quel droit me demandes-tu des comptes ?" Job n'a plus qu'à se soumettre et se taire. En 400 av JC, il n'y avait pas d'alternative, mais aujourd'hui nous ne pouvons qu'être athées d'un tel dieu.

"Je ne te connaissais que par ouï-dire" dit Job, avant de se taire. N'est-ce pas souvent notre cas? Beaucoup de croyants persistent à croire au dieu qu'on leur a enseigné. Mais aujourd'hui, pour vous, pour moi, c'est quoi Dieu, c'est qui ? N'avons-nous pas, chacun, à l'instar de Jésus l'exilé du premier siècle, à vivre notre expérience personnelle et à découvrir au plus intime de nous-même, l'essentiel qui nous habite et qui inspire notre action ? Présence obscure qu'il appartient en définitive à chacun de nommer, tout bas, rien que pour soi.

Herman Van den Meersschaut

Published by Libre pensée chrétienne - dans Editorial