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6 janvier 2017 5 06 /01 /janvier /2017 18:37
Christiane van den MeersschautÀ propos de l'Épiphanie (Mt 2, 1-12)
Christiane van den Meersschaut

Épiphanie... Qu'est-ce que cela veut dire ? Dans le vocabulaire chrétien le mot "Épiphanie" (du grec Epiphaneia : manifestation) désigne les manifestations de Dieu aux hommes.

Au jour de I'Épiphanie, ce qui était caché, voilé, secret, se montre. Dieu se montre. Et, pour les évangélistes, Il se montre dans le monde en un temps historique donné, en la personne de Jésus-Christ.

Au jour de I'Épiphanie, Dieu est comme un enfant. Un enfant qui peut sauver le monde. En Jésus nouveau-né, nous pouvons donc voir une image de Dieu dans sa fragilité. Fragilité de l'enfant que, déjà, un puissant de ce monde guette pour le mettre à mort.

Au jour de l'Épiphanie, Dieu ne se manifeste pas comme un maître qui demande la soumission, mais comme un enfant qui nous est donné. Cet enfant, sans nous ne peut rien. Bonne Nouvelle? Nouveauté étonnante et qui ne s'épuise pas au fil du temps. Sommes-nous prêts à adopter Dieu?

La fête de l'Épiphanie a vu le jour en Orient au VIème siècle, où, dès l'origine, elle fut célébrée le 6 janvier en même temps que la fête de la Nativité. De nos jours encore, dans l'Église Arménienne, Noël est célébré le 6 janvier, Après de multiples discussions, les Églises d'Orient et d'Occident s'accordèrent pour célébrer ensemble la fête de Noël le 25 décembre, comme on le faisait déjà en Occident, la fête de l'Épiphanie restant fixée au 6 janvier. À la suite des dernières réformes de la liturgie romaine, cette fête est célébrée, dans les pays d'Occident où ce jour n'est pas chômé, le dimanche qui suit le 1 er janvier.

En Orient, l'Épiphanie est restée, pour les chrétiens, la grande célébration des "Manifestations du Seigneur" essentiellement centrée sur le baptême du Christ. Ceci d'abord parce que dans le récit du baptême, ils voient une manifestation de Dieu : Celui-ci est mon Fils bien-aimé"... (Mt 3,13ss ; Mc 1,9ss, etc.). Ensuite parce qu'ils trouvent que la célébration du baptême de Jésus tend à mettre en pleine lumière le sens spirituel de sa venue en ce monde.

En Occident, la tradition s'est davantage attachée à l'épisode des Mages, associé à la Nativité célébrée quelques jours plus tôt. La liturgie latine s'est donc employée, pour sa part, à mettre en relief le sens symbolique du récit de Matthieu : ces sages venus d'Orient, ces étrangers au peuple juif sont l'expression du caractère universel de la manifestation de Dieu.

Au jour de l'Épiphanie, le Dieu des Juifs se montre aux hommes de toutes les nations et de tous les temps. Il est comme un enfant fragile non seulement pour son peuple, mais aussi aux yeux de nous tous. Nous pouvons, si nous le voulons, l'adopter dans nos vies ou le tuer. Le message de l'Épiphanie est clair, hier comme aujourd'hui.

Mais y a-t-il des faits historiques qui éclairent la composition de ce récit théologique ?

1. À l'époque de la rédaction des évangiles, il y a d'une part de nombreux non-juifs, hommes et femmes, esclaves et hommes libres qui demandent le baptême et, d'autre part, une masse de Juifs qui se désintéressent totalement de Jésus. L'Autorité pharisienne en place allant même jusqu'à persécuter les communautés "judéo-chrétiennes".

Pour les conforter, l'évangéliste, dans ce récit, va vouloir montrer que Jésus-Christ est bien le Messie et qu'avec lui se vérifie la prophétie d'Isaïe (60, 2-6) et se réalise le Psaume 72 qui annonçait un roi idéal devant lequel "les rois les plus lointains, prosternés devant lui, présenteront leurs dons".

Pour Matthieu, Jésus vient pour tous les hommes et les prophéties de jadis sont accomplies. Désormais, ni la race, ni la nation, ni le peuple, ni la famille, ni le statut social ne pourront faire obstacle à cette nouveauté : tout homme qui le souhaite est un enfant de Dieu.

Remarquons au passage, comme nous le dit Charles PERROT que "Juifs et Judéo-chrétiens maniaient l'Écriture avec cette liberté des enfants de Dieu devant un bien de famille, sans être esclaves d'une lecture de type fondamentaliste - dont l'époque moderne nous offre, hélas, trop d'exemples". Le rédacteur juif de l'évangile de Matthieu agit de la sorte pour construire son récit théologique de façon pédagogique.

2. Les communautés Judéo-Chrétiennes sont affrontées aux croyances astrales très répandues et fortes à l'époque.

L'auteur veut souligner la suprématie du Seigneur sur "les éléments du Monde". Pour cela, il utilisera l'image des Mages alertés par "un astre à son lever". Au terme d'un voyage nocturne, allusion sans doute à la nuit spirituelle dans laquelle le monde est plongé quand il vit sans Dieu, ils viendront se prosterner devant Jésus : Celui qui sauve". L'astrologue s'incline devant lui. Comme l'encens et la myrrhe sont utilisés dans les incantations des "magi", en les déposant aux pieds de Jésus, les Mages montrent qu'ils abandonnent leurs croyances et les profits (l'or) qu'ils en tiraient. Une autre tradition nous dit que par le présent de l'or, les Mages reconnaissent Jésus comme Roi, par l'encens comme Dieu et par la myrrhe comme le Ressuscité.

Et qui sont ces Mages ?

Dans la version originale grecque, les visiteurs sont appelés "magi", mot qui désigne ceux qui s'adonnent aux arts occultes orientaux. À l'origine, les Mages formaient un clan parmi les Mèdes, clan qui finalement constitua la caste des prêtres en Perse. À l'époque de Jésus, le mot avait fini par désigner les praticiens professionnels de diverses sciences occultes, telles l'interprétation des rêves et l'astrologie. PHILON, philosophe juif contemporain, exprime une grande admiration pour les véritables "magi", mais attaque les charlatans qui pervertissent leurs pratiques. Matthieu fait écho à l'opinion positive de PHILON et présente ses Mages comme des personnages fort honorables.

C'est plus tard que s'est bâtie la légende concernant les ''Rois Mages" notamment avec les récits d'évangiles dits "apocryphes". On s'accorda d'abord à les faire venir de Perse où l'astrologie avait toujours été à l'honneur. Pour l'évangéliste, ils viennent tout simplement de "l'Orient". Pour un Judéen, "l'Orient" désigne tout ce qui est au-delà du Jourdain. Nous pouvons aussi voir ici une référence aux Écritures. L'histoire du Mage Balaam venu lui aussi d'Orient. (Nombres chap. 22 à 24).

Au Ve siècle, Origène et Saint Léon le Grand adoptèrent le nombre de trois Mages, et cela en fonction des cadeaux offerts. Ensuite, la tradition latine les transforme en Rois. La tradition de leurs noms remonte au VIe, VIIe ou VIIIe siècle selon différentes sources : Melchior (Mon Roi est Lumière), Balthasar (déformation de Balat-Shur-Usur - Baal protège la vie du roi) et Gaspard inexpliqué. Par contre, les chrétiens Syriens et Arméniens comptent une douzaine de Mages.

Au XVe siècle, on voit en eux les représentants de trois races : un Africain : Balthasar de race noire, un Asiatique : Gaspard de race jaune et un Européen : Melchior de race blanche, symbolisant ainsi l'ensemble de l'humanité.

3. Après la destruction du second temple en 70, il y a rupture entre Israël et les communautés Judéo-Chrétiennes.

Le récit exprime cette situation par l'incompréhension d'Hérode et de Jérusalem. Le premier veut tuer, la seconde s'affole. Dans ce texte, les absences sont autant signifiantes que les présences. Ici, il n'est pas question des bergers, encore moins des pharisiens, des prêtres, des scribes ou des lévites. Personne d'Israël ne se dérange pour le nouveau-né. Aucun ne se précipite pour s'émerveiller devant le Messie. Ceux qui savent tout des Écritures, des lois et de Dieu ne savent plus prendre la route car déjà ils ont enfermé Dieu dans la Cité-Sainte.

Les chercheurs de Dieu, eux, se mettent en marche et le découvrent dans un endroit inattendu. Au milieu de leurs interrogations, ils ont découvert l'étoile brillante qui se trouve au cœur de chaque homme où s'inscrit la foi.

Christiane van den Meersschaut, LPC n°95 – décembre 1999.

BIBLIOGRAPHIE
  • Théo. Nouvelle Encyclopédie catholique (DROGUET et ARDANT/FAYARD)
  • Les récits de l'enfance de Jésus (Charles PERROT/Ed. du Cerf)
  • Les grands événements de la Bible (Ed. BREPOLS)
  • La Bible vivante (John D. CLARE et Henry WANSBROUGH/Michel LAFON)
  • Dictionnaire biblique universel (L. MONLOUBOU et F.M. DU BUIT/DESCLÉE)
  • Catéchèse biblique symbolique (Claude et Jacqueline LAGARDE/LE NTURION/PRIVAT)
  • En suivant l'Étoile (Jean-Pierre MANIGNE/La Vie n° 2314)
  • L'or, l'encens et la myrrhe (Hyacinthe VULLIEZ/La Vie n° 2366)
  • L'enfant et les rois (Gérard BESSIERE/La Vie n° 2418)
Published by Libre pensée chrétienne - dans Commentaires d'évangiles Fêtes liturgiques