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24 juin 2017 6 24 /06 /juin /2017 08:00
Herman Van den MeersschautDieu parle… ou les hommes font-ils parler Dieu ?
Herman Van den Meersschaut

On nous dit que la Bible est la "Parole de Dieu".

Voici une affirmation qui, personnellement, me gène de plus en plus, particulièrement pour l’Ancien Testament. On peut, en effet, constater que, dès la Genèse, Dieu parle énormément.

Il n’arrête pas de s’exprimer et de communiquer ses volontés à Abraham, à Moïse, et autres prophètes. La formule : Dieu dit à … m’a toujours gênée et troublé comme, sans doute, beaucoup de lecteurs de la Bible.

Lorsque j’étais petit garçon et que j’écoutais les merveilleux récits de « L’Histoire Sainte » je trouvais que ces gens de l’ancien temps avaient bien de la chance de pouvoir converser ainsi avec Dieu en direct. J’étais, par contre, très inquiet à ce sujet me demandant pourquoi aujourd’hui, Dieu ne parlait plus ainsi et surtout pourquoi, moi, je ne l’entendais pas ?

Si je posais la question au professeur de religion, il me répondait que la Grâce ne m’avait, sans doute, pas encore touché, mais que les saints, eux, l’entendaient.

On nous racontait aussi l’histoire de Samuel (Samuel 3, 1 à 10) pour nous faire comprendre que Dieu parle dans notre cœur Je me souviens de nombreuses soirées où, dans le silence de ma chambre, je me mettais anxieusement à l’écoute de cette voix…sans résultat, et pourtant, Dieu sait, si je la désirais ! Frustration et sentiment de culpabilité. Qui n’a pas vécu cela ne peut le comprendre. Bien sûr, j’étais un enfant et je croyais comme un enfant. Mais à combien de croyants il n’a pas été donné de dépasser la foi de l’enfance !

Lorsqu’en 1962 j’achetai ma première Bible et que je découvris par moi-même ces récits de mon enfance, ma perplexité ne fit que croître .Comment tous ces grands personnages pouvaient-ils affirmer avec tant d’aplomb qu’ils parlaient au nom de Dieu ? Comment des hommes pouvaient –ils se dire avec certitude envoyés de Dieu ? Comment un peuple pouvait-il se prétendre élu par Dieu ? La plupart des introductions qui me tombèrent sous la main présentaient le projet de Dieu pour les hommes comme inscrit dans l’histoire : Dieu, de sa propre initiative, s’est révélé à tels hommes, en tels lieux, en telles circonstances, à tels moments de l’évolution humaine selon son plan divin.

Il m’a fallu attendre les années septante et l’enseignement du père Jean-Pierre Charlier, entre autres, pour recevoir, enfin, les clés d’une lecture intelligente de ces textes.

Je découvris alors, avec soulagement, que la Bible n’est pas Parole de Dieu mais paroles d’hommes sur Dieu. Pour moi, une fenêtre s’ouvrait toute grande, ce fut une véritable libération et, très vite, beaucoup de questions trouvèrent des réponses.

Le père J. Raedermaekers dit que "La Bible c’est l’homme qui parle de Dieu qui parle à l’homme" Ce n’est donc pas Dieu qui parle, mais l’homme qui fait parler Dieu.

Cela me semble très important de faire ce constat préalable, mais capital, lorsqu’on aborde le Livre. Des millions de croyants restent encore " coincés " devant le caractère sacré d’un texte considéré comme révélé par Dieu.

Il est donc utile et salutaire de prendre des distances par rapport à ce qu’on appelle la révélation, tout en ne sous-estimant en rien la merveilleuse inspiration de cet extraordinaire monument de notre patrimoine qu’est la Bible. Au contraire, cette distance permet de mieux apprécier la richesse de la quête spirituelle exprimée par cette foule d’auteurs qui se sont succédés tout au long des siècles.

Mais que peut-on alors entendre par révélation ? Révéler c’est dévoiler. Est-ce Dieu qui se dévoile ou l’homme qui cherche à le dévoiler ?

Pour les musulmans, c’est clair, le Coran est la Parole incréée de Dieu dictée directement à son Prophète. Cette Parole est donc immuable et définitive excluant donc toute révélation ultérieure. Comme libre penseur il m’est, évidemment, impossible d’accepter une telle affirmation, tout en ne mettant pas en doute la sincérité de ceux qui y adhèrent.

Par contre, en survolant l’évolution de l’humanité, on peut observer que depuis que les hommes émergent lentement de leur animalité ils n’ont cessé de se poser les questions fondamentales : D’où venons-nous ? , Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Ils ont vite été confrontés à des forces qu’ils ne maîtrisaient pas et ont essayé de les cerner, les identifier et de se les concilier C’est le début d’une quête sans fin de la transcendance que les hommes ont pressentie comme une présence mystérieuse autour d’eux et en eux. Cette recherche s’exprimera de façons très diverses dans les différentes cultures et aboutira à des conclusions parfois fort contrastées.

Si révélation il y a, elle ne peut surgir qu’au cœur de la réflexion des hommes sur leur vie, comme une Parole inattendue qui les éclairerait dans leur travail patient et passionné de recherche vers plus d’humanité.

Ce qui est merveilleux dans la Bible c’est que les auteurs ont transmis tout cela sous forme de récits mettant en scène l’humanité avec tout son poids de faiblesses, de contradictions, de compromissions, mais aussi de grandeur, de générosité et d’amour.

Aussi lorsque les enfants, à l’école, me demande comment comprendre : "Dieu dit à Abraham…", je leur suggère de traduire par : "Abraham pense que Dieu lui dit…" Ce qui exprime mieux, à mon sens, la réflexion du personnage qui est à l’écoute de ses voix intérieures. Réfléchir, n’est-ce pas se poser des questions face à un miroir ? Souvent mes propres réponses seront incomplètes, alors d’innombrables autres voix, nourries par tout ce qui compose ma vie, se feront entendre et viendront enrichir le débat. C’est là que peut surgir la Parole inattendue, identifiée comme présence divine par le croyant.

Dans leurs récits les auteurs bibliques expriment, à travers les actions et les dialogues de leurs personnages avec Dieu, la réflexion de leur communauté sur une question particulière comme, par exemple, le problème des sacrifices humains. C’est un ensemble foisonnant et inépuisable d’expériences humaines qu’ils livrent à notre méditation.

Comme le dit André Wénin : "Lire, c’est toujours interpréter, c’est-à-dire entrer en dialogue avec un texte. Ceci dit, il faut ajouter que si la lecture est dialogue, elle doit faire en sorte que les deux parties en dialogue puissent être vraiment elles-mêmes…. Ce n’est pas parce que la Bible est un texte que l’on dit sacré qu’il faut renoncer à ce qu’on est en face d’elle. Au contraire même: dans un dialogue, c’est faire honneur à l’autre que de lui résister et de rester soi-même en face de lui". (Actualité des mythes. Cefoc)

En tant que libre penseur chrétien je ne puis qu’abonder dans ce sens.

En ces temps troublés de "retour du religieux " où on assiste avec inquiétude à la renaissance des pires intégrismes et fondamentalismes dans toutes les religions, il s’agit de rester vigilant face aux progrès fulgurants des multinationales religieuses et des sectes qui font des révélations miraculeuses de leurs gourous leur gagne-pain quotidien. Chez eux aussi Dieu est très bavard, mais ce qu’ils Lui font dire ne conduit pas toujours les hommes à plus de sagesse et d’humanité. Que d’abominations n’a-t-on pas commises au nom de Dieu !

Encore faut-il savoir, bien sûr : "De quoi parle celui ou celle qui emploie le mot Dieu"

Herman Van den Meersschaut - Avril 2006

Published by Libre pensée chrétienne - dans Foi et croyance