Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 octobre 2017 6 07 /10 /octobre /2017 09:10
André VerheyenNous ne sommes pas des iconoclastes
André Verheyen

"L'origine et le fondement de l'iconoclasme résident dans l'hostilité envers toute forme d'art religieux, hostilité qu'une partie de l'Eglise ancienne avait héritée de la Synagogue et tirée des interdictions vétérotestamentaires des images (cf Exode, XX, 4)." (Nouvelle Histoire de l'Eglise, Tome 2, p. II O - Seuil I 968)

La citation de l'Exode est la suivante : "Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici- bas, ou dans les eaux au-dessous de la terre."

Un passage parallèle (Lévitique XIX 3) dit : "Ne vous tournez pas vers les idoles et ne vous faites pas fondre des dieux de métal. Je suis Yahvé votre Dieu."

Et le Deutéronome (IV, 15-20) fournit un commentaire qui donne clairement le sens de cette interdiction: "Prenez bien garde à vous-mêmes : puisque vous n'avez vu aucune forme, le jour où Yahvé, à l'Horeb, vous a parlé au milieu du feu, n'allez pas prévariquer et vous faire une image sculptée représentant quoi que ce soit : figure d'homme ou de femme, figure de quelqu'une des bêtes de la terre, figure de quelqu'un des oiseaux qui volent dans le ciel, figure de quelqu'un des reptiles qui rampent sur le sol, figure de quelqu'un des poissons qui vivent dans les eaux au­ dessous de la terre. Quand tu lèveras les yeux vers le ciel, quand tu verras le soleil, la lune, les étoiles et toute l'armée des cieux, ne va pas te laisser entraîner à te prosterner devant eux et à les servir. Yahvé ton Dieu les a donnés en partage à tous les peuples qui sont sous le ciel, mais vous, Yahvé vous a pris et vous a fait sortir du creuset de fer, l'Egypte, pour que vous deveniez le peuple de son héritage, comme vous l'êtes encore aujourd'hui."

"Vous n’avez vu aucune forme le jour où Yahvé, à l'Horeb, vous a parlé du milieu du feu." Mais l'auteur de l'Exode a tout de même eu besoin de l'image du feu pour signifier la présence de Dieu !

Nous ne sommes pas de purs esprits et nous avons besoin de média(tions) pour exprimer les réalités spirituelles.

Ces média(teurs) peuvent être des signes, des images, des symboles, des concepts, des mots, un langage...

Si nous utilisons ces media, c'est parce qu'ils nous aident à exprimer l'un ou l'autre aspect de la réalité en question : c'est leur utilité. Mais l'image est aussi un écran si je me braque sur le signe (le fameux proverbe chinois du doigt qui montre la lune).

La relativité des signes est bien exprimée dans le texte suivant : "Des signifiés divins (la transcendance et l'amour de Dieu) nous est offerte une connaissance fragmentaire et progressive. Nous les cherchons et découvrons à travers des signifiants: les événements bibliques; les paroles des prophètes, de Jésus, des apôtres, des frères; les célébrations sacramentelles ; la vie priante du Peuple de Dieu et ses efforts de fidélité évangélique.

Les signifiants d'hier, interprétés en fonction de ce qu'était hier, peuvent se voir réexprimés pour être des signifiants pour aujourd'hui. Mais la signification doit demeurer.

Modifiables, les signifiants le sont parce que empruntés à un monde qui change." (La Foi des Catholiques - Centurion 1984 - p. 318)

Voici donc un double problème.

D'une part, il faudra inventer les nouvelles images, les nouveaux symboles, le nouveau langage, qui peuvent être signifiants pour aujourd'hui. Nous avons la joie de constater que de nombreux théologiens, liturgistes, catéchistes, compositeurs, prédicateurs et autres s'y emploient avec une heureuse créativité.

Mais l'autre problème est plus délicat : que faire des signes, images, symboles, etc., qui étaient signifiants hier et qui ne le sont plus aujourd'hui ? C'est là que le sens culturel et la passion du témoignage évangélique peuvent entrer en conflit.

Nous ne songeons évidemment pas un seul instant à détruire le patrimoine artistique de la peinture classique. Nous ne sommes pas des iconoclastes !

Même si la représentation picturale de l'ange et de la colombe dans les "annonciations" de Fra ANGELICO peut favoriser une certaine lecture fondamentaliste de l'Ecriture, nous remercions Dieu pour le décorateur génial de San Marco à Florence.

Même si cette lecture fondamentaliste est favorisée par la matérialisation des symboles et des mythes qui est inhérente au genre pictural, nous ne pouvons que louer le Créateur pour, Michel-Ange, le décorateur génial de la Chapelle Sixtine.

Même si les termes du Credo de Nicée-Constantinople sont particulièrement liés à une philosophie qui n'est plus la nôtre aujourd'hui, nous ne songeons messes de Bach, Mozart, Beethoven et autres génies musicaux.

Ceci étant dit, nous ne pouvons pas taire notre souffrance devant l'ambigüité du langage qui est toujours en usage dans nos églises. Cette souffrance est particulièrement vive dans les célébrations qui devraient être des temps forts de la vie chrétienne: Première Communion, Profession de Foi, Confirmation...

Lorsque nous avons la chance d'avoir des églises bondées... de pouvoir nous adresser à une majorité de parents et amis qui ne fréquentent habituellement pas nos assemblées... mais que les orateurs oublient que cette foule n'a pas de formation à l'exégèse scripturaire (Hélas, ils n'en ont souvent pas eux-mêmes !) ...

Quelle souffrance alors d'entendre un langage traditionnel, historicisant toujours les signes, les symboles et les mythes et confirmant le caractère d'une religion qui s'adresse aux enfants et que l'on abandonnera massivement lorsqu'on deviendra adulte!

Il est urgent d'apprendre à nos responsables de communautés et à tous les intervenants dans le témoignage évangélique à décoder les signifiants d’hier et de les retraduire en signifiants d’aujourd’hui.

« Etant donné que le pire n’est pas toujours évitables » comme le disait le père Valadier, nous pouvons espérer que nos Eglises ne perdront pas, encore, cette bataille-là.

André Verheyen - LPC juillet 1995

commentaires