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31 mars 2018 6 31 /03 /mars /2018 08:00
André VerheyenFaut-il réécrire l’Evangile ?
André Verheyen

Aussi étonnant que cela paraisse, c'est la conclusion à laquelle certains de nos amis arrivent lorsqu'ils se trouvent dans l'embarras devant des passages d'interprétation difficile, comme le sont souvent les récits de miracles ou d'apparitions du Christ ressuscité.

Et nous avons souvent entendu la question: mais pourquoi lit-on encore aujourd'hui ces textes qui conduisent sur de fausses pistes ?

Une question plus pertinente, qu’on nous pose souvent, est la suivante: pourquoi y a-t-il encore tant de prêtres qui parlent dans leurs homélies comme si les choses s'étaient historiquement et matériellement passées comme dans les récits évangéliques ?

On peut d'ailleurs en dire autant pour les cours de religion.

Voici une anecdote, un fait vécu parmi d'autres. Il y a quelques mois, une fille de 13 ans revient du lycée et me dit: "Le professeur de religion a dit que Jésus a marché sur l'eau. Mais moi, je ne crois pas ça!" Je lui demande: "Et elle n'a pas expliqué ce que ça veut dire? Elle n’a pas dit que c’est une image symbolique?"

Elle me répond : "Non. Elle a dit que c'est un miracle".

Il est clair que nous regrettons cette situation où on continue de donner des interprétations littérales ou "historicisantes" de passages d'évangile qui ont un genre littéraire particulier.

Il me semble qu'il y a deux raisons principales à cette situation: ou bien les personnes qui doivent donner le commentaire n'ont pas la formation nécessaire dans le domaine de l'exégèse ou du genre littéraire évangélique, ou bien ce sont des personnes qui optent consciemment pour des positions traditionnelles et pour cette lecture historicisante ou fondamentaliste.

Alors? Réécrire l'évangile? Non. Mais en donner un commentaire et des explications valables, certainement.

Nous n’allons pas repeindre les beaux tableaux des "Primitifs Flamands" sous prétexte que les scènes bibliques qu'ils représentent ne se sont pas passées en Flandre à l'époque post-médié­vale. Il suffira d'en donner un commentaire adéquat!

Dans cette optique, signalons l'excellent ouvrage "Pour lire LE NOUVEAU TESTAMENT" qu'Etienne CHARPENTIER publiait en 1981 aux éditions du Cerf. On y trouve des pages très éclairantes sur "Le genre littéraire 'évangile'" (pp. 18-19) et sur "Les genres littéraires dans les évangiles" (pp. 20-21).

J'évoquais ci-dessus deux possibilités: soit le manque de formation exégétique, soit l'option traditionaliste. Il faudrait y ajouter une troisième qu'on appelle, en politique, la langue de bois : on ne peut pas désavouer les prises de position officielles. Et donc, on fera les contorsions discursives les plus savantes pour prouver que, malgré tout, on ne s'est pas trompé et qu’il ne faut pas changer le discours.

On comprend que cette tentation touche fortement ceux qui pensent devoir défendre à tout prix des formules dogmatiques de nos Ecritures, de nos Crédos ou de nos Conciles.

Le cas le plus significatif, à l'heure actuelle, me semble être le foisonnement de littérature philosophico-théologique autour de la "chair" et du "corps" en relation avec l'idée de "résurrection de la chair ou du corps".

Ce problème n’est pas réservé aux spécialistes; il touche le peuple chrétien.

On a pu en voir encore récemment un exemple dans le courrier des lecteurs de l'hebdomadaire "Dimanche" (numéro 23 du 4 juin 2000). Un lecteur écrit: "Dans la brochure de Noël du Cardinal Danneels, ‘Passeport pour un nouveau millénaire’, je ne comprends pas bien le dernier paragraphe de la page 34 : "Il est d’ailleurs particulièrement important de dire à nos contemporains que la résurrection promise concerne d'abord notre corps".

On ne peut évidemment pas s'attendre à ce que "Dimanche" réponde: "Vous avez raison, Monsieur. Le Cardinal s'est mal exprimé. La Vie Nouvelle qui est visée par le terme traditionnel de "résurrection" est une réalité spirituelle." !

Mais il est regrettable qu'on entretienne le flou artistique par des considérations comme: "Notre corps dépasse le biologique. Il est matière pétrie d'esprit. Il a déjà quelque chose de spirituel. Ainsi un sourire est plus qu'une grimace physique. Il est l'expression de notre être profond, de notre vécu spirituel. Entre le corps et l'âme, il y a une relation profonde. Que serait une joie qui ne pourrait se dire dans un sourire? Mais que serait également une caresse qui ne ferait pas chaud au cœur ?.....

"Le corps est appelé à être transfiguré, transformé et non abandonné, échangé. Nous serons les mêmes, mais différemment.....! Et la cerise sur le gâteau: "C'est ce que nous voyons déjà réalisé en Jésus-Christ ressuscité. Telle est notre espérance. A Dieu, rien n'est impossible."

Manifestement, on n'a toujours pas tiré les leçons des affaires Galilée et Darwin!

Comme si notre foi chrétienne nous permettait d'en savoir plus sur le corps et l'esprit que les scientifiques et les philosophes...

C’ est dommage que je ne connaisse pas le lecteur qui a posé la question dans "Dimanche".

J’ aimerais tellement lui répondre: "Monsieur, tenez-vous-en à ce qu’a dit le premier Pape:

"Selon la chair il a été mis à mort; selon l’esprit il a été rendu à la vie" (première lettre de St Pierre III,18)"

André Verheyen - LPC - 2000

Published by Libre pensée chrétienne - dans Commentaires d'évangiles Jésus Lecture symbolique biblique