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17 juillet 2021 6 17 /07 /juillet /2021 08:00

 

bateau lpc La philosophie … et l’inspiration alors ?
Extrait du livre « Un chemin vers la lumière »
Roger Bocage(1)

Rien n'est plus indispensable en ce domaine que de commencer par définir de quoi l'on veut parler. Si l'on s'en tenait aux habitudes des conversations courantes, non de cabaret mais pas beaucoup plus haut, l'on dirait que le philosophe est un homme qui aime la sagesse. Cela correspond effectivement à ce que suggère l'étymologie.

Si l'on s'en réfère aux dictionnaires l'on découvrira que la philosophie est basée sur la raison et la logique. Les cours de logique sont l'essence même de l'enseignement dit philosophique. C'est une méthode qui ne permet pas d'obtenir de solutions, ni de dévoiler l'inconnu, par définition. Cela indique bien les limites de l'intelligence humaine.

Alors, à quoi cela sert-il d'inventer des théories s'il n'y a jamais de preuve expérimentale de ces élucubrations. Il y a des tonnes de théories, écrites par des hommes célèbres qui eux aussi figurent dans les pages des dictionnaires qui heureusement n'ont été épluchés que par peu de personnes.

Nous fonctionnons ainsi, nous humains, de la classe universelle. Nous laissons divaguer nos élites pensantes dont nous absorbons les idées par personnes interposées sans jamais remettre en cause leurs « vérités » et leurs dogmes. Nos anthologies en sont remplies.

Ceci ne remet pas en question qu'il soit bon d'activer nos méninges depuis le plus jeune âge et le plus longtemps possible. Les cours de « philosophie» sont certainement un entraînement de la plus haute importance pour développer la puissance intellectuelle des personnes. De là à en obtenir un moyen d'acquérir la sagesse, j'en reste sceptique. La guerre que se déclarent les philosophes « de profession » m'en donne la preuve expérimentale.

Le chemin du cœur reste la solution généralement non explorée. Il existe ce chemin dans tous nos continents, sans dogmes ni servitudes. Ici, chez nous, si vous souhaitez accéder à la sagesse, vous devez fuir ces dogmes et ces servitudes. Les uns et les autres sont visibles et aisés à éviter.

La philosophie fait partie de la linguistique. Dès que l'on parle, on philosophe: « Pourquoi, maman ? Pourquoi, papa ? »

La linguistique, elle, cherche la logique à son secours et la logique embarque les mathématiques dans ses espérances. Le maître Wittgenstein a bien expliqué cela dans son célèbre « tractatus logico-philosophicus ». Il ridiculise la philosophie traditionnelle car elle serait née de l'ignorance des principes du symbolisme et du mauvais usage du langage.

Heureusement, je ne suis pas un philosophe au sens universitaire du terme! Seule la redécouverte de la sagesse m'intéresse, ce que le raisonnement philosophique ne m'apportera pas. Chaque phrase que j'écris est indépendante de celle qui précède et de celle qui suit! Par définition, le philosophe est celui qui poursuit un raisonnement à partir d'hypothèses et tout son travail devrait rester logique.

Cela ne correspond guère à l'opinion générale qui voudrait faire d'un philosophe l'équivalent d'un sage.

Et l'inspiration alors ?

« Je ne suis pas responsable de ce que j'ai créé » a dit Georges Bernanos.

Personne ne sait vraiment quelle est la source de ses pensées, notamment quand il s'agit de création artistique, de littérature, de sculpture, de peinture. Une majorité de personnes croient que nous en sommes les seuls fabricants.

Un peintre m'a dit que sa main était devenue indépendante de son cerveau et qu'il ne maîtrisait plus son art, comme si une transe s'était emparée de sa volonté et l'amenait à dépasser ce que la technique lui avait douloureusement appris.

Paul Valéry disait : « Toute personne est moindre que ce qu'elle a fait de plus beau. » Si nous prenons Victor Hugo en exemple, il me paraît inimaginable que son œuvre ait pu éclore de sa seule pensée. Une telle richesse, un tel foisonnement, une telle générosité sans limite !

Proust est du même avis : « Un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. »

S'il nous arrive de côtoyer Céline, notre étonnement sera plus grand encore devant un tel génie à l'état pur qui ne faisait que radoter en public.

Proust estimait que dans le processus créateur l'intelligence ne joue qu'un rôle secondaire.

Ce qui importe surtout, c'est « l'inspiration », « l'état de grâce », la communication directe avec les sources profondes de la mémoire et de l'inconscient (Simon Leys).

Notre personnalité profonde est fort étrange car à moins de puiser de temps à autre dans ses profondeurs, nous ne saurions produire une œuvre de qualité (E. Forster).

Je ressens toutes ces affirmations comme si je les avais prononcées. Elles résonnent en moi chaque fois que j'ai terminé un essai. Qu'aurais-je écrit si je n'avais pas reçu de temps à autre un sacré coup de pouce que je crois surnaturel. Le processus se déroule toujours de la même manière. D'abord un besoin subit d'aborder et de détailler un sujet sur lequel j'ai quelques à priori. Très rapidement, le texte se déroule autrement que prévu et j'en arrive à dire: je ne me reconnais pas dans cet écrit et je m'exclame comme Bernanos: « j'aime ce livre comme s'il n'était pas de moi ».

Ma réflexion sur la source de nos pensées ne s'arrête pas là. Dans nos pensées de tous les jours, pas nécessairement exprimées, car le filtre de la politesse est passé par là, il y a un processus identique quoique à deux facettes.

L'une des facettes est créatrice comme dit plus haut et l'autre facette est automatique, préenregistrée dans notre mémoire. Il est facile de reconnaître cette deuxième manifestation car elle démarre comme un disque qu'il devient difficile d'interrompre. Dans les deux cas on peut se demander qui en est le fabricant et où réside notre mérite?

Tout ceci devrait nous amener à beaucoup d'humilité et de reconnaissance pour les grâces qui nous ont été accordées. Nous voilà loin de la vanité qui enfle certains auteurs!

Roger Bocage

(1) Roger Bocage est né 1929 à Bruxelles. Après de études universitaires à Solvay (ULB), il fait carrière dans la grande distribution. Son attrait pour l’humanisme l’a poussé à étudier les grands écrivains spiritualistes actuels et à se pencher sur les questions essentielles de l’homme (retour)
Published by Libre pensée chrétienne