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19 mai 2010 3 19 /05 /mai /2010 10:43

La Pentecôte, du grec "pentècostè (hèméra)": cinquantième (jour) nous indique que la fête célébrée ce jour-là a bien lieu cinquante jours après la Pâque.

 

Pour nos ancêtres dans la foi, le sens de cette fête a évolué d’après leur histoire, avant que les chrétiens à leur tour, après l’événement pascal, lui donnent un sens nouveau.

 

Originellement, dans l’ancien Israël, c’était la "Fête de la Moisson"( Ex 23,16 ;34,22), jour de joie et d’action de grâce (Nb28,26 ;Lv23,16ss).  On y offre les prémices de ce que la terre a produit, et cela, sept semaines après la Pâque et l’offrande de la première gerbe (Lv23,15).  D’où, l’origine du nom de la fête juive "Chavouoth », qui veut dire semaine.  Symboliquement, les sept semaines évoquent une plénitude, un renouvellement complet.

 

Plus tard, la fête évolue.  En effet, on se rappelle que c’est une cinquantaine de jours après la sortie d’Egypte (célébrée par la Pâque) que les ancêtres avaient écouté Moïse proclamer les dix paroles dont il venait de recevoir la révélation.  C’est alors que le peuple réuni au pied du mont Sinaï avait conclu l’Alliance avec Yahweh.  La fête de Chavouoth devint naturellement l’anniversaire du "Don de la Torah".

 

L’association de la "fête de la Moisson" et du "don de la Torah" semble remonter au IIe siècle  avant Jésus-Christ d’après le livre des Jubilés, un écrit de cette époque.  Ce sens se généralise au début de notre ère, d’après les écrits rabbiniques et les manuscrits de Qumrân.

 

Albert Guigui, Rabbin de Bruxelles, nous dit qu’aujourd’hui encore, à la fête de Chavouoth :

"…les Juifs commémorent le jour de la révélation du Sinaï, par l’étude des rites, par la lecture des livres bibliques et par les actes : une infinie responsabilité dans chacune de leurs actions︠".

 

Une vieille légende disait que, le jour du don de la Loi que Dieu fit à Moïse, sur le mont Sinaï, l’Esprit de Dieu était descendu sur septante familles hébraïques sous la forme de feu.  Or, les Juifs, pensant qu’il n’y avait que septante nations dans le monde, y voient le signe que leur Loi devait s’étendre comme un feu aux autres nations du monde.

 

Est-ce cette idée de révélation spirituelle destinée à toute l’humanité qui incite Luc à ajouter un troisième sens au "cinquantième jour" du calendrier juif ?  Pour lui, cette fête doit nous rappeler le don de l’Esprit promis et la naissance de l’Eglise universelle.

 

Si Jean lie en un seul événement la Résurrection, l’Ascension et le don de l’Esprit, nous pouvons remarquer par ailleurs que ni Paul, ni Marc, ni Matthieu ne connaissent l’existence d’une Pentecôte chrétienne.  Luc lui-même n’en parle pas dans son évangile, mais nous donnera dans un récit tardif : les Actes des Apôtres, le récit de la"Pentecôte chrétienne".  Son texte de l’effusion de l’Esprit est émaillé d’images bibliques et symboliques traditionnellement associées à une manifestation divine.

 

Hans Kung nous fait remarquer : " Il est aujourd’hui difficile de dégager les éléments historiques cachés derrière son récit.  Lors de la première Pentecôte, après la mort de Jésus, de nombreux pèlerins sont sans doute venus à Jérusalem.  Il est parfaitement possible que la première assemblée des adeptes de Jésus, revenus en majorité de Galilée à Jérusalem, se soit tenue à cette occasion et qu’elle se soit constituée en communauté eschatologique dans un enthousiasme charismatique favorisé par l’atmosphère ambiante.  Il se pourrait que Luc ait rattaché à la Première Pentecôte une tradition relative à la première manisfestation d’une extase collective inspirée qui aurait eu lieu à Jérusalem".

 

Les premiers chrétiens ne célèbrent pas une Pentecôte chrétienne, mais c’est en grande allégresse qu’ils fêtent Pâques pendant 49 jours.  Saint Athanase ( 295-373), Père de l’Eglise, appelait cette période "le grand dimanche".  En effet, au IIIe siècle, quand on parle de Pentecôte dans l’Eglise, c’est pour désigner la durée de ces 49 jours et non la fête du

"cinquantième jour".  Au cours de la liturgie, on ne priait que debout et non à genoux, on ne jeûnait pas et on chantait l’Alléluia à profusion.  Au IVe siècle, on se met à célébrer le

"cinquantième jour", mais…c’est pour y fêter l’Ascension !

 

L’unique mention d’une Pentecôte chrétienne dans les Actes de Luc, s’est cependant très fortement imposée à la conscience de l’Eglise, puisqu’à partir du Ve siècle, on a commencé à célébrer le cinquantième jour après Pâques, lors d’une fête bien distincte.  Dès lors, une nouvelle conception historicisante de la fête est apparue à l’encontre de la période de cinquante jours de joie pendant laquelle on célébrait ensemble comme un même événement : la Résurrection, l’Ascension et l’envoi de l’Esprit.  De nos jours, dans la liturgie, c’est en éteignant le cierge pascal au soir de la Pentecôte que l’on veut signifier que le temps pascal est clos.

 

Si Luc mentionne le"parler en langues" ou "glossolalie" c’est que cela arrivait fréquemment  dans les premières communautés chrétiennes fondées par Paul, et cette attitude remontait bien avant la date présumée de la composition des Actes.  Toutefois, ce phénomène n’impliquait pas la capacité de parler en langues étrangères, il consistait à émettre des "sons extatiques, inintelligibles, incompréhensibles pour les autres" et qui allaient parfois jusqu’à suggérer la démence.  Luc semble d’ailleurs y faire allusion lorsqu’il note que, parmi les spectateurs, certains  pensaient que les Apôtres étaient ivres (Act2,13).  Quand aux références ultérieures à la glossolalie (Act10,46 ;19,6), elles ne font pas allusion  à des langues étrangères.

 

Ce récit de Luc a engendré, au fil des ans, de nouvelles communautés qui vont "parler en langues".  C’est au début du XXe siècle qu’est né le "Pentecôtisme" dans les milieux protestants américains.  "Parler en langues" est pour eux une manière de rendre le culte. Ce mouvement n’a pas été accueilli par les Eglises et a continué à vivre hors d’elles.  Il est considéré comme une secte.

 

Un Néo-Pentecôtisme a vu le jour vers 1950 dans les milieux protestants américains et a pris une orientation largement œcuménique.  Il s’est développé en particulier, dans les milieux catholiques américains d’abord, puis européens pour arriver en France en 1971.  Ce courant spirituel nomme les adhérents : "charismatiques" (du mot grec signifiant : don) car ils utilisent les dons de l’Esprit.  Ils pensent que l’Esprit ne cesse de distribuer ses dons selon sa volonté et accorde des dons différents à chacun.  Ils sont persuadés que par la prière ils peuvent provoquer l’effusion de l’Esprit dans le groupe et ils affirment que l’Esprit authentifie leurs paroles et leurs actes d’évangélisation par des signes visibles : guérison, parler en langues, interpréter le "parler en langues", prophétiser, avoir le discernement des esprits, libérer des esprits mauvais, faire des miracles.

 

Ce mouvement est encouragé par Paul VI dès 1975 et plus tard par Jean-Paul II.  Il se vit le plus souvent en groupes de prière se réunissant une fois par semaine sous la conduite d’un responsable appelé "Berger".  Chaque groupe a sa physionomie propre marquée par son histoire et par des signes perçus comme venant de Dieu.  Ils croient en l’immédiateté de Dieu dans leur vie et lisent généralement les textes bibliques de façon littérale et historicisante.  Si nous sommes souvent admiratifs devant leur générosité et leur attention aux souffrants, nous regrettons par ailleurs la faiblesse de leur sens critique dans leur approche théologique.

 

La Pentecôte 1991 a vu naître notre mouvement "Libre Pensée Chrétienne"  Et comme on le voit, l’Esprit, en tout temps, souffle où Il veut.  De la sorte, les Actes qui traitent de la croissance du peuple de Dieu et qui soulignent le rôle essentiel de l’Esprit dans nos vies est bien d’actualité et parole de Dieu pour nous aujourd’hui.

 

Christiane Van den Meersschaut-Janssens

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