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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 11:51
Église et démocratie.
Christian Bassine
LPC n° 7 / 2009

On entend parfois dire que l'Eglise n'est pas une démocratie et qu'étant "d'ordre surnaturel" elle n'a pas à calquer ses attitudes sur les démocraties occidentales. Que faut-il en penser ?

L'histoire nous amène à constater que l'autorité effectivement détenue par un gouvernant, un prince ou un responsable de quelque institution ne repose pas fondamentalement sur la crainte qu'il inspire ou sur un pouvoir coutumier, légal, constitutionnel ou statutaire, mais bien par le crédit, on dirait aujourd'hui par le "leadership" dont bénéficie le dirigeant. Par leadership il ne faut pas entendre seulement l'aptitude charismatique à commander, diriger ou organiser : il faut avant tout inspirer confiance. Car c'est cela "avoir du crédit" : c'est être cru ! Il est nécessaire d'apporter aux dirigés des solutions aux problèmes et difficultés qu'ils vivent, et donc être ainsi effectivement "crédible".

Donner foi aux actes, et pas seulement aux paroles des dirigeants, telle est la question de confiance posée à tout homme ou toute femme politique ou public. Le discrédit - le mot n'est pas innocent - s'installe quand la confiance est ébranlée : les politiques en savent quelque chose depuis quelques années, mais aussi les financiers, les magistrats et les dirigeants des grandes entreprises qui ont depuis peu rejoint le rang des suspects.

Qu'en est-il des hommes (il n'y a pas de femmes !) d'Eglise ? Pourquoi ce discrédit ? Pourquoi cette perte visible d'autorité ?

En fait, l'Eglise a cessé d'inspirer confiance quand elle n'a plus apporté aux hommes des raisons d'espérer en son intercession, quand elle a usé d'un langage ésotérique inaccessible aux fidèles, fondant l'expression de sa doctrine sur une théologie figée refusant de prendre en compte les acquis de la science, en masquant la simplicité du message évangélique et de la vie de Jésus sous des dogmes, en traitant les fidèles comme des sujets ignorants des réalités modernes et en se prétendant la seule capable de détenir la vérité, au nom d'une autorité prétendument divine.

Il incombe aujourd'hui à l'Eglise de découvrir une dimension nouvelle de l'autorité, d'en redécouvrir toute l'étendue. L'autorité légitime est, à l'origine, un appel au citoyen, à la personne au nom du bien commun - de la cité, de l'entreprise, de la communauté, de l'Eglise - appel qui, étant entendu et compris, se transforme en "adhésion" libre de l'appelé au bien défini et compris comme commun. Ce double mouvement d'appel et d'adhésion entraînant l'existence, l'émergence effective de l'autorité et assurant la stabilité du régime et des institutions. On peut dire, en d'autres mots, qu'il n'y a pas d'autorité stable, vraie et effective sans consensus bilatéral, sans alliance des gouvernants et des gouvernés. Seul dans son palais, le Roi n'est qu'un symbole inopérant, et le Pape, seul, à Rome, peut-il être plus qu'un symbole ?

Invoquer l'autorité "divine" pour asseoir celle de l'Eglise est devenu impossible, l'institution visible ayant épousé des siècles durant et sans restrictions les modèles politiques en vigueur, elle ne peut se prétendre surnaturelle pour le motif qu'elle porte au monde et relaie un message spirituel. L'appel que l'Eglise adresse aux fidèles au nom des valeurs de l'évangile doit être "confirmé" par l'adhésion du peuple chrétien, et c'est à ce moment seulement que naît la confiance, la foi des personnes envers l'Eglise et sa hiérarchie. Si on s'en rapporte à la vie de Jésus lui-même, en a-t-il été autrement lorsqu'il parlait aux foules qui l'entouraient ? Aurait-il été crucifié s'il n'avait gêné le pouvoir en place par l'autorité de fait qu'il manifestait ? Quel serait aujourd'hui le "crédit" du christianisme si des disciples et des fidèles nombreux n'avaient suivi Jésus à travers la Palestine ? Si ensuite, des apôtres n'avaient consenti à lui demeurer fidèles durablement et malgré tout, malgré la mort quelquefois ?

L'autorité religieuse, comme toute autre, doit impérativement recevoir la confirmation populaire pour arriver au jour et pour jouer le rôle qui lui est dévolu, à savoir inspirer confiance et grâce à cela être entendue. Si l'Eglise a souvent souligné qu'elle n'est pas une démocratie, elle a néanmoins besoin d'un consensus de type démocratique qui ne peut exister qu'en vertu de ce mouvement réciproque de confiance et d'alliance entre elle et ses fidèles.

D'ailleurs, la Bible même, en sa Genèse, ne fait-elle pas commencer l'histoire du peuple d'Israël par l'acte d'Alliance que Dieu fit avec son peuple: "Je serai ton Dieu, tu seras mon peuple" ?

Christian Bassine

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