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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 20:38
Le chemin de Damas.
Christian Bassine
LPC n° 18 / 2012

Paul aurait eu une révélation sur le chemin de Damas. Qu'est-ce qu'une révélation, au sens "commun" du terme et non au sens théologique ou religieux qui échappe aux non-spécialistes que sont la plupart des chrétiens ?

Je voudrais pour ma part procéder par une comparaison, très humaine, non pour amoindrir en quelque manière la portée d'une révélation, mais pour en mesurer toute la dimension, voire même le mystère :

Un jeune homme et une jeune fille se rencontrent, se parlent, s'écoutent, se revoient, cessent momentanément de se voir, vont chacun leur vie. Un jour, un soir, un matin, un petit déclic dans un des cœurs se manifeste. Oh ! peu de chose. On y pense beaucoup, on oublie, on essaye d'oublier, mais le souvenir persiste. Et l'autre, sans déclic, peu à peu se rend compte qu'il se passe quelque chose, confusément. Bref, un beau jour, c'est l'embrasement de l'un, de l'autre, ou des deux cœurs. Cela peut prendre du temps (ce fut mon cas) et puis finalement, d'un côté ou de l'autre, voire des deux, le coup de foudre : comme Paul tiens ! N'est-ce pas une révélation, ce moment inoubliable, indescriptible ? Si on n'est pas terrassé par l'amour, on est bouleversé, radicalement changé : l'autre devient plus sacré que soi-même.

Je ne puis croire que Dieu se révèle à l'homme sans que celui-ci consente et recherche cette relation dans un échange libre et conscient. Évitons de cultiver le merveilleux des initiatives "divines" qui trompent l'homme et le méprisent au point de ne lui accorder aucun crédit en magnifiant ce Dieu omnipotent, souverain juge et maître qui daigne se pencher sur l'éternelle misère humaine !

Une révélation, n'est-ce pas le phénomène des yeux qui s'ouvrent à une réalité non perçue auparavant et, singulièrement, le retournement radical dans l'échange entre personnes, sans l'écrasement de l'une ou de l'autre, dans la particularité d'une relation privilégiée par quelque chose de plus que le quotidien, que le banal ? Non, il n'y a pas de terreur, de tyrannie, de volonté dominante dans la révélation ; il n'y a que de l'amour, de l'amitié, de l'échange, du partage.

Aujourd'hui, nous n'avons pas à être des Paul terrassés par la lumière de la révélation car nous pouvons, par notre vie, notre recherche, notre ouverture, notre accueil, découvrir peu à peu la personne de Jésus et y découvrir ce qu'elle peut avoir à nous dire. D'ailleurs, n'êtes-vous pas persuadés, comme moi, qu'avant Damas Paul a beaucoup cherché, réfléchi, écouté, entendu ? Sa persécution des premiers chrétiens n'est-elle pas l'indice d'une angoisse devant la foi nouvelle et vivante de juifs "convertis" qui mettaient en péril la pérennité du judaïsme traditionnel ? Aurait-il été si virulent s'il avait été un tiède que les questions religieuses laissaient indifférent ? N'était-il pas en recherche persévérante d'authenticité religieuse pour en arriver à une telle extrémité ?

Je pense que nous n'avons pas à attendre ou espérer pour nous un chemin de Damas, et que Pierre, Paul ou tout autre n'ont pas eu plus de chance que nous en avons. Bien sûr, toute la question est de savoir dans quelle mesure nous sommes sensibles à l'amour, à la relation vraie et enrichissante, comme ces amoureux que nous évoquions ci-dessus. Il faut encore croire aux réalités de la relation pure de tout intérêt, à l'amitié et à l'amour, aux découvertes que les échanges engendrent quand on est fidèle à soi-même et aux autres. Il faut encore être capable de s'émerveiller des beautés naturelles et spirituelles de ce monde.

Christian Bassine

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