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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 19:12
André Verheyen Le mot d'André…
André Verheyen
LPC n° 10 / 2010

…il y a de plus en plus de catholiques qui n'attendent plus l'autorisation de leur hiérarchie pour exprimer publiquement ce qu'ils pensent être fidèle au projet évangélique de Jésus.

C'est avec la même sérénité que nous poursuivons depuis la Pentecôte 1991 notre travail de libre pensée chrétienne. D'éminents théologiens nous éclairent sur le chemin de notre recherche et un des aspects les plus importants de notre entreprise est de mettre leur travail à la portée de ceux et celles qui n'y ont pas accès, pour différentes raisons.

Ainsi, par exemple, des personnes qui fréquentent des musulmans dans la vie quotidienne se trouvent souvent confrontées à la question du monothéisme. En effet, comment pouvons-nous espérer convaincre ces musulmans - et c'est la même chose pour les juifs – que nous sommes monothéistes si nous continuons à exprimer notre foi dans le langage de la dogmatique trinitaire de Nicée-Constantinople ?

…Plus que les musulmans et les juifs, ce sont sans doute les agnostiques et les incroyants qui nous incitent à cet effort d'actualisation du message chrétien dans notre culture contemporaine. Car toutes les religions sont confrontées au même problème : leurs "fondamentalistes" pensent que, pour être fidèles au message de leur foi, il faut aussi l'exprimer dans les formes ou dans le langage de leurs sources de référence. Autrement dit, ils étendent le caractère sacré de l'expérience mystique de leurs "fondateurs" à ces prophètes ou visionnaires eux-mêmes et à leurs paroles et gestes. On retrouve ce phénomène de "sacralisation" vis-à-vis des Saintes Ecritures, de la Sainte Tradition, et même de l'institution confessionnelle à laquelle on appartient. Dans le cas de l'Eglise – non seulement catholique – c'est particulièrement remarquable : notre Mère la Sainte Eglise, Sa Sainteté le Pape, etc…

Finalement, un aspect majeur de l'échec fréquent du dialogue croyants/incroyants réside dans le déplacement des notions de sacré ou de transcendance.

Souvent les religions ont dénié à l'humanité son caractère sacré si elle ne passait pas par les modalités confessionnelles qu'elles avaient absolutisées. Souvent, encore aujourd'hui, le discours religieux limite le champ de la transcendance aux expériences mystiques du passé qu'il idéalise et sur lesquelles il fonde son autorité.

Voici à ce sujet quelques lignes de Gabriel Ringlet (1) : « Il faut… que des chrétiens et des laïques, des croyants, des agnostiques, des athées, osent interroger ensemble le "sacré" qui les réunit, la "transfiguration" qui les dépasse, la "transcendance" qui les habite. J'ai dit d'entrée de jeu la difficulté d'utiliser ces mots, mais vous en devinez le sens, même en balbutiant. Comment, en d'autres termes, approcher, chacun à sa manière, chacun selon sa foi, et même pour des motifs différents, l'intériorité de l'homme ?
…. Je suis convaincu que, les uns comme les autres, nous avons avantage à nous rencontrer dans une quête que j'ose appeler spirituelle et qui, loin d'exclure la démarche scientifique et les lumières de la raison, les appelle en renfort. Serait-ce la "spiritualité manquante" ou "authentique" dont parle Luc Ferry (2) Pour le chrétien, l'enjeu porte évidemment sur la possibilité de concilier "libre examen" et "révélation", car il n'y a pas de demi-libre examen ! Pour le laïque, ce peut être une révolution de "réconcilier enfin humanisme et spiritualité, souci de la liberté de conscience et sentiment de la transcendance des valeurs les plus profondes". Comme Ferry, je choisis de me tenir à ce point de croisement…
»

Il est clair que nous sommes ici au coeur de la démarche de "libre pensée chrétienne".

Il a été possible autrefois de penser que les facultés humaines de discernement – souvent limitées dans les termes "l'intelligence" ou "la raison" - devaient s'effacer devant cette faculté dite "surnaturelle" qu'est la foi, chaque fois qu'il s'agissait d'aborder les domaines du mystère ou de la transcendance.

La revendication qui s'exprime de nos jours est en quelque sorte celle de l'abolition des frontières entre des domaines que des hommes ont décrétés sacrés ou profanes, naturels ou surnaturels…

Le côté positif de cette revendication est de sortir de ce que Bernard Feillet appelait « les certitudes simplifiantes du discours », d'oser remettre en question ce que Marcel Légaut appelait « les présupposés philosophiques sur lesquels est construite » la doctrine de nos institutions religieuses.

André Verheyen

Pourquoi "Libre pensée chrétienne" ?

(1) Gabriel Ringlet - L'Evangile d'un libre penseur - Albin Michel 1998. (retour)
(2) Luc Ferry - L'Homme-Dieu ou le sens de la vie. - Paris Grasset 1996. (retour)

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