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1 avril 2012 7 01 /04 /avril /2012 16:42
bateau lpc Mt 2, 13-23. - La fuite en Egypte, le massacre des enfants, le retour d'Egypte.
Rapporteur : Christiane Van den Meersschaut
LPC n° 17 / 2012

Nous prenons connaissance d'un tableau montrant les parallèles entre le Joseph du premier testament et celui de l'évangile de Matthieu et entre Moïse et Jésus. Nous nous rappelons que Matthieu s'appuie entièrement sur le premier testament pour convaincre son auditoire que Jésus est le nouveau Moïse. Comme lui, il sera sauvé d'un massacre, il quittera l'Égypte pour entrer en Terre promise et sera appelé "Mon fils". Nous trouvons dans cet épisode écrit tardivement un générique de la mission de Jésus, les évangiles de l'enfance étant des compositions théologiques.

Chacun alors partage avec les autres ce qu'il ressent aujourd'hui à la lecture de ces textes :

  • Je ne peux accepter dans ce texte que Dieu tout-puissant sauve le fils de Joseph des griffes du tyran Hérode et laisse celui-ci massacrer des innocents. J'essaye de comprendre ce que Matthieu veut nous dire. Le monde violent, injuste et cruel du temps de Jésus est assez conforme au nôtre. Des gens innocents ne sont pas épargnés par la rudesse de la vie. C'est donc dans un monde où la veuve et l'orphelin ne sont pas protégés que Matthieu entreprend de nous brosser cette histoire. Ce même "pourquoi" se pose toutes les fois que, dans une catastrophe, certains ont la vie sauve et d'autres la perdent. Dieu est-il à ce point cruel ? Joseph, à trois fois, fut tourmenté par la situation à laquelle il devait faire face. N'avons-nous pas aussi dans notre vie été dans une situation tourmentée où le chemin à prendre n'était pas clair ? Que fait Joseph dans chacune de ces situations difficiles ? Le texte dit qu'il s'est assoupi. En réalité aujourd'hui nous pourrions dire qu'il s'est intériorisé. Peut-être a-t-il prié ? Néanmoins il s'est arrêté, s'est assis et s'est mis à l'écoute et c'est là pour moi tout le mystère de la foi ; c'est comme si en nous la bonne décision à prendre se faisait jour. Faire cette expérience que Joseph a faite, nous aussi nous pouvons la faire. En effet, chacun, dans sa vie de femme ou d'homme, a déjà fait ou fera ce type d'expérience où il pourra dire comme Marcel Légaut "oui, j'ai senti que plus grand que moi m'habite". Mais ne nous y trompons pas : ce n'est pas Dieu qui fait un miracle pour orienter favorablement la situation. Je le vois plutôt comme une Présence Vivante en tout homme qui, s'il le souhaite, fera vivre en lui cette étincelle du divin, comme dit Bernard Feillet, qui le guidera tout au long de sa vie. Dieu n'intervient pas dans le monde par des miracles spectaculaires, mais par l'action des femmes et des hommes qui savent trouver en eux cette petite étincelle divine. Prenons du temps pour nous laisser aimer par ce mystère qui nous habite. C'est cela pour moi ce que Matthieu veut me dire aujourd'hui.
  • J'ai l'impression de lire une histoire comme celles que nous racontons à nos petits-enfants. Elles racontent des choses terribles mais qui se terminent bien. Cependant, la réalité dans le monde des adultes est d'une autre dimension. C'est l'histoire de tous les génocides. Le massacre des innocents s'est répété à grande échelle ; nous ne sommes pas très loin de tout cela. C'est notre histoire sainte dans la réalité d'aujourd'hui. Il n'y a pas la conscience du mal chez certains. L'évangile est une douce chanson. Est-ce qu'il parvient à vraiment changer les choses ?
  • Oui, cela existe, il y a des chrétiens qui apportent l'humanité à leur entourage : Maximilien Kolbe, Etty Hillesum, l'Abbé Pierre…
  • Pour moi, ce récit est une leçon de vie : Joseph, le père, apprend que l'enfant imprévu est en danger, l'enfant, le tout petit, le plus faible est en danger ! Alors, ses parents laissent tout tomber pour le protéger. Ils abandonnent leur pays, leur maison, leur famille pour partir au loin avec le petit. Ils vont se cacher avec lui pour le protéger et ne ressortent du désert, du bois ou d'Égypte que lorsque toute menace est écartée. N'est-ce pas ce que tout parent, chrétien ou non, devrait être prêt à faire ? Hérode est l'anti-Joseph et Marie, celui que l'enfant imprévu dérange. Pour lui, pas question de changer son optique de vie pour un nouveau-né. Rien que des enfants programmés, souhaités ?
  • Pour les deux Joseph particulièrement doués en interprétation des rêves, Dieu communique. Est-ce croyable en 2011 ? La question reste ouverte. Dieu apparaît ici comme le sauveur du sauveur : Jésus, fragile et en danger, a dû être sauvé lui-même par ces deux pères terrestre et céleste. Dieu incarné sous la forme d'un bébé nous montre la fragilité de Dieu.
  • Je ne peux plus croire à un Dieu qui a un plan, Jésus étant celui qui doit venir nous sauver par sa mort. Les récits me sont difficiles à aborder de cette façon-là.
  • Ce qui m'intéresse, c'est de chercher ce que ce récit peut m'apporter aujourd'hui et comment il peut être Bonne Nouvelle. Je compare les rêves à une période de maturation. Nos rêves sont pétris de ce que nous sommes. Nos mauvais rêves nous font tourner dans un labyrinthe. Je remarque que, dans le texte, après les deux rêves, vient l'ordre "Debout" et à chaque fois "Joseph se lève et va" Être debout et avancer, c'est le message récurrent de la bible, qui traverse les temps. Hérode est un despote cruel et fort de son pouvoir mais, face à un bébé, il est rempli d'inquiétude. Aujourd'hui, les hommes de pouvoir ont-ils peur des petits ? Joseph a peur de la violence et prend un autre chemin. Faut-il faire face à la violence en essayant un geste, une parole pacifiste ou faut-il se détourner et s'en aller comme Joseph pour sauver "sa" famille ?
  • En tant que libre penseuse chrétienne, j'aime faire un parallèle entre le retour de Jésus en Égypte, aux sources de l'histoire d'Israël, et notre recherche des sources du Jésus de l'histoire. Jésus est pétri de sa tradition, mais va se libérer d'un carcan religieux pour parler de sa propre autorité et ouvrir un nouveau chemin vers plus d'humanité, pour toutes les nations cette fois. Nous sommes des chrétiens pétris de notre tradition chrétienne, libérés d'un certain enseignement ecclésial, qui essayons de vivre en répondant à l'invitation de Jésus de rendre notre monde plus humain.
  • Dans tous ces génocides et ces fuites, ce n'est jamais simple. Partir ou fuir, ce n'est pas toujours un mieux. Quand est-ce que l'on doit se mettre debout ? Quand est-ce qu'on doit accepter son impuissance ? Il faut savoir faire des choix sans toujours en mesurer les conséquences. On fait ce qu'on peut, on avance à tâtons.
  • On bouge beaucoup dans ce récit, le va-et-vient n'est pas toujours très clair. L'Égypte est à la fois terre d'accueil pour la famille des deux Joseph et à la fois pays d'esclavage pour les Hébreux. Nous sommes dans une fiction, nous pouvons être tous les personnages. Tous ces comportements sommeillent en nous. Il y a du Hérode en nous. Ce sont les problèmes de la violence, de la société, du monde impitoyable dans lequel nous vivons. J'aime le thème de l'exode : c'est un accouchement ; le peuple passe par un petit chemin d'eau pour déboucher dans un désert où tout est possible. Ce texte est très riche : cherchons les petits créneaux qui nous parlent. On marche beaucoup, les pieds sont très importants, nous sommes toujours en chemin vers plus d'humanité. Rester sur place, c'est mourir déjà.
  • Ici Joseph a un rôle central pour montrer que Jésus est de la lignée de David, qu'il est le nouveau Moïse. Ces récits font partie des grands mythes. À travers les mythes, les grandes questions existentielles se posent, mais n'apportent pas toujours de réponse. Pourquoi n'a-t-on pas le courage de dire que l'on ne sait rien de Jésus avant sa vie publique ? Pourquoi ne pas réfléchir sur qui est Jésus et sur ce qu'il nous apporte plutôt que sur tous ces mythes, réfléchir sur ce qui nous rassemble au niveau de l'essentiel plutôt que de nous limiter à du folklore ?
  • L'intérêt historique est nul, mais pas une interprétation actuelle et théologique. Cette insistance pour que s'accomplissent les dires des prophètes répond à la question que se posaient les juifs de l'époque : Jésus est-il vraiment de Dieu ? Oui, répond Matthieu, puisqu'il accomplit les prophéties. Le souci, typiquement juif, de Matthieu était que l'écriture s'accomplisse. Il avait besoin de tout prouver et chacun de ses récits se terminait par une citation des Écritures. Jésus, lui, n'aura pas le désir de convaincre. L'esprit de Jésus, c'est le souci du dialogue, la conviction intime que ce qu'il vit, chaque être humain est appelé à le vivre. D'où son effort pour susciter les êtres à leur mystère. Un effort, en effet, qui le conduira à utiliser le langage des paraboles.
  • Joseph et sa famille se retirent en Galilée. Jésus n'avait de place qu'en Galilée, milieu plus ouvert que la Judée, grâce à la présence de nombreux non-juifs. Matthieu nous montre ainsi que les communautés chrétiennes vivaient, elles aussi, en retrait, en dehors du monde juif qui les excluait. Les premiers chrétiens pratiquaient à la synagogue (vers l'an 80-85), et c'est à ceux-là qu'il fallait démontrer par des récits qu'ils étaient dans le bon en suivant Jésus !
  • L'image de Dieu évolue, les notions évoluent. Nous sommes maintenant plus attachés à découvrir la personne de Jésus. Pourquoi Jésus est-il le centre du monde pour moi ? On a chacun son chemin. Jésus est le centre dans certaines cultures, mais il y en a d'autres, Lao Tseu, Bouddha…

Rapporteur : Christiane Van den Meersschaut

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