Mt 13, 44-52 - Les paraboles du trésor caché, de la perle, du filet, des richesses nouvelles et anciennes. Les deux premières paraboles présentent le royaume de Dieu comme une réalité incomparable, sans prix, qu'il faut préférer à tout. Pour Matthieu, le chrétien trouve dans la foi juive renouvelée par Jésus un véritable trésor. Cette foi n'est pas pour lui un appauvrissement ou un abandon de la Loi, comme les autres juifs le pensaient. Mais la Loi de l'Ancien Testament est incomplète : Jésus vient la compléter, c'est-à-dire la mener à sa perfection. Les traditions juives avaient beaucoup ajouté à la Loi venue de Moïse ; surtout, de nombreux maîtres spirituels avaient faussé le sens de la vie selon la Loi. Jésus rectifiera leur enseignement. La question porte sur l'attitude des disciples : elle est un reflet des discussions qui opposèrent les chrétiens des années 80 aux représentants du judaïsme. Le disciple est celui qui a accepté d'aller plus avant avec le Christ. Après cette brève introduction, c'est le temps du partage : V.44-46 La parabole du trésor caché et de la perle - insistance sur la nécessité d'avoir des priorités et des choix et de s'y tenir.
- importance des choix personnels, joie d'avoir fait le bon choix.
- éthique de la responsabilité personnelle.
- ce que l'on cherche est enfoui, caché dans un grand ensemble ; le trésor dans un champ, les perles dans la masse des perles du commerce, les bons poissons dans la mer.
- il s'agit de chercher, de trouver dans notre vie le Royaume des cieux. Il est caché, enfoui en nous-mêmes, mais aussi dans les autres, dans des groupes de personnes, des initiatives, des associations, des communautés qui partagent…Ne dit-on pas "cette personne est une perle, un trésor ?"
- on trouve l'essentiel par hasard, par recherche active, en travaillant sa vie.
- gratuité de ce trésor qui est là au-dedans de chacun ; on peut le découvrir par hasard, là où on ne l'attend pas : des paroles, une rencontre, une lecture, les circonstances de la vie…ou en le cherchant ailleurs que dans nos idées reçues.
- il y a des invitations de la vie. La vie de quelqu'un d'autre peut m'interpeller et me modifier peu à peu.
- c'est une invitation à vivre les tournants de notre vie. Lorsqu'on a trouvé le plus précieux, sachons lâcher le reste.
- "donner tout ce qu'on a" : est une invitation au dépouillement pour vivre de l'essentiel.
- "vendre tout ce que l'on possède" : c'est partir sur des chemins nouveaux, c'est perdre ses certitudes, c'est être moins en sécurité, mais c'est oser prendre sa vie en main, c'est devenir soi.
- "le trésor" : c'est le moment juste à l'étape juste. Ce qui m'interpellait il y a vingt ans ne me dit plus rien aujourd'hui. C'est devenir heureux.
- "le trésor" : notre richesse spirituelle intérieure, personnelle, cachée, qui est surprise pour les autres et provoque la joie.
- la préciosité du trésor : on le place au-dessus de tout, on lui donne la première importance, c'est rare, c'est beau, c'est une recherche de l'absolu, de la perfection.
- pour moi l'évangile est ce trésor, cette perle.
- "la perle" : précieuse, importante, recherche d'absolu, de ce qui me dépasse.
- "la perle" : une poussière qui devient quelque chose de précieux.
- je suis choqué par ces récits. Le premier prend un trésor qui ne lui appartient pas ! Pour le deuxième, j'aurais préféré qu'un collectionneur trouve la perle plutôt qu'un marchand, car celui-ci va spéculer pour en tirer profit !
V.47-48 La parabole du filet - l'important, c'est que les filets soient jetés, que le grain soit semé.
- les filets évoquent nos communautés où il y a plusieurs tendances.
- "le filet" : image de tous les liens, de toutes les relations que nous vivons avec les gens.
- "le filet": image de l'homme qui embrasse tous les éléments, les événements de sa vie et qui y fait le choix de ce qui est bon pour l'homme.
- "le filet" : moi je vais faire ma pêche, je dois tout le temps faire le tri, c'est pas à un autre (à un ange) à le faire, les trésors sont différents aux différentes étapes de ma vie. C'est comme ça qu'est mon ciel intérieur aujourd'hui.
- "ramasser dans des paniers" : c'est un partage, une mise en commun.
V.49-50 Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : - je n'aime pas ces versets, mais ce sont des lieux communs pour les gens de l'époque.
- si on se regarde bien, on sait qu'on n'est ni mauvais, ni bon. Alors ?
- comment des disciples qui ont vécu avec Jésus peuvent-ils écrire cela ? Ont-ils compris le message de Jésus ?
- je suis révolté par ces versets, pourquoi les disciples ont-ils écrit des choses pareilles ?
- les paroles de la Bible sont des paroles datées, passées, dépassées.
- Matthieu vit dans sa tradition juive, Jésus n'a laissé aucun écrit, ce sont des hommes qui parlent à l'époque de Jésus, tous les peuples étaient théistes et, dans chaque religion, on croyait à une vie léthargique, à la pesée des âmes, au jugement.
- cela n'a plus aucun intérêt pour nous puisque nous ne pouvons plus admettre la fin du monde avec un jugement tel que la tradition le présente. Notre vision de l'univers balaye ces visions mythiques valables à l'époque où elles furent écrites.
- il ne s'agit pas de juger, ni de rejeter les mauvais des bons, mais de faire des choix radicaux, d'opter pour le bien de l'homme, le beau, non pas par peur d'un jugement, d'une punition, mais parce que le bien est une bonne chose, il humanise l'homme.
V.51-52 Des richesses nouvelles et anciennes - "tirer de son trésor du neuf et du vieux" : on a tous des casseroles à tirer, des blessures avec lesquelles il faut vivre.
- il faut s'approprier ses déterminismes, cela demande un effort de lucidité pour voir clair en soi, ne pas dissimuler ses blessures. Quand on assume ses échecs, ses limites, on peut vivre avec l'ancien et, à partir de cette acceptation, on peut vivre du neuf.
- cela me fait penser à la transhumance : on part et on traverse, mais tout en restant soi ; on ne revient pas pareil, on s'est enrichi.
"Le Royaume des cieux" : - "C'est la vie des hommes ensemble, parvenue à sa perfection, c'est la vraie communauté humaine" dit Martin Buber.
- l'accès au Royaume, c'est trouver le sens de sa vie, devenir soi, vivre en conséquence. J'ai longtemps cru que le sens de la vie c'était de faire son devoir. Puis beaucoup plus tard, j'ai mûri et perçu que le devoir pour lui-même est desséchant, même s'il s'agit de rendre service ; il doit s'accompagner de joie et d'amour, ce qui est souvent refoulé. L'âge correspond à une diminution d'énergie, mais cela a aussi du bon : on se limite à l'essentiel, à ce qui rend heureux.
- Ce n'est pas le trésor ou la perle qui est le Royaume des cieux, mais l'homme qui cherche, l'homme qui trouve, l'homme qui trie, qui agit, qui fait des choix. Ce qui se passe entre l'homme et sa découverte c'est le Royaume des cieux.
- Le royaume de Dieu est à découvrir en nous, dans notre vie, c'est une manière de penser, de vivre qu'il nous faut acquérir, c'est-à-dire nous "approprier" (faire naître, faire mieux) en l'expérimentant dans notre quotidien avec les autres.
- c'est être " trésor" ou "perle" pour les autres ; et les autres, être pour nous "graine" ou "levain".
- c'est humaniser l'homme, c'est bon pour l'homme de faire le bien, c'est-à-dire d'aimer, pardonner, partager, afin que les hommes puissent vivre une vie "bonne".
Ce qui m'habite après la lecture et la méditation de ces paraboles de Matthieu En quelques phrases imagées, très simples, Jésus nous révèle aujourd'hui son secret, ce qui le fait vivre, ce qui l'habite, il le compare à un trésor caché dans un champ. Et cela nous surprend : pourquoi cacher dans la terre ce qui est une réalité du ciel ?… et j'entends par "ciel" ce qui est au plus profond de moi. Mais où se fait cette découverte ? Cette découverte se fait au milieu même de notre champ, car nous sommes le champ de Dieu. Ne cherchons pas le Royaume de Dieu ici ou là, il est au-dedans de nous mais comment y accéder ? Et là je touche le mystère de la foi. J'ai beau aller à la messe tous les jours, prier, demander, rien ne vient, j'ai vraiment la sensation d'avancer dans un désert aride, je me sens seul et abandonné. Dieu est absent… J'avance dans ma vie avec le vide en moi. Mais pourquoi, ce matin, en entrant dans cette église, j'ai ressenti comme une paix, comme une Présence qui m'attendait. Je ne me sentais plus seul, j'ai pu dire ce que j'avais sur le cœur, ce qui m'encombrait ; je me sentais écouté et aimé. Mystère que ce que j'ai vécu là, j'ai ressenti là que plus grand que moi m'habitait et voulait mon bonheur. Ma vie ne fut plus la même ; mes prises de décision tenaient compte de cette expérience vécue. Est-ce là le mystère de Dieu et de la foi ?… Je n'en sais rien mais, ce que je sais, c'est que c'est une balise pour la conduite de ma vie. C'est cela que pour moi cette parabole de Matthieu veut dire. Charles Vandenhove |