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5 mai 2016 4 05 /05 /mai /2016 13:50
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 33 / 2016

Au moment où notre revue trimestrielle prend la porte de sortie, me revient à l’esprit "la belle parabole du berger".

Jean y présente Jésus comme le bon berger, mais aussi comme "la porte" de l’enclos. Il est, non seulement, celui qui ouvre la porte et invite à sortir, mais il est, lui-même, la porte. Quelle image !

Etre une porte pour autrui, être quelqu’un qui libère, qui ouvre à la découverte, à la connaissance, à la rencontre, au dialogue, à l’amour et la compassion, n’est-ce pas ce que fut André Verheyen lorsqu’il lança dans l’aventure le petit voilier LPC invitant collaborateurs et lecteurs à lâcher les amarres ?

Ce fut un très grand bonheur pour nous d’avoir pu continuer avec notre équipe cette passionnante traversée qui a si profondément marqué notre cheminement personnel.

Comme nous vous l’avions proposé, dans ce numéro spécial, c’est vous qui avez la parole puisque celui-ci est entièrement composé de vos contributions.

Nous remercions, d’abord, tous ceux qui nous ont transmis leurs sincères et chaleureux témoignages, mais aussi tous nos lecteurs et lectrices qui, par un abondant courrier des lecteurs, nous ont soutenus et encouragés tout au long de ces années.

Mais tout ne s’arrête pas là pour autant.

  • D’abord parce que le petit voilier LPC continuera à naviguer courageusement sur la "toile". Vous pourrez y retrouver tous les articles parus depuis 2008 et, bien sûr, de nouvelles pages qui viendront régulièrement s’y ajouter. Si vous voulez être tenus au courant de chaque nouvelle publication, il est indispensable de vous abonner à la "newsletter" qui vous en informera chaque fois. Vous trouverez tous les détails en dernière page.
  • Et aussi parce que, comme vous le savez, nous fêtons cette année les 25 ans de notre voyage et que, le 21 mai, nous vous invitons à nous retrouver très nombreux au cours d’un repas festif et d’une après-midi de rencontres fraternelles, afin de rendre plus concret un compagnonnage parfois uniquement épistolaire. N’oubliez-pas de vous y inscrire dès maintenant ! Au plaisir de vous y rencontrer.

Herman Van den Meersschaut

5 décembre 2015 6 05 /12 /décembre /2015 10:00
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 32 / 2015

En ce vendredi 13 novembre 2015…, vendredi noir pour l'humanité, la barbarie a encore frappé l'Europe en plein cœur de Paris !

Après la stupeur, c'est l'incompréhension, mais surtout la colère qui m'envahit.

En effet, nos démocraties, pratiquant généreusement la tolérance et l'ouverture aux autres cultures, n'ont pu empêcher le développement et l'infiltration masquée du cheval de Troie de l'intégrisme islamiste le plus radical, une idéologie porteuse de mort totalement incompatible avec toute notion de liberté et de démocratie.

Je suis en colère parce que ces tragiques attentats montrent, une fois de plus, à quelles horreurs peut mener l'instrumentalisation de "Paroles de Dieu" prétendument dictées par Dieu lui-même, que les autorités religieuses ont figées, sacralisées et mises en conserve dans leurs livres déclarés saints et donc intouchables.

Jean Kamp nous montre, dans ces pages, l'ambiguïté de ces révélations divines souvent très divergentes et les conflits qu'elles ont engendrés entre les trois monothéismes.

Quand donc les responsables de ces religions remettront-ils en question leur conception théiste d'un dieu extérieur à l'homme et la manière dont celui-ci lui dicte ses volontés ?

Il ne peut y avoir de paroles de Dieu, il n'y a que des paroles d'hommes sur Dieu.

Et il n'y a pas de parole sans hommes !

Parole et humanité, au fond, n'est-ce pas la même chose ?

Il est intéressant de constater avec Alain Dupuis, comment, dans l'évolution des hominidés, le passage à l'humanité coïncide avec la lente apparition du langage articulé. Celui-ci permettra à l'homme de nommer ce qui l'entoure, de verbaliser sa pensée, de s'interroger et d'apporter des réponses à ses questions.

La parole, qui lui donne accès à la conscience de soi et de l'autre, est donc bien le propre de l'homme. Et c'est parce qu'il ne sait pas qui il est, qu'il pose la question de Dieu.

C'est de cette interrogation sur le sens de la vie et des réponses qu'elle peut apporter que témoigne, depuis des siècles, toute la littérature mondiale : que ce soit celle des philosophes, des théologiens, des prophètes, des mystiques, mais aussi des politiques, des essayistes, des romanciers et, très modestement, de LPC. L'humanité n'arrête pas de se dire !

N'avons-nous pas à écouter cette parole qui se dit partout et toujours en ce monde ?

Et si Dieu n'arrêtait pas de parler à travers le grand murmure de nos paroles humaines ?

A chacun, d'y discerner des paroles positives qui pourraient devenir vraiment "vivantes" pour lui si, comme celles de Jésus, elles sont porteuses de vie, d'amour, de liberté, de justice et de fraternité.

Herman Van den Meersschaut

19 septembre 2015 6 19 /09 /septembre /2015 09:56
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 31 / 2015

"Etant donné la révolution du savoir des six cents dernières années, écrit John S. Spong dans son dernier livre, je suis ébahi que quelqu'un puisse encore considérer les mots de la Bible comme dictés par Dieu, infaillibles et éternels"[…]

Mais alors : […] " dois-je être pré-moderne et empli de préjugés pour être chrétien ?

Ou dois-je quitter le christianisme pour échapper à mes préjugés et prendre au sérieux mon monde postchrétien ?"

Ni l'un ni l'autre, bien sûr ! Car pour lui comme pour nous, il y a une troisième option possible. Celle qui consiste à s'intéresser aux origines de ces préjugés dans la Bible avec l'aide de spécialistes de l'exégèse contemporaine désormais accessibles à tous et que LPC s'est toujours appliquée à faire connaître.

Cette recherche indispensable permet, d'abord de découvrir que ces écritures dites saintes ne sont pas aussi saintes qu'on ne le dit, mais elle permet surtout de comprendre que ces témoignages totalement humains rendent compte des expériences porteuses de vie que des hommes ont vécues en un lieu et en un temps donnés, et non ce que nous devons nécessairement croire encore aujourd'hui et pour l'éternité.

En ce qui concerne le Nouveau Testament qui nous transmet, en principe, les paroles et les actes de Jésus, une plongée, en compagnie de Patrice Rolin, dans les origines de ces textes, nous raconte leur longue et complexe élaboration, émaillée de débats révélant de grandes divergences dans les interprétations de ce qu'il appelle "l'évènement Jésus".

Car tout démarre de là.

Le christianisme s'est construit à partir du "passage éclair" de cet humble prédicateur juif, nommé Jésus.

Tout est parti d'un petit groupe, les "partisans" de Jésus comme les nomme André Myre.

Jésus, qui n'a rien écrit lui-même, a cependant profondément fasciné ceux qui l'ont accompagné dans son aventure humaine et spirituelle, à tel point qu'ils ont voulu re-susciter et continuer entre eux l'expérience inouïe qu'ils ont vécue avec lui.

Mais quel Jésus vont-ils faire revivre ? Le nouveau Moïse, le Messie, le Fils de l'homme, le Fils de Dieu lui-même…? Dès le départ, plusieurs mouvements d'origines très diverses, qui se réclament tous de lui, vont exprimer, chacun, leurs propre perception de "l'évènement Jésus". Que restera-t-il de la pensée originale de Jésus dans toutes les paroles et les actes qui lui seront attribués ?

De ces débats et controverses, nos spécialistes bibliques nous font découvrir les traces dans les divers évangiles qui ont été rédigés et retravaillés par trois ou quatre générations d'auteurs pendant plus de 60 ans. J.Musset nous présente l'étude approfondie que J.Spong fait du mythe de la conception et la naissance de Jésus. Avec la scrupuleuse étude d'André Myre, Alain Dupuis nous fait découvrir le "livre des signes" de Jean, parfois vu, par certains, comme un traité de Christolâtrie, mais par d'autres, comme une exhortation à choisir la Vie en passant la porte que Jésus ouvre pour libérer les femmes et les hommes de tous les systèmes oppresseurs.

Un tout grand merci à nos spécialistes passeurs de Lumière pour ce minutieux travail.

Herman Van den Meersschaut

31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 08:57
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 30 / 2015

On ne peut le nier, la violence est une composante incontournable de notre univers.

Aussi merveilleuse qu'elle puisse nous apparaître, la nature est impitoyable.

Notre terre nourricière peut nous frapper aveuglément ; maladies, séismes, tsunamis, cyclones et autres éruptions volcaniques nous le rappellent régulièrement.

Dans le monde végétal, animal ou humain, la lutte pour la survie est la règle.

Tout vivant vit au détriment d'un autre : ne sommes-nous pas obligés de tuer pour nous nourrir ? Cette violence fait partie de notre condition humaine, nous ne pouvons y échapper. Il faut bien s'en accommoder.

Mais il y a une autre violence, dont nous, les humains, sommes seuls responsables.

Elle est sœur de la convoitise, de la jalousie, de la vengeance, mais aussi de l'injustice, de l'humiliation, de la frustration, de la misère et du désespoir.

Ne la sentons-nous pas en nous-mêmes "comme une bête, tapie derrière la porte, prête à bondir, et qu'il s'agit de maîtriser" ? Gen. 4-7. S'il est une chose dont nous avons absolument à nous sauver, c'est bien de cette violence-là, car c'est notre propre humanité qu'elle nie.

Rien d'étonnant qu'elle soit présente dans tous les textes fondateurs des grandes religions. La violence est souvent le thème central de leur réflexion. Antithèse de l'amour, ne fait-elle pas obstacle à tout "vivre ensemble" ?

Pour donner plus de poids aux réponses qu'ils s'efforçaient de trouver aux questions fondamentales de leur temps, les auteurs de ces mythologies n'ont pas hésité à faire parler et agir leurs dieux et à leur attribuer des sentiments, des paroles et des comportements non seulement très humains, mais terriblement violents.

Ce qui pose problème, c'est que ces paroles d'hommes ont été proclamées "parole de Dieu" ou "révélation" par les maîtres de ses diverses traditions qui prétendent, chacune, être seule dépositaire de la vraie révélation. Cette parole de Dieu, rendue intouchable et irréfutable, sera malheureusement utilisée tout au long des siècles pour légitimer le droit et même le devoir de violence contre les païens, les infidèles, les hérétiques et certains gêneurs comme Jésus ou… Charlie, par exemple.

Que d'injustices n'a-t-on commises en son nom ? Et cependant, malgré cela, craignant d'être traités de blasphémateurs, des millions de croyants restent "coincés" devant le caractère soit disant "sacré" de la Bible ou du Coran. Il est donc indispensable, mais libérateur, de prendre, dans un premier temps, de sérieuses distances avec l'idée d'une "révélation" qui aurait été réservée à quelques personnes d'un peuple supposé élu, dans un temps limité, et serait aujourd'hui définitivement close. Ensuite, d'aborder librement ces textes comme n'importe quel texte littéraire en les prenant pour ce qu'ils sont : l'expression située et datée d'une profonde réflexion sincère et parfois maladroite de l'homme sur lui-même, sur sa place dans l'univers et sur l'Indicible qui le dépasse. Cette réflexion qui s'est perpétuée sans interruption jusqu'à nos jours et ne sera jamais terminée, LPC vous propose de la continuer aujourd'hui en compagnie des auteurs qui ont collaboré à ce numéro.

Bonnes vacances et bonne lecture.

Herman Van den Meersschaut

21 mars 2015 6 21 /03 /mars /2015 11:13
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 29 / 2015

Nous ne pouvons évidemment pas passer sous silence les terribles évènements qui ont endeuillé ces derniers mois. Les exécutions d'otages et les massacres de Peshawar, de Lybie, Bruxelles, Paris, Copenhague… qui nous ont tous profondément choqués par leur cruauté et leur bestialité, nous ont plongés brutalement dans ce que Maurice Bellet appelle "l'en bas" : "la poubelle de l'humanité … c'est l'envers du monde habitable, de cette clairière où l'on peut vivre dignement, en évitant de voir sur les bords, la ténèbre". Comment en est-on arrivé là ?

Carl G. Jung nous confiait que ses patients souffraient surtout du manque de signification et de la vacuité de leur vie. Les jeunes auteurs de ces terribles massacres illustrent tragiquement ce vide existentiel. Souvent marquée par l'échec scolaire et le sentiment de n'exister pour personne, leur vie devient insidieusement une friche envahie par la haine et la fureur contre une société dont ils se sentent rejetés. Manipulés par des fanatiques du djihad, ils espèrent sortir de l'insignifiance de leur vie en choisissant la violence, l'action d'éclat suicidaire qui les fera enfin exister, être quelqu'un… un instant. Tout cela, n'est-il pas d'une infinie tristesse pour les victimes innocentes d'abord, mais aussi pour les tueurs ?

Dire simplement que cela n'est pas l'Islam, ne suffit plus ! Où est donc le vrai Islam ?

Comme certains chrétiens ont osé l'entreprendre depuis plus de deux siècles, il est urgent que les responsables musulmans entament l'étude historico-critique et l'exégèse de leurs textes fondateurs et de leur tradition. Qu'ils dénoncent plus fermement ces idéologies mortifères qui, au nom d'un dieu, sèment la terreur, tout en maintenant des populations entières dans l'ignorance, la soumission et la peur. Oseront-ils remettre en question le Coran : la parole de Dieu lui-même ? Rien n'est moins sûr ! Mais on peut toujours rêver… des libres penseurs musulmans existent déjà… mais ils se cachent !

Il est évident que ces évènements nous questionnent aussi sur notre manière de gérer, dans nos démocraties, la diversité culturelle et religieuse, la tolérance, la justice sociale, la liberté individuelle et ses limites. Le rôle de l'état laïque est capital. Tout en garantissant une totale liberté d'expression, il doit pouvoir arbitrer les conflits entre conceptions différentes, voire antagonistes, et établir des limites légales cohérentes qui s'imposent à tous et sur lesquelles on puisse bâtir le vivre ensemble de notre 'maison commune' afin que notre monde soit habitable. L'oikouméné comme disaient les grecs, désignant ainsi le monde habité, la terre des hommes où l'on peut vivre dignement.

Le terme 'œcuménisme', repris pour désigner le mouvement de rapprochement et de dialogue entre les Eglises chrétiennes, concerne tout particulièrement LPC, puisque le point trois de notre charte propose "une ouverture œcuménique accueillant aussi ceux qui, sans se référer à une institution confessionnelle, adhèrent aux valeurs de Justice, d'Amour, de Liberté et de Vérité". Nous aimons parler ici du quatrième cercle œcuménique accueillant les spiritualités sans dieu, les agnostiques et les athées. Le premier cercle étant, pour nous, le dialogue interne entre catholiques, le deuxième celui des orthodoxes et des protestants, le troisième, regroupant les autres religions : le Judaïsme, l'Islam, le Bouddhisme, etc. A de nombreuses occasions, nous avons publié des articles provenant du Protestantisme libéral, du Judaïsme, du Bouddhisme, mais plus rarement du monde du libre examen. Nous sommes donc très heureux d'accueillir dans ce numéro une contribution pertinente de Guy Haarscher et des extraits d'une interview d'André Comte-Sponville, tous deux philosophes athées.

Si nous voulons éviter de nous perdre dans 'l'en bas' et nous retrouver tous ensemble dans la clairière de notre monde habitable, tout se jouera dans la manière dont les uns et les autres s'humaniseront et contribueront à humaniser la société. Peu importe le nom de ce qui les inspirera.

Herman Van den Meersschaut

1 janvier 2015 4 01 /01 /janvier /2015 15:35
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 28 / 2014

Au début du vingtième siècle, Carl G. Jung écrivait : "Près d'un tiers de mes patients ne souffrent d'aucune névrose cliniquement définissable, mais d'un manque de signification et de la vacuité de leur vie. Cela peut se décrire comme la névrose de notre temps." (1)

Il nous faut bien admettre que quatre-vingts ans plus tard, cela reste d'actualité.

Notre culture occidentale est trop souvent une culture du bruit, du bavardage ininterrompu, du "tout, tout de suite", de l'obsession de la maîtrise du monde, de l'information en continu et de la performance. Entraîné dans la spirale métro-boulot-infos-dodo, agressé par la publicité omniprésente qui lui vend tout ce qui manque à son bonheur, l'homme devient dépendant, esclave d'une consommation effrénée. La vacuité de ce monde " bling-bling " ne nous masque-t-elle pas l'essentiel ? Ce qui ne se vend pas, ne se voit pas, ne s'entend pas.

Le silence, par exemple.

Si l'on parlait un peu du silence ?

Mais, celui-ci est-il encore de mise au milieu du bruit et de la fureur de notre monde ?

Plus que jamais, semble-t-il.

En effet, en Occident, on peut remarquer une nouvelle soif d'intériorité chez de nombreuses personnes qu'elles soient croyantes ou non. Le yoga, la méditation zen, par exemple, suscitent un grand intérêt.

"Le silence intérieur" s'imposerait même comme un besoin vital.

Il s'avère indispensable de trouver, dans cette course éperdue, des espaces de silence, des lieux de ressourcement qui nous permettent de retrouver notre silence intérieur et de nous réajuster sur ce qui nous semble vraiment essentiel.

Pour nous chrétiens, il ne s'agit pas de fuir le monde ni de se perdre dans des envolées extatiques, mais, comme Jésus l'a fait, de l'appréhender autrement avec une toute nouvelle manière d'être, une nouvelle éthique : respecter, aimer, pardonner, partager, servir.

Cette "révolution éthique" qu'il a vécue et qu'il nous propose est une véritable "inversion de valeurs" qui va radicalement à contre-courant de notre société. N'est-ce pas là l'essence même du message de Jésus ? Un fameux défi au bon sens ! Un engagement qui exige de se dépouiller de son ego, d'abandonner toute prétention, de découvrir, en toute humilité, ce que nous sommes en vérité et d'ouvrir ainsi un espace d'écoute et d'accueil à l'Autre et donc aux autres. La plongée dans notre silence intérieur est, sans conteste, le chemin de maturation qui peut nous faire naître ou renaître à notre véritable humanité.

Le Sage nous dit qu'il y a "un temps pour parler et un temps pour se taire".

Précisons donc que, pour nous LPC, il n'est évidemment pas question d'entrer dans un silence frileux qui occulterait les dernières avancées de l'exégèse ; alors que, depuis bientôt 25 ans, nous n'avons cessé de parler librement pendant que, dans les discours religieux officiels, le fondamentalisme et la langue de bois régnaient en maîtres.

Pour nous, le temps n'est pas encore venu de nous taire et nous espérons que notre revue pourra encore nourrir votre silence intérieur et éclairer votre cheminement personnel tout au long de cette année 2015 qui s‘annonce. C'est notre vœu le plus cher.

Herman Van den Meersschaut

(1) Carl Gustave Jung, psychanalyste suisse, 175-1961. "L'homme à la découverte de son âme" Ed. Albin Michel. (retour)
1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 14:04
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 27 / 2014

"Abderrahmane, Martin, David… et si le ciel était vide. Tant de processions, tant de têtes inclinées. Tant de démagogues de temples et de synagogues. Tant de mains pressées, de prières empressées. Tant d'angélus qui résonnent… Et si en plus, y' a personne.

Abderrahmane, Martin, David… et si le ciel était vide. Il y a tant de torpeurs, de musiques antalgiques, tant d'anti- douleur dans ces jolis cantiques. Tant de compassions et tant de revolvers. Tant d'angélus qui résonnent…Et si en plus, y'a personne

Abderrahmane, Martin, David… Et si le ciel était vide. Si toutes ces balles traçantes, toutes ces armes de poing. Toutes ces femmes ignorantes, ces enfants orphelins. Si ces vies qui chavirent, ces yeux mouillés, ce n'était que le vieux plaisir de zigouiller. Et l'angélus, qui résonne. Et si en plus, y' a personne… " (Chanson d'Alain Souchon)

Prier a-t-il toujours un sens? Sujet bien délicat s'il en est, puisque la prière a occupé et occupe encore une place prépondérante dans la pratique religieuse d'une multitude de croyants de par le monde !

Depuis l'aube de l'humanité, nous avons essayé d'acquérir une certaine maîtrise sur le monde en nous conciliant, par des prières et des rites, les bonnes grâces de forces obscures que nous avons appelées dieux. Le monothéisme, en concentrant ces forces dans un seul dieu tout-puissant, n'y a pas changé grand-chose. Si ce dieu a été, pendant des siècles, la seule réponse à nos questions, aujourd'hui, on peut dire que c'est ce dieu même qui est devenu La question.

Insinuer, comme Alain Souchon, que le ciel est vide, qu'il n'y a personne, n'est pas la négation de toute transcendance, mais le constat fait par nos contemporains de l'absence évidente d'un dieu personnel bon, tout-puissant, dominant et intervenant, selon son bon plaisir, dans les affaires humaines.

Ainsi, pour les auteurs de ce numéro, qui nous livrent chacun, avec beaucoup de sincérité, leur expérience personnelle et intime de la prière dans leur vie, ce système théiste de croyances ne tient plus la route. Bien sûr, se convertir à une autre conception du divin est un chemin inconfortable qui passe inévitablement par le désert et l'exil mais qui permet de développer une spiritualité personnelle et libératrice.

L'analyse du livre de Job, que le rabbin Harold Kushner nous propose, nous montre bien à quelle impasse peut mener la conception théiste d'un dieu, à la fois bon et tout-puissant.

Job, sûr de son innocence, anéanti par les terribles souffrances infligées injustement par son dieu, n'arrête pas de lui crier sa révolte et d'exiger des justifications.

Lorsque le dieu lui parle enfin, ce n'est ni pour s'expliquer, ni pour consoler, mais pour écraser Job par un discours sur la splendeur de sa création et lui lancer la question : "De quel droit me demandes-tu des comptes ?" Job n'a plus qu'à se soumettre et se taire. En 400 av JC, il n'y avait pas d'alternative, mais aujourd'hui nous ne pouvons qu'être athées d'un tel dieu.

"Je ne te connaissais que par ouï-dire" dit Job, avant de se taire. N'est-ce pas souvent notre cas? Beaucoup de croyants persistent à croire au dieu qu'on leur a enseigné. Mais aujourd'hui, pour vous, pour moi, c'est quoi Dieu, c'est qui ? N'avons-nous pas, chacun, à l'instar de Jésus l'exilé du premier siècle, à vivre notre expérience personnelle et à découvrir au plus intime de nous-même, l'essentiel qui nous habite et qui inspire notre action ? Présence obscure qu'il appartient en définitive à chacun de nommer, tout bas, rien que pour soi.

Herman Van den Meersschaut

30 juin 2014 1 30 /06 /juin /2014 13:45
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 26 / 2014

"Bonne nouvelle de Jésus-Christ selon… Matthieu, Marc, Luc ou Jean… ".

C'est ce qu'annonce le lecteur avant la proclamation de l'évangile à la messe dominicale.

Qu'entend-on par- là ?

D'après la formule liturgique qui termine la lecture, il s'agit de la "Parole de Dieu".

Est-ce bien le cas ?

Le petit mot "selon…" me paraît à cet égard d'une grande importance.

En effet, les Evangiles ne rapportent-ils pas plutôt les paroles et les actes de Jésus, selon les interprétations qu'en ont faites ses disciples, interprétations "selon les Ecritures", les rumeurs diffusées d'abord oralement et réinterprétées ensuite par écrit selon différents évangélistes bien des années plus tard ? Quant aux paroles que Jésus aurait prononcées; celles-ci n'étaient-elles pas, elles-mêmes, la mise en mots, la relation selon Jésus de l'expérience indicible qu'il a vécue au plus intime de son être avec son Dieu qu'il appelait Père ? Cela fait beaucoup d'interprétations "selon…" !

Mais alors, la Bonne Nouvelle, qu'en est-il ?

Ce sont les évangélistes qui utilisent cette formule, mais Jésus lui-même ne l'a semble-t-il pas utilisée, lui préférant des expressions comme "Royaume de Dieu ou des Cieux" et "Règne de Dieu". Si l'on interprète ces formules selon la conception théiste qui était celle de l'époque de Jésus, c'est Dieu lui-même qui serait l'acteur de l'établissement d'un règne où s'accomplirait sa volonté. Cette perception de Dieu n'est évidemment plus recevable pour nous aujourd'hui.

Selon Jacques Musset, Dieu n'a pas de plan, de projet sur le monde. Ce qu'on dit être volonté de Dieu, est en réalité la décision de certains croyants d'attribuer à Dieu ce qui semblait, selon leur expérience du moment, la meilleure façon d'agir pour vivre humainement en société.

Si la réalité qu'on nomme Dieu existe, n'est-elle pas au plus intime des humains, à la manière d'une mystérieuse présence inspirante,ce qui rend l'homme capable d'atteindre sa pleine humanité ? Il ne s‘agit donc plus de rêver d'un Dieu Superman qui, selon son bon vouloir, règlerait nos affaires d'un claquement de doigts. L'avenir de l'humanité est entièrement entre nos mains. A nous de jouer ! Ce qui, bien sûr, remet sérieusement en question la prière de demande, mais aussi le "Notre Père" auquel beaucoup de chrétiens restent très attachés. Alain Dupuis, nous rappelant d'abord l'origine et le sens que cette prière avait pour les juifs de l'époque, nous en propose, à travers une profonde réflexion très personnelle, une traduction-transposition qui, selon l'auteur, peut lui conserver un sens et une fonction dans la spiritualité des femmes et des hommes d'aujourd'hui.

Finalement, n'est-ce pas grâce à toutes ces interprétations "selon…" que des hommes ont données des expériences de transcendance qu'ils ont vécues que nous pouvons percevoir quelque chose en nous de cette Etincelle qui nous ouvre aux dimensions insoupçonnées de notre vraie nature et nous fait grandir en humanité.

Certains l'appelleront Présence, Père, Vie, Origine, Energie, Amour, Ami fidèle, le Divin, le Mystère sans nom ou Dieu …C'est selon !

Herman Van den Meersschaut

1 avril 2014 2 01 /04 /avril /2014 11:40
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 25 / 2014
  • Vous êtes libre penseur ?… mais chrétien ? C'est curieux, est-ce compatible ?

    Vous croyez quand même encore à la résurrection des morts, au jugement dernier, à la vie éternelle avec le paradis, l'enfer et tout ça ?

  • Non, pourquoi ?… Je devrais ?

  • Mais?… Evidemment, si vous vous dites chrétien! C'est bien écrit dans la Bible, non ?

  • Ah, oui ? Pas si sûr !

  • Comment… pas si sûr ? C'est bien ce que je craignais, vous avez perdu la foi !

  • La foi ?… Non, certainement pas. Mais les croyances ancestrales que vous évoquez ne sont, en effet, plus les miennes. Evidemment, si vous pensez que tout cela a été "révélé" par Dieu dans la Bible, je peux comprendre votre inquiétude.

    Mais aujourd'hui nous savons bien que Dieu n'a jamais parlé lui-même, que dans la Bible ce sont des hommes qui parlent et le font parler. Les représentations bibliques sont donc directement conditionnées par le vécu de leurs auteurs et par la conception qu'ils ont de Dieu mais aussi de l'homme et cela à un moment précis de leur histoire, dans un contexte socio-politique et culturel bien particulier. Deux exemples ?

    Ainsi, dans l'Ancien Testament on peut remarquer que les premiers récits revendiquant une "rétribution des justes après la mort" sont le fruit d'un douloureux questionnement des juifs sur la non-intervention de Dieu face à l'inacceptable martyre de nombreux innocents lors des terribles persécutions grecques.

    Dans le Nouveau Testament, il est intéressant d'observer comment Paul de Tarse, ce juif pharisien qui a reçu une formation grecque, se trouve coincé au confluent d'une anthropologie sémitique et d'une anthropologie hellénistique dualiste. Celui-ci semble avoir eu beaucoup de mal à concilier ces deux mondes dans sa pensée, puisque dans ses lettres il s'exprime non pas avec un ou deux termes pour parler de l'homme, mais bien avec cinq: corps (sôma), chair (sarx), âme (psuchè), esprit (pneuma), intelligence, pensée (nous). C'est dire dans quelle ambiguïté intellectuelle se trouvait celui qui a fait de la résurrection de Jésus le centre du Christianisme.

    Ainsi les nombreux auteurs de la Bible, ont-ils essayé de donner des réponses aux questionnements des hommes de leur époque. Il est important pour nous de comprendre ce que nous héritons de ces penseurs souvent anonymes, car les traces nourrissantes qu'ils ont laissées ont contribué à faire de nous ce que nous sommes aujourd'hui. Vous et moi qui continuons notre incessant questionnement.

    Mais au 21ème siècle avec tout ce que nous savons sur l'homme et sur le cosmos, avec toutes nos connaissances scientifiques nous ne pouvons plus aborder ces questions avec des concepts d'il y a deux mille ans. Il s'agit donc de se défaire d'un certain nombre de représentations simplistes, désuètes, infantilisantes de la foi qui hantent encore les esprits en les tenant ainsi éloignés de la possibilité de croire de nouvelle façon. Commençons donc tout simplement par accepter de ne rien savoir de l'au-delà.

  • Mais alors, que reste-t-il de votre foi ?

  • L'essentiel… je pense. L'essentiel que nous montre la Voie inaugurée par Jésus. Pour lui, la vie éternelle est à découvrir et à vivre au présent, ici et maintenant ? Il nous dit: "Aime ton prochain comme toi-même" et ajoute "Va, fais cela et tu vivras" Jésus parle de vivre dans cet aujourd'hui qui se présente, de le vivre en plénitude dans la proximité de Dieu….

    Mais… si voulez en savoir plus, je vous laisse découvrir ce que nous en disent nos ami(e)s Christiane, Jean-Joseph, Alain, André, Mary, Philippe, Jacques et Christian qui ont contribué à la composition de ce très riche numéro spécialement consacré à la vie après la mort.

    Non, nous ne perdons pas la foi. Si le sujet est difficile, il est aussi passionnant et nous aimons rappeler ce qui nous motive dans l'optique de LPC : c'est que nous ne voudrions pas que l'on considère comme non chrétiens ceux qui refusent d'adhérer à des "vérités" qui rendent la foi incroyable voire indésirable. Bonne lecture !

Herman Van den Meersschaut

1 janvier 2014 3 01 /01 /janvier /2014 15:09
Herman Van den Meersschaut Editorial
Herman Van den Meersschaut
LPC n° 24 / 2013

Nous sommes sans doute nombreux à utiliser cet étonnant petit appareil de navigation qu'est le GPS. Je ne nierai évidemment pas son utilité, mais, en ce qui me concerne, cette voix impérative m'ordonnant de suivre aveuglément ses ordres a le don de m'énerver quelque peu.

« Préparez-vous à serrer à droite… maintenant serrer à droite… maintenant tourner à droite sur la E40… suivre cette route sur… etc. » C'est facile, j'en conviens. Il suffit de faire confiance, de se laisser guider avec la certitude d'être sur la bonne voie et de constater que la réalité correspond bien à l'image virtuelle qu'en donne l'appareil. Tout va bien jusqu'au moment où vous constatez avec inquiétude que la réalité ne correspond plus à ce que votre guide vous présente. Le doute s'insinue. Vous abordez un carrefour et voilà que le GPS reste étonnamment muet, semble perdre le nord et, après vous avoir donné des indications qui n'ont plus de sens, vous dit : « faite demi-tour dès que possible ! » Eh oui, le simple croisement a fait place à un gigantesque noeud routier ! Il ne vous reste plus alors qu'à vous confronter à la nouvelle réalité du terrain afin de choisir vous-même votre voie.

Mais, me direz-vous, ce n'est pas bien grave; il suffit de faire une mise à jour de votre « système de localisation mondial » Oui, bien sûr ! Quelques clics sur internet et vous voilà bien vite rassuré.

Les religions n'ont-elles pas souvent présenté Dieu comme un super GPS programmé par leurs soins afin d'imposer à leurs usagers la seule bonne voie vers la vérité… le salut… le paradis ? Malheureusement pour elles, depuis des siècles, elles ont omis de mettre leur système à jour, oubliant que, pendant tout ce temps, le monde avait changé et évoluait à pas de géant vers l'autonomie dans tous les domaines de l'activité humaine. Aujourd'hui, ce dieu-GPS conduit nos contemporains par des routes et vers des cieux qui n'existent plus. Le monde a choisi de se passer de lui.

Une mise à jour infiniment plus radicale que Vatican II ou la Réforme protestante s'impose donc, car ce n'est pas seulement l'Institution qui est contestée, mais aussi l'image de Dieu qu'elle véhicule. C'est ce que Louis Evely réclamait déjà en 1976.

Depuis, la révolution informatique et la mondialisation sont passés par là et le paysage a encore changé. Joseph Piegay observe que ce qui semble évident pour beaucoup aujourd'hui, c'est « la non-présence sensible de quelque dieu que ce soit… sans nier cependant sa possible mais inconnaissable existence ». Ici, plus de dieu-GPS. Il nous faut tracer notre propre route et avoir le courage de nos incertitudes. L'agnosticisme, qu'il développe dans un étonnant éloge de l'incertitude, est pour lui la seule attitude qui, dans notre monde pluriculturel, nous permet de nous croiser sans affrontement. Il nous invite, comme bien d'autres, à la plus grande réserve à l'égard de Dieu, tout en poursuivant sereinement notre questionnement existentiel comme le fait Philippe Ronsse dans une méditation toute en subtilités ?

Mais, s'interroge Christian Biseau, est-il possible de transmettre notre héritage chrétien aux jeunes générations alors que, dans le même temps, nous sommes occupés à le déconstruire et à le réinterpréter, sans bien savoir où cela nous mène ? Sans aucun doute, difficile! Mais, leur point de départ étant différent du nôtre, pourquoi devraient-ils emprunter les mêmes routes que nous ? A la vitesse où le monde évolue, sans doute auront- ils, à leur tour, tout à réinventer.

Et si, comme Jésus, nous nous mettions simplement à leur écoute et tentions de rendre présent, dans des gestes d'amour, de respect et de justice, le Feu qui nous anime et habite tout être humain. Il n'y a que l'amour qui peut donner sens à nos vies et les rendre plus humaines. N'est-ce pas là tout le message de Noël ?

En cette fin d'année, nous souhaitons que l'année 2014 enrichisse et approfondisse chaque jour le questionnement qui vous anime. Notre voeu le plus cher, c'est que notre revue, qui se veut un simple outil de réflexion, puisse modestement y contribuer en vous apportant, au fil de la lecture, un peu de lumière et de joie dans votre cheminement spirituel.

Herman Van den Meersschaut