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1 janvier 2009 4 01 /01 /janvier /2009 16:26
L'Assemblée, communauté de foi.
Christian Bassine
LPC n° 4 / 2008

On entend souvent dire que l'Eglise se trouve liée, non seulement à Jésus, mais encore plus et davantage à Dieu lui-même. Il suffit de participer à une célébration dominicale pour le percevoir très clairement. Mais le propos, ici, est d'explorer la dimension humaine de l'Eglise, que je préfère dénommer l'assemblée et qu'on peut définir comme étant "COMMUNAUTE DE FOI EN JESUS".

La foi ne s'exprime pas en termes de connaissances, d'idées ou de doctrines, elle s'exprime essentiellement en termes de fidélité (fides = foi) à une ou des valeur(s) universelle(s), à une personne, elle-même valeur universelle. Il y a foi dans une relation, dans une communication avec une personne, avec nécessairement un tiers, avec autrui. Dès qu'une autre personne, dès qu'autrui entre en scène, il y a communauté possible.

On aperçoit donc que communauté et foi vont ensemble. On ne peut pas croire seul, on ne peut aimer seul, on ne peut être trouvé fidèle qu'en relation avec un ou une autre. Matthieu exprime ce que Jésus a dit ou du moins pensé ou vécu avec ses disciples quand il a dit : "Là où se réunissent quelques-uns en mon nom, je suis au milieu d'eux". Le lieu de la foi en Jésus, c'est l'assemblée, c'est la communauté, grande ou petite, de préférence petite, de dimension conviviale.

Le premier élément d'une communauté, la base, l'ancrage si on préfère, c'est la condition humaine, c'est le fait de vivre ensemble des choses analogues ou semblables quoique différentes. Notre condition d'homme, de pécheur, d'inachevé pourrait-on mieux dire, nous rapproche les uns des autres, riches ou non, vieux ou jeunes, femmes ou hommes. Ce qui est notre dénominateur commun, c'est la nature humaine profondément enracinée en tous quoi qu'on fasse ou dise. Ce qui nous caractérise c'est la quête inlassable de notre identité : qui est "je" ? Qui suis-je en profondeur ? Que deviendrai-je après la mort ? Pourquoi suis-je vivant, ici, et irréductiblement moi ? Tous les êtres humains se posent ou se sont posé ces questions existentielles dans le mystère propre à leur personne. S'il y a des réponses, elles sont uniques, personnelles, la plupart du temps indicibles, inexprimables, sauf confusément quelquefois par le biais de l'art, l'amour ou l'échange spirituel le plus fugitif.

"Solitaire parmi des solitaires", l'homme a néanmoins besoin de communauté pour survivre, pour se trouver, pour se mieux connaître. Mais ce n'est pas n'importe quelle communauté qui peut le satisfaire et répondre à ses questions lancinantes sur son destin, son mystère, son être en définitive. La personne de Jésus a permis aux disciples de trouver sens à leurs jours, et même à leur mort, puisqu'ils ont accepté le martyre par fidélité, par foi, par amour d'une personne qui les avait aimés jusqu'au bout. Les apôtres ont ainsi formé une première communauté de foi, fondée sur Jésus, sa vie, sa parole, ses paraboles, ses actes et son destin.

La communauté de foi est donc adhésion à la personne de Jésus depuis la primitive Eglise, les premières assemblées, et encore aujourd'hui, dans la mesure où nous sommes présents à Jésus pour qu'il soit présent à nous-mêmes et en la communauté, à condition que nous nous assemblions "en son nom". Il ne convient pas de s'assembler par fidélité à une loi de l'Eglise, à une tradition familiale ou par souci d'échanger au seul plan humain (échapper à la solitude parfois) : il convient de le faire pour rencontrer Jésus qui transcende la communauté de base et les éléments humains, certes nécessaires, mais non suffisants.

La communauté de foi implique présence de et à Jésus dans le cœur et dans la vie de chaque fidèle, elle implique écoute et entendement intérieur de la parole de Jésus et de l'Ecriture qui l'annonce et le manifeste, elle implique partage du pain et du vin par la mémoire qui transcende l'histoire.

L'assemblée, communauté de foi des apôtres et des disciples de Jésus réunis au cénacle "en son nom" faisait-elle mémoire de Jésus entre eux ? Ils auraient pu se laver mutuellement les pieds, ils parlaient toutes les langues nous dit l'Ecriture, chacun comprenait les paroles des autres, quelle que fut la langue utilisée.

Nous continuons aujourd'hui la tradition en vivant entre frères et sœurs le bonheur des Béatitudes, en partageant le pain et le vin, en pratiquant la charité fraternelle qui nous réconforte, oublie toute offense ou indifférence, en ouvrant notre cœur sans réserve à autrui, première loi de l'amour selon le seul commandement du Seigneur. Car les langues du cœur sont innombrables.

Nous vivons la communauté de foi en échangeant en petits groupes de dimensions conviviales les paroles vraies qui atteignent l'autre au meilleur de son être parce qu'elles partent du meilleur de nous-mêmes. Jadis confusion des langues à Babel, hier don des langues au cénacle, aujourd'hui don des langues pour faire mémoire entre nous de nos vies (plus que de nos idées…) dans ce qu'elles comportent de sens pour nous et pour autrui, échangeant par des paroles vraies nos expériences spirituelles vitales, nos compréhensions de l'Ecriture et nos lectures des événements fondateurs de notre foi personnelle.

Quand les amis de LPC se rencontrent chaque premier samedi après-midi du mois, ils constituent une assemblée au sens propre du mot, en petite communauté à échelle humaine où il est possible d'exprimer en toute liberté sa foi comme ses doutes, ses interrogations, ses difficultés, ses déceptions, mais aussi ses joies comme ses espérances. Rassemblés au nom de Jésus pour tenter d'être fidèles à sa vie (plutôt qu'à sa mort), de mettre en pratique les préceptes de l'évangile et de concrétiser la confiance qui nous anime, toutes les petites communautés, paroissiales ou autres, vivent ainsi une assemblée conviviale qui nourrit le cœur et l'esprit, enrichit la vie et rejoint ainsi le sacré le plus authentique.

Car il n'y a pas de foi sans communauté de foi.

Christian Bassine

1 janvier 2009 4 01 /01 /janvier /2009 16:13
La crise : le silence de l'Église. (1)
José Maria Castillo (2)
LPC n° 4 / 2008

Il est curieux de constater que les autorités de l'Eglise qui parlent tellement de certains sujets, n'aient cependant pas un mot à dire sur d'autres sujets très préoccupants pour tout le monde, comme c'est le cas de la crise économique. Bien sûr, il serait risqué d'affirmer que le pape, les cardinaux et les évêques, n'aient jamais rien dit sur un sujet dont tout le monde parle avec préoccupation et angoisse. Ils ont certainement dû en parler.

Mais le fait est que l'opinion publique sait parfaitement ce que la hiérarchie pense et dit sur l'avortement, l'euthanasie, le divorce, l'homosexualité, l'emploi des contraceptifs, le nouveau cours d'éducation à la citoyenneté rendu obligatoire dans l'enseignement secondaire espagnol, etc., etc., alors que les gens n'ont pas la moindre idée de ce que pensent les évêques de la crise du système financier, de la faillite des banques, de la montée des prix, du chômage, des hypothèques pourries, de la "folie de l'argent facile et à tout prix" qui, selon le Commissaire des Affaires Economiques de l'Union Européenne, est la cause profonde de toute cette crise, si grave, si profonde, si peu compréhensible.

Il est vrai que ce qui regarde l'économie suppose des connaissances techniques qui ne sont pas à la portée d'un chacun, ni même des évêques. On suppose cependant que ces derniers sont des hommes bien formés, avec une bonne préparation, pour pouvoir dire, en tant que pasteurs, ce que les croyants doivent penser des problèmes qu'ils rencontrent dans leur vie personnelle et dans leur conscience.

On pourra être d'accord que pour ce qui regarde l'économie, c'est aux économistes de parler. Mais si ce critère est correct, on devrait conclure, pour le même motif, que c'est aux biologistes de parler de biologie. Mais pourquoi alors les évêques parlent-ils avec tant de sécurité de sujets comme les cellules-souche, la fin de la vie, les expériences scientifiques menées sur des embryons ou les fécondations "in vitro", alors que la majorité d'entre eux en sait encore moins de biologie que ce qu'ils peuvent connaître en économie ?

Sincèrement, je suspecte que le silence des évêques sur les thèmes économiques actuels n'est nullement dû à l'ignorance, mais bien plutôt à d'autres motifs beaucoup moins clairs. Mais vous me demanderez pourquoi j'ose m'exprimer ainsi ? Voici quelques jours, le président du Parlement Européen, Hans-Gert Poettering, déclarait sans détour : "On ne peut donner 700.000 milliards (de dollars) aux banques et oublier la faim dans le monde !"

Je dis cela parce que cette quantité tellement énorme d'argent, on la donne aux riches pour qu'ils se sentent plus en sécurité et plus tranquilles dans leur situation privilégiée alors qu'au même moment, comme chacun le sait, il y a plus de 800 millions d'êtres humains qui doivent subsister avec moins d'un dollar par jour. Cette situation les fait vivre dans des conditions infrahumaines et les accule à une mort effrayante et à brève échéance.

En réalité, le scandale réside dans le fait que les politiques dénoncent cette atrocité de "l'économie canaille", au même moment où ceux qui se présentent à nous comme les représentants officiels du Christ sur la terre n'élèvent pas la voix contre pareille "canaillerie". Je n‘ai évidemment pas de solutions face à la situation critique que nous sommes en train de vivre, et je n'ai pas les capacités pour en proposer. La seule chose que je puis dire (et que je dois faire savoir) est que dans l'Eglise surabondent les fonctionnaires alors que manquent des prophètes. Et j'ai l'impression que, pour sortir de la pagaille dans laquelle nous nous sommes mis pour l'instant, plus importante que le savoir des responsables économiques est l'audace des prophètes qui soient capables de nous dire où se trouve exactement cet excès de "folie de l'argent à tout prix" qui, comme je l'ai déjà dit , est à la racine du désastre dont nous souffrons maintenant.

Nous savons bien tous que l'Eglise dénonce l'injustice. Mais le problème réside en ce qu'elle le fait en utilisant un langage tellement général qu'il rejoint celui du président Bush quand il exigeait une justice infinie, sans limites. Personne ne met en doute les bonnes intentions du pape, ni son énorme personnalité, pas plus que son prestige au niveau mondial. Mais le problème réside en ce qu'il est le chef suprême d'une institution qui est présente dans le monde entier et qu'il s'efforce de maintenir les meilleures relations possibles avec les responsables de l'économie et de la politique dans chaque pays.

Mais, à partir du moment où l'Eglise a pris l'option de fonctionner de cette manière, il en résulte qu'il lui est impossible d'exercer la mission prophétique qu'elle doit exercer en défendant les pauvres et les personnes les plus maltraitées par la vie et par les puissances de ce monde. Cependant, tout qui lit un peu attentivement les évangiles sait que Jésus, face aux autorités et aux riches de son temps, ne s'est pas comporté comme les dirigeants ecclésiastiques le font aujourd'hui face aux responsables de cette "économie canaille" qui est en train de ruiner le monde.

Il est évident que les préoccupations de Jésus étaient très différentes des préoccupations de l'Eglise actuelle. Il faut qu'une catastrophe économique se produise, comme celle que nous sommes en train de vivre, pour que nous nous rendions compte où se situent les intérêts véritables des "hommes de la religion". Ils devraient utiliser le langage de la justice et de la solidarité, qui est celui qu'il faudrait entendre en ce moment, mais ils n'osent pas lever la voix parce qu'ils ont peur que les intérêts de la religion puissent se voir mis en danger.

On en est là. La conclusion est claire : l'institution religieuse est plus préoccupée d'assurer la stabilité et le bon fonctionnement de la religion que de s'engager (avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter) auprès de ceux qui souffrent le plus dans la vie. Les faits sont là : les riches se sentent en sécurité, les pauvres continuent à s'enfoncer dans leur misère. Et la religion avec ses temples et ses fonctionnaires se maintient telle quelle, même si elle est perçue chaque jour comme relevant du passé et avec toujours moins de force.

José Maria Castillo

Toutes les fois que l'Eglise, au lieu de servir les hommes, exerce un pouvoir sur eux, toutes les fois que ses institutions, son enseignement et ses lois n'ont d'autre fin qu'eux-mêmes, toutes les fois que ses porte-parole présentent des opinions et vœux personnels comme des commandements et des prescriptions de Dieu, l'Eglise trahit sa mission, s'éloigne à la fois de Dieu et des hommes, et subit une crise.

Hans Küng

(1) dans le journal espagnol EL IDEAL du 08/10/2008 - traduction d'Edouard Mairlot. (retour)
(2) L'auteur est un des plus fameux théologiens espagnols actuels. On le considère souvent comme le "théologien de la libération espagnole". Jésuite, professeur tant à la Grégorienne de Rome qu'en Espagne, il est l'auteur de 38 livres et de nombreux articles. Pourchassé sans relâche par la censure ecclésiastique, il décida en mai 2007, à l'âge de 78 ans, de quitter les jésuites pour pouvoir enfin s'exprimer librement… ce qu'il fait ici, sereinement. (retour)
1 octobre 2008 3 01 /10 /octobre /2008 14:44
Christiane Janssens - Van den Meersschaut Mais que leur faut-il donc, Damien, pour te reconnaître ?
Christiane Van den Meersschaut
LPC n° 3 / 2008

C'est le 30 avril dernier que j'ai appris qu'une commission de théologiens de la Congrégation pour la cause des Saints du Vatican venait d'attribuer un premier miracle de guérison au Père Damien. Selon "The Star Bulletin", c'est Audrey Toguchi, une habitante d'Honolulu, qui est la bénéficiaire de ce miracle, cent dix-neuf ans après la mort de Damien. Cette dame souffrait fin des années '90 d'une forme rare de cancer des poumons. Son mal aurait disparu "de manière inexpliquée" alors qu'elle invoquait chaque jour le Père Damien. Un médecin local, qui suivait de près la malade, avait publié ses conclusions en octobre 2000 dans un journal spécialisé, le "Hawaii Medical Journal". La commission de théologiens du Vatican y a vu une guérison miraculeuse, franchissant ainsi un pas important en vue d'une canonisation future du Père Damien. Celui-ci avait été béatifié en 1995 par le Pape Jean-Paul II, ne pouvant être canonisé, car il lui manquait la réalisation de deux miracles posthumes.


Cette obligation de miracles posthumes pour déclarer un homme saint suscite ma réflexion : de quel message spirituel est-elle porteuse ?

Madeleine Delbrêl dans son livre Rue des villes, chemin de Dieu écrit : "Ce qui fait la sainteté, ce n'est pas notre vocation, mais la ténacité avec laquelle nous l'avons saisie". J'aime cette "recette" de la sainteté : tenir bon, maintenir le cap choisi en ne se lassant pas de créer autour de soi de la justice, de la paix, de la joie, du pardon, en un mot vivre les Béatitudes. A la suite de Jésus, propager l'Amour de Dieu pour vivre ici et maintenant le Royaume.


Le Père Damien (1840-1889), missionnaire belge, a rejoint en 1873, à sa demande, les lépreux jetés comme des parias par le gouvernement d'Hawaii sur l'île de Molokaï. Il y restera définitivement, humble serviteur de Dieu parmi les humbles.

Damien va tout mettre en action pour redonner la dignité d'êtres humains à "ses frères" défavorisés, oubliés de tous, en faisant œuvre incommensurable d'amour et de soin sans pouvoir les guérir faute de médicaments efficaces. Il va les re-lever, les ré-veiller, les re-ssusciter en suivant l'enseignement et l'exemple de Jésus. Dans cet enfer, il deviendra leur consolateur, leur pasteur, le médecin des âmes et des corps. Il ne fera aucune distinction de race ou de religion. Il partagera leur vie et peu à peu construira avec eux des chemins, un hôpital, une église, une école, un orphelinat. Il créera même une fanfare, organisera des fêtes pour y apporter aussi la joie. Cet homme hors du commun n'hésitera pas, pour arriver à ses fins, à affronter toutes les conventions, tous les pouvoirs. Il remettra en cause des pratiques religieuses et politiques, il osera la rébellion contre ses supérieurs. De son vivant, il n'était d'ailleurs pas trop aimé par les officiels de l'Eglise ou des gouvernements parce que trop dérangeant ! Mais, sans faille, il a poursuivi son cap en étant un révolutionnaire de l'Amour, comme Jésus, jusqu'au bout. Il meurt à 49 ans au milieu des femmes et des hommes qu'il a aimés et qu'il a aidés, atteint du même mal qu'eux : la lèpre.


Le chemin de Vie de Damien n'est-il pas un miracle en soi ? Une vie qui a répandu l'Amour prôné par l'évangile, parmi les rejetés, n'est-elle pas une vie de sainteté ? Le rayonnement spirituel du Père Damien n'est-il pas assez satisfaisant aux yeux du Vatican pour reconnaître cet homme comme un témoin, un modèle, un guide pour les chrétiens ? Pourquoi faut-il attendre deux miracles posthumes du Père Damien, alors que durant sa vie à Molokaï, il n'a jamais pu guérir personne de "manière inexpliquée", de façon miraculeuse ?


Mère Térésa qui manifestait une admiration sans borne pour le Père Damien n'a pas attendu de miracles posthumes pour proposer le Père Damien comme guide à toutes les personnes qui travaillent au milieu des lépreux en Inde, au Yémen, en Ethiopie et en Tanzanie. Elle avait en outre écrit, en mai 1984, une lettre au pape Jean-Paul II dans laquelle elle abordait la canonisation de Damien en disant : « Damien est un miracle lui-même. »

"J'ai un vrai miracle : Avoir libéré les lépreux de leur angoisse de reconnaître la maladie et de demander des soins. La naissance d'un espoir en la guérison est un miracle.

Un second miracle : Le changement de comportement des gens et des règles à l'égard des lépreux : plus de soins, moins de peur et la volonté d'aider sans discontinuer". (Mère Térésa, lettre au pape)


Vouloir des miracles posthumes pour déclarer une personne sainte me semble antiévangélique. C'est faire fi de toute une vie passée à essayer d'aimer Dieu d'un cœur sincère et de répandre cet Amour parmi les hommes. Exiger des miracles posthumes, c'est dévaloriser la qualité d'une vie sainte. Ne pas percevoir la sainteté dans les actions d'amour d'une vie, c'est un manque de discernement, me semble–t-il. Si cette sainteté est évidente, il n'y a pas à la justifier par des miracles posthumes, elle témoigne par elle-même.

L'exemple de Damien a donné naissance en Belgique et à Paris à des mouvements qui se sont inspirés de trois aspects de sa vie : son travail auprès des marginaux, sa détermination à ce que chaque homme et chaque femme puisse trouver son épanouissement personnel et enfin son respect des différences. Des hommes et des femmes consacrent une partie de leur vie à lutter contre la lèpre et la tuberculose dans 16 pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine en travaillant avec du personnel local. Des adultes et des enfants s'engagent dans des campagnes annuelles pour financer des recherches scientifiques. Il y a aujourd'hui une opiniâtreté dans le cœur de certains à vouloir venir à bout de ce fléau. Le Vatican ne voit-il donc pas là, dans toutes ces actions, de véritables miracles ?


Une autre question m'interpelle dans le cas de la guérison miraculeuse d'Audrey Toguchi. Qui donc a fait ce miracle, le Père Damien ou Dieu ?

Si c'est le Père Damien, pourquoi n'est-il pas parvenu à faire de guérison pendant sa vie alors que c'était certainement son plus grand désir ? Pourquoi a-t-il attendu cent dix-neuf ans après sa mort pour guérir enfin une personne ? Pourquoi ce miracle ne concerne-t-il pas quelqu'un atteint de la lèpre puisque c'était le but de sa vie ?

Si c'est Dieu qui a guéri Audrey Toguchi, pourquoi privilégie-t-il une personne parmi des milliards d'autres, au nom de Damien, cent dix-neuf ans après la mort de celui-ci, alors qu'Il n'est jamais intervenu de cette façon pendant la vie terrestre du Père Damien ?

Personnellement, je ne peux pas croire en un Dieu d'Amour et de Justice qui guérit l'un mais n'intervient pas face à tant d'autres misères comme l'enfance violée, la maltraitance, la famine, la pauvreté, la guerre… (cfr LPC n°23 août 2007 pages 3-6 ).


Ce qui me choque aussi au sujet de Damien, c'est qu'il avait exprimé son désir d'être enterré à Molokaii, au milieu des siens, ce qui fut fait. Mais, en 1936, son corps fut rapatrié en Belgique et termina son périple à Leuven. Après la cérémonie de béatification par le pape Jean-Paul II le 4 juin 1995, une relique, la main droite du père Damien, a été transférée à Molokaï et y a été enterrée le 22 juillet 1995 à Kalawao. Ce non-respect de la volonté de ce saint homme d'être enterré parmi les siens et le découpage de son corps sont pour moi une tromperie et un manque de respect inqualifiables.


Ne serait-il pas temps de remettre à sa juste place le culte des Saints ? La vogue de popularité que connaissent certains saints est indéniable, mais nous devons bien constater que souvent le culte des saints est entaché de rites superstitieux et de trafics d'argent.

Oui, il est bon d'avoir des modèles qui nous montrent comme un miroir l'Amour de Dieu. Il existe autant de chemins de sainteté que de saints. Ceux-ci peuvent nous permettre d'avancer sur notre propre chemin. Ne serait-t-il pas plus honnête et plus riche de sens de nous en tenir à cela, plutôt que de nous faire croire à toutes sortes de manifestations miraculeuses qui engendrent des tractations commerciales : bougies, pèlerinages, intentions de prières payantes, médailles… Là, les saints ne sont plus des modèles de vie qui nous rendent actifs et libres, mais des distributeurs de miracles qui nous rendent passifs et dépendants.

Christiane Van den Meersschaut