L'Assemblée, communauté de foi. |
Christian Bassine |
LPC n° 4 / 2008 |
On entend souvent dire que l'Eglise se trouve liée, non seulement à Jésus, mais encore plus et davantage à Dieu lui-même. Il suffit de participer à une célébration dominicale pour le percevoir très clairement. Mais le propos, ici, est d'explorer la dimension humaine de l'Eglise, que je préfère dénommer l'assemblée et qu'on peut définir comme étant "COMMUNAUTE DE FOI EN JESUS". La foi ne s'exprime pas en termes de connaissances, d'idées ou de doctrines, elle s'exprime essentiellement en termes de fidélité (fides = foi) à une ou des valeur(s) universelle(s), à une personne, elle-même valeur universelle. Il y a foi dans une relation, dans une communication avec une personne, avec nécessairement un tiers, avec autrui. Dès qu'une autre personne, dès qu'autrui entre en scène, il y a communauté possible. On aperçoit donc que communauté et foi vont ensemble. On ne peut pas croire seul, on ne peut aimer seul, on ne peut être trouvé fidèle qu'en relation avec un ou une autre. Matthieu exprime ce que Jésus a dit ou du moins pensé ou vécu avec ses disciples quand il a dit : "Là où se réunissent quelques-uns en mon nom, je suis au milieu d'eux". Le lieu de la foi en Jésus, c'est l'assemblée, c'est la communauté, grande ou petite, de préférence petite, de dimension conviviale. Le premier élément d'une communauté, la base, l'ancrage si on préfère, c'est la condition humaine, c'est le fait de vivre ensemble des choses analogues ou semblables quoique différentes. Notre condition d'homme, de pécheur, d'inachevé pourrait-on mieux dire, nous rapproche les uns des autres, riches ou non, vieux ou jeunes, femmes ou hommes. Ce qui est notre dénominateur commun, c'est la nature humaine profondément enracinée en tous quoi qu'on fasse ou dise. Ce qui nous caractérise c'est la quête inlassable de notre identité : qui est "je" ? Qui suis-je en profondeur ? Que deviendrai-je après la mort ? Pourquoi suis-je vivant, ici, et irréductiblement moi ? Tous les êtres humains se posent ou se sont posé ces questions existentielles dans le mystère propre à leur personne. S'il y a des réponses, elles sont uniques, personnelles, la plupart du temps indicibles, inexprimables, sauf confusément quelquefois par le biais de l'art, l'amour ou l'échange spirituel le plus fugitif. "Solitaire parmi des solitaires", l'homme a néanmoins besoin de communauté pour survivre, pour se trouver, pour se mieux connaître. Mais ce n'est pas n'importe quelle communauté qui peut le satisfaire et répondre à ses questions lancinantes sur son destin, son mystère, son être en définitive. La personne de Jésus a permis aux disciples de trouver sens à leurs jours, et même à leur mort, puisqu'ils ont accepté le martyre par fidélité, par foi, par amour d'une personne qui les avait aimés jusqu'au bout. Les apôtres ont ainsi formé une première communauté de foi, fondée sur Jésus, sa vie, sa parole, ses paraboles, ses actes et son destin. La communauté de foi est donc adhésion à la personne de Jésus depuis la primitive Eglise, les premières assemblées, et encore aujourd'hui, dans la mesure où nous sommes présents à Jésus pour qu'il soit présent à nous-mêmes et en la communauté, à condition que nous nous assemblions "en son nom". Il ne convient pas de s'assembler par fidélité à une loi de l'Eglise, à une tradition familiale ou par souci d'échanger au seul plan humain (échapper à la solitude parfois) : il convient de le faire pour rencontrer Jésus qui transcende la communauté de base et les éléments humains, certes nécessaires, mais non suffisants. La communauté de foi implique présence de et à Jésus dans le cœur et dans la vie de chaque fidèle, elle implique écoute et entendement intérieur de la parole de Jésus et de l'Ecriture qui l'annonce et le manifeste, elle implique partage du pain et du vin par la mémoire qui transcende l'histoire. L'assemblée, communauté de foi des apôtres et des disciples de Jésus réunis au cénacle "en son nom" faisait-elle mémoire de Jésus entre eux ? Ils auraient pu se laver mutuellement les pieds, ils parlaient toutes les langues nous dit l'Ecriture, chacun comprenait les paroles des autres, quelle que fut la langue utilisée. Nous continuons aujourd'hui la tradition en vivant entre frères et sœurs le bonheur des Béatitudes, en partageant le pain et le vin, en pratiquant la charité fraternelle qui nous réconforte, oublie toute offense ou indifférence, en ouvrant notre cœur sans réserve à autrui, première loi de l'amour selon le seul commandement du Seigneur. Car les langues du cœur sont innombrables. Nous vivons la communauté de foi en échangeant en petits groupes de dimensions conviviales les paroles vraies qui atteignent l'autre au meilleur de son être parce qu'elles partent du meilleur de nous-mêmes. Jadis confusion des langues à Babel, hier don des langues au cénacle, aujourd'hui don des langues pour faire mémoire entre nous de nos vies (plus que de nos idées…) dans ce qu'elles comportent de sens pour nous et pour autrui, échangeant par des paroles vraies nos expériences spirituelles vitales, nos compréhensions de l'Ecriture et nos lectures des événements fondateurs de notre foi personnelle. Quand les amis de LPC se rencontrent chaque premier samedi après-midi du mois, ils constituent une assemblée au sens propre du mot, en petite communauté à échelle humaine où il est possible d'exprimer en toute liberté sa foi comme ses doutes, ses interrogations, ses difficultés, ses déceptions, mais aussi ses joies comme ses espérances. Rassemblés au nom de Jésus pour tenter d'être fidèles à sa vie (plutôt qu'à sa mort), de mettre en pratique les préceptes de l'évangile et de concrétiser la confiance qui nous anime, toutes les petites communautés, paroissiales ou autres, vivent ainsi une assemblée conviviale qui nourrit le cœur et l'esprit, enrichit la vie et rejoint ainsi le sacré le plus authentique. Car il n'y a pas de foi sans communauté de foi. |
Christian Bassine |