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6 juillet 2019 6 06 /07 /juillet /2019 08:00
bateau lpc De la prêtrise à l’abandon des doctrines de Roger Sougnez (Editions GOLIAS)
Un livre décoiffant et interpellant préfacé par Jacques Musset
De la prêtrise à l’abandon des doctrines de Roger Sougnez (Editions GOLIAS)

Un prêtre, croyant convaincu au début de son ministère, relate dans ce livre, le cheminement qui l’a mené à l’abandon des croyances religieuses. Ses recherches entreprises, dans un souci de vérité, pour justifier sa foi, lui firent découvrir que l’Eglise catholique n’était pas la représentante de Dieu et que beaucoup de ses doctrines n’étaient plus recevables.

Il pense participer au comblement d’un vide car si des livres écrits par des prêtres remettent en question bien des positions de l’Eglise, il n’en connaît pas qui montreraient de façon détaillée et systématique, pourquoi des dogmes aussi fondamentaux que la divinité de Jésus, la Trinité, Marie mère de Dieu, le Péché Originel, l’Au-delà … et d’autres sujets importants ne sont pas crédibles et que toute tentative de réinterprétation serait illusoire.

Conscient de la difficulté, pour des chrétiens qui se posent des questions, d’avoir accès aux informations qui leur permettraient de se faire une opinion personnelle, il croit leur rendre service en fournissant une documentation honnête et critique et des considérations habituellement tues. Il veut bannir la langue de bois et les développements alambiqués.

Il montre également que le monumental catéchisme de l’Eglise catholique, promulgué par le pape Jean-Paul II en 1992, est un échec, une contre-valeur ; il n’est pas fiable car il se contente de retransmettre un enseignement traditionnel anachronique qui n’est plus crédible aujourd’hui. Il comporte de nombreux articles invraisemblables parfois même aberrants et des conceptions archaïques inacceptables.

L’auteur, né en 1927, ordonné prêtre en 1955, a exercé son ministère dans une paroisse puis, pendant 25 ans, professeur d’Ecole Normale Moyenne, il a été chargé du cours de religion et surtout de la formation d’enseignants de religion. Depuis 1987, il a cessé toute fonction sacerdotale.

Une critique radicale du catholicisme institutionnel

"Prêtre catholique, j'ai voulu m'assurer de la solidité de mes croyances. J'ai entrepris de rigoureuses recherches qui m'ont amené à prendre progressivement conscience que, contrairement à ce qu’elle a toujours prétendu, l'église catholique n’est pas la représentante de Dieu, que beaucoup de positions de cette institution simplement humaine sont erronées, non crédibles et qu’on devrait lui reprocher des comportements gravement répréhensibles.

Pensant que mes investigations, arguments et conclusions pourraient être utiles à des chercheurs de Vérité, j'ai écrit ce livre, fruit d'une vie de recherche : "De la prêtrise à l’abandon des doctrines", une critique approfondie du catholicisme dont la radicalité dépasse largement les ouvrages contestataires habituels des théologiens catholiques.

Je passe en revue, sans langue de bois, sans raisonnements alambiqués, tout en m’efforçant de demeurer nuancé, la quasi-totalité des principaux dogmes et positions essentielles du catholicisme, comme la divinité de Jésus, la Rédemption, la Trinité, Marie mère de Dieu, le péché originel, les sacrements et des prises de position morales inacceptables, et j’explique, pourquoi à mes yeux, ils ne sont pas crédibles.

Je fournis des arguments parfois inédits et je dépasse le cadre purement catholique pour parler de Dieu et des religions. Je fournis aussi beaucoup de textes importants, peu ou pas connus, qui invitent à la réflexion et qui permettent aux lecteurs de se forger une opinion fondée.

Je montre également que le "Catéchisme de l'Eglise catholique", imposant condensé de l’enseignement officiel de l’Eglise promulgué par le pape Jean-Paul II en 1992, comporte beaucoup trop d’articles non crédibles. C'est un fiasco !

Mon livre peut se révéler utile lors de débats concernant les problèmes fondamentaux humains et religieux.

Si des associations chrétiennes hésitent à citer et utiliser un livre qui critique aussi radicalement leur religion et leurs croyances, on pourra leur reprocher leur manque d’objectivité et, de toutes façons, ce qui est dénoncé ici sera tôt ou tard, sinon admis par tous, du moins connu de tous. On ne demande pas au lecteur d'approuver toutes les positions de l'auteur mais il peut tirer profit de certaines argumentations et réflexions pour remettre en question ce qui doit l’être en tenant compte de la réalité. Il pourra arriver à des convictions personnelles justifiées et solides au lieu de se bercer d’illusions.

Grâce à sa conception bien structurée, il est aisé de se baser sur certaines parties du livre pour alimenter un débat sérieux au sein de groupes de recherche. "

Roger Sougnez

Pour acheter ce livre :

  • Prix : 18 euros, frais de port compris
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7 juillet 2018 6 07 /07 /juillet /2018 08:00
bateau lpcQui êtes-vous, monsieur le professur?
Jean Ghisdal

Il est né à Lyon, il y a aujourd'hui 75 ans, dans une famille bourgeoise très catholique. C'est l'un des scientifiques les plus populaires de notre temps : il s'agit du biologiste Albert Jacquard.

Edmond Blattchen, le présentant dans son émission ''Noms de dieux", lui adresse ces très belles paroles: "Jadis catholique, vous revoilà en effet chrétien. Simplement, pour vous, l'amour du prochain c'est désormais l'amour de cinq milliards de prochains."

C'est à cause de ce souci des autres qu'Albert Jacquard a une grande vénération pour saint François d'Assise et une réelle amitié avec l'abbé Pierre. Albert Jacquard ne saurait donc laisser indifférent un chrétien qui pense librement (L.P.C.!). Aujourd'hui, nous allons déposer nos catégories toutes faites, nos jugements hâtifs, notre racisme religieux et nous allons essayer d'entrer dans la peau de quelqu'un pour qui la peau des autres est ce qu'il y a de plus sacré au monde. Prenons garde aux gros titres, aux phrases-choc et aux citations hors-contexte. Ce sont des produits hautement inflammables à manipuler avec la plus grande précaution !! "Ne pas enfermer l'interlocuteur dans les phrases qu'il a prononcées", telle est la consigne de celui à qui nous nous intéressons en ce moment. Nous allons puiser, dans un livre et dans deux dialogues, des paroles et des écrits d'Albert Jacquard lui-même. Dans "Petite philosophie à l'usage des non-philosophes", écoutons-le, d'abord, exprimer de façon très poétique la place des autres dans notre vie. C'était en janvier 1995. Il rencontrait les élèves des classes de terminale d'Albi à l'initiative d'Huguette Planès, professeur de philosophie au lycée Rascol.

"Ma capacité à penser et à dire "je" ne m'a pas été fournie par mon patrimoine génétique; ce que celui-ci m'a donné était nécessaire, mais non suffisant. Je n'ai pu dire ''je" que grâce aux "tu" entendus. La personne que je deviens n'est pas le résultat d'un cheminement interne solitaire ; elle n'a pu se construire qu'en étant au foyer des regards des autres. Non seulement cette personne est alimentée par tous les apports de ceux qui m'entourent, mais sa réalité essentielle est constituée par les échanges avec eux : JE SUIS LES LIENS QUE JE TISSE AVEC LES AUTRES. Avec cette définition, il n’y a plus de coupure entre moi et autrui."

Lisons-le maintenant au chapitre "Dieu" dans son livre : "Le souci des pauvres". C'est le scientifique qui écrit, le généticien Albert Jacquard, celui qui, tout en ayant les pieds sur terre et la tête dans le cosmos, s'efforce de rejoindre l'inaccessible. Il utilise pour cela tout son bagage intellectuel de savant de la fin du xxe siècle.

"Le concept de création a du sens pour une statue qu'un sculpteur fait sortir d'un bloc de marbre, un poème qu'un écrivain fait apparaître sur la feuille blanche, il n'en a pas pour un néant sans durée qui "exploserait" pour produire de la matière et de l'énergie. L'univers, autour de nous, est ; nous le voyons se transformer ; nous sommes capables de restituer son histoire passée et d'imaginer son histoire future. Mais nous sommes définitivement incapables d'accéder à l'instant initial et même de le définir. Essayons de nous passer du Créateur.

Quant à la toute-puissance, elle est trop évidemment une extrapolation des fantasmes humains pour être acceptée comme caractéristique divine. Un Dieu tout-puissant n'est jamais qu'un super-homme, constamment hanté par le désir de manifester sa capacité à l'emporter sur les forces de la nature ou sur les volontés humaines. Désirer être tout-puissant, c'est renoncer au statut divin.

"Privé de sa toute-puissance et de son rôle de créateur, que reste-t-il à Dieu ? ... L'essentiel.

A défaut de François d'Assise, trop lointain, écoutons le message d'un de ceux qui l'ont suivi, ... l'abbé Pierre. Il parle de Dieu. Il n'a qu'une phrase pour préciser son sujet : "Dieu est amour. Dès que l'on remplace le mot "amour" par un autre, ajoute-t-il, on trahit Dieu."

Enfin, Edmond Blattchen interviewe Albert Jacquard dans son émission "Noms de dieux" et, à cette occasion, notre généticien persiste et signe. Ecoutons-le:

"Si Dieu est amour, c'est que l'amour est Dieu. En inventant l'amour, ce qui n'était pas évident, nous avons inventé cette chose ineffable, cette transcendance à l'intérieur de laquelle nous sommes, qui nous fait, mais que nous faisons en même temps. Et c'est ça que j'appelle Dieu. Donc, il n'y a plus besoin d'un créateur. Il n'y a plus besoin de dire à ce Dieu qu'il est responsable de ceci ou de cela. Je suis responsable, même de lui ! Et cette idée est très bien résumée par un homme de foi, un dominicain, Jean Cardonel, un ami, qui écrit : Dieu est mort en Jésus-Christ, ce Dieu d'autrefois qui était un être jaloux, méchant, qui ne pensait qu'à se venger en permanence, à nous juger, à nous donner des ordres, à vérifier qu'on avait obéi. Ce Dieu-là a été détruit par Jésus-Christ, qui remplace cette volonté de puissance par l'amour, l'amour entre les hommes".

Merci, Professeur Jacquard. Vous nous obligez à sortir des sentiers battus dans le champ de mines de nos vérités dogmatiques. Vous nous forcez à quitter notre torpeur spirituelle. Vous réveillez l'équipage endormi qui a branché le pilote automatique et qui vole paisiblement au­ dessus des nuages.

Oh oui ! Vous secouez drôlement le cocotier! Merci.

Nous la faisons nôtre votre prière à saint François d'Assise:

"François, aide-nous à devenir des HOMMES".

Jean Ghisdal - LPC-2001

Bibliographie :

  • Petite philosophie à l'usage des non-philosophes - Calman-Lévy, 1996
  • Le souci des pauvres. L'héritage de François d'Assise - Calman-Lévy, 1996
  • L'intégrale des entretiens "Noms de dieux" d'Edmond Blattchen n° 8 - Editions Alice - RTBF-Liège
14 avril 2018 6 14 /04 /avril /2018 08:00
bateau lpcHommage à Maurice BELLET décédé à Paris ce 5 avril 2018
Maurice BELLET

Ci –dessous le texte paru dans Cathobel le 6 avril 2018

Décès de Maurice Bellet, théologien lucide et courageux

Prêtre et théologien formé à la psychanalyse, Maurice Bellet est mort le 5 avril 2018 à l’âge de 94 ans d’un AVC à l’hôpital Sainte-Anne de Paris. Lucide et courageux, il n’a eu de cesse de traduire, dans une société sécularisée, les éléments de la foi chrétienne.

La pensée théologique de Maurice Bellet se distingue par une prise en considération courageuse du processus de déchristianisation occidental.

Dans l’un de ses derniers livres, L’explosion de la religion (Bayard, 2014), il affirme percevoir la « décomposition » de la pratique religieuse en Europe. « La religion s’est rétrécie à ce que la société a fini par appeler le religieux ». Impossible selon lui de « réinventer l’espace même de l’Evangile » sans prendre le rétrécissement de la religion dans toute son ampleur.

« Ce que nous avons à craindre, c’est la disparition du christianisme » , affirmait-t-il dans un entretien accordé au Journal La Croix, en décembre 2007. « Précisons de la foi chrétienne. Car du christianisme il subsistera toujours au moins des traces culturelles (…). Mais les chrétiens auraient bien tort de croire que ce sauvetage culturel signifie un retour de la foi » .

Pour retrouver le suc de la vie chrétienne, Maurice Bellet eut l’intuition rapide qu’une profonde mue était à entreprendre, rappelle La Croix, et tout un discours de foi à revisiter. « C’était un homme d’une très grande ouverture d’esprit », se souvient Catherine Erard, journaliste à RTS religion, « soucieux de traduire les éléments de la foi chrétienne dans un monde sécularisé » .

Il en va de la survie même du christianisme. « S’il se révèle que la foi chrétienne est incapable d’affronter le monde tel qu’il est, de donner une interprétation valable et efficace de ce que les gens vivent, alors sa défaite est certaine », écrivait-il en ce sens. « Et sa place sera au musée, dans le folklore, dans l’histoire des historiens ».

Lucide, Maurice Bellet était aussi un homme d’espérance. Quand « tout va mal », il est urgent de retrouver ce qui donne à chacun la possibilité de vivre. C’est là, précisément, que la religion peut se réinventer.

(deces-de-maurice-bellet-theologien-lucide-et-courageux).

« La Trois » rediffusera le « noms de dieux » de Maurice BELLET (antenne d’avril 2005) le vendredi 20 avril prochain vers 11 h 20.

24 février 2018 6 24 /02 /février /2018 09:00
Herman Van den MeersschautTransmettre la Foi: enfermer ou libérer ?
Herman Van den Meersschaut

Le mensuel "L'Appel" du mois de mai 1999 était consacré à la laïcité. On y publiait une intéressante rencontre avec Guy HAARSCHER, que le périodique présente très justement comme laïque, athée, franc-maçon et homme de dialogue. Celui-ci nous a, en effet, habitués à un discours très ouvert, que ce soit dans des débats avec son ami Gabriel RINGLET ou dans ses chroniques qui passent sur les ondes de la RTBF.

Voilà, bien sûr, un libre penseur dont nous nous sentons très proches. Cependant, dans l'article cité, une réflexion a attiré mon attention.

Guy Haarscher dit : "C'est pourquoi aujourd'hui certains chrétiens ne voient pas d'incompatibilité entre le fait d'être croyant et celui d'être libre-exaministe : dans sa propre ré flexion, le croyant peut avoir recours à une transcendance, en toute liberté et sans l'imposer à autrui. Pour moi cela reste quelque chose de mystérieux, que je ne comprends pas de l'intérieur, mais je ne porte pas de jugement là- dessus."(1)

Si Guy Haarscher trouve cela mystérieux et ne peut comprendre notre libre pensée de l'intérieur, n'est-ce pas parce qu'il y a un malentendu sur le sens donné aux mots "croyant" et "avoir recours à une transcendance" ?

De quoi est-il porteur, ce mot "croyant"? Mère Teresa, Jean-Paul II, les Talibans, Pinochet, Le Pen sont tous des croyants; mais quels liens y a-t-il entre eux ? Ont-ils vraiment le même Dieu ?

Lorsqu'on a "recours" à une transcendance, que veut-on dire ? S'agit-il d’une éventuelle intervention extérieure et matérielle dans la vie des hommes que l'on pourrait provoquer par certains rites ?

Pour la plupart des laïques - et pour beaucoup de chrétiens - la foi est quelque chose dans laquelle on est plus ou moins coincé dès sa naissance et qui suppose une adhésion aveugle et globale à un ensemble de textes sacrés, de rites, de règles, d'obligations et d'interdits, révélés par Dieu, abolissant ainsi toute pensée personnelle. La dictature spirituelle que le magistère de l'Eglise a exercée tout au long des siècles a largement contribué à imposer cette perception. Et, comme le dit Maurice Bellet :

"N'avons-nous pas rendu ridicule, mesquin, odieux, ce qui était la grandeur même ? Remplacé la liberté par l'obligatoire, la pensée par l'obligatoire, l'amour par l'obligatoire ? Et toutes les sauces ajoutées ne changent rien au plat... N'avons-nous pas creusé le trou dans lequel sombre ce que nous avons cru ?"(2)

A cause de cela, les laïques ont très difficile à s'imaginer que dans l'Eglise des chrétiens puissent remettre en question le caractère révélé des Ecritures. Il est évident que si l'on considère la Bible comme pure Parole de Dieu révélée à l'homme, on ne peut que s'enfermer dans une logique d'obligation. Rappelez-vous le "Ce que les chrétiens sont tenus de croire" de nos anciens catéchismes. Nous baignons malheureusement encore dans cette logique. Lors d'une journée pédagogique récente, la conférencière ne nous disait-elle pas : "L'année jubilaire, ce n'est même pas Moïse qui l’a inventée, c'est Dieu lui-même." C'est sur cela que s'appuient d'ailleurs tous les intégrismes et les sectes: Dieu l'a dit, c'est écrit.

Si c'est cette vision de la foi que perçoit Guy Haarscher, je comprends qu'il ne comprenne pas, puisqu'il n'y a là aucune place pour la liberté. Guy Haarscher sait bien qu'il touche là une terrible contradiction que nous vivons tous. Dans une de ses chroniques, il fait remarquer combien la liberté fait peur et pas seulement aux croyants :

"La grande illusion de notre époque, dit-il, c'est de croire que nous aimons spontanément la liberté. En fait, nous la désirons mais nous refusons d'en payer le prix, et il y en a un. Nous ne voulons pas que les autres choisissent à notre place, mais nous n'aimons pas choisir nous-mêmes. Choisir, c'est en effet assumer de pouvoir se tromper et en porter la responsabilité. C'est s'aventurer dans l'inconnu sans garantie de réussite. Tout cela est un peu inquiétant alors que les manières de vivre imposées d'en haut restreignent certes nos libertés mais elles sont au fond confortables. Tout est pré-mâché, c'est sécurisant et nous oscillons souvent entre le désir de sécurité et le désir de liberté. Nous voulons le beurre et l'argent du beurre et nous restons sur place, indécis. C’est qu'on ne nous a pas appris la liberté. Sortir de cette contradiction est une des grandes tâches de l'époque."(3)

Notre libre pensée chrétienne me semble travailler en ce sens. Etre croyant, c'est peut-être simplement admettre mes limites humaines avec cette intuition d'un "au-delà" de moi, d'une transcendance que je ne puis nommer mais que je perçois comme Source de vie, Source d'amour en moi.

Etre chrétien, c'est peut-être simplement choisir librement cette "voie" que propose Jésus de Nazareth dans le prolongement de la tradition juive et qui me fait entrevoir, par sa vie, quelque chose de cette transcendance qui m'habite.

Pour sortir de la contradiction entre désir de sécurité et désir de liberté, il nous faut, je pense, considérer nos textes sacrés comme une parole de l'homme sur lui-même et sur le Dieu qu'il devine, comme un témoignage d'une extraordinaire aventure spirituelle, une quête de la transcendance avec ses tâtonnements et hésitations. Ils peuvent être source d'inspiration pour nous aider à trouver librement notre propre chemin.

Si Guy Haarscher peut admettre que nous prenions cette liberté par rapport à nos textes sacrés, le mystère qui entoure notre démarche de libre pensée s'évanouira comme par enchantement.

Je terminerai en citant ce petit passage de l'introduction du livre de José REDING, "Lueurs d'aurore" :

"Prends et lis, écoute, interprète, parle, mais n'enferme rien dans les mots et ne renferme surtout rien dans les choses, les systèmes et les idéologies qui clôturent et en viennent à exclure du désir de bonheur et vivre-ensemble."(4)

Herman Van den Meersschaut - LPC 1999

(1) "L'Appel" n° 217 - Mai 1999 : "Etre laïque - toute une histoire !" (retour)
(2) Maurice BELLET "L'Epreuve" - DDB 1989 (p. 70) (retour)
(3) Chronique de Guy HAARSCHER du 22 mars sur RTBF radio (retour)
(4) José REDING "Lueurs d'aurore" Ed. Feuilles Familiales 1999 (p. 22) (introduction de Philippe MURAILLE) (retour)
17 février 2018 6 17 /02 /février /2018 09:00
André VerheyenSpiritualité et intelligence
André Verheyen

Un de mes confrères, brillant professeur de Rhétorique, avait donné comme sujet de dissertation à ses élèves : "Il n'est plus possible aujourd'hui d'être n'importe quoi; il y a trop de concurrence."

Je me souviendrai toujours de sa déception devant le nombre de ses élèves qui étaient passés à côté du noyau philosophique du sujet pour n'en développer que l'aspect social, l’encombrement des carrières.

Ce souvenir m'est venu spontanément en réfléchissant à l'insistance qu'on trouve chez Marcel Legaut sur la nécessaire intelligence en matière de spiritualité.

Quand on connaît par ailleurs l'humilité et la sincérité du maître spirituel, on se rend compte qu'il n’y a chez lui pas l'ombre d'un mépris des "petits" dont parle l'évangile. Dieu sait le nombre d'heures qu'il a consacrées avec patience à leur (nous ?) communiquer une pensée qui n'est pas toujours - il faut bien l'avouer - simple au premier abord.

Ce qui importe à Marcel Legaut, c'est le respect de la réalité telle qu'elle est, dans son authenticité. Et cela vaut, en tout premier lieu, pour le cheminement spirituel.

Voici un passage parmi tant d'autres :

"Au terme ultime, qu'approche sans jamais y atteindre une pensée qui se pense jusqu'au bout de ses conséquences, jusque dans son mouvement même, jusque dans l'imminence de sa naissance, se creuse l'abîme de l’impensable où se joignent Dieu par son Acte et chaque homme par son accueil - ce qui est pour lui se rejoindre autrement soi-même.

Sans doute est-ce sur cette voie sans fin que dans l'avenir devra s'engager l'intelligence du croyant pour que, sous l'action de son savoir, critiquant inexorablement ses évidences sur Dieu, ses intuitions spontanées ou élaborées sur Lui, leurs origines et leurs mécanismes, il L'approche en Lui-même, dans l'autogenèse de son Etre, dans le déploiement de l'Acte qui le constitue au cœur de l'homme qui l’accueille et qui dès lors devient lui-même dans la liberté.

Quelle mutation attend demain les religions afin que, en raison de l'inertie de leur établissement et du formalisme de leurs pratiques, elles ne soient pas mises en faillite chez l'homme devant ses exigences spirituelles croissantes !" (VIE SPIRITUELLE ET MODERNITE - Centurion et Duculot 1992 - page 120)

Les récentes péripéties du Suaire de Turin donnent une illustration remarquable de la "mutation" souhaitée par les "exigences spirituelles croissantes" de nombreux catholiques. Il est, en effet, de moins en moins acceptable de fonder une piété authentique sur des éléments pseudo-miraculeux qui ne résistent pas à une analyse critique sérieuse.

Mais hélas, la "mutation" se fera sans doute attendre et "l'inertie de l'établissement comme le formalisme de ses pratiques" auront encore de beaux jours devant eux, si l'on en juge par les centaines de milliers, voire les millions de "croyants'' qui cautionnent ce genre de pratiques !

Outre la pauvreté spirituelle de la référence à l'Evangile - ce qui touche les chrétiens - ces pratiques favorisent chez les autres, le jugement négatif et le refus de ce qui est présenté comme de la piété ou de la foi. On comprend, dans ce contexte, la phrase de Marcel Legaut : "on ne peut pas vivre spirituellement sans être intelligent. On peut être religieux sans être intelligent.'' ("QUELQUES NOUVELLES' N° 102, cité dans L . P.C. Ne 80, page 15)

Combien de fois la question ne m’a-t-elle pas été posée à propos de membres éminents du Magistère : "Comment peut-on expliquer des prises de position aussi peu crédibles ? Ce sont tout de même des gens intelligents".

C’est que le fanatisme religieux met l'intelligence hors- jeu. Et je ne donne pas au mot 'fanatisme' un sens particulièrement péjoratif; il s'agit simplement de cette i n v e r s i o n des priorités qui résulte de la sacralisation. La valeur sacralisée est devenue i n c o n d i t i o n n e l l e ... c'est elle qui c o n d i t i o n ne l'intelligence.

On le remarque même dans le domaine patriotique ou nationaliste. Pour donner un exemple bien belge on peut faire l'expérience suivante: vous réunissez dans une pièce dix néerlandophones intelligents et dans une autre pièce dix francophones aussi intelligents et vous leur demandez leur avis sur une question sensible au plan linguistique (par exemple touchant la périphérie de Bruxelles). Il ne faut pas être grand prophète pour savoir que la vérité des uns sera différente de la vérité des autres.

C'est aussi tout le problème de l'œcuménisme, où les "religieux" n'imaginent pas pouvoir débloquer l'a priori de leur Source Révélée. Et on comprend la pertinence du point de vue de Mohamed Arkoun, professeur à la Sorbonne, qui disait que c'est en amont de nos divergences dogmatiques que nous devrions commencer par réfléchir à ce que peut signifier une "Révélation".

Ça, c'est l'intelligence nécessaire à une spiritualité crédible. Marcel Legaut disait : " ... critiquant inexorablement ses évidences sur Dieu, ses intuitions spontanées ou élaborées sur Lui, leurs origines et leurs mécanismes ..."

N'est-ce pas dans le même sens que, dans Le Monde Diplomatique de juillet I 998, Jean Malaurie(1) plaide "Pour une perestroïka de l'Eglise"? Nous avons toute raison de le penser lorsqu'il écrit, à propos d'un livre d'André Coutin(2) que "son premier mérite est, dans une langue claire et inquiète, de dénoncer une fois de plus, le religieusement correct, le spirituellement stérile".

Tous ceux qui pensent que l'intelligence humaine est un don merveilleux du Créateur, au même titre que les richesses du cœur, seront convaincus que le spirituellement fécond exige non seulement le religieusement mais aussi l'intellectuellement correct .

André Verheyen - LPC -1998

(1) Anthropologue et écrivain; directeur d'études â l'Ecole des hautes études en sciences sociales (retour)
(2) La Vie de Jésus-Christ après sa mort.. - Ed. Philippe Lebaud, Paris 1998 (retour)
10 février 2018 6 10 /02 /février /2018 09:00
Christiane van den MeersschautVous avez dit : « Agnostique croyant » ?
Christiane van den Meersschaut

Aujourd'hui, certains chrétiens qui vivent les valeurs évangéliques se déclarent: "Agnostiques croyants". Le terme semble déplaire, voire inquiéter bon nombre d'autres chrétiens qui, tout de suite, ont un sentiment de rejet et disent de façon doctrinale: "Alors, c'est que vous n'avez pas ou plus la foi, vous n'êtes pas chrétiens"

L'agnosticisme ( du grec "a" privatif et "gnosis" connaissance) est une conception philosophique selon laquelle ce qui dépasse l'expérience ne peut être connu avec certitude par la raison; il est donc impossible d'affirmer aussi bien l'existence que l'inexistence de Dieu. Si Dieu existe, ce qui n'est pas (Théo. Pages :534,535)

Il me semble que rien n'empêche l'homme qui ne sait pas exactement, de croire. L'homme "in fine" est toujours seul face à lui-même. Connaissons-nous si exactement notre conjoint, nos enfants, nos amis? Pourtant, cela ne nous empêche pas de croire en eux et de leur donner notre confiance. Et, pour vivre cette confiance avec eux, nous respectons des valeurs, nous faisons des choix parfois difficiles qui nous permettent de créer l'art du "bien vivre ensemble".

Si aujourd'hui, je me définis comme une libre penseuse chrétienne, je me définis aussi comme une agnostique croyante. Ne pas savoir. Mais croire est-ce plus mal ou moins fort que de croire parce que je sais? (Qui sait ?) Au contraire, je pense que la position de l'agnostique croyant qui croit sans certitude est une position de gratuité de la foi "Heureux ceux qui croient sans m'avoir vu" Jn,20,29) Je pense aussi que cette position est plus crédible pour une rencontre et un dialogue avec les non-croyants.

Dans notre enfance, notre enseignement voulait nous prouver sans cesse que Dieu existait. Pour cela, on nous lisait ou racontait des récits où Dieu nous était présenté comme le grand magicien tout- puissant qui veut le bonheur de l'homme, mais qui punit ou même se venge de l'homme désobéissant à la bonne marche de son plan. Un Dieu qui donne avec éclat mais reprend avec fracas.

Cela nous donnait à la fois un sentiment de protection et de sécurité, mais aussi de culpabilité et d'angoisse. Certains pourtant se trouvent très heureux dans cette perspective, ils se plaisent d'avoir un Dieu tout- puissant, ils "sur"vivent dans la fatalité puisque "c'est Dieu qui l'a voulu". Cela les rassure : "Dieu doit bien avoir une raison pour laisser faire les guerres, pour ne pas enrayer les famines... c'est certainement une punition!" Quand tout va bien, "Dieu nous récompense", et tant pis pour les autres!!! J'ose dire que personnellement, je suis athée de ce Dieu-là, qui renie la liberté de l'homme pour ne lui donner qu'une place de pion sur l'échiquier de notre planète, de marionnette dans le cirque mondial.

Par contre, en relisant les récits que l'on nous avait enseignés, non plus de façon fondamentaliste, mais en tant que libres penseurs chrétiens et avec l'aide d'exégètes tels que PH.BACQ, G.BESSIERE, J.P.CHARLIER, E.CHARPENTIER, H.KUNG, DREWERMAN, J.S.SPONG, D.MARGUERAT, J.REDING, A.WENIN......, nous découvrons des textes qui nous montrent l'évolution d'une image de Dieu, évolution parallèle à l'évolution culturelle de l'humanité. Donc, je crois que nous ne pouvons pas cerner Dieu, ni l'enfermer dans un livre sacré où tout a été dit à la dernière page, mais bien que Dieu continuera a être découvert à travers les expériences de sagesse de l'homme.

Relus dans cette perspective, les textes bibliques nous font évoluer de la foi de notre enfance, à une foi d'adulte, qui doit choisir et agir. Ces textes nous invitent à continuer la création de Dieu à son image.

Pour cela toute une série de héros bibliques vont nous dire quelque chose des qualités de Dieu, un Dieu de la Vie (Abraham), un Dieu qui se met du côté des plus faibles (Moïse), un Dieu qui ose faire confiance à des criminels (Moïse, David), un Dieu de justice (Amos).... tout le premier testament nous montre l'évolution de la croyance aux dieux de la nature des premiers hommes au Dieu Tout-Autre des contemporains de Jésus. Cette croyance ira de pair avec l'élaboration de certaines règles de vie, dont plusieurs nous paraissent aujourd'hui horribles voire ridicules (lapidation, impureté, racisme...)

Dans le second testament, Jésus qui est pétri de sa culture, va néanmoins prendre ses distances avec le Temple, avec la Tradition, avec la Loi (Sabbat, femme adultère, lépreux, Romains...) afin de mieux nous révéler un Dieu d'Amour et de Miséricorde.

A travers le récit des évangiles, il nous faut donc aussi décoder les textes pour trouver la Bonne Nouvelle de Dieu annoncée par Jésus.

Car à quoi cela sert-il à l'homme que Jésus ait marché sur l'eau, alors qu'aucun homme ne pourra jamais le faire et d'ailleurs, à quoi cela lui serait-il utile ? Pris fondamentalement, cela peut montrer sa puissance, mais est-ce une Bonne Nouvelle pour l'homme? Cela ne change rien à sa vie, si ce n'est de croire en la magie, mais aujourd'hui les "David Copperfield" peuvent faire encore mieux !

Par contre, savoir que passant de la rive de ma naissance à celle de ma mort, alors que je pourrais me noyer dans la solitude, le chômage, la maladie, la drogue, les conflits...... je peux appeler avec confiance et tendre mes mains vers un secours et qu'à mon tour je peux répondre et agripper les mains de celui qui se noie, ça c'est une Bonne Nouvelle qui m'invite sur les chemins du Royaume de Dieu ici-bas et maintenant à la suite de Jésus. Et, je vois : des familles d'accueil, des MèreTérésa, des s.o.s.Jeunes, des Téléservice, des Médecins Sans Frontières...

A quoi cela nous sert-il que Jésus ait multiplié des pains, alors qu'il y a la famine qui tue tous les jours. Mais découvrir dans le texte que, si chacun partage ce qu'il a, il y aura assez pour tous et même des restes. Ça, c'est une Bonne Nouvelle qui m'invite à changer ma vie pour que puisse régner le Royaume de Dieu ici et maintenant. Et, je vois : des Restos du Cœur, des magasins Oxfam, Made in Dignity, des Banques Alimentaires, des Opérations Arc-en-Ciel...

Rechercher le sens symbolique des textes, c'est vrai, cela dérange beaucoup de monde. Il est plus facile de croire en un magicien qui fait à notre place ( enfance de la foi) qu'en quelqu'un qui nous met devant nos responsabilités de justice, d'amour, de paix (adulte dans la foi) pour que l'homme vive debout dans le Royaume de Dieu ici et maintenant. N'oublions pas que dans de nombreux récits de miracles, Jésus s'adresse à l'homme pour le responsabiliser : "donnez-leur vous-mêmes à manger" Lc 9,13, "Prenez courage, n'ayez pas peur" Mc 6, 50, "enlevez la pierre" Jn11,39 , "déliez-le" Jn11,44, "appelez-le" Mc 10,48...

Cette façon de voir Dieu n'est pas toujours très confortable, c'est difficile, car cela nous demande un effort de conversion, une re-naissance, une résurrection de "nos morts".

Tout cela ne me dit toujours pas exactement qui est Dieu, cela ne me donne pas la preuve de son existence et je constate que les religions ne peuvent offrir à l'homme qu'une approche incertaine de Dieu. Par contre, le cheminement de l'humanité en quête de spiritualité décantée et la Bonne Nouvelle de Jésus me montrent un chemin qui peut me faire découvrir l'Amour qui à la fois m'habite et à la fois me dépasse.

C'est en quoi je crois et que je peux volontiers appeler Dieu.

Je me sens une agnostique croyante chrétienne.

Christiane van den Meersschaut - LPC- mai 2003

3 février 2018 6 03 /02 /février /2018 09:00
André VerheyenQu’est-ce que croire ?
André Verheyen

I. LA DIFFERENCE ENTRE LES CROYANCES ET LA FOI

C'est un thème cher à Marcel LEGAUT : "La pensée de Dieu est totalement absente des préoccupations quotidiennes de la majorité des hommes de notre temps. Cependant les croyances religieuses quasi viscérales venues des millénaires passés demeurent indéracinables en eux comme le montrent de brutales résurgences lorsqu'ils sont atteints dans leurs oeuvres vives, aux heures de la souffrance, de la peur ou de l'angoisse.

"De la croyance en ce Dieu tout-puissant dont l'existence n'est plus évidente, comment les hommes pourraient-ils passer à la foi en un Dieu présent au plus intime d'eux-mêmes et qui, sans être proprement cause, agit non pas sur mais en leurs actions les plus personnelles ? Car c'est d'une telle "conversion" qu'il s'agit aujourd'hui même pour les chrétiens." (Un homme de foi et son Eglise - Desclée de Brouwer 1988 - page16)

"La foi en Dieu est le fruit lentement mûri de l'approfondissement humain. Au contraire, les croyances primitives sur Dieu quand on y est totalement livré par l'évidence qu'on leur attribue, distraient du travail intérieur qui mène à cet approfondissement. L'assurance qu'elles donnent dispense d'une telle recherche et même, ne permet pas qu'on en ait d'avance l’idée.

La foi en Dieu réclame une activité personnelle menée à longueur de vie et avec ténacité ; sans cesse elle est à reprendre car sans cesse elle s'étiole. Greffée sur les croyances ataviques sur Dieu, dont la foi s'approprie la sève, elle en viendra alors peu à peu à s'enfoncer dans la profondeur de l'être et à s'y enraciner. A la suite de ces croyances, la foi en Dieu épousera - et ce sera son originalité – la totalité de l'histoire intime du croyant, ..." (o. c. page 19)

II. CROIRE QUE OU CROIRE EN ?

"Dans les relations humaines, la foi-confiance (je crois en toi) débouche nécessairement sur l'acceptation de ce que la personne à qui nous faisons confiance peut nous dire (je crois ceci ou cela : je tiens pour vrai ce que tu me dis et me promets). Ainsi, la foi en quelqu'un devient aussi la foi au contenu de sa parole - contenu que nous acceptons non en vertu d'une connaissance ou d'une expérience directe, mais sur la parole de celui en qui nous avons confiance. Sa compétence, sa sincérité, son autorité sont une garantie sur la base de laquelle nous pouvons accepter ce qu'il nous propose.

De même pour la foi en Dieu: croire en Dieu se fier à Lui, c'est aussi accepter ce qu'il nous dit, ..." (DICTIONNAIRE DE THEOLOGIE CHRETIENNE - Desclée, Paris I979 - page I50)

Evidemment, tout le problème est de savoir ce que Dieu nous dit. Ici interviennent toutes les questions sur la révélation, l'inspiration des auteurs bibliques, l'exégèse, l'autorité théologique dans l'Eglise, etc. Il est donc normal que nous évoquions aussi la relation entre la foi et les dogmes.

III. LA FOI ET LES DOGMES

L'histoire de l'Eglise est très éclairante pour illustrer une mauvaise conception du "dogme". Encore en 1929, il était normal de publier un livre sur le contenu de Ia foi chrétienne, construit comme un traité de géométrie avec sa succession de preuves et de démonstrations. J'ai devant les yeux le livre du Chanoine Legrand, Aumônier principal à l'Ecole des Cadets et à l'Ecole Centrale Scientifique, publié aux éditions Wesmael-Charlier à Namur, dont le titre est remarquable: "Apologétique chrétienne- Démonstration religieuse". Tout y est construit preuve après preuve et le doute n'est pas permis: l'article 5 du premier chapitre, mentionné dans la table des matières est éloquent à ce propos. Voici comment il est libellé : "Les sources de l’incrédulité : l'ignorance - la déformation professionnelle - l’orgueil - le dérèglement des mœurs !"

Dans un tel système dogmatique et apologétique, une pièce maîtresse était l'infaillibilité. Voici un extrait de l’ouvrage cité du Chanoine Legrand (page 365):

"Eglise est infaillible dans ses Conciles généraux et dans l'enseignement unanime des évêques ; mais le Pape peut être, à lui seul, l'organe de l'infaillibilité de l'Eglise. Le Concile du Vatican (n.d.l.r.: il s'agit du premier concile du Vatican en 1870) l’a définie : "Le pontife romain parlant "ex cathedra", c'est-à-dire remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, et définissant qu'une doctrine sur la foi et sur les mœurs doit être embrassée par l'Eglise universelle, est doué, par l'assistance divine qui lui a été promise dans la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité, dont le divin Rédempteur a doté son Eglise. C'est pourquoi, de telles définitions sont irréformables par elles-mêmes, et non en vertu du consentement de l'Eglise." (Const.I DE ECCLESIA,chap IV)

Pas question ici d'œcuménisme: le pontife romain est le "pasteur et docteur de tous les chrétiens" et l'Eglise universelle est identifiée à la catholique romaine.

Y a- t-il aussi une bonne conception du dogme?

Une approche positive est présentée par l’ouvrage collectif "La foi des catholiques" (Centurion 1984) dans ses pages 322 à 325. Nous en extrayons ces quelques passages:

"… la fonction positive du dogme, de loin la plus précieuse. Le dogme en effet établit une claire base d'accord entre les croyants, leur permettant ainsi de structurer leur foi, de la mettre en pratique, et de l'exprimer publiquement. Base de départ assurée en vue de nouvelles étapes, le dogme invite à inventorier plus avant l'insondable richesse du mystère du Christ total. Aucune lettre ne peut arrêter l'esprit et encore moins l'Esprit Saint.

Réserver la responsabilité doctrinale de la foi et du discernement spirituel aux seuls chefs visibles de l’Eglise relèverait d'un mauvais dogmatisme." (N.d.l.r.: c'est nous qui soulignons.)

"Le récent concile est symptomatique du fonctionnement de l'Eglise comme corps visible, lorsqu'elle prend conscience de problèmes vastes et urgents demandant une sorte de mobilisation générale. Certes, le concile n'est valablement convoqué que par le pape, et ses décisions sont promulguées par lui. Mais il est fondamentalement le fruit d'un travail collectif des évêques, aidés par l'immense effort du peuple chrétien en général et des théologiens en particulier.

Plus profondément encore, il est l'émergence et l'authentification de tout un mouvement commencé dans l'Eglise depuis plusieurs décennies aux niveaux spirituel, apostolique, théologique et liturgique. Un concile n'est pas un terme ni un point d’arrêt, mais une étape et une ouverture sur l'avenir."

Il est normal qu'un groupe ou une société humaine précise ses valeurs et les rédige : qu'on songe à la déclaration des "Droits de l'Homme". Au lieu de parler de "dogmes", on y parle "d'articles". Mais il est clair que ces articles expriment des convictions que nous ne considérons pas comme facultatives ni transitoires. Il serait peut-être plus opportun aussi, lorsque nous exprimons les valeurs fondamentales de notre foi, de parler d'une "charte" comportant un certain nombre d'articles,... : Mais l'important, c'est de toujours se souvenir que toute formulation est nécessairement humaine.

IV. FOI ESPERANCE ET AMOUR

S’il est intéressant de les distinguer dans la réflexion et l'étude théologique, il faut reconnaitre que foi, espérance et amour sont intimement liés dans la réalité vécue. Il est à remarquer en particulier que le langage de la foi est généralement le langage de l’amour. La perception de ce dernier aspect permettrait d'éviter beaucoup de malentendus et de méprises dans des domaines délicats comme la divinité de Jésus, la virginité de Marie, la présence de Jésus dans l'Eucharistie, etc.

Ce langage de l'amour s'exprime souvent par des images poétiques, des mythes ou des symboles, des exagérations et emportements lyriques qui perdent tout leur sens dès qu'on les sort de leur registre poétique, symbolique, lyrique, pour les transposer en dogmes historiques ou rationnels.

Un autre lien important entre foi et amour est la nécessité de mettre sa foi en pratique. Comment quelqu'un pourrait-il dire qu'il a la foi s'il vit en contradiction avec ce qu'il prétend croire ? "Montre-moi ta foi sans les œuvres ; moi, c'est par les œuvres que je te montrerai ma foi." (Epître de Jacques, 2, 18) Est-ce la morale ? Oui, en un certain sens. Mais l'amour ne se contente pas de la morale : il y a une dimension spirituelle qui est bien exprimée par André SEVE dans son petit livre "Avec Jésus qu ’est - ce que tu vis ? (Centurion 1978) :

"J'entends encore ce jeune qui disait : "Je lisais l'Evangile pour y chercher comment vivre. Soudain, j'ai arrêté, j'ai regardé Jésus et je lui ai dit : mais tu es là près de moi ! Vivant tu es là pour moi aujourd'hui." Ainsi commence la foi véritable, l'expérience de foi. Quand Jésus devient pour nous quelqu'un qui est là aujourd'hui.

... Nous étudions inlassablement ce que Jésus a dit; nous rêvons sur ce que, à partir de ces paroles, nous pourrions vivre. Mais si nous le fréquentions, si nous ne le perdions pas de vue nous dirions: 'Qu'est-ce que je peux vivre avec toi en ce moment,tout de suite?

Notre lecture de l'Evangile serait très différente. Un mot nous frapperait, le mot qui fait réellement vivre quelque chose: 'Aujourd'hui'." (o. c. page 7)

V. CONCLUSION

Des croyances ? Des vérités ? Des dogmes ? Une morale ?

Rien de tout cela n'est totalement étranger à la foi mais il y a surtout ce "vécu aujourd’hui avec Jésus", comme dit André Sève ou aussi cette foi en un Dieu présent au plus intime de nous-mêmes, comme dit Marcel Légaut.

C'est certainement une erreur d'avoir utilisé le mot "conclusion", tant il y a encore de choses à dire sur ce sujet...

André Verheyen - juillet 2000

27 janvier 2018 6 27 /01 /janvier /2018 09:00
André VerheyenFoi et raison épistémologie de deux certitudes
André Verheyen

A ceux de nos lecteurs qui font connaissance avec L.P.C. depuis fort peu de temps, il peut être utile de dire que c'est un de nos objectifs principaux d'étudier les relations entre la foi et la raison parce que nous avons toujours considéré comme une "erreur historique" cette opposition séculaire entre les conceptions traditionnelles de la foi et de la raison. Cette conviction est évidemment à l'origine de ce que nous appelons l'œcuménisme du quatrième cercle et qui vise le dialogue avec ceux qui ne se réfèrent pas à une institution religieuse mais adhèrent aux valeurs de vérité, d'amour, de justice, de paix.

Par contre, à ceux qui nous connaissent depuis plus longtemps, j'aimerais dire que c'est aussi grâce à Adolphe Gesché que nous y revenons une fois de plus.

Il a, en effet, une participation importante dans le livre "La foi dans le temps du risque" – Cerf-1997.

Voici comment ce livre présente le théologien: "Adolphe Gesché, prêtre du diocèse de Malines et Bruxelles, docteur et maître en théologie (Louvain), licencié en philosophie et lettres (Louvain), professeur à l'université catholique de Louvain (faculté de théologie), membre correspondant de l'Académie royale des lettres, des sciences et des beaux-arts de Belgique, auteur notamment de "Dieu pour penser" (5 vol. parus)".

Je voudrais ajouter à cette présentation qu'en lisant A. Gesché même sur des sujets très classiques, on risque toujours d'être agréablement surpris par un point de vue nouveau ou original. J'ai beaucoup aimé sa participation dans le livre cité ci-dessus. C'est lui qui posait l'affirmation - et finalement l'intuition initiale qui est à la base du colloque dont le livre est le compte-rendu - : "Si la foi est un acte d'homme (elle doit l'être et elle l'est), et qu'une part de risque et d'incertitude est une dimension constitutive de l'être de l'homme, la foi ne peut échapper, de quelque manière, à cette dimension. Pas plus, d'ailleurs, qu'elle ne peut échapper à toute requête de la raison et, là aussi, pour rester acte d'homme.") (o.c p.118)

L'auteur développe ce qu'il appelle une confusion épistémologique (1).

Il fait l'hypothèse suivante : " que s'est introduite en nous une confusion épistémologique où nous embrouillons deux types de certitude. "... "La foi est une certitude... mais cette certitude est­ elle du même type (je ne dis pas moins grand ou plus grand) que d'autres certitudes, en particulier la certitude rationnelle avec laquelle nous avons tort de la confondre de part en part?"

"Un fait de culture ici pourrait bien être en cause. La théologie, en toute légitimité, a développé une approche philosophique de Dieu, approche devant aboutir en principe, par les chemins de la rationalité philosophique, à la preuve de l'existence de Dieu et à la détermination de ce qu'il est. En soi, cette exigence de la raison est sans discussion. Il s'agit de prévenir la foi contre le fidéisme et l'irrationalisme. Mais cette démarche, en quelque sorte préalable ou parallèle, a fini par s'emmêler dans tout le parcours de la foi."

"Or, on peut et on doit alors se poser une question. Se demander si le rapport à Dieu qu'est la foi n'est pas d'un autre ordre que celui de la rationalité philosophique. Et s'il en est ainsi, se demander si l'on n'a pas tort, en voulant éloigner toute idée de risque, de vouloir pour la foi le même type de certitude que celui qu'on attend de la philosophie. N'y a-t-il pas lieu ici de respecter deux ordres? On aurait envie d'appliquer la fameuse distinction: rendez à César (rendez à la philosophie), ce qui lui revient; à Dieu (à la foi), ce qui lui revient."

"La foi, que jamais la raison ne remplace, ne relève-t-elle pas en effet d'une autre épistémologie de la certitude? Celle d'une confiance qu'on donne ("Je mets ma confiance dans le Seigneur", Ps. 30, 15) et d'une certitude qu'on reçoit d’un autre ("Je suis sûr de ta Parole", Ps.118, 42) . Et non pas, comme en philosophie, d’une certitude que l'on acquiert, et que l'on acquiert à partir de soi-même. Croire suppose certes une adhésion libre, personnelle et sensée, mais elle repose sur ceci que l'on s'en remet à quelqu'un (certes, parce que digne de foi) non à un raisonnement abstrait. On ne dira pas: j'ai (Je possède) ma certitude; mais: quelqu'un m'a d'abord donné sa promesse et j'y ai mis (et trouvé) mon assurance."

L'auteur insiste sur le fait qu'il nous faudrait une épistémologie "de la promesse (le dieu de la philosophie ne promet pas) et de la confiance (la raison ne fait pas appel à la confiance). Et donc une épistémologie du risque... En sorte qu'on puisse alors cesser de confondre, de part en part en tout cas, le Dieu pensé philosophiquement et le même Dieu confessé religieusement. Le même Dieu, certes, mais vécu dans une relation différente. Une chose est de savoir que quelqu'un existe, autre chose est de croire en lui." (o.c. pages 124-126)

Si j'ai voulu citer largement l'auteur lui-même, c'est pour ne pas risquer de trahir sa pensée. Car on est étonné - et en même temps émerveillé - de la richesse d'un sujet qui suscite sans cesse de nouvelles questions et des approches complémentaires.

Ainsi par exemple, si une certitude provenant de la confiance que je donne à quelqu'un correspond bien à mon expérience, à côté d'une certitude plus rationnellement conquise, les problèmes rebondissent au niveau des intermédiaires. En effet, la relation personnelle qui est offerte à ma confiance passe par une longue chaîne d'intermédiaires : apôtres, évangélistes, disciples d'évangélistes et Pères de l'Eglise, rédacteurs de symboles de foi et de catéchismes officiels, magistère, etc. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'entre le début de la chaîne et l'autre bout qui m'est présenté aujourd'hui il y a une sérieuse distorsion. Pour employer un terme qui a été à la mode ces derniers temps, je dirais qu'il y a, tout au long de la chaîne de transmission, un certain nombre de "dysfonctionnements" qu'il faut tenter de repérer.

Il est assez clair que dans ce travail de repérage nous allons devoir jouer sur de nombreux registres; nous aurons besoin d'un nombre important "d'épistémologies", pour reprendre le terme du professeur Gesché. Car il serait dommage, en les classant sous la seule rubrique "raison", de gommer la spécificité d'approches aussi différentes que la philosophie, l'histoire, l'analyse littéraire; sans oublier des domaines plus spécifiques encore tels que la sacralisation ou le fondamentalisme religieux.

C'est ce travail "pluri-épistémologique" qui nous passionne car il est essentiel à tout dialogue œcuménique, surtout évidemment à celui du "quatrième cercle".

Qu'il me soit permis de terminer par un petit "clin d'œil" au sujet d'une "bienheureuse confusion épistémologique". Je songe à quelqu'un qui est parvenu à susciter mon adhésion d ans un délicieux mélange de confiance et d'exigence de rigueur intellectuelle: l'exégète Jean-Pierre C harlier o. p. dont je garde le souvenir reconnaissant.

André Verheyen - LPC mars 1999

(1) Epistémologie : du grec épistèmè = connaissance, savoir...L'épistémologie est donc l'étude des différents types de connaissance et de savoir. Elle peut, elle­ même, utiliser des approches différentes : scientifiques, philosophiques ou autres. (retour)
13 janvier 2018 6 13 /01 /janvier /2018 09:00
André VerheyenAvons-nous besoin de Dieu ?
André Verheyen

C'est le titre du livre que Roger GARAUDY publiait en 1993 chez Desclée de Brouwer à Paris.

Voici la présentation de l'auteur, telle qu'elle figure en page couverture:

"Roger GARAUDY agrégé de philosophie et Docteur es Lettres est né en 1913. Il passe trois ans en déportation au temps de l'occupation nazie. Membre du Bureau politique du Parti communiste, il en est exclu en 1970. Auteur de nombreux ouvrages sur le marxisme, le christianisme et l'islam, il est l'artisan du dialogue international entre chrétiens et marxistes.

Traduite en vingt-sept langues, son œuvre a fait l’objet de nombreuses thèses, dans des pays aussi divers que les Etats-Unis, les pays de l'Est, l'Allemagne, l'Espagne, le Zaïre et l'Egypte."

Plusieurs d'entre nous se rappelleront sans doute le livre "APPEL AUX VIVANTS" que Roger Garaudy publia en 1979 aux Editions du Seuil et dont Dom Helder CAMARA disait dans "Le Monde" : "Roger Garaudy fait bien plus que secouer nos consciences et ébranler nos vies : il nous aide à déclencher les mutations dont le monde a besoin".

Effectivement, dans "AVONS-NOUS BESOIN DE DIEU?" c'est encore une de ces mutations qui est évoquée : rien moins que le passage de la domination au service.

Même si le propos est vigoureux et sans compromissions on ne peut que se sentir en communion évangélique avec l'auteur, à condition d'avoir compris comme les apôtres - mais l'ont-ils vraiment tous compris ? - qu'il faut passer du Dieu tout-puissant à celui qu'Adolphe Gesché appelle "Le Dieu de la Semaine Sainte" (La Libre Belgique, 31/03/94). Adolphe Gesché, prêtre et professeur de Théologie, termine son article par cette phrase : "Que chacun bien plutôt, nous dit-il (n.d. l. : Dieu), homme ou femme, vienne de Cyrène aider son prochain à porter sa croix ou se glisse tendrement vers lui avec son voile de Véronique. Alors apparaitra le vrai Visage."

Dans son "introduction" - qui est précédée, rappelons-le, d'une lettre très fraternelle de l'Abbé PIERRE à Roger Garaudy - l'auteur justifie la question à laquelle il consacre son ouvrage. "Le présent ouvrage constitue un effort pour fermer cette "parenthèse prétentieuse de la suffisance" occidentale, cette "suffisance" qui est le contraire à la fois du dialogue et de la transcendance" (o. c. page 12).

Ce que l'auteur appelle la "parenthèse prétentieuse de la suffisance", c'est la période qui commence à la "Renaissance" où "les maîtres à penser… exigeaient que l'homme règne à la place de Dieu".

Mais après avoir vécu pendant quatre siècles du mythe du progrès, notre société constate sa faillite et passe, en moins d'un demi-siècle, au mythe du non-sens: les philosophes de l'absurde (l'auteur cite e. a. Heidegger et Sartre) et puis au mythe de l'ordinanthrope.

Par ce néologisme amusant, il entend cette conception selon laquelle "le monde était désormais trop complexe pour être piloté par l'homme et qu'il fallait s'en remettre à l'ordinateur pour résoudre tous nos problèmes" (o. c. page 12).

Toute cette évolution a conduit notre société à ce que Roger Garaudy appelle "l'actuel monothéisme du marché". Et, dans son introduction, il précise que nous nous trouvons aujourd'hui devant le "choix entre le mercantile et le sacerdotal, ce choix du sens de notre vie" (p. 21) qu'aucune machine ni aucune technique ne peut faire à notre place.

Il ne faudrait pas comprendre le "sacerdotal" comme le "clérical" ou "l’institutionnel" mais bien plutôt comme le "religieux" ou le "spirituel". En effet, "Quant aux religions, dans ce maëlstrom des rapacités, et des performances techniques pour les satisfaire, elles semblent toutes entrer dans l'avenir à reculons, en regardant vers le passé. Elles identifient la foi avec la forme culturelle ou institutionnelle qu'elle a pu prendre à telle ou telle phase antérieure de l'histoire" (o. c. page 22).

Alors, quelle est la réponse ?

"Avec Jésus, pour la première fois, la transcendance divine se révèle dans le dépouillement de toute puissance chez un homme partageant la vie des hommes et d'abord celle des plus démunis, et révélant, par sa vie et sa mort, la divinité de la vie et de la mort" (p. 23).

On ne s'étonnera donc pas que la piste choisie par l'auteur est celle qu'il exprime, de manière condensée, dans la dernière ligne de son introduction : "Théologie de la domination ou théologie de la libération?" Et les deux parties de l'ouvrage correspondront aux deux termes de cette alternative :

  • I. Une théologie de la domination est-elle une réponse ?
  • II. Quel Dieu ? Quelle libération ?

Dans la première partie, Roger Garaudy montre que c'est la théologie de Saint Paul qui est la plus ancienne et qui est à la base des quatre évangiles. Et cette vision de Saint Paul, l'auteur l'appelle "théologie de la domination!".

Les titres des cinq chapitres de la première partie donnent une idée assez nette de son propos:

  • 1. Au commencement était Paul
  • 2. L'Evangile de Paul
  • 3. La théologie de Paul dans les Evangiles
  • 4. De Jésus à Paul
  • 5. Le passé : le "paulinisme politique"

Voici quelques passages que nous aimons souligner à titre d'illustration :

"... les épîtres de Paul ne contiennent que deux allusions à la vie de Jésus, mais plus de deux cents citations de l'Ancien Testament."

"Dans cette "Bonne Nouvelle" pas un mot sur la vie de Jésus, comme s'il s'agissait d'une parenthèse inutile : ce qui importe c'est ce qui est avant sa vie, sa lignée, celle de David, et après sa mort : le miracle de sa résurrection par la puissance du Dieu des Pères. Ce n'est pas l'Evangile de Jésus qui est prêché par lui mais 'le plan de Dieu tout entier que je vous ai annoncé" (Ac 20, 27).

"Ce credo paulinien est caractérisé par l'absence de toute référence à la vie de Jésus" (o. c. pages 39-40).

"Avec Paul Jésus est devenu le Christ, le Messie. Il a la puissance des anciens envoyés de Dieu, comme David. Sa vie, lors de sa première venue, son humble et pauvre vie, sa vie propre, est effacée" (p. 43).

"N'y a-t-il pas contradiction, pour ceux qui croient que Jésus, par sa vie et sa parole, nous a rendu visible le Dieu invisible, et qui croient aussi qu'avoir foi en Jésus c'est jouer sa vie sur les valeurs dont sa vie et sa parole ont porté témoignage, de considérer comme fidèle au message une œuvre, celle de Paul, dont cette vie et ces paroles sont totalement absentes" (p. 44).

"Pour illustrer cette victoire du paulinisme politique et de sa théologie de la domination, dans le christianisme historique, institutionnel, nous retiendrons seulement cinq exemples :

  • - celui de l'augustinisme politique ;
  • - celui de Luther ;
  • - celui du colonialisme ;
  • - celui de la lutte actuelle contre les théologies de la libération ;
  • - celui du Catéchisme catholique de 1992 (p. 90)."

Dans les limites que nous imposons à notre revue L P.C., nous ne pouvons pas en dire plus. Nous espérons avoir pu donner envie à nos lecteurs de lire le livre en entier. Il en sera de même pour la deuxième partie, dont les titres des quatre chapitres sont suffisamment éloquents :

  • - 1. L'avenir : quel Royaume annonce Jésus ?
  • - 2. Un dialogue Nord-Sud est-il possible? "Nouvelle évangélisation" et "application de la sharia"
  • - 3. L'athéisme, moment nécessaire de la foi : Kierkegaard, Marx, Nietzsche.
  • - 4. Comment parler de la foi à un homme irréligieux?

C'est presque une souffrance de devoir se limiter à l'une ou l'autre citation, tant la matière traitée par Roger Garaudy est riche. Nous n'aurons donc pas l'intention de donner un aperçu complet du livre, simplement de mettre l'eau à la bouche.

"Qu'importe ce qu'un homme dit de sa foi. Ce qui importe est ce que cette foi fait de cet homme. Si l'on se dégage des œillères de l’Occident l'on s'aperçoit qu'en d'autres civilisations et à travers d'autres cultures, des "porte-Dieu" ont formulé autrement le même message."

"Le Royaume, en rupture radicale avec la tradition du m essianisme juif ne s'inscrit plus dans l'espace et le temps. Jésus affirme sans équivoque possible que le Royaume est "en nous" et "déjà là autour de nous" parce qu'il n'est pas la récompense d'une conquête, à la manière du Royaume de David, ni même l'avènement d'un autre Messie descendu du ciel.

Il est le fruit d'abord de notre libération intérieure, de notre totale dépossession, non seulement de toute richesse, mais de tous les autres conditionnements de nos désirs, de nos préjugés, de toutes les aliénations de l'avoir, du savoir et du pouvoir" (o. c. page 132).

"Une "nouvelle évangélisation", après une nécessaire autocritique de l'ancienne, exige autre chose qu'un habillage folklorique de la théologie occidentale par les cultures autochtones sous le nom d "'inculturation". La reconnaissance de l'unité de Dieu et de sa présence, qui ne peut se manifester nulle part ailleurs que partout, implique d'abord qu'il ne peut y avoir de "peuple élu", hébreu ou occidental, dont la médiation serait préalable et nécessaire pour rencontrer Dieu" (p. 146).

"Il n'y a de dialogue véritable que lorsque chacun, au départ, admet qu'il a quelque chose â apprendre de l'autre, qu'il est donc prêt à remettre en cause telle ou telle de ses certitudes. C'est pourquoi celui qui s'engage dans cet authentique dialogue apparaît parfois comme un dissident en puissance à l'égard de sa propre communauté" (p. 155).

En six pages de "conclusion", l'auteur résume son ouvrage. Encore une fois, nous nous limiterons à quelques citations :

"... le besoin de Dieu est le besoin majeur de notre époque. Il y va de la survie de l'humanité et de son sens. Encore faut-il dire (comme nous l'avons fait pour la messianité de Jésus et pour la résurrection) de quel Dieu il s'agit.

Que Jésus soit le Messie par lequel notre vie personnelle et notre commune histoire prennent leur sens plénier, c'est une certitude. Mais ce Messie n'est pas celui qu'attendaient ses contemporains ...

... De même le Dieu dont nous avons besoin n'est pas cet être extérieur et supérieur à nous, régnant " d’en haut", dans on ne sait quel "ciel" à la manière d'un monarque plus puissant que tous les autres. Moins encore ce Dieu dont notre communauté seule détiendrait la véritable image. Ni ce Dieu partial et tribal qui nous aurait élus et nous donnerait mission et pouvoir d'exclure et de massacrer d'autres peuples" (o. c. page 202).

"Cette évocation de la pluralité des religions du monde, des perspectives différentes de l'expérience du transcendant que nul ne peut prétendre saisir dans sa totalité, n'implique aucun éclectisme ou syncrétisme, mais l'humble et indispensable reconnaissance de la relativité non de la foi, mais des cultures à travers lesquelles elle s'exprime, et de la richesse de l'approche des autres cultures" (p. 204).

Ce livre n'a d'autre but que d'appeler chacun à prendre conscience qu'il est personnellement responsable - sans délégation possible à un parti, un Etat ou une Eglise - de l'avènement possible de ce "Royaume", et à se lever, contre les dérives de la décadence, pour passer du non-sens au sens, de la mort à la résurrection." (p. 207).

Il y a quelques années ayant appris que Roger Garaudy était passé à l'Islam nous avions ressenti une déception en ce sens que cela nous semblait le passage d'un p articularisme à un autre. C'était mal connaitre celui qui se révèle dans "AVONS-NOUS BESOIN DE DIEU?" comme un homme qui est au-dessus de tout particularisme et en qui nous sentons un ardent défenseur d'une libre pensée chrétienne. C'était déjà cette dimension-là qui lui avait valu son exclusion du parti communiste.

Lecture à conseiller à tous les amis de LPC.

André Verheyen - LPC décembre 1994

15 octobre 2016 6 15 /10 /octobre /2016 16:31
Une question est une question(1)
Antoine Marie Leclercq

On vous avait nourris au lait des évidences.

On vous avait enseigné le bien qu'il faut faire, le mal qu'il faut éviter.

On vous avait appris vos devoirs avant que vous soyez capables d'aimer.

On vous avait dit de vous prosterner avant que vous sachiez devant qui.

On vous avait donné les réponses à des questions que vous ne vous posiez pas.

Vous vous étiez installés dans la vérité en propriétaires qui défendent leur bien.

Est venu le temps des questions.

Vos bonnes réponses, dressées devant vous, vous cachaient votre vie.

Et, franchissant le seuil, vous avez connu l'angoisse du vide.

Vous erriez sans boussole.

Vous avez alors cherché d'autres réponses qui pourraient vous arracher à ce vertige, vous combler.

Vous vous êtes déchirés aux épines en essayant de sortir de ce trou.

Vous vous êtes meurtri l'intelligence et le cœur.

Vous avez côtoyé le désespoir, ne trouvant rien qui prenne le relais de vos certitudes désertées.

Vous n'aviez plus que vos questions, et vous perdiez le souffle.

On vous avait habitués à croire que le seul intérêt d'une question, c'est de conduire à une réponse dont elle vous rend possesseurs.

Il vous restait à découvrir qu'une question est une question.

Vous avez entrevu que l'essentiel n'est pas nécessairement le terme, mais parfois le chemin.

Vous avez compris que le chemin parcouru vaut bien autant que le but du voyage - que le voyage lui-même peut ne pas avoir d'autre raison d'être que de voyager.

Vous vous êtes reconnu frère de tous ceux qui faisaient la même traversée, sans trop vous demander dans quelle langue ils s'exprimaient.

Ce qu'il y avait de commun entre vous, c'était - au-delà des mots cette quête, cette recherche.

Vous vous êtes retrouvés sans feu ni lieu, n'habitant que votre propre cœur.

Vous vous êtes familiarisés avec vous-mêmes.

Dépossédés de vos réponses, vous avez découvert le vrai visage de votre âme.

Un jour enfin, vous avez su que l'important n'est pas de savoir.

Qu'il n'est pas de connaître l'Inconnaissable, mais d'aller vers lui.

Vous avez su qu'il n'y a pas d'autre chemin que cette errance.

Pas d'autre vérité que cette ignorance.

Vous êtes devenus libres.

Antoine Marie Leclercq

(1)Dans Quelques nouvelles n°302- octobre2016(retour)