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14 mars 2020 6 14 /03 /mars /2020 09:00
André Verheyen Paroisse-Passion # Paroisse-Resurrection
André Verheyen

André Verheyen , écrivait déjà en 1995. Depuis rien n’a vraiment changé dans l’Eglise !

Paroisse- Passion

Dans les deux sens du terme : d'abord parce que les temps sont durs et que la paroisse souffre dans les circonstances actuelles. Mais aussi parce que la paroisse est une de ces réalités auxquelles on peut se donner corps et âme, au risque du chauvinisme et du fanatisme. Il est beau de voir un garçon défendre les Scouts, une fille défendre les Guides, un chanteur défendre sa chorale et un paroissien sa paroisse comme si c'était sa famille...

Non, pas comme si... Parce que c'est sa famille!

Evidemment, il y a toujours ceux qui ont la psychologie du consommateur : quand il y a des difficultés ou des problèmes, on critique ou bien on va ailleurs. Mais pour les autres, les "engagés", leur passion pour la paroisse devient passion-souffrance lorsqu'ils voient le nombre de "pratiquants" diminuer, le produit des collectes baisser et le noyau des responsables se rétrécir.

Il n'est pas rare que l'enthousiasme en prenne un coup. Le rappel régulier de la crise actuelle n'est pas fait non plus pour encourager. On nous signale que dans le diocèse de Tournai "en l'an 2000 les 80 unités pastorales, qui regroupent chacun plusieurs paroisses du diocèse, ne disposeront au maximum que de 172 prêtres de 65 ans et moins. Il faudra donc s'organiser autrement. Aussi importe-t-il de repenser en profondeur la mission de l'Eglise". On nous dit - admirons au moins la sincérité! - que "Les prêtres sont fatigués. La situation se dégrade, concluent les doyens du diocèse de Liège."

Il n'est pas besoin de multiplier les citations mais elles sont particulièrement significatives lorsqu'elles parlent du "XVIIIème Colloque Européen des Paroisses" qui s'est tenu à Prague, du 3 au 7 juillet dernier. "... avec le progrès du scepticisme et la contestation des valeurs proprement chrétiennes, la foi chrétienne se trouve déstabilisée. Cette évolution rend la vie des paroisses de plus en plus compliquée et fait que l'action pastorale devient problématique." On signale aussi que "beaucoup de traditions anciennes se perdent" mais que dans le même temps "d'anciennes formes de dévotions, éventuellement considérées par certains comme dépassées (adoration, piété mariale, pélerinages, etc.), connaissent à nouveau un regain d'intérêt et sont sincèrement vécues. En même temps, des tensions et des polarisations subsistent et altèrent les rapports entre personnes individuelles, groupes et communautés." Mais on rappelle que "il n'existe à l'heure actuelle aucun autre lieu que la paroisse, qui soit à même de permettre l'épanouissement de la vie chrétienne de personnes différentes par leurs orientations".

(Toutes ces citations sont extraites des « Religion» du mardi de la Libre des 11 et 25 juillet 1995. )

Paroisse- Resurrection

La paroisse peut-elle ressusciter? Le problème, c'est que pour ressusciter il faut d'abord mourir et qu'il est difficile d'accepter de mourir!

Parabole

Dans une des paroisses où j'ai eu le plaisir de travailler, il y avait une statue du Sacré-Cœur, en plâtre, dont une personne bien intentionnée s'était débarrassée en la donnant à la paroisse. Etant donné que cette statue était passablement démodée, le responsable de la paroisse ne désirait nullement s'en encombrer mais, bien intentionné lui aussi, la remit aux organisateurs de la prochaine tombola paroissiale. La personne qui eut la chance encombrante de gagner ce lot en fit généreusement don aux organisateurs de la tombola suivante. L'histoire se répéta pendant des années jusqu'au jour où un vicaire, particulièrement conscient du ridicule de la situation, eut le courage d'y mettre fin en détruisant la statue en question. Bien sûr, la version officielle des responsables - toujours bien intentionnés fut qu'elle était tombée accidentellement!

Si je donne le titre "parabole" à cette anecdote tout à fait authentique c'est qu'elle symbolise assez bien ce qui se passe dans beaucoup de nos paroisses. Les responsables bien intentionnés ne veulent choquer personne et bien qu'ils constatent le décalage entre la mentalité de notre société contemporaine sécularisée et un certain pluralisme dans leurs pratiques religieuses n'osent pas casser la statue. Alors on continue le train-train habituel et on le motive en disant que la paroisse est la seule solution pour le "tout-venant".

Cette expression, "le tout-venant'', est de plus en plus utilisée pour désigner la clientèle normale des paroisses. Et, comme pour beaucoup d'autres, son utilisation s'accompagne de bien des ambigüités. En effet, quand on dit qu'il ne faut pas repousser "les gens simples ou ceux qui n'ont que ça (certaines pratiques parfois superstitieuses) comme lien avec l'Eglise", on confond souvent l'accueil bienveillant des personnes avec un manque d'imagination et d'audace dans l'aggiornamento nécessaire.

Pendant que je préparais cet article, un prêtre ami me passa un petit livre de Louis Evely : "Echec et Espoir d'un christianisme". Déjà en 1976, Louis Evely mettait le doigt sur cette difficulté que nous avons à évoluer avec la vie ou l'Histoire.

"L'assurance de posséder une révélation divine a découragé la recherche et l'invention... Pendant que nous nous occupions de nos problèmes internes, de nos cultes, de nos modes liturgiques... le monde inventait, souvent malgré nous et contre nous, la démocratie, la tolérance, le socialisme, la psychologie des profondeurs, l'égalité des droits, l'instruction obligatoire, la décolonisation, l'émancipation des femmes, des noirs, l'éducation sexuelle et la limitation des naissances, que les Eglises adoptaient après résistance et avec retard... Notre foi n’est ni pensée, ni formulée en fonction de notre temps..." (o. c. p. 8 à 16)

Dans le domaine économique, il faut des efforts de modernisation et d'adaptation de la part des entreprises pour rester compétitives. Pourquoi en serait-il autrement dans le domaine spirituel ?

Loin de faire un long réquisitoire, je me bornerai à trois exemples importants.

Tout le monde - même le 'tout-venant - peut savoir actuellement que l'adage "hors de l'Eglise point de salut" est périmé. Et dans la logique œcuménique on sait qu'une communauté protestante est aussi valable aux yeux de Dieu qu'une communauté catholique. Et malgré cela on assiste au vieillissement du clergé, à la suppression de messes, au regroupement de paroisses et à la méfiance vis-à-vis des célébrations dominicales animées par des laïcs...

Tout le monde- même le 'tout-venant' - peut prendre connaissance actuellement dans les médias de publications comme le "Jésus" de Jacques DUQUESNE, les ouvrages de DREWERMANN ou d'autres auteurs qui présentent l'exégèse actuelle. Et malgré cela la moyenne (pour ne pas dire la majorité) des prédications dans nos paroisses perpétuent des interprétations traditionnelles et historicisantes marquées par la peur de choquer les gens.

Le troisième exemple est le décalage entre le langage des gens et un certain langage qu'on retrouve toujours dans la majorité des textes liturgiques. Sans oublier cette impression largement dominante dans les paroisses qu'on est tenu de respecter tous les éléments du schéma des célébrations dans leur formulation souvent désuète (gloria-credo - psaumes - oraisons - même de nombreux passages des prières eucharistiques traditionnelles).

Conclusion

A la question posée, "la paroisse peut-elle ressusciter ?". On aimerait donner une réponse positive mais il faut se rendre à l'évidence qu'il faudrait une telle révolution dans les mentalités qu'on ne peut raisonnablement prévoir de la part des responsables des Eglises que quelques aménagements mineurs qui ne résoudront pas le problème de fond.

C'est pourquoi nous gardons notre passion pour notre paroisse et nous rêvons d'une paroisse idéale ou d'une paroisse porteuse et en attendant, nous comptons sur tous les groupes et mouvements qui remplacent la peur de choquer les gens par une mobilisation des gens qui sont choqués par le manque d'audace prophétique de leur Eglise.

André Verheyen