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2 décembre 2017 6 02 /12 /décembre /2017 09:00
André VerheyenPéché originel et immaculée conception… !?
André Verheyen

Etant donné que nous constatons souvent la confusion entre les deux, il n'est pas inutile de rappeler que l'Immaculée Conception est autre chose que la Conception Virginale.

En effet, cette dernière désigne la conception de Jésus dans le sein de Marie, sans qu'elle ait eu de relation sexuelle avec un homme, tandis que l'Immaculée Conception est la conception de Marie sans la tâche du péché originel.

Une autre précision utile dans le travail d'actualisation que nous proposons est que, dans ce cas-ci, le vrai sujet sera le péché originel dont Marie aurait été préservée, selon la croyance traditionnelle.

Ceci étant dit, je voudrais aborder trois clés d'interprétation ou d'actualisation, quitte à constater éventuellement que les notions de péché originel ou d'immaculée conception sont actuellement inopportunes.

Voici ces trois clés :

  1. Le langage de la foi est le langage de l'amour.
  2. Certaines réalités profondes de la condition humaine s'expriment mieux dans un langage imagé ou symbolique que dans un langage rationnel.
  3. Il y a des images et des symboles bibliques qui sont toujours d'actualité aujourd'hui et d'autres ne le sont plus du tout.

1. LE LANGAGE DE LA FOI EST LE LANGAGE DE L'AMOUR

Le problème n'est pas de savoir s'il est bien vrai que Marie est la Reine des Cieux; c'est parce que le peuple chrétien aime la maman de Jésus qu'il le dit en une multitude de variations sur le même thème. Cela n'a aucune prétention critique, ni du point de vue du réalisme, ni du point de vue historique, ni de quelque point de vue que ce soit.

Beaucoup d'entre nous ont connu les "litanies de la Sainte Vierge". Dans mon enfance, nous les récitions en famille tous les soirs du mois de mai et même si je ne comprenais pas ce que signifiaient "Tour de David" ou "Tour d'ivoire", cela ne me dérangeait pas plus que "Arche d'Alliance" ou "Reine des Anges".

Depuis que j'ai retrouvé toutes ces expressions dans la Bible, et plus particulièrement "Tour de David" et "Tour d'ivoire" dans le Cantique des Cantiques (IV,4 et VII,5) je sais encore mieux qu'il s'agit du langage de l'amour.

En conclusion de cette première clé d'interprétation, constatons qu'il est aussi ridicule que dangereux de vouloir rationaliser (énoncer en termes rationnels) ou dogmatiser (imposer comme vérité à croire) certaines expressions qui sont un élan d'admiration, d'affection et d'amour.

2- CERTAINES REALITES PROFONDES DE LA CONDITION HUMAINE S'EXPRIMENT MIEUX DANS UN LANGAGE IMAGÉ OU SYMBOLIQUE QUE DANS UN LANGAGE RATIONNEL.

C'est particulièrement le cas pour le problème du mal et de la souffrance. Nous faisons tous l'expérience qu'il est facile d'en parler quand on n'y est pas vraiment confronté. Mais quand nous vivons des situations où il n'y a plus moyen de fuir ni de tricher, alors nous savons bien qu'il n'y a plus d'explication raisonnable !

Les auteurs de la Bible ont parfaitement saisi cela et c'est très judicieusement qu'ils ont traduit ces grandes énigmes de notre condition humaine dans les récits mythiques que nous connaissons .

En tenant compte de cette deuxième clé d'interprétation, nous constatons une fois de plus qu'il est dangereux de se tromper de genre littéraire et de prendre pour historiques des récits qui sont clairement mythiques.

Voici le point de vue de Bernard FEILLET sur cette question ; il ne manque pas d'originalité :

"Il n'est pas nécessaire de se référer au péché d'Adam et Eve, à ceux qui nous sont donnés comme les fondateurs de la transgression, et qui auraient mis au monde une humanité à jamais blessée, pour justifier Dieu de tous les malheurs de notre histoire. Car elle est trop belle la tentation du récit des commencements : "Vous serez comme des dieux", pour laisser à Adam et Eve le privilège de l'avoir entendue. Le récit de la chute, au commencement de l'étonnement d'être et du désir d'exister plus, est un récit superbe qui, d'une manière mythique, met en évidence, comme une parole décisive de l'homme adressée à son humanité, que nul homme ne sera jamais satisfait de la condition humaine. Il n'y a pas de tentation d'origine, parce qu'il y a une tentation permanente et c'est elle qui nous concerne : si le récit de la Genèse nous parle si bien, c'est qu'il parle aujourd'hui. Quand dans la prière du Notre Père nous demandons de ne pas être soumis à la tentation, j'espère que nous exprimons ainsi notre volonté de ne pas être détruits dans la confrontation de notre être au mystère de Dieu, mais que nous ne souhaitons pas la contourne.

La tentation qui inaugure, dans le récit biblique, la première décision de l'homme, précède ce que nous devenons, elle est la source, plus ou moins consciente de toutes nos décisions. Elle est la tentation fondatrice de notre humanité et nous ne demandons pas d'en être dispensés." (page 141) (1)

3- IL Y A DES IMAGES ET DES SYMBOLES BIBLIQUES QUI SONT TOUJOURS D'ACTUALITE AUJOURD'HUI ET D'AUTRES QUI NE LE SONT PLUS

Certaines images et certains symboles conviennent toujours parce que leur fonction symbolique est évidente. Ainsi par exemple, nous ne risquons pas de penser que Dieu serait du feu ou du vent. Alors, ne craignons pas de représenter des théophanies (apparitions de Dieu) dans le grondement de la tempête et la lumière de l'éclair.

D'autres symboles ou récits mythiques conviendraient encore s'ils n'étaient pas piégés par une lecture fondamentaliste (historicisante, à la lettre) et par l'ambigüité du discours officiel dans ce domaine.

Qu'on songe seulement au discours officiel sur le "tombeau vide" en ce qui concerne la Résurrection et aussi sur la "virginité" matérielle ou physique de Marie ! C'est aussi le cas pour le Péché originel et pour l'Immaculée Conception. En rationalisant ces mythes et en les dogmatisant (voir plus haut, première clé), avec les apparitions de Lourdes à l'appui, on a enlevé toute pertinence à l'utilisation de ces notions dans la proclamation contemporaine du message chrétien; c'est ce que je voudrais dire en guise de conclusion.

CONCLUSION

On peut supposer que l'utilisation d'une image, d'un symbole ou d'un récit mythique est un procédé pédagogique qui a pour but d'aider à comprendre des réalités dont l'accès n'est pas facile. Si on confond l'image ou le signe avec la réalité signifiée, on est en pleine ambiguïté et le but est raté.

Personne ne se permettra de nier la difficulté que représente le changement de cap qu'exige une adaptation du discours à la culture de nos contemporains. Bernard FEILLET la mesure aussi :

"Quel univers théologique - j'entends par là la relation de notre humanité avec le mystère de Dieu - s'ouvrirait à nous, si à l'intérieur même du christianisme nous sortions résolument des catégories conceptuelles du péché originel, accompli à l'origine de l'humanité, et du rachat payé par la mort de Jésus-Christ afin que Dieu nous accorde le salut ? ... Pour penser autrement il convient non seulement de préciser et de purifier le vocabulaire, mais il faut bien plus créer un vide qui ne permette plus les automatismes des chrétiens trop bien-disants." (o. c. page 143) (2)

Dans les communautés de chrétiens trop bien-pensants et "trop bien-disants", on n'ose pas créer ce vide par peur de se faire accuser de "ne plus avoir la foi".

Dans nos rencontres de "Libre Pensée Chrétienne" c'est par désir de fidélité à la pensée biblique et au projet de Jésus que nous prenons nos distances par rapport à un discours rationnel et dogmatique qui pense sauver les mythes fondateurs mais qui, en réalité, les détruit en évacuant toute leur valeur de signe.

André Verheyen - LPC – juillet 1999

(1) L'ERRANCE - DDB 1997 (retour)
(2) Idem. (retour)