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26 mai 2018 6 26 /05 /mai /2018 08:00
André VerheyenLe paysage n'est pas juste!
André Verheyen

Un amateur de randonnées en montagne n'oubliait jamais d'emporter avec lui le guide touristique qui détaillait les itinéraires, les points de vue intéressants et les caractéristiques du paysage. Il y avait déjà un certain nombre d'années qu'il se fiait ainsi à ce guide. Et voilà qu'un jour il s'arrêta, tout perplexe, car le paysage ne correspondait pas à ce qu'il pouvait lire dans son guide touristique. C'est alors qu'il s'écria: "Mais le paysage n'est pas juste!"

***

Arrivés à la maison, ses compagnons lui demandèrent: "Explique-nous la parabole du randonneur en montagne". Il leur dit: "Quand des spécialistes de la théologie traditionnelle continuent de parler dans un langage qui ne correspond plus à la culture des gens, le message ne passe plus. Alors, ils disent: ces gens n'ont plus la foi.

Mais les disciples insistèrent: "Peux-tu nous donner un exemple? Il dit: "Vous savez qu'il est écrit:

"Le dogme de l'Assomption parle en ce sens de notre propre avenir, il désigne l'objet de l'espérance qui nous habite dès aujourd'hui dans le temps de l'histoire, car la création attend avec impatience la révélation des "fils de Dieu", et nous aussi, qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l'adoption, la délivrance de notre corps" (Rom. 8, "19 et 23). L'Assomption atteste que Dieu a déjà anticipé pour la mère de son Fils le salut espéré par les chrétiens !??! (n° 265 p. 44)." (extrait du document "Marie... Controverse et conversion", cité dans un article de Jean-Marie HENNAUX, SJ. - voir "Pastoralia" de mars 1998)

"Lorsque, dans quelques années, dans des églises plus ou moins vides, les autorités ecclésiastiques souscriront encore à ces déclarations œcuméniques avec pompes et cérémonies, elles penseront sans doute: dommage que tant de gens n'aient plus la foi pour se réjouir avec nous!"

***

Ce qui vaut pour la "mariologie" vaut pour tous les autres domaines du message chrétien.

Un domaine sensible est le langage du rituel de la confirmation. Est-ce qu'on se rend compte qu'on tient ce langage à des jeunes de 12 à 17 ans?

Cependant, il ne faudrait pas croire que la méprise ne touche que les jeunes. Ainsi, un de mes confrères qui était titulaire d'une classe de sixième latine (des garçons d'environ 13 ans) dans un grand collège de la capitale avait vécu la Confirmation de la majorité de ses élèves. Le lendemain du congé qui avait suivi cette célébration se révéla comme un jour de classe particulièrement pénible. Aussi, lorsqu'après la classe ce collègue nous rejoignit au réfectoire pour le goûter, il me dit: "tu me croiras ou tu ne me croiras pas, mais j'ai les trois quarts de mes élèves qui ont été confirmés samedi dernier... eh bien, ils sont aussi bêtes qu'avant!"

***

Je laisse évidemment à ce confrère la responsabilité de son affirmation. Mais - plus fondamentalement - revenons au langage de ce rituel de la Confirmation. La difficulté principale semble résider dans l'ambigüité du terme "donner" ou du terme "recevoir" quand il s'agit de !'Esprit. Comment un rite sacramentel peut-il "donner" l'Esprit? Que peut signifier, dans notre sensibilité culturelle d'aujourd'hui, que nous avons "reçu" l'Esprit Saint au baptême et que nous le "recevons" davantage par l'imposition des mains et l'onction d'huile de la Confirmation?

En particulier, dans le rite central de l'onction d'huile, on peut se demander si la formule "N., sois marqué(e) de l'Esprit Saint, le don de Dieu." ne gagnerait pas à mieux dissocier le signe du signifié. Telle quelle, cette formule ne correspond à aucun vécu expérimental. Le jeune est marqué de l'onction d'huile mais la relation avec l'Esprit - pour être crédible - doit être exprimée dans le registre du signe.

On pourrait suggérer par exemple: "N., comme cette onction d'huile signifie sa douceur pénétrante et son pouvoir de guérison, que l'Esprit du Seigneur puisse te communiquer sages­ se, intelligence, amour et force."

***

J'entends d'ici les protestations de ceux qui vont me dire: "Et que faites-vous de l'action efficace du Sacrement ?"

Je les renvoie à ce que disait mon confrère dont les trois quarts de sa classe avaient été confirmés. Et j'ajoute: "Chers amis, trouvez-nous un langage crédible, qui corresponde au vécu. Mais ne nous dites pas que c'est le paysage qui n'est pas juste !"

André Verheyen - LPC - 1998