Bonjour… Permettez-moi de vous dire que je lis avec beaucoup d’intérêt vos publications (…) Bien que mon écrit n’est qu’une rédaction spontanée, il se veut être une invitation à la poursuite du questionnement à propos de certains fondamentaux. Personnellement, je vous rejoins dans le nécessaire dépassement de l’approche historico-critique. C’était, à l’époque des deux André, une nécessité. Ils ne juraient que par ça. Et c’était indispensable, un passage obligé pour différentes raisons. Aujourd’hui, il me semble que la vague des exégèses narrative et symbolique nous conduit à oser proposer des analyses du donné biblique qui visent à entrer en dialogue avec l’homme (l’être humain!) et ce en faveur de sa propre croissance personnelle et des structures collectives. Les penseurs chrétiens doivent apprendre à contempler l’humanité en croissance en chacune et chacun. Ils doivent se décrisper face aux entendements réducteurs dont ils font l’objet. En tant que professeur de religion, en tant que formateur de futurs professeurs de religion, je vous assure que c’est loin d’être simple de rester « zen » face à la déferlante « anti-cours-de-religion » de ces dernières années. C’est un autre et profond débat, mais qu’il faut, me semble-t-il, interroger parce qu’il illustre bien la situation de l’Eglise d’aujourd’hui dans nos régions. Une Eglise qui se laisse présenter comme un appareil frileux, sclérosé, moralisant. A ranger dans les placards du temps. Mes parents étaient très amis avec les deux "André". J'aurais aimé commenter l'article d'André Hannaert, un des fondateurs de Libre Pensée chrétienne; l'article s'intitule Résurrection du Christ, notre résurrection. J'écris spontanément, me demandant si j'aurai l'espace suffisant et si mes propos seront suffisamment nuancés pour me faire comprendre. D'abord, sachez que je souris intérieurement à l'idée d'entamer un "dialogue" avec André H. Dans ses propos, je le revois tenter d'entrer en conversation avec moi. A 24 ou 25 ans, je n'avais pas encore une pensée théologique assez outillée, mais l’ami de mes parents était à la fois une source d'émerveillement pour moi, mais aussi de questionnement. Emerveillement parce que son érudition le faisait intégrer une "matière" qui n'était pas la sienne. Questionnement aussi - surtout plus de trente après - parce que nous devons bien nous rappeler que l'approche critique des années 70 et 80 a eu besoin de l’assise historico-critique pour commencer à prendre distance par rapport à des décennies – voire des siècles - de lectures littéralistes et/ou moralisatrices. L’approche historico-critique, toujours nécessaire, se révèle aujourd'hui quelque peu asséchante et désuète. Je rejoins les propos de Monsieur Van den Meerschaut et la pertinence de ses références (Drewermann, Wénin). Mieux comprendre par exemple la Résurrection du Christ (je dis bien "du Christ") passe, aujourd’hui, par un questionnement qui tourne davantage autour de la question du sens (du pourquoi pour moi, pour la communauté chrétienne et pour l'humain en général) que de la question du comment. La résurrection de la part christique de Jésus n'a pas à être confondue avec ce que le corps de Jésus, l'homme (mâle, juif, né du couple Marie et Joseph) habitant présumé de Nazareth est devenu. La part "christique" de Jésus de Nazareth est intimement liée à son être en relation avec Dieu qu'il a découvert (progressivement), ressenti, éprouvé et communiqué à certains proches. Le Christ, le "Oint", celui qui a été « huilé » (une huile qui fait du bien, qui veut le bien) fait référence à un vécu, à un expérientiel : celui de Jésus de Nazareth tel que présenté par les témoignages évangéliques rédigés entre 35/37 et 60 ans après la mort de Jésus de Nazareth. Cet expérientiel est décrit – puis-je dire défini - par l’évangéliste Marc lors du baptême : « Tu es mon fils bien-aimé, il m’a plu de te choisir ». Plus précisément, si l’on tient compte de la traduction littérale du texte grec : « Toi tu es le fils de moi le bien-aimé, en toi je mis bon plaisir ». Ce plaisir, cette joie offerte par Dieu à son fils bien-aimé, c’est, me semble-t-il, ça que, selon Marc, Jésus de Nazareth aurait expérimenté au sortir de l’eau du Jourdain. Jésus sort de l’eau et il naît à son identité nouvelle : celle d’éprouver à son intime qu’il est « fils bien-aimé ». J’aime penser que Jésus s’est découvert un « Je suis… aimé ». En français, entre « Jésus » et un « Je suis », il n’y a qu’un petit iota de différence. Mais quelle différence ! La part christique de chaque chrétien est celle qui le relie à l’intime de lui-même avec un Dieu qui l’aime, qui met en lui un « bon plaisir » d’être un « Je suis… aimé ». Point d’épuisement à « devoir » mériter le bon plaisir de Dieu. Le temps de la religiosité est révolu. La naissance d’en Haut (tel Nicodème), notre « sortie des eaux » est celle de naître à notre être christique. Cette part de nous-mêmes a besoin de notre corps pour naître, pour grandir, pour se nourrir, pour recommencer quand des circonstances nous l’on fait oublier ou nous ont fait dévier. Il y n’a pas de croissance spirituelle sans incarnation. Il n’y a pas d’intériorisation progressive de notre être christique (notre être « bien-aimé ») sans que notre corps y soit associé. Mais… Mais, pour s’en rendre compte, il est nécessaire de se « brancher » dans le temps de Dieu. Dans le 3ème jour. C’est dans ce temps-là, branché en Lui, que nous faisons l’expérience que la nature christique de Jésus de Nazareth n’est pas morte avec son corps. Christ est ressuscité ! L’Amour continue à se donner et à se recevoir, par-delà l’absence et le deuil. Et il faut un « 40 jours » pour que le deuil travaille notre humanité qui, toujours branchée en Dieu, admet l’indispensable de l’absence. Et « 50 jours », peut-être le nombre sacré encore plus intime du divin pour que notre être se découvre fils/fille du « Bel Amour qui veut du bien » grâce au lien qui, comme le Fils avec son Père, nous introduit au cœur de l’Amour Trine. Ce lien qui, lui aussi, est donné et peut-être reçu. Evidemment, je n’étais pas présent à la Pâque juive de l’an 30. Je n’ai pas assisté et éprouvé dans mes tripes l’assassinat de Jésus, fils de Marie et de Joseph. Et je n’ai pas connu la désillusion de ses parents, de ses frères et peut-être sœurs, de ses amis. Je n’ai pas baigné dans le genre littéraire évangélique et ne mesure probablement pas convenablement ce qui relève de l’intention rédactionnelle des évangélistes. Mais la dynamique « christifiante » de Jésus, elle, se révèle toujours bien présente dans tous les actes de charité, d’équité, de miséricorde dont l’humain est capable. Des actes qui sont une réponse, trop souvent timide mais bien réelle à l’amour donné et reçu. |