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8 décembre 2018 6 08 /12 /décembre /2018 13:16
Jacques Noyer Noël ?
Jacques Noyer

J’ai trouvé ! J’ai trouvé ce que l’Église de France devrait dire devant cette insurrection des fins de mois que nous connaissons. Elle devrait annoncer qu’on ne fêtera pas Noël cette année. Le 25 décembre sera un jour comme un autre. Rien dans les églises : pas d’office, pas de crèche, pas d’enfants. On va revenir aux dimanches ordinaires car l’Avent n’aura pas lieu.

Elle dira que notre peuple n’est pas dans un état d’esprit qui lui permet de fêter Noël. Le cri de désespoir qui le traverse est incompatible avec le mystère de Noël, avec l’espérance de l’Avent, avec l’accueil d’un enfant étranger.

Je suis peut-être vieux jeu mais je me souviens des Noël de mon enfance. Il n’y avait pas que les fins de mois qui étaient difficiles. Mais à Noël on oubliait tout pour se réjouir de ce qu’on avait. Les familles les plus modestes se retrouvaient avec le peu qu’elles avaient. Dans la nuit, les pauvres se sentaient riches du toit sur leur tête, du repas amélioré de leur assiette, de la bûche supplémentaire qui chauffait la maison et surtout de la chance d’avoir un papa, une maman, des frères et sœurs qui s’aimaient. On échangeait des petits riens qui étaient pleins de choses. On allait voir le Jésus de la crèche, l’enfant démuni, étranger, dont la seule richesse était l’amour que nous lui manifestions. Et on prenait conscience qu’il y avait plus pauvres que nous, des ouvriers sans travail, des enfants sans papa, des familles sans maison. Et s’il restait un peu de gâteau on allait en donner une part au voisin malheureux.

Qu’on rappelle à notre société qu’il y a des pauvres qui ont difficulté à vivre, voilà qui va bien à Noël. Qu’on dise aux nantis que les pauvres ont des droits, qu’on redise le projet d’un monde plus juste pour tous, voilà qui s’accorde bien à Noël.

Mais ce que j’entends, n’est pas l’amour des pauvres, le souci de ceux qui n’ont rien, l’amour qui appelle au partage et à la justice. J’entends une population qui a peur de devenir pauvre, une population qui n’aime pas les pauvres. Tout le monde se dit pauvre pour avoir le droit de crier ! Les pauvres riches sont obligés de quitter le pays puisqu’on les gruge. Les pauvres pauvres ferment leur maison à plus pauvres qu’eux. J’ai connu un pays pauvre qui se pensait assez riche pour accueillir le pauvre. Je vois un pays riche qui se dit trop pauvre pour ouvrir sa porte à moins riche que lui.

Voilà sans doute bien des années que Noël est devenu le lieu de cette mutation. On invite l’enfant à désirer tous les biens de la terre et il se croit tout puissant jusqu’au moment où la limite de l’appétit ou de l’argent va faire de lui un frustré. On voulait en faire un riche comblé et il se retrouve un pauvre déçu.

Le Père Noël est devenu beaucoup trop riche et ne peut plus s’arrêter à l’étable où vient de naître l’Enfant-Dieu. Il me vient l’envie de lui arracher la barbe et de bloquer son traîneau au carrefour ! Pardon, je deviens violent. Empêchez- moi de faire un malheur !

Jacques Noyer - Dimanche 2 Décembre 2018, au petit matin

17 novembre 2018 6 17 /11 /novembre /2018 09:00
bateau lpcL'ultime secret de Gérard Bessière
présenté par Jacques Musset
L'ultime secret  de  Gérard Bessière

Gérard Bessière, à quatre-vingt-neuf ans, demeure un des explorateurs incessants du mystère du monde et des humains et donc de son propre mystère. Dans son dernier livre, il s'interroge encore et toujours : « Quel est le Secret des secrets, à l'origine permanente de l'univers et de l'humanité » ( entendez bien « permanente »), telle est la question qui l'habite au plus intime de son être et qui le tenaille au cœur de sa longue existence d'homme, de chrétien et de prêtre. Il s'agit pour lui d'une interrogation vitale concernant le sens de l'aventure humaine et de chacune de nos vies singulières. Les réponses traditionnelles de la doctrine catholique élaborées dans des contextes qui ne sont plus les nôtres ne paraissent plus pertinentes à ses yeux. Les réflexions qu'il nous livre peuvent nous aider à nourrir, creuser et affiner nos propres questionnements.

Dans la première partie de son ouvrage, Gérard Bessière éprouve le besoin de revenir aux sources de sa tradition chrétienne que sont les grandes voix prophétiques qui ont retenti depuis le 8ème siècle avant notre ère et dont Jésus est l'héritier. Peut-on y puiser toujours ? Le cœur de leur message s'exprime dans des langages et des procédés littéraires qui ne sont plus les nôtres mais il n'a rien perdu de son actualité. C'est, disaient-ils, dans la pratique de la justice avec autrui et la solidarité avec les êtres les plus délaissés que l'aventure humaine de chaque personne et des sociétés humaines prend sens et que se crée la paix véritable et durable ; l'expérience du contraire ne fait qu'engendrer malheurs, oppressions, violences, destructions. Ils parlaient d'expérience et c'est toujours vrai. On le constate chaque jour au plus près et au plus loin. Les prophètes de la Bible naturellement croyants ajoutaient en même temps que cette façon humanisante de vivre, personnelle et collective, authentifiait la vérité de la relation de quiconque avec le « Dieu caché et inconnaissable ». Jésus « héritier et novateur » est allé dans le même sens que ses devanciers mais plus loin encore, en approfondissant et en universalisant leur démarche. Son combat contre les puissances de l'époque qui opprimaient la dignité de l'homme (le légalisme et le ritualisme) révèle « le Secret », mystérieux et invisible ferment au cœur des réalités humaines. Considéré par ses adversaires comme fossoyeur de la religion, Jésus est exécuté mais, depuis vingt siècles, son témoignage n'en finit pas de susciter une multitude de chemins de vie. « Avec lui une mutation de l'humanité commence, ambitieuse, pathétique, douloureuse. En lui la nouveauté de la liberté, de l'amour sans limites, du don et du pardon jusqu'à la mort, demeure à jamais éblouissante. Depuis, cette vision, cet appel, cette présence n'ont pas cessé de réveiller et de stimuler des femmes et des hommes. Tant de justes et de saints, connus et inconnus, et la fragile émergence d'une planète éprise de respect et de justice, (en) sont des échos vivants ». Mais qu'en est-il aujourd'hui ?

Dans une seconde partie, intitulée « Tâtonnements », Gérard Bessière s'interroge avec gravité : dans notre situation actuelle, inédite à tous points de vue par rapport au passé, comment nous risquer à donner sens à notre aventure humaine et à en percevoir « le Secret » ? Notre auteur a en effet une vive conscience que le développement des connaissances et des inventions depuis quatre siècles qui ne cessent de s'accélérer ont bousculé nos représentations tous azimuts. Notre terre est une tête d'épingle dans l'infini cosmos et nos savoirs sur la complexité de l'infiniment grand et petit ont balayé les conceptions d'autrefois, y compris les croyances religieuses. G. Bessière évoque la série de déplacements qu'il a lui-même opérés au fil des ans, à la suite de ses études, de ses lectures, de ses observations et de ses rencontres. Ses certitudes d'antan se sont amenuisées. Pour lui, les doctrines traditionnelles sur l'homme, Jésus et Dieu que l'on dit tombées du ciel ou qui sont inscrites dans le marbre par les hommes au cours des siècles ne sont plus significatives en notre temps. « Le lierre des religions, des théologies n'a pas cessé d'entourer (Jésus), de prendre sa place, de le cacher ». Quant à Dieu : « On a depuis toujours vénéré, nommé, adoré le Secret en lui construisant des espaces sacrés, en lui rendant des culte solennels, en élaborant des doctrines, en déployant les ressources de tous les arts [...]Le secret demeurait secret alors même qu'on l'habillait avec les revêtements successifs des cultures. Que d'écrans pour l'accommoder aux poussées archaïques de nos besoins religieux ! » Ainsi en est-il des doctrines et cérémonies liturgiques qui revendiquent d'être la voie royale d'accès au « Secret » Ces prétentions sont laminées à bon escient par la pensée critique et cèdent le pas à des balbutiements plus modestes et discrets sans que la question essentielle ne faiblisse pour autant : « Quel est le Secret des secrets à l'origine permanente de l'univers et de l'humanité ? »

G. Bessière confesse que c'est dans l'indéniable qualité d'humanité dont il est le témoin qu'il devine la trace indicible et mystérieuse du « Secret ». Pour l'observer, s'en émerveiller, se laisser stimuler par elle, Il suffit d'ouvrir les yeux que l'on maintient souvent aveugles. Cette qualité d'humanité se nomme sous toutes les latitudes « solidarités nouvelles, recherches de vie collectives, ébauches de fraternité ». Elle se révèle dans la diversité et la profondeur des vies au-delà des clivages de croyances et d'idéologies. « Le premier sourire d'un enfant, le dévouement de vies entières, l'aspiration des foules à la justice, la recherche inassouvie en tous domaines, les créations des artistes, des poètes, des musiciens, des penseurs, montrent les beautés, innombrables, de l'existence. Elles sont entravée, parfois, par la violence, la soif de domination, l'appétit de l'argent, mais il n'empêche ; le Secret est là, intime aux ténèbres présentes et aux jours nouveaux que les prophètes de jadis annonçaient dans les circonstances politiques et sociales de leurs temps. […] Dans l'humble quotidien des multitudes, que de personnes, sans chercher de justifications ou d'impulsions surnaturelles, sont des prophètes de l'avenir immédiat ou lointain ! »

N'est-ce pas là le lieu de la révélation permanente du « Secret ». On a entendu longtemps le mot révélation comme une parole venue d'en haut. Ne faut-il pas plutôt en pressentir la présence « en pleine vie ? Pas besoin de théories, de grandes considérations sur Dieu et l'au-delà. La Révélation est en acte, dans les actes. Elle est souvent brimée quand les cœurs et les mains se ferment. Elle fleurit quand l'humanité devient plus humaine.[...] Beaucoup de femmes et d'hommes, sans le savoir, le portent en eux et vivent de lui. »

Si le « Secret » reste à jamais le secret, un mystère impossible à définir, à mettre en catégories, à enclore dans des dogmes, il se laisse deviner au travers des conduites humaines qui le révèlent. « On ne voit pas la lumière, dit Sulivan, mais les visage qu'elle éclaire ». Et Maurice Bellet n'hésite pas à écrire que « Dieu, c'est le plus humain de l'homme (1) ». Gérard Bessière lui aussi nous convie, dans son merveilleux essai, à chercher et à entrevoir ce « Secret » au milieu de nous et en nous. « Dans les cœurs qui aiment, dans les dévouements de vies entières, dans les naissances et renaissances de peuples avides d'avenir humain, le Secret est proche, brûlant parfois, (il) bouillonne en nous, l'Intime plus intime que toute intimité ». Sommes-nous au rendez-vous ?

Jacques Musset

L'ouvrage est disponible uniquement auprès de l'auteur : Gérard Bessière 158, La Grave, 46140 Luzech ( 10€+ port)

(1) L'épreuve ou le tout petit livre de a divine douceur, édition DDB, 1988, page 62 (retour)
21 juillet 2018 6 21 /07 /juillet /2018 08:00
bateau lpcLa trahison des lumières
Sœur Simone Van Opdenbosch

Enquête sur le désarroi contemporain de Jean-Claude GUILLEBAUD (Essai/Seuil -Janvier 1995- Série Fiction et Cie)

Le scandale de l'injustice dans le monde me touche profondément. Mais que faire si l’on n'a ni pouvoir, ni avoir ? Qu'au moins nous en prenions conscience et que nous la dénoncions!

La lecture d'un livre comme "La Trahison des Lumières" peut nous y aider.

Sœur Simone Van Opdenbosch

***

Selon l'auteur, le XXème siècle s'achève prématurément. "Nous avons assisté par les médias à la chute du Mur de Bertin, à la déconfiture des tyrannies et des goulags. Le siècle était mort, mais son cadavre puait... L'incertitude, les massacres impunis, les purifications ethniques, le verbiage poli des diplomates, les sectes, la mafia, voilà la commodité des empires".

Après avoir tracé l'image de ce siècle prématuré à travers la fragilité démocratique avec ses exclus, ses nouveaux esclaves et l'évasion du présent avec la panne de confiance le flou , le scepticisme et la nostalgie qui s’emparent des esprits, l’auteur en arrive à "l’optimisme impitoyable''.

Ce n'est pas la force de nos principes qui est en cause, c'est leur trahison.

Ensuite, il s'en prend "à l'idéologie invisible, totalitaire qui se proclame comme révélation, la clôture invisible qui tient captifs ses "paroissiens". La vérité est advenue. On s'extrait maintenant des fidélités inhabitables: du Marxisme, du maoïsme, de l'hitlérisme, du tiers­mondisme, du différentialisme lévi-straussien, du socialisme. Ces trente dernières années auront été comme une interminable propédeutique de la rupture. C'est une belle leçon, mais elle est cruelle...

Et maintenant s'installe la démocratie libérale. Elle se respire sans trahir sa présence, mais elle est aussi une idéologie. Et nous voici arrivés à l'intégrisme de l'argent, la prééminence du marché qui est la religion de la corruption minant le politique. Tout ceci configure la modernité occidentale.

Avant, c'était la haine de l'argent. Mais après la chute du Mur surgit la question : "Qui fera maintenant peur aux riches?" (Claude Roy) L'Etat providence est perçu comme déshonoré, comme une contrainte archaïque. L'argent est relégitimé.

La déculpabilisation de l'argent est perçue comme signe que la société s'émancipe d'un vieux fond catholique qui depuis toujours assimile l'argent au mal.

La victoire du monde américain, financier, boursier et ultra-libéral atteint le monde occidental.

Et de citer Max Weber : "L’avidité d'un gain sans limite n'implique enrien le capitalisme, bien moins encore son esprit."

L'argent amnestié et le pauvre, le perdant, sont invités au tribunal de la modernité par l'idéologie invisible. Avant, le pauvre était "un autre Christ''.

La culture depuis le XIIème siècle était porteuse d'une représentation valorisante du pauvre.

La littérature (Léon Bloy, Bernanos, Maurice Clavel, Péguy, Simone Weil) privilégie le concept spirituel de pauvreté.

Depuis le XIXème siècle et jusqu'aux années 70, la figure du bourgeois était négative. François Furet parle du "parvenu" chez Balzac, du "coquin" chez Stendhal et du "philistin" chez Marx.

Le riche avait subi un abaissement esthétique: il est mesquin, laid, ladre, pot-au­feu.

Si l'argent avait la puissance, au moins n'avait-il pas la gloire.

Maintenant apparaît une configuration nouvelle : non seulement l'argent gouverne, mais il règne... Le riche est réhabilité (Reagan : supply side) et au pauvre, jugé responsable de la pauvreté, est adressée une injonction moralisatrice. Ceci se traduit par la culture des médias.

Les héros sont le golden boy, le condottiere de la finance, le tycoon capitaliste, l'aventurier de la réussite.

Ce nouveau code social est légitimé.

Le chiffre d'affaires se trouve au rang des vertus civiques. L'argent ne trouve même plus devant lui le contrepouvoir symbolique du dédain culturel et du rire. Le Bébête Show en France se moque du politique, mais contourne la figure de l'argent avec crainte et révérence. L'adorateur du "kilofranc" est ainsi le seul bigot contemporain dont la modernité ne rit jamais.

Cette progressive rétrogradation sociale est favorisée par la disparition d'une contre-culture ouvrière, l'affaissement du syndicalisme, l'effacement des corps intermédiaires ou associatifs.

L'auteur entame ensuite la chariah du marché. Il étale les revenus astronomiques de certains PDG et autres grands patrons. Morgan évalue ce qui lui paraissait raisonnablement acceptable en matière d'inégalité de revenus : aucun dirigeant de ses propres sociétés, y compris lui-même, ne devrait gagner plus de 20 fois le salaire d'un ouvrier... Eisner, Suard, Bébéard s'y prennent également de la manière la plus incroyable pour définir les montants des hauts salaires. Ils rétorquent: "ce-sont-les-lois-du-marché".

Et que dire de l'indulgence paresseuse avec laquelle on l'accueille ! Que vient faire ce marché dans ces évaluations peaufinées dans l'obscurité des Conseils d'Administration, dans l’ obscure fraternité ou cooptation des grands corps, dans les mille et une connivences du pantouflage? Au sens strict du terme, nos décideurs surpayés, qui s'abritent derrière le marché pour légitimer leurs privilèges, ressemblent à ces barbus qui brandissent le Coran pour couvrir l'oppression de leurs femmes.

Et l'auteur de conclure le chapitre: "A l'intégrisme, intégriste et demi."

Et à travers des messages comme la dévoration des victimes, le retour aux Hommes­ Lieux avec l'ambivalence du National et la Nation à contrecœur, avec le monde qui va d'un fondamentalisme à l'autre, avec le "moi" devenu fou et le mensonge ingénu, l'auteur émet une hypothèse que la lecture du livre vous révélera.

La modernité occidentale d'aujourd'hui, contre laquelle se dressent les mouvements religieux, devant qui se rétractent les peuples d'Orient ou d'Asie n'est pas celle qu'on fait semblant d'imaginer. Ce n'est pas celle des Droits de l'Homme ou du contrat social. C'est beaucoup moins que cela et bien pire : c'est un simple slogan - malheur aux faibles - qui va son chemin.

Oublier cette nuance, c'est renoncer à un souci dont les Lumières, semble-t-il, faisaient grand cas: celui de comprendre.

"Qui veut tout comprendre finira par mourir de colère" assure un proverbe arabe. Voilà un risque que nous avons renoncé à courir...

Ces quelques extraits n'épuisent pas toute la richesse du livre, loin s'en faut.

Cette extraordinaire enquête a le mérite de nous ouvrir les yeux et de changer nos pensées et nos discours.

Sœur Simone Van Opdenbosch - LPC-1996

13 février 2016 6 13 /02 /février /2016 20:08
bateau lpc Humanisme
Luc Moës « RESSAUTS », ‘Humanisme’, inédit.

« Humanitaires de tous les pays, unissez-vous ! »

Je le proclame – c’est mon droit le plus personnel ! – et je l’adresse à tous les hommes de bonne volonté avec qui je partage la même et belle humanité en toutes ses merveilleuses virtualités.

Ce sont d’abord les humanistes qui ont sauvé les cultures de l’Antiquité, du Détroit de Gibraltar, la Méditerranée aux limites de la Perse pour qu’aujourd’hui nous goûtions encore les raffinements de la langue et des sens, les nuances les plus subtiles du savoir et de l’Esprit.

Mais ce sont aussi les maîtres de la Renaissance, de l’efflorescence des Arts au Discours de la Méthode, de l’Europe des Lumières, les poètes, les philosophes, les analystes, …

Il s’agit selon moi de ceux qui ont eu un tel souci, un tel respect de l’homme, jusqu’à tout envisager en fonction de lui, avec une rigoureuse probité, pour que les hommes vivent au mieux, en ce monde, en bonne intelligence, avant que la mort ne les ravisse aux leurs !

Ce sont aussi mes frères dans la foi en Dieu, depuis Abraham, en tout cas. Ils ont estimé qu’ils pouvaient répondre de tout leur être à l’appel intime que ce Dieu personnel leur adressait au profond de leur cœur. En vue d’une Alliance qui les qualifie, qui leur tienne lieu de gage, de sauvegarde dans la vie. Ainsi, cette relation spirituelle n’empêchait en rien, bien au contraire, le croyant de se soucier de l’homme. Il n’en était que plus déterminé à tout faire pour que l’humanité accède à toujours plus d’intégrité et de sérénité. Qu’elle arrive « à ma Maison, une Maison de prières pour tous les peuples » (Isaïe 56, 7).

Les Prophètes, en conséquence, ont rappelé, à temps et à contretemps, combien Dieu veut le bonheur de l’homme. Jésus, le plus convaincant, s’est d’ailleurs réclamé de lui pour vouer toute son existence d’homme à la mise en œuvre de cette Alliance, telle que Dieu l’envisageait en sorte que « la gloire de Dieu soit l’homme vivant » (Irénée de Lyon). Le témoignage de Jésus a été à ce point éclatant qu’un centurion romain, païen pourtant, a dit de lui : « Assurément, cet homme était Fils de Dieu ! »

Des témoins se sont émerveillés de son enseignement, de son témoignage jusqu’à prendre fait et cause pour son message. Disciples du Maître, que l’on appelle Christ, on les a appelés christ-iens, chrétiens. Ils se sont voués, corps et âme, au prochain, à la fraternité.

Un messager du Dieu unique - béni soit-il ! - s’est même investi dans le rappel à tout qui voulait l’entendre que ce Jésus était un des plus grands prophètes que Dieu avait mandaté au milieu des hommes. Il convenait de l’écouter. Il a, ce faisant, suscité des générations de mystiques, de philosophes, de férus des sciences, de penseurs, d’artistes, … aussi talentueux dans leur génie que tant d’autres en leurs traditions respectives.

Mais récemment, on les a interdits, proscrits, pour instaurer le règne inique de la pensée unique.

Ainsi, dès le moment où je pense à mes frères humains, je pense aux agnostiques, aux athées, aux croyants, aux chrétiens, … à l’estime qu’ils éprouvent tous envers la beauté, au respect qu’ils réservent au prochain quand ils se réclament de la justice, quand ils veulent être loyaux, quand ils ressentent de la compassion, quand ils aspirent à la paix, quand ils prétendent à la générosité, au sacrifice de soi plutôt qu’à l’infliger aux autres.

Le mouvement intérieur au cœur de tous, qui les porte à se mieux connaître, à s’entraider, à se promouvoir, à s’entr’aimer, j’en ai cherché comme un symbole qui parle et qui emporte. Je m’émeus depuis à l’image que m’offre un fleuve puisqu’il est gorgé, gonflé de vie. Il est fait d’eau. Irrésistible, l’eau qui a raison, même à la longue, de tout ce qui s’oppose à sa force douce et obligeante, sa fécondité. Il accueille de partout rus et rivières pourvu qu’ils se glissent à l’amiable dans le lit de l’affabilité universelle en sorte que le flot partagé achemine et destine les uns et les autres à l’unique océan des embruns pacifiques.

Humanistes du monde entier, braves et vaillants chevaliers de la vie, venez, pressez-vous au secours de l’homme qui est en danger !

D’impitoyables fauteurs de mort la sèment en nos cités. Dieu seul, disent-ils, est leur mobile. Veulent-ils dire qu’il ne s’agit que d’eux seuls ? Que leur opposerons-nous à ces barbares, insensibles et cruels, sinon nos valeurs communes et partagées, le front large et haut, des hommes les féaux. « Si quelqu’un dit : ‘J’aime Dieu’ et qu’il haïsse son frère, c’est un imposteur ! » (1 Jean 4, 20).

Luc Moës, moine de Maredsous