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29 juin 2019 6 29 /06 /juin /2019 11:54
Jacques Musset Combattre le cléricalisme catholique (suite et fin)
5. Comment faire face au cléricalisme catholique ?
Jacques Musset

Le cléricalisme catholique peut-il disparaître ?

La réforme protestante du XVIème siècle l’a attaqué à ses racines. Elle a affirmé et démontré haut et fort - en se réclamant des Ecritures et de ce que l’on connaissait historiquement des premières communautés chrétiennes - que d’une part Jésus n’a pas institué de sacerdoce institutionnel auquel il aurait confié le soin de diriger en son nom la communauté des disciples et que d’autre part c’est l’ensemble des membres la communauté des disciples qui a la charge de témoigner de l’Evangile, à elle d’instituer des ministères au service de la communauté. C’est un changement complet de perspective. D’une organisation pyramidale sacralisée dont ceux qui occupent le haut de la pyramide ont tout pouvoir sur la base, on passe à une autogestion horizontale de la communauté des disciples.

Peut-on concevoir que l’Eglise catholique se rallie à cette conception dont on a vu qu’elle est historiquement fondée au regard de la pratique de Jésus et des toutes premières communautés chrétiennes s’autogérant par le biais d’un collectif désigné et contrôlé par elles ?

Personnellement, j’en doute sérieusement, étant donné l’épais et solide surmoi dogmatique qui s’est imposé dès le second siècle, qui s’est renforcé aux IVème-Vème siècle et qui n’a cessé de se développer depuis, autour de la conviction que les évêques ont reçu des pouvoirs divins et que parmi eux le pape exerce un pouvoir personnel absolu sur toute l’Eglise. La définition de son infaillibilité personnelle en 1870 en est d’ailleurs le couronnement. Quand on lit attentivement les textes du Concile Vatican II, on s’aperçoit qu’ils intègrent la doctrine traditionnelle. Il n’y a pas de changements de fond dans la doctrine, même si l’on y trouve des aménagements dans le fonctionnement. Il faudrait pour une révision de ces positions que le pape et les évêques prennent conscience par un travail exégétique et historique des plus sérieux de la relativité de la doctrine officielle des ministères.

Ce serait un changement copernicien comme l’indiquait en octobre 1970 Marcel Légaut dans un article remarqué de la revue jésuite « Les Etudes ». A la question : « Quels changements s'imposent ?», il écrivait : « Tout est, non seulement à réformer et à consolider, mais à reprendre autrement, à partir de la base, afin de conserver ce qui doit l'être, lui redonner vie et finalement faire œuvre utile pour l'avenir et même déjà pour le présent... [En effet,] quand la lettre de la tradition la plus vénérée est inadaptée, elle aliène l'homme au lieu de l'accomplir. Au nom de la religion, elle empêche d'être religieux ou fausse la vie spirituelle... [Il s'agit d'opérer] une mutation, non un simple « aggiornamento »...Cette reconstruction exigera une vitalité spirituelle exceptionnelle pour permettre à l'Eglise, grâce à une intelligence renouvelée de son histoire, d'innover avec sagesse dans le domaine jadis le plus assuré de la doctrine et de la discipline, sans trahir sa mission...Sans cette recherche, poursuivie dans la totale indépendance qu'exige l'honnêteté intellectuelle, vivifiée aussi par l'approfondissement humain qui a permis d'atteindre le niveau de la foi en soi et de la foi en Dieu, le christianisme manque à sa mission. Il dégénère en une religion comme les autres, ...Il est condamné à se cantonner dans le ghetto des affirmations incontrôlables où il s'étiole en croyances et en pratiques qui deviendront des somnifères pour les médiocres et des poisons pour les meilleurs ». Ces perspectives sont-elles possibles ? On peut être dubitatif. Le théologien Hans Küng s’y est investi. Il s’y est cassé les dents. On l’a démis de sa mission de théologien catholique.

Comment lutter contre le cléricalisme ?

Pour l’heure que pouvons-nous faire ? Il me semble que démontrer les racines du cléricalisme comme nous l’avons fait, en démontant les faux arguments exégétiques et historiques qui prétendent fonder les pouvoirs divins des clercs, cette tâche est capitale pour éclairer les esprits et faire évoluer les consciences. Il ne suffit pas seulement en effet de protester contre l’autoritarisme des responsables catholiques et leur prétention de détenir la Vérité, il faut manifester au grand jour les racines du cléricalisme. Il ne faut pas avoir peur de s’engager sur cette voie sans savoir jusqu’où elle mènera et en même temps il est nécessaire d’être exigeant dans la façon de se qualifier. Ce sont les conditions d’une recherche intègre. Pour la conduire, il est indispensable de travailler seul et en groupe afin de pouvoir argumenter d’une manière compétente et être ainsi crédible.

Il est tout aussi important de dénoncer au fil des semaines et des mois les manifestations du cléricalisme à tous les niveaux, local, national et international. Il ne s’agit pas en cela de régler des comptes et de se nourrir d’agressivité (ce serait malsain et inefficace) mais de ne pas laisser passer des comportements et des déclarations qui se réclament indûment de la volonté de Dieu et du Christ. Le recours aux médias est la meilleure façon d’informer, de même que l’organisation de conférences et de débats, y compris avec des autorités catholiques.

Il importe encore, pour les disciples de Jésus, s’inspirant de sa parole et de ses actes, de prendre la responsabilité de leur propre existence et d’assumer leur propres décisions sans être bridés par les consignes des responsables ni se laisser impressionner par leurs discours. Plus il y aura de chrétiens qui agiront librement en ce sens, moins le cléricalisme aura de crédit et de poids. Les pouvoirs forts se nourrissent de l’inertie des citoyens. C’est à l’honneur de tout humain et donc de tout chrétien de ne pas se dessaisir des choix qu’il doit prendre personnellement en s’en remettant sans réfléchir au jugement de qui que ce soit. C’est une démarche exigeante mais libératrice. C’est déjà le cas de la part de beaucoup de catholiques, fréquentant ou non les églises. Les responsables de l’Eglise catholique qui prétendent parler au nom de tous les catholiques sont dans l’illusion. Ils devraient s’en apercevoir et promouvoir de vrais débats sur les questions de doctrine, de morale et d’organisation où l’on constate tant de désaccords.

Reste à chacune et chacun des disciples de Jésus issus du catholicisme de se poser la question : est-ce que je continue ou pas à fréquenter l’Eglise catholique où règne le cléricalisme ? Si oui, que puis-je faire pour lutter contre de l’intérieur ? Un certain nombre de catholiques en réalité vivent une situation hybride. Ils ne renient pas l’Eglise dans laquelle ils ont découvert l’Evangile et la personne de Jésus, mais ils ont pris leurs distances vis à vis du « système », c’est à dire du pouvoir clérical, de sa doctrine, de sa liturgie et de son organisation structurelle. Ils demeurent dans cette Eglise car ils y vivent concrètement une communion de disciples de Jésus localement et universellement. S’ils ne participent plus régulièrement aux messes et ne se sentent plus liés par les directives des responsables de l’Eglise, ils font partie de groupes où ils se ressourcent et apportent eux-mêmes leur contribution. C’est ce qu’expérimentent entre autres des membres d’équipes d’Action catholique, d’étude de la Bible, du Secours Catholique, du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), du mouvement oecuménique Acat, de la conférence catholique des baptisé de France, et de bien d’autres groupes informels ou pas . Ce n’est pas la soumission à une autorité catholique qui les maintient dans le catholicisme mais l’expérience qu’ils font de la vérité de l’Evangile à travers les engagements qu’ils y ont pris historiquement.

L’autre position pour des disciples de Jésus qui ont rompu avec leur Eglise native catholique parce qu’ils y étouffaient est celle-ci : comment vivre mon christianisme seul ou avec d’autres chrétiens, catholiques ou non ? Il y a souterrainement un tissu de groupes chrétiens informels où on lit et médite les évangiles, où l’on partage son expérience et ses questionnement, où l’on s’apporte un soutien mutuel dans les épreuves. Le ferment évangélique ne connaît pas de clôtures pour agir d’une manière féconde.

Quelles que soient les options de chacun, une chose est certaine, c’est que le combat contre le cléricalisme ne peut être que bénéfique à la cause de l’Evangile redécouvert dans sa fraîcheur native en vue de l’actualiser en notre temps, et en même temps il ne peut être aussi qu’utile à la santé de la société civile libérée des lobbys religieux.

Jacques Musset

22 juin 2019 6 22 /06 /juin /2019 08:00
Jacques Musset Combattre le cléricalisme catholique (suite)
4. Les verrouillages du cléricalisme catholique
Jacques Musset

Nous avons montré lors du dernier article comment le cléricalisme était né de l’exégèse faussée de certains textes évangéliques qu’on a interprétés comme la volonté du Christ de fonder une hiérarchie religieuse, en lui donnant le pouvoir de gouverner l’Eglise, de garder et d’interpréter la foi véritable, de présider les sacrements et de convertir les non-chrétiens.

Nous voudrions maintenant montrer comment l’exercice du pouvoir absolu des clercs a donné naissance à une doctrine dogmatique figée qu’ils ont imposée ainsi qu’à une morale sous-tendue par une philosophie périmée au détriment d’un témoignage évangélique crédible. Celles-ci sont hélas toujours en vigueur.

- Premier exemple : au IVème et Vème siècle lors de plusieurs conciles, les évêques ont fait triompher une expression de la foi catholique parmi d’autres, élaborée dans leur propre culture grecque, avec leurs langages, leurs représentations ( le résumé en est le grand credo catholique). Déjà cette expression imposée à tous à ce moment est marquée par sa relativité. Mais leurs successeurs jusqu’à nos jours ont considéré qu’elle était la définition même de la foi chrétienne valable pour tous les temps et tous les lieux. Le catéchisme de Jean -Paul II le rappelle expressément. Le fait de fixer dans le marbre une expression datée de la foi chrétienne en a fait un carcan. La hiérarchie considère en effet comme une infidélité de se consacrer à repenser la foi évangélique à nouveaux frais dans les conditions culturelles actuelles qui ne sont plus celles des IVème-Vème siècle. Combien de théologiens qui ont tenté l’expérience depuis un siècle et demi ont été sévèrement sanctionnés !

Cette stérilisation de la pensée est mortelle pour l’Eglise catholique qui vit en circuit fermé et deviendra une secte si ses responsables continuent de s’opposer à l’effort indispensable de repenser la foi d’une manière crédible pour les hommes d’aujourd’hui.

- Second exemple : Le christianisme s’est développé d’abord, comme nous l’avons dit, dans des régions de culture grecques marquées par des conceptions de l’homme issues des philosophies antiques. Parmi ces conceptions, il y a celle de la Loi naturelle empruntée aux stoïciens notamment. « Il est, en effet, une loi véritable, écrit Cicéron au Ier siècle avant notre ère, la droite raison conforme à la nature, immuable et éternelle qui appelle l’homme au devoir par ses commandements et le détourne du mal par ses défenses, et dont ni les commandements ni les défenses ne restent jamais sans effet sur les bons, ni sans action sur les méchants. On ne peut ni l’infirmer par d’autres lois, ni déroger à quelques-uns de ses préceptes, ni l’abroger tout entière. ...Elle n’a pas besoin d’interprète qui l’explique. Il n’y en aura pas une à Rome, une autre à Athènes, une aujourd’hui, une autre demain, mais une seule et même loi éternelle, inaltérable qui dans tous les temps régit à la fois tous les peuples. Et l’univers entier est soumis à un seul maître, à un seul roi suprême, au Dieu tout-puissant qui a conçu et médité cette loi. La méconnaître, pour un homme, c’est se fuir soi-même, renier sa nature et par là même subir les plus cruels châtiments, lors même qu’on échapperait à tout ce qu’on regarde comme des supplices. » L’Eglise catholique a hérité de cette conception. Elle est celle de Saint Thomas d’Aquin, ce qui s’explique dans le contexte de son temps avec le regain de la philosophie grecque mais le drame c’est que sa philosophie-théologie a été adoptée officiellement par l’Eglise à la fin du XIXème siècle.

Le concept de « Loi naturelle » demeure donc dans l’Eglise la référence pour définir la morale. Elle est rappelée dans le document conciliaire Gaudium et Spes et dans le « Catéchisme Catholique de l’Eglise catholique » (CEC) de Jean-Paul II. « La loi divine et naturelle (Gaudium et Spes 89,§1) montre à l’homme la voie à suivre pour pratiquer le bien et atteindre sa fin. La loi naturelle énonce les préceptes premiers et essentiels qui régissent la vie morale... Elle est immuable et permanente à travers les variations de l’histoire.» (CEC N°1954-1960). « Présente dans le cœur de chaque homme et établie par la raison, la loi naturelle est universelle en ses préceptes et son autorité s’étend à tous les hommes. Elle exprime la dignité de la personne et détermine la base de ses droits et de ses devoirs fondamentaux... L’autorité du magistère s’étend aux préceptes spécifiques de la loi naturelle parce que leur observance, demandée par le créateur est nécessaire au salut. » (CEC N°2036).

C’est à partir de cette conception de loi naturelle que la hiérarchie catholique condamne ce qu’elle en considère comme de graves atteinte : le divorce, la contraception, l’avortement, la procréation médicale assistée pour des femmes homosexuelles, l’euthanasie, le mariage homosexuel, etc...

Or on a conscience aujourd’hui que les prescriptions morales du catholicisme issues de la Loi naturelle sont relatives à la philosophie qui les inspire. Le rappel de ces prescriptions par les autorités catholiques les font passer pour rétrogrades et, à travers elles, le christianisme est caricaturé. On a conscience également que la vie morale d’un humain ne dépend pas de l’application d’un code de pratiques, mais de la manière dont, dans les situations complexes qu’il traverse, il prend des décisions éclairées, en son âme et conscience.

Telles sont quelques conséquences néfastes qui subsistent toujours de l’exercice d’un pouvoir religieux absolu en matière de dogme et de morale dans le monde catholique. Les chrétiens sommés d’obéir l’ont fait durant des siècles et certains se soumettent encore trouvant sécurité intérieure dans la doctrine et la morale catholique. Ils manifestent d’ailleurs bruyamment contre ceux qui les mettent en cause. Mais nombre d’autres ne se retrouvent plus dans l’autoritarisme de l’autorité catholique imposant une doctrine figée et une morale catholique « exculturée(1) » selon l’expression de la sociologue des religions Danièle Hervieu Léger. Certains ont déjà quitté la fréquentation de l’Eglise depuis des dizaines d’années. D’autres (combien?) ont rejoint le protestantisme qui au 16ème siècle a aboli toute hiérarchie religieuse surplombante et même fréquentent le protestantisme libéral qui s’adonne à repenser d’une manière critique l’héritage chrétien(2). D’autres cheminent seuls ou se regroupent en petites communautés pour célébrer, partager leur foi évangélique centrée sur le témoignage de Jésus. D’autres encore ont abandonné purement et simplement la foi chrétienne. Quel gâchis énorme !

(à suivre)

Jacques Musset

(1) Catholicisme, la fin d’un monde, de D. Hervieu-Léger, Editions Bayard 2003 (retour)
(2) Evangile et Liberté, penser, critiquer et croire en toute liberté, revue mensuelle du protestantisme libéral, 14, rue de Trévise, 750009 Paris.
Ce qui inspire cette sensibilité chrétienne est résumée dans les termes suivants :
« Par souci de vérité et de fidélité au message évangélique, refusant tout système autoritaire, nous affirmons :
  • la primauté de la foi sur les doctrines,
  • la vocation de l’homme à la liberté,
  • la constante nécessité d’une critique réformatrice,
  • la valeur relative des institutions ecclésiastiques,
  • notre désir de réaliser une active fraternité entre les hommes, qui sont tous, sans distinction, enfants de Dieu ».
(retour)
15 juin 2019 6 15 /06 /juin /2019 08:00
Jacques Musset Combattre le cléricalisme catholique (suite)
3. Comment le cléricalisme catholique est-il né et s’est imposé ?
Jacques Musset

Rien à voir avec le projet de Jésus

Il n’est pas né de la volonté de Jésus. Jésus n’a créé ni Eglise ni hiérarchie sacralisée. Ce qu’a fait Jésus, c’est de prêcher la venue imminente du Royaume de Dieu et déjà son avènement ici et maintenant ; c’est d’en être le témoin par sa parole et ses actes. En quoi consiste ce Royaume?

Il s’agit d’un monde où chacun est appelé à vivre vrai, à se centrer sur l’essentiel, à se libérer de ses entraves intérieures et extérieures, à retrouver sa dignité d’homme et de femme s’il l’a perdue, à se mobiliser pour un monde de justice et de fraternité réelle et non verbale, avec une attention particulière pour les blessés de la vie ; et pour vivre tout cela Jésus appelle à être à l’écoute de Dieu présent au plus intime de soi, souffle et source de Vie.

Pour être témoin de ce monde nouveau, Jésus a dû combattre mille oppositions au sein de sa religion et de la société juive : le ritualisme et le légalisme religieux, le culte des apparences et de l’argent, le mépris des pauvres et des laissés pour compte, la volonté de puissance et de revanche. Il a payé cher le prix de son engagement au service de son Dieu et de la cause de l’homme. Les conflits qu’il a suscités l’ayant rendu insupportable à ses adversaires religieux, ceux-ci l’ont arrêté, condamné comme un fossoyeur de la religion à la suite d’un simulacre de procès et l’ont fait condamner à mort par l’autorité romaine comme un subversif politique. Son sort devait être ainsi scellé définitivement.

Or, quelque temps après, ses apôtres et disciples proclament que le crucifié, loin d’être le fossoyeur de la religion qu’on prétendait, est en réalité l’initiateur de la religion en esprit et vérité. On le croyait enterré définitivement, il est en réalité aux yeux de Dieu et en Dieu le Vivant par excellence. C’est le message que les apôtres et disciples proclament en milieu juif et en milieu grec, et ils invitent juifs et grecs à faire l’expérience du chemin de vie initié par Jésus. C’est ainsi que commencent à se former des petites communautés de disciples de Jésus sur tout le pourtour du bassin méditerranéen.

De l’animation collégiale des premières communautés chrétiennes à la naissance d’un pouvoir monarchique.

Elles sont animées collégialement, à la manière des communautés juives. Les animateurs sont des chrétiens désignés par les autres membres, qu’on nomme les anciens ou presbytres. Dans les communautés fondées par Paul, en plus des presbytres, on trouve des épiscopes d’un nom grec qui signifie surveillant. Au début du second siècle, l’animation collégiale disparaît ; une seule personne anime la communauté, un épiscope, à la tête des presbytres et de diacres.

Rapidement celui qui exerce cette fonction d’épiscope se considère comme le chef de la communauté à qui tous les membres se doivent d’obéir, car il représente le Christ et même Dieu au milieu des chrétiens ; la seule eucharistie valable est celle qu’il préside. Le témoignage que nous avons de cette conception, nous le trouvons dans les lettres de l’évêque d’Antioche, Ignace, qu’il envoie à plusieurs Eglises lors de son trajet d’Antioche à Rome où il va subir le martyre. L’épiscopat monarchique que nous connaissons vient ainsi de naître.

Pour justifier leur pouvoir et leur autorité les épiscopes-chefs d’Eglises vont affirmer qu’ils sont les successeurs des apôtres, à qui le Christ a confié la mission de diriger son Eglise, de conserver et d’interpréter sans erreur la foi véritable. Les premiers évêques, dit-on, ont été ordonnés par les apôtres et cette ordination s’est transmise sans interruption ultérieurement. Par la suite on va sacraliser la personne des évêques, en enseignant qu’ils ont reçu à leur ordination un caractère sacré qui affecte leur être en ses profondeurs et les configure au Christ lui-même.

Réfutation des arguments exégétiques et théologique fondant le pouvoir des épiscopes.

Historiquement que penser de cette justification ? Jésus a- t-il créé en la personne de ses apôtres une hiérarchie religieuse à qui il a donné tout pouvoir et qu’il souhaitait voir se perpétuer au long des siècles ?

La réponse est négative et en voici la démonstration. Jésus qui annonçait la venue imminente du Royaume de Dieu n’avait pas l’intention de créer une institution qui durerait des siècles et des siècles. Ce qui lui importait, c’était d’inviter ses compatriotes à se préparer intérieurement à cette venue et à en être les artisans et les témoins. Ses compagnons, les apôtres, il les a chargés de la même mission à travers les villes et les villages de Galilée et ils faisaient le point avec lui à leur retour. Aucune ordination, aucune sacralisation de leur personne. Le compagnonnage de Jésus de jour et de nuit leur suffisait pour être témoins de son message.

Après la mort de Jésus, les apôtres et disciples traversent un temps de désarroi, mais la mémoire vivante de ce qu’ils ont vécu en profondeur en compagnie de leur maître, leur fait comprendre intérieurement et avec évidence que non seulement le chemin de Jésus était le chemin de la vraie vie mais qu’il peut être désormais pour tout homme « voie, vérité et vie ». C’est le cœur de ce qu’ils proclament, car ils l’ont eux-mêmes expérimenté.

Ils partent sur les routes annoncer cette nouvelle, et d’autres disciples dont Paul se joignent à eux pour la diffuser à travers tout le Bassin méditerranée Des communautés de chrétiens naissent de culture juive et grecque et s’organisent d’une manière collégiale comme je l’ai déjà indiqué. L’apparition de l’épiscopat monarchique ne vient qu’au début du second siècle.

Réponse aux objections

Mais, m’objectera-t-on, n’oubliez-vous pas les paroles de Jésus dans les évangiles qui confèrent des pouvoirs spéciaux à ses apôtres ? Regardons de près ces textes dont se réclament les autorités catholiques pour affirmer que Jésus a fondé une hiérarchie religieuse dont ils sont les représentants actuels.

- Il y a en Matthieu, et en Matthieu seulement, le fameux texte 16,17-20. Cherchez-le dans votre Nouveau Testament. Il n’existe ni en Marc dont Mathieu s’est pourtant inspiré ni en Luc. La doctrine officielle catholique y lit que Jésus fonde l’Eglise à venir sur la personne de Pierre désignée comme un roc inébranlable et que du fait même il attribue à l’apôtre Pierre un pouvoir absolu sur cette Eglise à venir : pouvoir d’interpréter la doctrine sans erreur, ( pouvoir des clefs), pouvoir de contrôler l’orthodoxie des fidèles ( pouvoir de lier et de délier). Cette doctrine officielle ajoute que les pouvoirs de Pierre sont hérités par ses successeurs évêques de Rome, les papes, dont la primauté s’impose à toute l’Eglise.

Que vaut cette interprétation ? ? Est-elle fondée? La réponse est négative. Reprenons notre texte. En effet si Jésus semble y accepter le titre de messie, l’exégèse nous montre qu’il l’a toujours refusé. Par ailleurs, du fait qu’il attendait la manifestation imminente du Règne de Dieu, il n’était pas dans ses intentions de fonder une Eglise institution qui se développerait au cours des siècles. Enfin, s’il a reconnu en Pierre les talents d’un meneur et entraîneur d’homme, c’en est resté là des liens qu’il a tissés avec le plus entreprenant de ses apôtres. Alors comment comprendre ce texte ? Pour cela, il faut se rappeler que les évangiles ne sont pas des reportages en direct sur la vie de Jésus mais des professions de foi des premières communautés chrétiennes sur la personne de Jésus. Elles s’y disent ce qu’il représente pour elles et comment vivre communautairement selon l’esprit qui l’animait ? Si bien que beaucoup de paroles mises sur les lèvres de Jésus traduisent en réalité la perception qu’elles ont de Jésus.

Quel est dès lors le message de notre texte ? La confession de foi de Pierre, c’est celle de la communauté chrétienne : « Jésus est le Christ, le fils du Dieu vivant ». La parole adressée par Jésus à Pierre signifie que le fondement même de toute communauté chrétienne est la profession de foi mise dans la bouche de Pierre, partagée par tous les disciples de Jésus. Tel est le roc sur lequel elle est bâtie. Il n’en est pas d’autre. C’est cette foi vécue en paroles et en actes qui rend l’Eglise vivante, fidèle à l’esprit du Christ en l’actualisant sans cesse et en dénonçant ses caricatures et ses contrefaçons. En d’autres termes, c’est, pour les premières générations chrétiennes, à la communauté toute entière des chrétiens que Jésus confie son message de libération, à charge à eux d’en témoigner à travers des formes sans cesse renouvelées. Voilà ce qui est à entendre dans ce texte. On est loin de l’interprétation catholique traditionnelle qui réserve cette mission au pape chargé d’éclairer et de conduire le peuple chrétien sur le bon chemin. Voilà, hélas, où peut conduire une lecture littérale, fondamentaliste.

D’autres textes évangéliques sont cités pour justifier que pape et évêques sont les successeurs des apôtres à qui Jésus aurait remis des pouvoirs spéciaux pour diriger l’Eglise : mission d’enseigner, de gouverner, de sanctifier. Que disent-ils en réalité ?

- Il y a la parole « Faites ceci en mémoire de moi » dans les récits de la cène chez Luc et chez Paul (absents chez Mc et Mt). Traditionnellement, on fait remonter l’institution du sacrement de l’Ordre à cette parole. Jésus aurait ce soir- là ordonné les premiers évêques et prêtres qui seuls pourraient présider validement l’Eucharistie. En fait Jésus a-t-il prononcé cette parole ? Les exégètes en discutent. En supposant qu’il l’ait prononcée, instituait-il une hiérarchie religieuse sacerdotale ou invitait-il simplement ceux qui le suivaient et le suivraient à faire mémoire de sa vie donnée en rompant le pain et en partageant la coupe de vin ? Célébrer chaque jeudi saint la fête du sacerdoce est un contre sens historique. Si la hiérarchie religieuse telle qu’elle existe aujourd’hui a commencé à se mettre en place au début du second siècle, on ne peut la faire remontrer au Jésus historique.

- D’autres paroles sont invoquées qui se situent dans les récits d’apparitions de Jésus ressuscité aux disciples. Ces récits sont des mises en scène pour exprimer leur forte expérience intérieure de la présence du Christ au milieu d’eux au-delà de sa mort. Les paroles mises dans la bouche du ressuscité traduisent en réalité la conviction qu’ont les premiers chrétiens de la mission qui est la leur de témoigner de l’Evangile.

Telle cette première parole dans l’évangile selon St Jean 20, 22-23 « Recevez le St Esprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ». L’interprétation catholique traditionnelle y voit la remise du pouvoir de proclamer le pardon des péchés aux apôtres puis à leurs successeurs les évêques, autrement dit l’institution de sacrement de pénitence. Cette autojustification du pouvoir que se sont attribués les clercs ne tient pas. Proclamer le pardon des péchés doit en réalité être comprise en réalité comme une mission s’adressant à tous les disciples, sans distinction.

Voici une autre parole à la fin de St Matthieu adressée aux 11 disciples qui, au regard de la doctrine catholique, attribue seulement aux apôtres et aux évêques la mission d’enseigner, de baptiser et de régir le peuple chrétien : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du St Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous a prescrit ». Ces paroles solennelles sur les lèvres de Jésus traduisent en réalité comme précédemment la conviction des premiers chrétiens qu’ils sont tous responsables de témoigner de l’évangile à part égale.

Il y a encore d’autres paroles que les clercs citent pour justifier leur pouvoir « Qui vous accueille m’accueille », Mt 10, 40 ; « Si ton frère vient à pécher et qu’il ne t’écoute pas qu’il soit pour toi comme les païens » 18,15-18. En réalité, ces paroles concernent tous les disciples de Jésus et non une hiérarchie religieuse établie par Jésus.

Conclusion

Plus les chrétiens catholiques pourront argumenter sur les racines du cléricalisme dans leur Église, moins ils seront vulnérables au pouvoir des autorités catholiques, plus ils seront libres dans leur manière de penser et de vivre l’Évangile. Un pouvoir fort se nourrit de l’inertie des subordonnés. Inversement, il manque de crédibilité lorsque ceux sur lesquels il régnait se prennent en main. Au XVIe siècle, les protestants ont rendu au peuple chrétien sa responsabilité d’être témoin sans intermédiaire clérical de l’Évangile. Verra-t-on un jour le même mouvement dans le catholicisme ?

(à suivre)

Jacques Musset

8 juin 2019 6 08 /06 /juin /2019 08:00
Jacques Musset Combattre le cléricalisme catholique (suite)
2. Le cléricalisme catholique, une longue histoire
Jacques Musset

La brève évocation du cléricalisme catholique actuel qui a été faite dans le premier article se situe à la suite d’une longue histoire qui commence pratiquement dans les premiers temps de l’Eglise. Impossible de la retracer dans le détail. Voici seulement quelques jalons.

• A l’extérieur de l’Eglise

Quand, au début du IVème siècle en 320, l’empereur Constantin reconnaît au christianisme le droit de cité dans l’empire romain, les évêques comptent sur l’Etat afin de pourfendre les hérétiques. Après le premier concile œcuménique en 325 à Nicée près de Constantinople, ceux qui ne partagent pas la foi définie par une majorité d’évêques se voient exilés par le bras séculier, ce qui ne clôt ni les disputes ni les interprétations divergentes dans et entre les Eglises. Quand le christianisme devient religion officielle de l’empire en 380 sous les empereurs Théodose pour l’empire d’Orient et Gratien pour l’empire d’Occident, les évêques soutiennent le pouvoir civil qui s’en prend aux anciens cultes païens et à ses temples.

Par la suite les évêques s’arrangent pour convertir les monarques qui à leur tour imposent le christianisme unilatéralement à leurs sujets. C’est le cas de Rémi l’évêque de Rouen qui convertit et baptise Clovis à la suite duquel ses soldats sans état d’âme adoptent la foi de leur chef.

Dans la longue période de chrétienté, jusqu’à la révolution française, les responsables de l’Eglise n’ont pas manqué de faire pression sur l’autorité royale pour réprimer ceux qui s’attaquaient à son pouvoir ou contestaient dogmes et sacrements. La première croisade à la fin du XIème siècle qui a mis sur les routes des milliers de rois et de chevaliers a été initiée par le pape. L’inquisition, au cours du moyen-âge et jusqu’au seuil du XIXème siècle en Espagne a fait arrêter, torturer, emprisonner et brûler des gens convaincus ou simplement soupçonnés d’hérésie. Au 17ème et 18ème siècles, plusieurs philosophes et écrivains des Lumières dont Voltaire furent embastillés.

Dans les siècles récents, le cléricalisme catholique a trouvé son aboutissement dans le système politique du concordat (Allemagne, Espagne, Italie) comme ce fut le cas en France entre 1800 et 1905. L’Eglise y trouvait largement son compte. En ce qui concerne l’Espagne, la majeure partie des évêques se sont solidarisés avec le camp de Franco durant la guerre (1936-1939) puis avec son régime dont on connaît la brutalité. Franco représentait pour eux un rempart contre le communisme ! Ils se turent sur ses atrocités vis à vis de ses adversaires.

• A l’intérieur de l’Eglise

Au 12ème siècle les mouvements de rénovation évangélique qui se sont fait jour dans l’Eglise, - les plus célèbres sont les Vaudois -, ont été condamnés car remettant en cause le pouvoir et le style de vie des responsables religieux. Peu après, François d’Assise a échappé aux foudres romaines et épiscopales en se soumettant au Pape.

A partir du XIIIème siècle l’inquisition s’est mise à tourner à plein régime : on suspecte, on interroge, on met en procès et on condamne à la prison, au supplice de la roue ou au bûcher. Voltaire a raison de dénoncer le sort infâme infligé au chevalier de la Barre arrêté pour injure à la religion : démembrement de son corps suivi de la décapitation.

Plus tard, début du 16ème s. lorsque Luther a osé mettre en évidence les déviations en matière de foi auxquelles se livraient des prédicateurs missionnés par Rome en vendant des indulgences pour construire la basilique St Pierre de Rome, non seulement on ne l’a pas pris pas sérieux mais on l’a sommé de se rétracter et comme il refusait, il n’a dû la liberté et la vie sauve qu’à la protection d’un prince allemand. Il fut excommunié.

Quand est apparu au 17ème siècle le mouvement de la modernité qui revendiquait l’autonomie de la raison en tous domaines, donc la possibilité pour elle d’avoir un regard critique sur ce que l’Eglise enseigne comme la Vérité, ce fut l’origine d’un conflit dans lequel Rome a réprimé toute contestation de sa doctrine. Ainsi , Galilée qui affirmait que la terre tournait autour du soleil et non le contraire comme la Bible le disait, a été persécuté et mis en demeure de se rétracter, ce qu’il a fait pour échapper au supplice. De même le prêtre français, Richard Simon, dont le travail d’exégèse démontrait que les cinq premiers livres de la Bible n’ont pas été écrits par Moïse, comme le dit le texte, a été singulièrement maltraité. On a brûlé son livre « Histoire critique du vieux Testament » édité en 1679 avec les encouragements de Bossuet, l’évêque de Meaux, grande figure de l’épiscopat du temps. Il a échappé aux poursuites en se réfugiant dans le ministère d’une petite paroisse jusqu’à sa mort. Tout au long du XIXème, les papes ont condamné sans ménagement ceux qui contestaient leurs prérogatives et leurs prétentions sur les plans religieux et politiques.

La dernière grande crise qui a vu s'affronter la modernité et l'Eglise catholique à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème est la crise moderniste. Elle ne venait pas de l'extérieur mais de l'intérieur même de l'Eglise. Des penseurs chrétiens immergés dans la culture de leur temps se sont essayés par souci de cohérence intime à repenser leur foi chrétienne dans les domaines historique, exégétique, philosophique, théologique et même social et politique. On connaît les noms des hommes les plus marquants qui ont tenté à ce moment d'inculturer le christianisme dans la modernité : Louis Duchesne, Alfred Loisy, Maurice Blondel, Lucien Laberthonnière, Edouard Le Roy, Marie-Joseph Lagrange, Marc Sangnier. Ils ont tous été condamnés, voire pour certains interdits de publier et excommuniés. Pie X(1), le pape de l'époque, a non seulement fait régner « la terreur » (l'expression est de l'un d'eux) mais il a mis en place un système de suspicion et de contrôle qui s'est perpétué jusqu'au concile Vatican II afin de vérifier l'orthodoxie de l'enseignement, des publications et de toutes les initiatives.

Sous ses successeurs, les penseurs cherchant à soulever la chape de plomb de la doctrine officielle n'ont cessé d'avoir de graves ennuis : qu'on se rappelle les tourments infligés aux écoles du Saulchoir (les dominicains) et à l'Ecole de Fourvière (les jésuites), à Teilhard de Chardin et à bien d'autres, en dépit d'une tardive liberté octroyée dans la recherche biblique par Pie XII en 1943 mais dûment contrôlée par lui. Jusqu'au concile, c'est donc pratiquement le statut quo sur le plan doctrinal depuis Pie X. Vatican II n'a pas pu ou voulu faire une trouée significative(2) dans le béton d'une doctrine qui s'est imposée jusque- là d'une façon drastique et répressive.

Et l'Eglise de l'après Vatican II sous les pontificats de Paul VI, de Jean-Paul II et de Benoît XVI(3) a été marquée par le maintien et le rappel de la doctrine traditionnelle, assortis de nombreux rappels à l'ordre et de condamnations.

(à suivre)

Jacques Musset

(1) Sommes-nous sortis de la crise du modernisme ? Jacques Musset, Edition Karthala 2016, pages 11 à 112 (retour)
(2) Idem, pages 153 à 188 (retour)
(3) Idem, pages 189 à 262 (retour)
1 juin 2019 6 01 /06 /juin /2019 08:00
Jacques Musset Combattre le cléricalisme catholique
1. Qu’est-ce que le cléricalisme catholique et comment se manifeste-t-il en notre temps ?
Jacques Musset

Un combat indispensable

Le 20 août dernier, à propos des actes de pédophilie commis par de nombreux prêtres voire évêques, le pape François adressait une lettre à tous les chrétiens où il dénonçait une des plaies de l’Eglise qui est le cléricalisme.

"...Chaque baptisé (doit) se sentir engagé dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons tant besoin.[...] Il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu. Plus encore, chaque fois que nous avons tenté de supplanter, de faire taire, d’ignorer, de réduire le peuple de Dieu à de petites élites, nous avons construit des communautés, des projets, des choix théologiques, des spiritualités et des structures sans racine, sans mémoire, sans visage, sans corps et, en définitive, sans vie.

Cela se manifeste clairement dans une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Eglise – si commune dans nombre de communautés dans lesquelles se sont vérifiés des abus sexuels, des abus de pouvoir et de conscience – comme l’est le cléricalisme, cette attitude qui « annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple. Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme ".

La sévérité des propos donne à penser et réfléchir en vue de changer ce qui doit l’être, pour être fidèle à la pensée, la pratique et l’esprit de Jésus, fondement de l’Eglise, le pape ayant lui-même à s’interroger et à tirer les conséquences de ses prises de positions en certains domaines.(1)

Au cours des cinq articles sur le thème du cléricalisme catholique,

  1. Nous en donnerons une définition et nous verrons comment il se manifeste et suscite actuellement de fortes réactions.
  2. Nous évoquerons sa longue histoire
  3. Nous montrerons comment il est né d’interprétations erronées de textes évangéliques
  4. Nous décrirons comment il a installé le dogmatisme et le moralisme dans le catholicisme
  5. Nous terminerons par la question : comment y faire face présentement ?

1. Qu’est-ce que le cléricalisme catholique et comment se manifeste-t-il en notre temps ?

Définition

Commençons d’abord par une brève définition du cléricalisme en général, car le cléricalisme n’est pas le monopole du catholicisme. Le mot désigne la manière autoritaire dont le clergé d’une religion convaincu de détenir la Vérité par mandat divin prétend imposer sa doctrine et sa loi aux fidèles de cette religion et même au-delà. On en trouve de nos jours une illustration hors christianisme en Iran où non seulement l’Islam est religion d’Etat mais où le clergé chiite exerce un pouvoir tout puissant en matière de foi, de moeurs et de politique, les résistants risquant la prison voire la mort.

Le cléricalisme catholique, lui, se manifeste par la manière dont les responsables de l’Eglise (pape, évêques et prêtres) et par extension certains groupes catholiques traditionalistes, tendent à imposer autoritairement la doctrine et la morale catholique officielle à l’intérieur de l’Eglise et aussi dans la société civile. Ces autorités catholiques sont en effet persuadées que l’Eglise catholique est dépositaire de la Vérité divine dont les autres Eglises et traditions religieuses ne possèdent que des fragments, et en conséquence elles se croient mandataires du Christ et de Dieu pour diriger l’Eglise, conserver et interpréter la révélation divine transmise par le Christ et inspirer la conduite des affaires publiques dans le sens des principes catholiques. Tel est ce qu’on peut appeler le cléricalisme catholique

Actualité du problème

Le cléricalisme catholique ne date pas d’hier. Mais s’il a toujours existé, il est d’une actualité qui suscite aujourd’hui beaucoup d’oppositions chez un grand nombre de chrétiens et aussi chez ceux qui ne le sont pas. A l’intérieur de l’Eglise, des chrétiens se plaignent de l’autoritarisme de responsables catholiques ( pape, curie romaine, évêques, prêtres et certains laïcs délégués par eux) ; dans la société civile, des citoyens chrétiens et non-chrétiens blâment les initiatives déployés par les autorités catholiques et des groupes catholiques pour faire prévaloir leurs conceptions particulières dans la conduite des affaires publiques.

Précisons comment se manifeste aujourd’hui ce cléricalisme à l’intérieur de l’Eglise catholique et au sein de la société civile.

• A l’intérieur de l’Eglise,

on le constate par les nombreuses contestations de chrétiens laïcs qui ne supportent plus, comme hier et avant-hier, l’autoritarisme des autorités catholiques dans les domaines de la doctrine, de la morale, du fonctionnement ecclésial.

Dans le domaine de la doctrine, l’enseignement officiel sur Dieu, sur Jésus, sur les ministères, sur les sacrements, sur l’après-mort est loin d’être partagés par bien des chrétiens qui ont fait un sérieux travail de réflexion personnelle ou en groupe. Pour eux, par exemple, le contenu du long credo élaboré au IVème siècle qu’on dit à la messe n’est plus crédible. Ils butent à toutes les lignes. Il en va de même en ce qui concerne le langage de la liturgie incompréhensible parce qu’élaboré dans une culture et avec des représentations qui ne sont plus les leurs. Il en va de même encore par rapport à la conception de la Révélation, sorte de discours de Dieu qui descend sur les humains... ou encore par rapport à la conception de la prière de demande à Dieu qui frôle la magie...etc...

Dans le domaine de la morale, l’exclusion des divorcés remariés des sacrements est incompréhensible à beaucoup de chrétiens quand ils songent à la manière donc Jésus partageait les repas avec le tout venant. Ils ne comprennent pas à ce sujet qu’au synode récent sur la famille on n’ait pas ouvert toutes grandes les portes de l’Eucharistie aux divorcés remariés ; les conditions accordées pour y accéder de nouveau sont tellement difficiles et humiliantes que finalement rien n’a vraiment changé.

Vis à vis des homosexuels, l’Eglise ne les rejette pas mais les considère comme des handicapés et ils sont privés des sacrements s’ils vivent en couples. N’a-t-on pas vu dernièrement dans la région parisienne un catéchumène se voir refuser le baptême par un prêtre parce qu’il était homosexuel marié.

Quant à la femme, elle continue d’être considérée comme chrétienne de second rang dans la mesure où elle est exclue définitivement de l’exercice des ministères par la volonté soi-disant du Christ. Les déclarations des derniers papes, y compris de François qui a emboîté le pas à ses prédécesseurs, sont unanimes en ce sens. C’est scandaleux pour beaucoup de femmes et d’hommes chrétiens et non chrétiens.

La situation des prêtres qui se marient et sont exclus de leur ministère est également scandaleuse de même que le maintien du célibat obligatoire pour tout candidat à la prêtrise.

Bien des chrétiens refusent également la condamnation par le magistère catholique des moyens contraceptifs, de l’avortement, de l’euthanasie, comme une intrusion des autorités catholiques dans des domaines qui ne les concernent pas.

Sur le plan du fonctionnement

N’est plus accepté le pouvoir absolu des évêques dans leur diocèse ni celui des prêtres dans leurs paroisses ; il est même rejeté. Certains évêques se comportent en autocrates. C’était le cas récemment des précédents évêques de Quimper et de Luçon qui ont fini par être démis de leurs fonctions par Rome, après de nombreuses plaintes de la part des chrétiens. C’est encore la même situation à Laval, à Bayonne, à Avignon, à Fréjus.

Il ne manque pas non plus de prêtres autoritaires dans leurs paroisses, imposant leurs idées au niveau de la liturgie, de la catéchèse, des décisions.

Beaucoup de chrétiens déplorent aussi que Rome nomme des évêques sans consultation des chrétiens et que par ailleurs soient désignés ces dernières années en France des évêques traditionnels sous la pression de lobbys épiscopaux ou autres. Les catholiques les plus actifs et engagés ont l’impression qu’on se moque d’eux.

• Dans la société civile,

En France et dans le monde, des autorités catholiques et de groupes catholiques traditionnels s’activent à faire prévaloir leurs conceptions particulières dans des sociétés plurielles formées de citoyens dont les opinions, les convictions et les philosophies sont différentes. La palette est en effet très large, notamment en occident : on y compte pêle-mêle des athées, des agnostiques, des gens de religions et de spiritualités diverses. Le catholicisme est lui-même un prisme éclaté, les catholiques ne pensent plus pareil. Mais les responsables font comme s’ils représentaient tous les catholiques.

Dans ce contexte, les pressions des autorités catholiques pour faire passer des lois en accord avec les positions catholiques officielles sont considérées comme des abus de pouvoir. Ainsi en a-t-il été, il y a deux ans, lorsque des manifestations nombreuses, organisées par des catholiques traditionnels, soutenues par Rome et beaucoup d’évêques français, ont tout fait pour que ne soit pas votée la Loi sur le mariage homosexuel. Pareillement les mêmes lobbys s’activent auprès des députés et du gouvernement dans le débat actuel sur la bioéthique concernant les débuts et la fin de la vie. Il en fut de même lors du débat il y a cinquante ans lors du débat à l’assemblée nationale sur l’avortement, et plus tard sur la création du Pacs.

Ces agissements – souterrains ou au grand jour - sont vécues comme inadmissibles dans un pays organisé selon le principe de la laïcité, séparant les religions et l’Etat, et laissant à l’Etat et ses représentants le soin après débat, de décider librement des lois.

Il n’est pas étonnant que face à ce cléricalisme qui s’exerce à l’intérieur de l’Eglise comme dans la société civile, beaucoup de chrétiens aient abandonné la foi ou aient pris, sans l’abandonner, leurs distances vis à vis de l’Eglise ne la reconnaissant plus comme témoin de l’évangile de Jésus. Les hémorragies ont commencé avec l’avènement de la modernité au XVIIème -XVIIIème s. et dans toutes les classes de la société, elles ont augmenté au XIXème s et se sont considérablement accrues depuis les années cinquante.

(à suivre)

Jacques Musset

(1) Quand récemment il a parlé de l’avortement comme d’un acte de tueur à gages, son expression ne révèle-t-elle pas, consciemment ou inconsciemment, non seulement une méconnaissance des situations complexes mais aussi un mépris de celles qui y ont recours ? (retour)
4 juillet 2015 6 04 /07 /juillet /2015 09:00
Gérard Bessière Al Hallaj (1)
Gérard Bessière
LPC n° 30 / 2015

Qui connaît Al Hallaj, ce mystique musulman représenté avec un grand peigne de fer, qui cardait la laine et le coton ? Il fut appelé le "cardeur des consciences" car il les démêlait et les transformait. Il voulait aussi pénétrer Dieu. Il lui disait : "Tu es là, entre les paroles de mon cœur" (2).

Il fut crucifié à Bagdad, en 922. On brûla son corps et ses cendres furent jetées dans le Tigre. Mais il a traversé les siècles et les frontières religieuses.

Les maîtres spirituels qu'il fréquentait dès son adolescence réservaient à leurs disciples le chemin de l'union à Dieu. Lui voulait l'offrir à tous, ouvriers, savants, mécréants, pécheurs… Pour lui, l'accès à Dieu n'était pas enfermé dans les rites, les prescriptions juridiques ou les orthodoxies religieuses. Il prêchait en public que Dieu est pour tous et qu'il veut s'unir à l'homme, discrètement, à l'intime de la vie la plus simple. Lui qui avait passé un an sur le parvis de la Ka'ba, à La Mekke, invitait même à remplacer ce rite traditionnel par le pèlerinage intérieur puisque Dieu habite en nous.

Le cardeur chantait à Dieu : "Tu es le rythme de mon souffle et le nœud de mon être" (3) . Mais ce n'est pas l'homme qui a l'initiative : "Je t'appelle, non, c'est toi qui m'appelles à toi… O essence de l'essence de mon existence, ô toi, mes balbutiements" (4).

Les hommes au pouvoir, politique ou religieux, n'aiment pas que Dieu s'évade des rites, des pratiques et des doctrines qui cimentent la société. Al Hallaj fut emprisonné, puis crucifié cruellement. Il avait pardonné. Il a laissé quelques vers fulgurants prononcés sur la croix : "Va-t'en prévenir mes amis que je me suis embarqué vers la haute mer et que ma barque se brise. Comme Jésus je suis parvenu au sommet du gibet, comme Jésus, j'ai révélé le secret au public, j'ai étreint l'essence de Jésus : comme point d'appui, le Tout est assez" (5).

Al Hallaj, Jésus, et tant d'autres à tous horizons d'humanité, annoncent dans la douleur la haute crête où les religions se rencontreront peut-être un jour, débarrassées des revêtements et des amalgames du passé, accueillantes au "secret" qui les habite.

Mais aujourd'hui, ces êtres d'avenir sont encore ignorés alors qu'ils ont ouvert des chemins sur lesquels beaucoup de nos contemporains, même agnostiques, pourraient trouver pure lumière. (6)

Gérard Bessière

(1) L'éternité affleure (p.90) Ed. Les amis de Crespiat (retour)
(2) Diwan M 61. (retour)
(3) Diwan M 64 (retour)
(4) Diwan Q 1, in " Hallaj ou la religion de la croix ", Roger Arnaldez. Plon 1964 (retour)
(5) 4Diwan M 56,in Michel Hayek, "Le Christ de l'islam". Seuil 1959 (retour)
(6) Cf Louis Massignon : "La passion d'Hallaj". Gallimard 1975 (retour)
20 juin 2015 6 20 /06 /juin /2015 09:00
Jean-Marie Muller Face à la tragédie de Charlie Hebdo (1)
Jean-Marie Muller (2)
LPC n° 30 / 2015

[…] Les religions, malheureusement, ignorent la non-violence

Face à la tragédie des 7 et 8 janvier, les responsables religieux ont tenu à condamner ces meurtres en affirmant que les religions ne prêchaient que la tolérance et la paix et qu'elles étaient innocentes de cette tragédie. Mais ce langage religieusement correct risque fort de contenir un déni de la réalité. L'histoire des hommes est criminelle. Jusqu'à la désespérance. La violence meurtrière semble peser sur l'histoire comme une fatalité. L'exigence universelle de la conscience raisonnable interdit le meurtre : "Tu ne tueras pas". Cependant, nos sociétés sont dominées par l'idéologie de la violence nécessaire, légitime et honorable qui justifie le meurtre. Dès lors, pour de multiples raisons, l'homme devient le meurtrier de l'autre homme. Et souvent la religion apparaît comme une partie intégrante des tragédies criminelles qui ensanglantent le monde. Même lorsqu'ils ne tuent pas "au nom de la religion", les hommes tuent maintes fois en invoquant la religion. En de multiples circonstances, la religion permet aux meurtriers de justifier leurs méfaits. Elle leur offre une doctrine de la légitime violence et du meurtre juste. À de nombreuses reprises, elle commet l‘erreur décisive de laisser croire aux meurtriers que "Dieu est avec eux". Il est remarquable que, au-delà de certaines différences d'accentuation, les religions s'en tiennent pour l'essentiel à la même doctrine. Le plus important n'est pas ce que les religions disent de Dieu, mais ce qu'elles disent de l'homme, plus précisément ce qu'elles disent à l'homme et ce qu'elles ne lui disent pas.

Prendre Gandhi à la lettre

Il faut prendre définitivement Gandhi à la lettre lorsqu'il affirme que la non-violence est la vérité de l'humanité de l'homme. Gandhi affirme également : "La seule manière de connaître Dieu est la non-violence." En ignorant la non-violence, les religions ont méconnu Dieu dont l'être - en toute hypothèse - est essentiellement pur de toute violence. L'opposé de la foi, ce n'est pas l'incroyance, mais la violence. Mais ce qui est plus grave encore, c'est qu'en ignorant la non-violence, les religions ont méconnu l'homme dont l'être spirituel s'accomplit dans la non-violence. En justifiant la violence, c'est l'homme que les religions trahissent. C'est l'humanité de l'homme qu'elles nient.

L'antinomie radicale entre l'amour et la violence

On a souvent critiqué les religions pour leur justification de la violence. Certes, les religions sont coupables par ce qu'elles apportent à la violence, mais surtout par ce qu'elles n'apportent pas à la non-violence. Cela implique qu'il n'est pas suffisant que les religions ne justifient plus la violence ; il est nécessaire qu'elles n'ignorent plus la non-violence. Même lorsqu'elles ont prêché l'amour, les religions n'ont pas osé affirmer la contradiction irréductible, l'incompatibilité essentielle, l'antagonisme absolu, l'antinomie radicale entre l'amour et la violence. Elles ont encore laissé croire aux hommes qu'il était possible de conjuguer ensemble l'amour et la violence dans une même rhétorique. Voilà l'erreur capitale. Car, dans cette rhétorique, le principe de non-violence se dissout. La transcendance de l'homme, c'est de craindre davantage le meurtre que la mort.

Les doctrines religieuses justifient le meurtre

De nombreuses voix se sont élevées pour prétendre haut et fort que "l'islamisme n'avait rien à voir avec l'islam". Il importe certes de refuser tout "amalgame", de fermer la porte à la stigmatisation des musulmans qui seraient tous co-responsables de l'islamisme et de ses dérives criminelles. L'islamophobie doit être récusée et condamnée sans aucune concession.

Cependant, on ne saurait nier la possibilité pour les islamistes de recourir à la caution de nombreux versets coraniques pour faire prévaloir, au-delà des compromissions de l'histoire, leur conception intégriste de l'islam.

En toute rigueur, le droit musulman prescrit la plus extrême sévérité à l'encontre de ceux qui critiquent le prophète. La loi islamique n'exclut nullement le meurtre des blasphémateurs. Mahomet lui-même n'hésita pas à faire assassiner des dissidents qui avaient défié son autorité. Les islamistes peuvent prétendre qu'ils sont des orthodoxes conséquents, radicaux et donc intransigeants. Entre l'islam traditionnel et l'islamisme des intégristes, il existe des passerelles dès lors que le texte coranique permet la lecture fondamentaliste qu'en font les islamistes.

Aussitôt qu'une telle critique de l'islam est amorcée, il est affirmé qu'il en est ainsi de toute religion. En toute hypothèse, cette affirmation est une confirmation et non pas une infirmation.

Sans aucun doute, l'analyse qui vient d'être faite du Coran vaut également pour la Bible dont de nombreux versets justifient la violence. Les compromissions du judaïsme et du christianisme avec la violence ont beaucoup varié au cours de l'histoire selon le temps et le lieu.

Pour sa part, Jésus a récusé la loi du talion, il a demandé à ses amis de remettre leur épée au fourreau et de ne pas résister au mal en imitant le méchant. Pour autant, cela n'a pas empêché l'Inquisition d'être catholique avant de devenir musulmane et les guerres chrétiennes du XVIème siècle – pensons à "la nuit de la Saint Barthélemy" - n'ont rien à envier aux guerres musulmanes d'aujourd'hui. […]

La France est en guerre

"La France est en guerre contre le terrorisme" a déclaré le Premier Ministre, Manuel Valls, le 13 janvier à l'Assemblée Nationale. Certes, les menaces "terroristes" qui pèsent sur la France sont bien réelles, mais il serait illusoire de croire que seules des mesures sécuritaires, c'est-à-dire policières et militaires, pourront les circonscrire et les éliminer. Ne parler que d'horreur, de barbarie, de monstruosité risque fort de nous égarer en nous conduisant à occulter le caractère politique de ces actes.

Pour comprendre le terrorisme, il ne suffit pas de brandir son immoralité intrinsèque. Dès lors que la dimension politique du terrorisme sera reconnue, il deviendra possible de rechercher la solution politique qu'il exige.

La manière la plus efficace pour combattre le terrorisme est de priver leurs auteurs des raisons politiques et économiques qu'ils invoquent pour le justifier. C'est ainsi qu'il sera possible d'affaiblir durablement l'assise populaire dont le terrorisme a le plus grand besoin. Souvent, le terrorisme s'enracine dans un terreau fertilisé par l'injustice, l'humiliation, la frustration, la misère et le désespoir. La seule manière de faire cesser les actes terroristes est de priver leurs auteurs des raisons politiques invoquées pour le justifier.

Dès lors, pour vaincre le terrorisme, ce n'est pas tant la guerre qu'il faut faire, que la justice qu'il faut construire. Ici et là-bas.

Jean-Marie Muller

(1) Extraits d'un article paru sur le site : www.jean-marie-muller.fr (retour)
(2) Philosophe et écrivain. Membre-fondateur du Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN). Lauréat 2013 du Prix international de la fondation indienne Jmanalal Bajaj pour la promotion des valeurs gandhiennes. (retour)