Père ?
Ne serais-tu pas au fond
La question elle-même,
Celle que je me pose
Depuis que je sais que je suis moi ?
Père ou Mère ?
C’est le mystère,
C’est la racine,
Le creuset d’où j’émerge
Et qui fait
Que de toi je suis,
Qu’en toi je suis.
Mais en définitive,
N’es-tu pas en moi
Aussi pour être toi ?
Et cet autre, c’est donc toi
Autant que tu es moi,
Autant que je suis toi,
Celui dont j’ai faim
Et qui se nourrit de moi,
À la fois pain quotidien
Et rompu de nos vies l’un pour l’autre.
Cet autre que j’agresse et jalouse,
Que je méconnais,
Qui m’indiffère et qui me le rend bien parfois,
Mais dont la tendresse illumine aussi
L’aurore de mes plus belles nuits.
Pourtant tu n’es pas "tu"
Car tout à la fois
Tu es l’autre et tu es moi,
Tu es le minéral et le quark,
Le coquelicot et le gène,
Le temps qui passe et le photon éphémère
Et tout ce qui échappe à mes yeux
Dans l’embrasement de l’univers.
Tel le Réel qui m’habille
Et me permet d’aimer,
Tu es la permanence de ma quête,
Le carillon de mes rêves,
Et les secondes aussi de mon temps perdu.
Mais si Tout est Toi sans que tu ne sois "Tu",
Comment te prier ?
Comment t’invoquer ?
Car quelle partie du corps
Pourrait-elle s’adresser
Au tout auquel elle appartient
Et dont elle tient sa vie ?
Ainsi ni Père, ni Mère
Mais Tout dans le Tout
Et néanmoins Singulier en chaque particule.
Ce Tout dont j’épie l’existence
Par-delà l’espace-temps
Et toutes les autres dimensions
Qui contribuent à l’éveil
Au Réel qui me sous-tend.
Tout dans le Tout
Qui nous rend frères et sœurs,
Par qui nous nous révélons
Dans l’évidence et surtout l’émotion,
Dans la joie et souvent l’abandon,
Ce qui "Est" au-delà de toute expression,
Ce "Tu" que je n’ose prononcer
Mais que l’intime de mes pensées
N’en finit pas de murmurer,
Telle une brise au milieu de l’été.
Souffle de l’univers,
Souffle du temps au creux de notre humanité,
Souffle de notre espérance au-delà de toute raison,
Souffle d’unité dans l’infinie complexité,
Que nous aimer les uns les autres
Révèle l’éclat de ta beauté,
Celle que tu es "Un"
Sans jamais être "Tu"
En "Tous"
En "Tout".
Amen.
Philippe RONSSE