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1 juillet 2009 3 01 /07 /juillet /2009 11:05
Tous les tombeaux sont vides ! - Alain Dupuis - 6 / 2009
Alain Dupuis Tous les tombeaux sont vides !
Alain Dupuis
LPC n° 6 / 2009

Il n'est pas un Dieu des morts, mais le Dieu des personnes vivantes.
Vous êtes totalement fourvoyés !" (Mc 12, 27)

Une très chère amie, protestante méthodiste, dut faire face, l'hiver dernier, au décès de son époux, 68 ans, catholique, des suites d'une maladie génétique dégénérative. Ils avaient eu largement le temps de décider du sort du corps le jour venu. Au moment de préparer la cérémonie religieuse avec le prêtre de la paroisse catholique, elle lui confia que le corps serait incinéré après la cérémonie… Quelle ne fut pas sa surprise de voir se crisper le visage du prêtre, et de s'entendre dire que ce n'était pas un choix conforme aux usages "chrétiens" ! Ce qui, heureusement, n'ébranla en rien sa détermination…

Cet incident m'a rappelé qu'il n'y a encore pas si longtemps, en effet, les chrétiens en général, et l'Église catholique en particulier, interdisaient la crémation des corps, au prétexte (d'une touchante mais préoccupante naïveté) que ce serait nier "la résurrection de la chair", proclamée par nos credo. Mais n'était-ce pas aussi garder la main-mise sur les corps, et récupérer au profit de la "religion", de l'église et de son cimetière, l'immémoriale crainte sacrée de l'humanité devant le cadavre inerte et l'énigme de l'inéluctable disparition de chacun ? Et "… jamais plus ne le connaîtra sa place." (Ps 102). La pratique de l'incinération, il y a peu encore, était l'apanage exclusif des "libres penseurs" athées, qui en faisaient un manifeste de leur matérialisme pur et dur. Elle s'est répandue désormais chez les chrétiens. Ce qui, je crois, est le signe que le rapport à la mort a changé, en général, dans nos sociétés. Et que les chrétiens n'adhèrent plus aux visions naïves de la "résurrection", ou de la "vie future" telles qu'elles sont encore parfois proposées dans de pauvres catéchismes…

Certains, pour le déplorer, d'autres pour simplement le constater, affirment que nos sociétés modernes ont désacralisé et banalisé la mort, comme le reste !

Mais c'est surtout dans les rangs des hauts dignitaires de nos Églises qu'on semble déplorer ce fait, se scandaliser, et discerner là un signe de plus de la perversité des temps…

Étrange… Ces "pasteurs" ne fréquenteraient-ils pas le même Dieu que Jésus ?

Ou bien déploreraient-ils, consciemment ou non, l'heureux temps où ce phénomène biologique inscrit dans les lois-mêmes de ce monde, était encore un formidable instrument entre les mains des "pouvoirs sacrés" pour manipuler les esprits et les cœurs ?

Il serait sans doute malhonnête de nier que depuis le Moyen-Age, jusqu'à une époque récente, la peur de la mort fut le levier le plus sûr du pouvoir ecclésiastique sur les hommes, toutes couches sociales confondues.

Or, il semble bien que, de plus en plus, les femmes et les hommes de nos sociétés tendent à accueillir la mort avec sérénité, comme inéluctable, par l'épuisement naturel de nos systèmes bio-chimiques ou leur rupture accidentelle. Les uns y voient, au pire, un anéantissement complet de ce que nous fûmes, sans pathos, ni au-delà… D'autres pensent au joyeux "recyclage" du carbone, de l'hydrogène, de l'oxygène, de l'azote et des quelques minéraux, uniques composants de nos éphémères carcasses, dans le grand tourbillon de la Vie. D'autres encore, dont je suis, pensent à ce joyeux recyclage des quelques molécules qui furent le support de notre aventure, mais aussi au joyeux recyclage de notre "personne" en une manière d'être vivant qui échappe, certes, aux apparences visibles de ce monde et à toute conjecture…, mais pas forcémment à l'expérience intérieure profonde, vécue dès ici et dès maintenant. En tout cas, pour tous, finalement, ne peut-on pas dire désormais, que tous les tombeaux sont vides ! Feu ou bactéries, le résultat est le même….

Il n'y a là aucune personne

Quoi qu'on pense des récits que les disciples de Jésus, 20, 30, 50 ans après sa disparition tragique, composèrent pour mettre en scène leur certitude, il est clair que dans les temps qui suivirent son ensevelissement, une évidence existentielle et libératrice s'imposa à eux : "Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ?"

Le "tombeau vide" fut une image parlante et efficace !

Mais cette certitude, chaque fois qu'elle fait irruption dans leur vie, ils nous la montrent comme porteuse d'une grande paix.

"N'ayez pas peur…"

"La paix avec vous…"

"Je vous donne ma paix…"

s'entendent-ils toujours dire… Ça n'est pas le shalom ni le salam qu'on dit toute la journée sans y penser et qu'on entend sans y croire. C'est une paix qui saisit les entrailles de l'être. C'est désormais la certitude de foi qui enlève à la mort son aiguillon morbide. "Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre…"

Laissons donc ceux qui veulent encore enfermer les hommes dans le pathos grandiloquent d'une fausse sacralisation de la mort. Annonçons la Vie, celle où règne le Dieu de Jésus, le Dieu des personnes Vivantes.

Vivons de cette paix offerte, qui habitait Jésus, et que ce monde ne sait donner.

Et laissons nos cendres retourmer à la terre d'où elles viennent…

Alain Dupuis

Published by Libre pensée chrétienne - dans Mort - funérailles