![]() | Le christianisme va-t-il disparaître ou naître enfin ? |
Par Cécile Jacquerye-Heusers, chrétienne en chemin. |
Publié fin juillet 2018 dans La libre, transmis par Jean Meyer. Plutôt que d’essayer de ranimer le christianisme d’appartenance avec le marketing «épanouissement personnel » ou «recette contre la souffrance», retrouvons la force dérangeante de l’Evangile pour donner naissance à la "christianité". Ah ! Comme elle est émouvante l’inquiétude d’Eric de Beukelaer dans sa dernière chronique : "Vous allez disparaître… (La Libre 23/07/2018) vous, les cathos, les prêtres et tout l’appareil ecclésiastique !" Verdict sans appel. Condamnation à mort irrévocable. Oui, oui, il a raison le "brave politicien" qui assène ce coup de Jarnac. Les cathos, les chrétiens eux-mêmes, vont disparaître dans l’indifférence générale… une mort douce presque sans douleur. Alors à quoi bon s’acharner ? Ce ne serait que soin palliatif. Mais quoi ? Le christianisme, qu’on croyait si bien implanté dans nos régions il y a encore cinquante ans, a-t-il jamais existé ? Dominique Collin répond de façon catégorique : "Le christianisme n’existe pas encore." (1) Titre provocateur d’un livre décapant et stimulant. Si le christianisme d’appartenance a bel et bien pignon sur rue (voyez les églises et les innombrables œuvres d’art), la "christianité", c’est-à-dire le fait d’être christ pour les autres, animé par la foi, l’espérance et l’amour, n’existe pas encore… Dominique Collin s’inscrit ici dans la mouvance du regretté Maurice Bellet. Le théologien psychanalyste a fait paraître, en 2001, un livre majeur, "La quatrième hypothèse" (2), où il envisage l’avenir du christianisme : soit il disparaît incognito, soit il essaie vainement de se restaurer, soit il se dilue dans les valeurs humaines, soit (et c’est la quatrième hypothèse) il (re) découvre l’Evangile dans toute sa force de vie. L’Evangile comme "Parole qui rejoint en nous le tout à fait originaire, notre naissance d’humanité, notre possibilité d’être humains, et qui nous donne de naître précisément." (3) Etonnant de voir combien la problématique de la mort du christianisme se pose avec plus d’acuité encore en 2018 ! Chaque année qui passe enfonce une épine de plus dans la couronne du Christ. Un peu plus aisé à lire que celui de Maurice Bellet, le livre de Dominique Collin n’en est pas moins percutant. Découvrir l’Evangile, c’est opter radicalement pour le Royaume, une métaphore pour dire le règne de la grâce et du pardon. C’est ainsi que nous passerons du "moi" au "soi" et existerons vraiment. "Vivre dans le Christ, c’est ouvrir des possibles : dans le langage de l’Evangile, ces possibles s’appellent le don et le pardon. Là où la vie est empêchée -dans le ressentiment, la jalousie ou l’envie de vengeance- le don et le pardon déplacent les lignes de front, redonnent une place à la victime comme à son agresseur, ouvrent un à-venir pour ceux que le passé condamne à la tristesse de n’être que des créanciers ou des débiteurs." (4) A juste titre, Eric de Beukelaer évoque les "paroissiens grisonnants" qui se soucient de la non-transmission du christianisme à leurs enfants et petits-enfants. A tous, Dominique Collin répondrait avec optimisme : non, le christianisme ne disparaît pas puisqu’il n’est pas encore né. Le chemin est ardu. Ce qui est en jeu, c’est la cohérence de la parole et de l’existence (le "parlé" juste et vrai), ainsi que le passage de la croyance à la foi, c’est-à-dire la confiance en une personne. A chacun de nous de devenir un peu plus "christien", dans son parcours de chaque jour ! Voilà ce qui, aujourd’hui, est porteur de naissance. |
Cécile Jacquerye-Heusers, chrétienne en chemin. |
(1) Dominique Collin, "Le christianisme n’existe pas encore", Editions Salvator, 2018. (retour) (2) Maurice Bellet, "La quatrième hypothèse. Sur l’avenir du christianisme", Desclée de Brouwer, 2001. (retour) (3) Maurice Bellet, op. cit. p. 29. (retour) (4) Dominique Collin, op. cit. p. 158. (retour) |