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13 octobre 2018 6 13 /10 /octobre /2018 08:00
bateau lpcLe christianisme va-t-il disparaître ou naître enfin ?
Par Cécile Jacquerye-Heusers, chrétienne en chemin.

Publié fin juillet 2018 dans La libre, transmis par Jean Meyer.

Plutôt que d’essayer de ranimer le christianisme d’appartenance avec le marketing «épanouissement personnel » ou «recette contre la souffrance», retrouvons la force dérangeante de l’Evangile pour donner naissance à la "christianité".

Ah ! Comme elle est émouvante l’inquiétude d’Eric de Beukelaer dans sa dernière chronique : "Vous allez disparaître… (La Libre 23/07/2018) vous, les cathos, les prêtres et tout l’appareil ecclésiastique !" Verdict sans appel. Condamnation à mort irrévocable.

Oui, oui, il a raison le "brave politicien" qui assène ce coup de Jarnac. Les cathos, les chrétiens eux-mêmes, vont disparaître dans l’indifférence générale… une mort douce presque sans douleur. Alors à quoi bon s’acharner ? Ce ne serait que soin palliatif.

Mais quoi ? Le christianisme, qu’on croyait si bien implanté dans nos régions il y a encore cinquante ans, a-t-il jamais existé ? Dominique Collin répond de façon catégorique : "Le christianisme n’existe pas encore." (1) Titre provocateur d’un livre décapant et stimulant. Si le christianisme d’appartenance a bel et bien pignon sur rue (voyez les églises et les innombrables œuvres d’art), la "christianité", c’est-à-dire le fait d’être christ pour les autres, animé par la foi, l’espérance et l’amour, n’existe pas encore…

Dominique Collin s’inscrit ici dans la mouvance du regretté Maurice Bellet. Le théologien psychanalyste a fait paraître, en 2001, un livre majeur, "La quatrième hypothèse" (2), où il envisage l’avenir du christianisme : soit il disparaît incognito, soit il essaie vainement de se restaurer, soit il se dilue dans les valeurs humaines, soit (et c’est la quatrième hypothèse) il (re) découvre l’Evangile dans toute sa force de vie. L’Evangile comme "Parole qui rejoint en nous le tout à fait originaire, notre naissance d’humanité, notre possibilité d’être humains, et qui nous donne de naître précisément." (3)

Etonnant de voir combien la problématique de la mort du christianisme se pose avec plus d’acuité encore en 2018 ! Chaque année qui passe enfonce une épine de plus dans la couronne du Christ.

Un peu plus aisé à lire que celui de Maurice Bellet, le livre de Dominique Collin n’en est pas moins percutant. Découvrir l’Evangile, c’est opter radicalement pour le Royaume, une métaphore pour dire le règne de la grâce et du pardon. C’est ainsi que nous passerons du "moi" au "soi" et existerons vraiment.

"Vivre dans le Christ, c’est ouvrir des possibles : dans le langage de l’Evangile, ces possibles s’appellent le don et le pardon. Là où la vie est empêchée -dans le ressentiment, la jalousie ou l’envie de vengeance- le don et le pardon déplacent les lignes de front, redonnent une place à la victime comme à son agresseur, ouvrent un à-venir pour ceux que le passé condamne à la tristesse de n’être que des créanciers ou des débiteurs." (4)

A juste titre, Eric de Beukelaer évoque les "paroissiens grisonnants" qui se soucient de la non-transmission du christianisme à leurs enfants et petits-enfants. A tous, Dominique Collin répondrait avec optimisme : non, le christianisme ne disparaît pas puisqu’il n’est pas encore né. Le chemin est ardu. Ce qui est en jeu, c’est la cohérence de la parole et de l’existence (le "parlé" juste et vrai), ainsi que le passage de la croyance à la foi, c’est-à-dire la confiance en une personne.

A chacun de nous de devenir un peu plus "christien", dans son parcours de chaque jour ! Voilà ce qui, aujourd’hui, est porteur de naissance.

Cécile Jacquerye-Heusers, chrétienne en chemin.

(1) Dominique Collin, "Le christianisme n’existe pas encore", Editions Salvator, 2018. (retour)
(2) Maurice Bellet, "La quatrième hypothèse. Sur l’avenir du christianisme", Desclée de Brouwer, 2001. (retour)
(3) Maurice Bellet, op. cit. p. 29. (retour)
(4) Dominique Collin, op. cit. p. 158. (retour)
22 septembre 2018 6 22 /09 /septembre /2018 07:58
Luc BossusCommentaire concernant l’article "Tribulations d’un couple de libres penseurs chrétiens en vacances"
Luc Bossus

Je vous écris aujourd’hui suite à votre article "Tribulations d’un couple de libres penseurs chrétiens en vacances" paru sur le blog LPC et qui a retenu toute mon attention.

Je souhaite vous dire d’emblée que cette situation, certes tristement vécue par vous deux, ne m’étonne pas du tout. Elle aurait très bien pu se dérouler ailleurs qu’en France…, en Belgique par exemple…

Ma brève analyse de cette tribulation me fait penser que :

  • le sens de l’eucharistie n’est pas perçu de la même façon dans la chrétienté…
  • selon ces perceptions…, les habitudes ou les rites ne sont pas vécus de la même manière dans toutes les paroisses, dans tous les diocèses…
  • ces habitudes ou ces rites sont surtout symboliques selon le sens que l’on donne au partage du pain eucharistique : recevoir l’hostie sur la langue, surtout sans la toucher avec les mains et bien entendu sans la mordre, est à mille lieues du fait de la recevoir en mains, de la rompre, de la partager, de la manger ensemble et de la laisser imprégner au plus profond de soi…
  • des habitudes ou des rites vécus en paroisses, peuvent décevoir, voire choquer des vacanciers de passage qui ont d’autres habitudes… ; et il en est de même pour des paroissiens par rapport à des habitudes ou des rites de vacanciers…

 

Ce qui moi, me choque dans votre description de cette "aventure", c’est ce qui s’est passé après la messe, lorsque vous avez voulu dialoguer avec le prêtre.

Comme vous l’expliquez très bien dans votre article, un dialogue(1) vrai n’a pas eu lieu parce que ce prêtre avait mis des œillères…, refusant d’écouter vos convictions profondes de libres penseurs chrétiens en se réfugiant derrière un argument d’autorité ("C’est le Saint Père qui a dit cela et c’est comme ça depuis toujours !" ) ce qui, par ailleurs, n’est pas exact ! Le dialogue n’a pas eu lieu… ! Peut-être que ce prêtre n’a jamais « réfléchi » en profondeur et n’a-t-il fait que « répéter », tout au long de sa vie, ce qu’on lui avait appris au séminaire… Peut-être que votre intervention auprès de lui va enclencher, en lui, un début de questionnement…, qui sait… ?

Peut-être que finalement et malgré les apparences, ce dimanche n’a pas été si triste que cela et que vous avez semé, dans son cœur, une graine de la Bonne Nouvelle qu’est l’évangile…

11 septembre 2018. Luc Bossus.

(1) "Le dialogue est ce moment qui consiste pour chacun à mettre provisoirement entre parenthèses ce qu’il est et ce qu’il pense pour essayer de comprendre et d’apprécier, même sans le partager, le point de vue de l’autre." Dominique PIRE (retour)
8 septembre 2018 6 08 /09 /septembre /2018 08:00
Christiane Janssens-Van den MeersschautTribulations d'un couple de libres penseurs chrétiens en vacances
Christiane Janssens-Van den Meersschaut

La "rencontre" est parfois difficile .

10h30. Messe dominicale dans un petit village des Alpes de Provence.

Voici le moment de communier. Mon mari et moi, nous nous avançons vers le célébrant. Nous tendons nos mains pour recevoir le pain de vie, nourriture de partage. Comme nous avons l'habitude de le faire, depuis plusieurs années, nous gardons l'hostie dans nos mains, nous rejoignons nos places afin de réunir les hosties, de les rompre, de nous les partager, avant de nous en nourrir ensemble et côte à côte.

Stupeur ! Nous étions à peine à notre place (deuxième rangée) que le célébrant abandonne la file de nos frères et sœurs qui très pieusement ouvraient la bouche pour recevoir le Corps du Christ pour venir nous dire d'un air méfiant que nous devons communier immédiatement devant lui. Surpris, saisis, nous avons obéi ! Alors, seulement, le prêtre est retourné dans le chœur pour continuer sa distribution. Il semblait rassuré. Quant à nous, divers sentiments se bousculaient dans nos cœurs : gêne, révolte, tristesse... Que faisons-nous ici ?

11h45. L'office est fini et nous attendons le célébrant à la porte de l'église pour dialoguer avec lui.

Nous voulons lui dire qu'il y a 53 ans, nous avons choisi tout à fait librement de nous marier à l'église. Que ce jour-là, nous avons choisi Jésus comme "Pierre d'angle" de notre famille à construire et comme témoin de notre engagement l'un pour l'autre.

Nous voulons lui dire que communier, après nous être donné un baiser de paix, sont des actes à chaque fois chargés de sens et non automatiques. Nous le faisons ensemble côte à côte face à Jésus, comme lui-même lors de la Cène était côte à côte avec ses disciples pour les nourrir.

Nous voulons lui dire que nous trouvons étonnant que les prêtres qui concélèbrent s'attendent pour communier, côte à côte et ensemble, mais que nous, le peuple de Dieu, nous en sommes réduits à communier dans le dos les uns des autres.

Nous voulons lui dire que nous sommes heureux lorsqu'il nous arrive de participer à l'eucharistie dominicale d'une paroisse de Bruxelles où nous vivons un repas fraternel plus conforme à la Cène. Là, chacun retourne à sa place avec le pain de vie dans la main. Quand toute l'assemblée est servie, ensemble et en même temps que le célébrant, nous communions dans l’Esprit de Jésus.

Mais le prêtre n'a pas voulu nous entendre ; il nous a mis en garde. Il nous a dit que nous ne pouvions pas faire cela, que c'était absolument DEFENDU !

Nous lui avons alors demandé, où cela était écrit? Qui avait dit cela? Il nous a répondu : "C'est le Saint Père et c'est comme ça depuis toujours." Tout était dit.

Aucune discussion n'était possible.

Il parlait "Eglise", nous parlions "Evangile".

Il parlait "de la forme", nous parlions "du fond".

Il parlait "de la lettre", nous parlions "de l'Esprit".

Nous croyions être des adultes dans la foi, nous étions traités comme des enfants à qui on ne permet pas de réfléchir leurs actes de foi.

Quel triste dimanche, bien loin de la Bonne Nouvelle qu'est l'Evangile.

Christiane Janssens-Van den Meersschaut

1 septembre 2018 6 01 /09 /septembre /2018 08:00
Christiane van den MeersschautEnseigner: donner et recevoir, être en relation
Christiane van den Meersschaut

L'inquiétude de nombreux chrétiens de l'Eglise catholique est grande. La diminution de la pratique dominicale et des sacrements est spectaculaire. Très vite il est dit que "les gens n’ont plus la foi" et l’enseignement de la religion est alors très souvent mis en accusation!

L'enseignement a-t-il comme but premier de convertir l'athée, de lui apprendre la Loi et les normes de notre Eglise ? De le faire baptiser ? De le faire grossir nos rangs ? De lui donner "la foi" à tout prix parce que c'est la meilleure chose pour lui, même, si lui, ne le sait pas ? De lui dire qu’hors de l'Eglise il n’y a point de salut, car elle détient la seule vérité?

Ou s'agit-il d'enseigner les Ecritures en ouvrant à l'homme un chemin de liberté ? Un chemin qui lui permette de le tenir éveillé, debout, ouvert à lui-même comme aux autres? Enseigner ne serait-ce pas faire un bout de chemin avec l‘homme à travers un approfondissement spirituel qui pourra peut-être donner un sens nouveau à sa vie ?

L'Evangile de Marc, au chapitre VI, (6b-13) nous apporte une réponse à nos questions.

Nous voyons Jésus qui appelle auprès de Lui les douze. Les apôtres étaient unis autour de Jésus, avec Lui, ils vivaient certaines valeurs et étaient les témoins actifs d'une entraide mutuelle. Les ayant appelés auprès de Lui, Il peut à leur tour les envoyer. C'est parce qu'ils sont venus à Jésus, qu'ils vivent une relation de foi, qu'ils peuvent aller vers leurs frères.

A la demande de Jésus, ils partent par deux, car pour parcourir un tel chemin, les témoins aussi ont besoin d'être en relation, de ne plus être seuls, d’être en dialogue et en confrontation, de partager en équipe et en communauté. Deux, c'est déjà le début d'un peuple!

La parole et le témoignage d'une façon de vivre portés par plusieurs portent plus que ceux d'un seul et génèrent de la sorte très souvent une série de questions chez les interlocuteurs. Pourquoi vivent-ils ainsi? Qui les pousse à agir de la sorte? ... Lorsque l'autre nous pose question, ne sommes-nous pas déjà ouverts à une parole, à un enseignement ?

Jésus invite ses amis à ne rien emporter sur le chemin. Il leur demande de ne pas s'assurer avant de partir, mais de Lui faire confiance. Oui, ils peuvent se lancer sur les chemins parce qu’il y a des maisons, des cœurs qui vont s'ouvrir, des gens qui vont les accueillir. Avec de grands moyens, ils susciteraient sans doute une grande curiosité, mais celle-ci une fois assouvie, que resterait-il ?

Non, ce qu'il faut c’est aller à la rencontre des gens. Aller là où ils vivent et dans ce qu'ils vivent. Là, être le porteur d’une Bonne Nouvelle, d’un "goût de premier matin" (J. REDING), d'une parole qui éveille, qui enflamme, qui génère le désir d'un retournement de vie. Là, ils prendront le temps nécessaire pour proclamer la Parole et pour "chasser les démons" c'est-à-dire délivrer l’homme et la femme de tout ce qui les empêche de vivre en relation, en frères et sœurs, de les délivrer de ce qui les empêche de vivre en "fils de Dieu".

Alors, à leur tour, ces gens vont pouvoir accueillir et nourrir les envoyés et ceux-ci pourront comprendre qu'ils ne doivent pas tout attendre de Dieu. Que la foi en Dieu se vit dans la relation aux autres.

Ensuite, ayant été nourris, les disciples devront repartir, ne pas s'installer, reprendre la marche. Mais attention, ils devront respecter la liberté des gens, le lent cheminement de certains. S’ils ne sont pas écoutés, s'ils ne sont pas accueillis... ils ne devront pas insister, ils ne devront pas s'imposer, ils ne pourront pas les forcer, car avec Jésus, on ne violente pas. Ils devront donc s'en aller. Mais dans ce cas, ils partiront en leur laissant un signe : "ils devront secouer la poussière de leurs souliers". C'est-à-dire qu'ils partiront sans amertume du non-accueil, ils renverront le non-accueil à celui qui n'a pas accueilli.

Ils ont voulu entrer en relation, partager la parole, libérer "des démons", vivre fraternellement, mais certains ne le veulent pas. On les laisse à eux-mêmes. Il ne faut pas les convaincre. Il y a bien ici u n e mise en garde contre le prosélytisme. Il ne s'agit pas d'imposer ses idées, de mettre tout son zèle à recruter des adeptes. Mais il s'agit de dire à l’autre: je te laisse ce qui t'appartient jusque dans tes pensées les plus intimes. Débrouille­ toi avec elles. C'est un acte indispensable pour laisser la liberté à l'autre et retrouver sa propre liberté.

Jésus n'a pas choisi des experts pour aller proclamer, par la Parole et par les actes, "la Bonne Nouvelle". Ils sont peu formés, leur relation à Jésus n'est pas très vieille mais Jésus leur fait confiance. Ce sont des gens en marche, des nomades de la foi et pour que la foi soit vivante, il faut qu'elle soit en mouvement.

Jésus nous fait confiance. A celui qui désire vivre de sa Parole, Il demande ce double mouvement: viens vivre de moi et va vers tes frères . Frappe à la porte de l'humain, au cœur de l'homme, offre-lui une parole qui le mette debout, chasse "les démons" qui entravent sa liberté de relations. Mais respecte son choix !

Christiane van den Meersschaut - LPC-1999

Sources :

  • Philippe BACQ - conférences: l'Evangile de Marc
  • Gabriel RINGLET - "L'Evangile d'un libre-penseur"
  • Pierre THEL - commentaire du curé d'Aubin (Aveyron)
4 août 2018 6 04 /08 /août /2018 08:00
Herman Van den MeersschautFatima, révélation ou parapsychologie ?
Herman Van den Meersschaut

Quand j'écrivais dans le numéro de juin que l'homme sortait peut-être lentement de son enfance et que nous étions en train de quitter, entre autres, le dieu magicien, j'étais sans doute un peu trop optimiste, puisque voilà que le Pape le ressuscite de plus belle à Fatima.

L'affaire de la révélation du troisième secret est, comme le dit Pierre de Locht, "profondément choquante'' (1), avant tout pour la conception de Dieu qu'elle implique.

Ainsi Dieu, via Marie, aurait protégé Jean-Paul II, mais ne serait pas intervenu pour sauver Romero, Luther King, l'enfant qui meurt du sida ou les victimes des génocides? Cette image d'un dieu injuste et sadique agissant selon son bon vouloir est tout simplement révoltante et en complète contradiction avec le Dieu d'Amour annoncé par Jésus. De ce dieu- là, je suis radicalement athée.

Se pose évidemment ici le problème de l'immédiateté de l'intervention de Dieu dans nos vies. Que penser de formules comme "c'est la volonté de Dieu, à la grâce de Dieu, Dieu y pourvoira, le plan divin, le projet de Dieu, les voies de Dieu..." lorsqu'elles servent à justifier n'importe quoi, voire les pires horreurs (croisades, inquisitions, jihad, sionisme...)?

Certains ne pensent-ils pas pouvoir infléchir, orienter l'action de Dieu par des rites, des prières, des pèlerinages, des impositions de mains ou même des mortifications ?

Nous naviguons ici, me semble-t-il, en pleine mentalité magique. Qu'en pensez-vous ?

En faisant foi aux révélations à la Nostradamus de la voyante de Fatima, Jean-Paul II

Perpétue les anciens rites païens de divination, que l'Eglise a souvent combattus et qu'elle appelait de l'idolâtrie. Qu'il se ridiculise aux yeux des laïcs en s'impliquant personnellement dans cette affaire, c'est triste; mais pour nous, chrétiens, c'est choquant car cela risque de faire croire qu'être catholique c'est adhérer à de telles conceptions de foi.

Mais cela pose aussi et surtout le problème de la "Révélation" des textes révélés, de toute révélation.

* Pour notre cardinal, les choses sont simples ; c'est dans le buisson ardent que Dieu se révèle lui-même à Moïse. Je cite (2) : "Tout est arrivé là : en personne, Dieu dit qui Il est. Nous ne pouvons en effet l'apprendre que de Lui-même ; toutes les autres sources d'information sont trompeuses. Seul Dieu peut parler de soi-même. La vraie connaissance de Dieu ne surgit pas de notre expérience, comme la vapeur d'un marais ; elle descend d'en haut et réduit en miettes tous les miroirs mensongers. Dans ces miroirs, nous ne voyons jamais plus que nous-mêmes !"

Voilà, Dieu parle en direct et seuls certains élus et initiés auraient le privilège d’ entendre la révélation. L'expérience des hommes est impuissante à nous révéler quoi que ce soit sur Dieu.

C'est terrible d'oser encore écrire des choses pareilles à une époque où nous sommes mis en présence de toutes les religions et spiritualités du monde.

* Par contre, si nous considérons les Ecritures comme la recherche passionnée des hommes d'un absolu qui les habite, qu’ils essayent de cerner et de comprendre à travers des récits souvent mythiques, alors elles deviennent chemin de révélation de Dieu dans nos vies.

Lorsque je lis dans la Bible : Dieu dit à Moïse..." et que je traduis cela par : "Moïse pense que Dieu lui dit..." il ne s'agit pas simplement des impressions ou des imaginations subjectives d'un personnage. Ce que les auteurs font dire à Dieu, ici, est dans une expression littéraire particulière, soigneusement ciselée l'énoncé des conclusions auxquelles une très longue réflexion commune sur la vie les a menés. En fréquentant ces textes nous profitons et nous nous nourrissons de l'expérience de nos ancêtres dans la foi.

On pourrait donc dire que ce n'est qu'à travers notre expérience que quelque chose de Dieu peut se révéler à nous. Accepter la possibilité de contact direct avec la divinité et donc de révélation immédiate de la part de celle-ci peut mener à tous les abus et déviations. Les sectes sont des spécialistes en la matière. Le gourou prétend toujours avoir eu un contact direct avec la divinité, ce qui lui donne une aura et un mystère qui seront savamment entretenus et lui procureront une autorité infaillible.

Bien sûr, que certains voyants d'apparitions mariales soient sincères ne fait aucun doute. Qu'ils aient vu et entendu quelque chose n'est pas à contester mais cela concerne plutôt le domaine du paranormal, du parapsychologique, de la psychiatrie.

Si ce qu'ont vu et entendu ces voyants leur apporte un mieux-être, un épanouissement spirituel, une libération dans le sens évangélique, on ne peut qu'applaudir. Mais cela ne semble pas toujours être le cas pour tous, comme à Fatima par exemple. Les enfants ont, en effet, beaucoup souffert de ce qui leur est arrivé.

Ce qui est frappant dans ces apparitions, c'est la débilité déconcertante des révélations en regard du mystère qui les a entourées. Jugez-en :

En 1917 Lucia, Jacinta et Francisco voient la Vierge leur apparaître au-dessus d'un petit chêne. Voici u n des dialogues :

"Lucia demande si elle ira au ciel ?

La Dame lui répond : oui tu iras au ciel.

- Et Jacinta ?

- Elle aussi, dit la Dame.

- Et Francisco ?

Lui aussi, dit la Dame, mais... ajouta-t-elle, il devra auparavant réciter beaucoup de chapelets'' (3).

Francisco mourra de la grippe espagnole en 1918, Jacinta en 1920. Lucia restée seule, apprit à lire et ne relata les événements de 1915-1917 qu’entre 1930 et 1970 (??).

Cinq cahiers manuscrits successifs, qui reprennent la même histoire, furent demandés par l'Eglise à Lucia, afin de pouvoir recouper ses affirmations.

En lisant le livre de Daniel COSTELLE, qui a été écrit d'après les cahiers de Lucia, on a la nette impression que Lucia, qui était l'aînée, semblait manifestement dominer les deux autres enfants et surtout Francisco qui, lui n'a jamais rien entendu de ce que disait l'apparition et en était d'ailleurs fort déçu ! C'est toujours Lucia qui questionne et répond et c'est elle seule qui racontera leur histoire.

Sans doute écoutait-elle bien le catéchisme car, dans le discours de l'apparition on retrouve tous les poncifs de la théologie doloriste de l'époque.

"Voulez- vous, dit la Dame, vous offrir à Dieu, en acceptant toutes les souffrances qu'il voudra bien vous envoyer, en réparation de tous les péchés qui l'offensent, et pour obtenir la conversion des pécheurs ? ...

- Oui, nous le voulons, répond Lucia.

- Vous aurez beaucoup à souffrir... ( puis, avec un merveilleux sourire) la grâce de Dieu vous assistera et vous consolera toujours...

... Priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs. Sachez que beaucoup d'âmes vont en enfer parce qu'il n'y a personne qui se sacrifie et prie pour elles." (4)

Jean-Paul II semble, lui aussi, aller dans ce sens, puisqu'il dit offrir, lui aussi, les souffrances de sa maladie et de son grand âge pour le salut du monde.

Et vous, qu'en pensez-vous '!

Herman Van den Meersschaut - LPC-1998

(1) Fatima : la révélation choquante. Article de Pierre de Locht dans "Le Soir" du 26 mai 2000 (retour)
(2) Trois à table" Paroles de vie - Pâques 2000 Lettre du Cardinal Dannee!s (retour)
(3) "Fatima" de Daniel Costelle aux éditions François Bourin (retour)
(4) "Fatima" de Daniel Costelle aux éditions François Bourin (retour)
12 mai 2018 6 12 /05 /mai /2018 08:00
Christiane van den MeersschautLangue de bois ou langue de feu ?
Christiane van den Meersschaut

Essai de lecture symbolique du récit de la Pentecôte en Actes 2- 1 à 42…

Des "hommes pieux sont venus de toutes les nations qui sont sous le ciel" (Ac 2,5) à Jérusalem. Il y a là, des Juifs de naissance et des convertis à la religion juive (v 11) ; des Asiatiques (v 9), des Africains (v 10), des Arabes (v 11), des Européens (v 10).Ils sont venus à Jérusalem pour faire une démarche religieuse, ils sont en quête de Dieu, ils ont un cœur disponible.

Alors qu'ils déferlent vers le Temple et que leurs voix disparates emplissent les rues, les disciples de Jésus, eux, sont calfeutrés, repliés sur eux-mêmes, vivant de leurs souvenirs, le cœur chargé de regrets.

Par la force de l'Esprit de Jésus qui vit en eux, le choc se produit. Les disciples comprennent que la Parole qui leur a été donnée ne se limite pas à l'hébreu ( l'hébreu était considéré par les Juifs comme la langue de feu, le feu symbolisant la présence de Dieu auprès des hommes, donc, la langue de Dieu) et au peuple hébreu (le peuple de Dieu) mais qu'elle doit se proclamer dans toutes les langues et à toutes les Nations.

Les disciples prennent conscience de leur mission. Ils sortent de leur enfermement, de leur peur et témoignent de Jésus à tous ces gens qui sont "profondément surpris" (v 7) d'entendre ces "Galiléens" (v 7) leur communiquer "les merveilles de Dieu" (v 11) dans "leur propre langue" (v 11).

La diversité des langues, des coutumes n'est donc plus un obstacle à la communication. Un peuple nouveau est en train de naître, l'humanité divisée (tour de Babel) est réconciliée et tout le monde entend et comprend l'annonce "des merveilles" de Dieu. On vit de l'Esprit et non plus de la lettre !

Mais il ne s'agit pas d'une unité qui pourrait se faire au prix de l'abolition des différences. Chacun doit rester lui-même, avec ses différences qui pourront devenir lieux d'échanges et d'enrichissement mutuel.

Le récit des Actes des Apôtres nous montre que Pierre, Philippe, Jean... reconnaissent que la Parole de Dieu est pour toute communauté ou culture qui est prête à recevoir Dieu et à faire alliance avec Lui. Ils adaptent, ils ajustent leur langage à chaque groupe d'auditeurs :

  • - aux Juifs de Judée (Ac 2,22,36) Reconnaissez Jésus comme le Christ. Reconnaissez que vous avez eu tort de le tuer. Reconnaissez que c'est bien Lui le Messie !
  • - aux Samaritains de Samarie (Ac 8,4-25) Convertissez-vous de l'idolâtrie. Renoncez à la magie. Vous n'avez aucune part au Royaume, si votre cœur n'est pas honnête devant Dieu.
  • - aux Païens de Césarée (Ac 10) Dieu n’agit pas différemment selon les nationalités (v 34), la parole de Yahvé n'est pas réservée aux seuls Juifs. L'Esprit donné par Dieu se répand aussi sur les non-Juifs (v 45).

Si les disciples ont pu parler "en langues" c'est parce qu'ils sont entrés en relation en changeant en eux-mêmes ce qui les coupait de cette relation aux autres : la peur, les idées reçues et non réfléchies, la langue de bois... C'est parce qu’ils rejoignent les autres dans leur vécu en utilisant leurs mots. Ces mots de tous les jours utilisés pour dire Dieu sont compréhensibles pour des cœurs disponibles et en recherche.

Et nous, héritiers de cette Parole, quelle est notre mission? Pour entrer en relation, sommes-nous prêts à changer notre langage, notre façon d’être ? Ou bien, avons-nous peur d'être déstabilisés en cherchant les clés de lecture du langage biblique ? Osons-nous utiliser une langue de feu compréhensible qui, grâce aux acquis de l’exégèse, parle clairement au cœur de nos contemporains.

Comme les disciples, laissons-nous guider, transformer par l'Esprit afin que nous puissions agir et vivre du même Evangile. Non pas dans une unité imposée où les diversités s'effacent, mais dans une communion où les différences sont vécues comme un lieu de communication d'une richesse inédite.

Christiane van den Meersschaut - LPC-1998

Bibliographie
  • "Actualité des Mythes" par André Wénin
  • "'Pierre préside à la naissance de l'Eglise" par André Tivollier
  • " Récit de Pentecôte" conférence de Danielle Lambrechts
  • ''La Vie" périodique n° 2 I 79 du 3/6/87
10 février 2018 6 10 /02 /février /2018 09:00
Christiane van den MeersschautVous avez dit : « Agnostique croyant » ?
Christiane van den Meersschaut

Aujourd'hui, certains chrétiens qui vivent les valeurs évangéliques se déclarent: "Agnostiques croyants". Le terme semble déplaire, voire inquiéter bon nombre d'autres chrétiens qui, tout de suite, ont un sentiment de rejet et disent de façon doctrinale: "Alors, c'est que vous n'avez pas ou plus la foi, vous n'êtes pas chrétiens"

L'agnosticisme ( du grec "a" privatif et "gnosis" connaissance) est une conception philosophique selon laquelle ce qui dépasse l'expérience ne peut être connu avec certitude par la raison; il est donc impossible d'affirmer aussi bien l'existence que l'inexistence de Dieu. Si Dieu existe, ce qui n'est pas (Théo. Pages :534,535)

Il me semble que rien n'empêche l'homme qui ne sait pas exactement, de croire. L'homme "in fine" est toujours seul face à lui-même. Connaissons-nous si exactement notre conjoint, nos enfants, nos amis? Pourtant, cela ne nous empêche pas de croire en eux et de leur donner notre confiance. Et, pour vivre cette confiance avec eux, nous respectons des valeurs, nous faisons des choix parfois difficiles qui nous permettent de créer l'art du "bien vivre ensemble".

Si aujourd'hui, je me définis comme une libre penseuse chrétienne, je me définis aussi comme une agnostique croyante. Ne pas savoir. Mais croire est-ce plus mal ou moins fort que de croire parce que je sais? (Qui sait ?) Au contraire, je pense que la position de l'agnostique croyant qui croit sans certitude est une position de gratuité de la foi "Heureux ceux qui croient sans m'avoir vu" Jn,20,29) Je pense aussi que cette position est plus crédible pour une rencontre et un dialogue avec les non-croyants.

Dans notre enfance, notre enseignement voulait nous prouver sans cesse que Dieu existait. Pour cela, on nous lisait ou racontait des récits où Dieu nous était présenté comme le grand magicien tout- puissant qui veut le bonheur de l'homme, mais qui punit ou même se venge de l'homme désobéissant à la bonne marche de son plan. Un Dieu qui donne avec éclat mais reprend avec fracas.

Cela nous donnait à la fois un sentiment de protection et de sécurité, mais aussi de culpabilité et d'angoisse. Certains pourtant se trouvent très heureux dans cette perspective, ils se plaisent d'avoir un Dieu tout- puissant, ils "sur"vivent dans la fatalité puisque "c'est Dieu qui l'a voulu". Cela les rassure : "Dieu doit bien avoir une raison pour laisser faire les guerres, pour ne pas enrayer les famines... c'est certainement une punition!" Quand tout va bien, "Dieu nous récompense", et tant pis pour les autres!!! J'ose dire que personnellement, je suis athée de ce Dieu-là, qui renie la liberté de l'homme pour ne lui donner qu'une place de pion sur l'échiquier de notre planète, de marionnette dans le cirque mondial.

Par contre, en relisant les récits que l'on nous avait enseignés, non plus de façon fondamentaliste, mais en tant que libres penseurs chrétiens et avec l'aide d'exégètes tels que PH.BACQ, G.BESSIERE, J.P.CHARLIER, E.CHARPENTIER, H.KUNG, DREWERMAN, J.S.SPONG, D.MARGUERAT, J.REDING, A.WENIN......, nous découvrons des textes qui nous montrent l'évolution d'une image de Dieu, évolution parallèle à l'évolution culturelle de l'humanité. Donc, je crois que nous ne pouvons pas cerner Dieu, ni l'enfermer dans un livre sacré où tout a été dit à la dernière page, mais bien que Dieu continuera a être découvert à travers les expériences de sagesse de l'homme.

Relus dans cette perspective, les textes bibliques nous font évoluer de la foi de notre enfance, à une foi d'adulte, qui doit choisir et agir. Ces textes nous invitent à continuer la création de Dieu à son image.

Pour cela toute une série de héros bibliques vont nous dire quelque chose des qualités de Dieu, un Dieu de la Vie (Abraham), un Dieu qui se met du côté des plus faibles (Moïse), un Dieu qui ose faire confiance à des criminels (Moïse, David), un Dieu de justice (Amos).... tout le premier testament nous montre l'évolution de la croyance aux dieux de la nature des premiers hommes au Dieu Tout-Autre des contemporains de Jésus. Cette croyance ira de pair avec l'élaboration de certaines règles de vie, dont plusieurs nous paraissent aujourd'hui horribles voire ridicules (lapidation, impureté, racisme...)

Dans le second testament, Jésus qui est pétri de sa culture, va néanmoins prendre ses distances avec le Temple, avec la Tradition, avec la Loi (Sabbat, femme adultère, lépreux, Romains...) afin de mieux nous révéler un Dieu d'Amour et de Miséricorde.

A travers le récit des évangiles, il nous faut donc aussi décoder les textes pour trouver la Bonne Nouvelle de Dieu annoncée par Jésus.

Car à quoi cela sert-il à l'homme que Jésus ait marché sur l'eau, alors qu'aucun homme ne pourra jamais le faire et d'ailleurs, à quoi cela lui serait-il utile ? Pris fondamentalement, cela peut montrer sa puissance, mais est-ce une Bonne Nouvelle pour l'homme? Cela ne change rien à sa vie, si ce n'est de croire en la magie, mais aujourd'hui les "David Copperfield" peuvent faire encore mieux !

Par contre, savoir que passant de la rive de ma naissance à celle de ma mort, alors que je pourrais me noyer dans la solitude, le chômage, la maladie, la drogue, les conflits...... je peux appeler avec confiance et tendre mes mains vers un secours et qu'à mon tour je peux répondre et agripper les mains de celui qui se noie, ça c'est une Bonne Nouvelle qui m'invite sur les chemins du Royaume de Dieu ici-bas et maintenant à la suite de Jésus. Et, je vois : des familles d'accueil, des MèreTérésa, des s.o.s.Jeunes, des Téléservice, des Médecins Sans Frontières...

A quoi cela nous sert-il que Jésus ait multiplié des pains, alors qu'il y a la famine qui tue tous les jours. Mais découvrir dans le texte que, si chacun partage ce qu'il a, il y aura assez pour tous et même des restes. Ça, c'est une Bonne Nouvelle qui m'invite à changer ma vie pour que puisse régner le Royaume de Dieu ici et maintenant. Et, je vois : des Restos du Cœur, des magasins Oxfam, Made in Dignity, des Banques Alimentaires, des Opérations Arc-en-Ciel...

Rechercher le sens symbolique des textes, c'est vrai, cela dérange beaucoup de monde. Il est plus facile de croire en un magicien qui fait à notre place ( enfance de la foi) qu'en quelqu'un qui nous met devant nos responsabilités de justice, d'amour, de paix (adulte dans la foi) pour que l'homme vive debout dans le Royaume de Dieu ici et maintenant. N'oublions pas que dans de nombreux récits de miracles, Jésus s'adresse à l'homme pour le responsabiliser : "donnez-leur vous-mêmes à manger" Lc 9,13, "Prenez courage, n'ayez pas peur" Mc 6, 50, "enlevez la pierre" Jn11,39 , "déliez-le" Jn11,44, "appelez-le" Mc 10,48...

Cette façon de voir Dieu n'est pas toujours très confortable, c'est difficile, car cela nous demande un effort de conversion, une re-naissance, une résurrection de "nos morts".

Tout cela ne me dit toujours pas exactement qui est Dieu, cela ne me donne pas la preuve de son existence et je constate que les religions ne peuvent offrir à l'homme qu'une approche incertaine de Dieu. Par contre, le cheminement de l'humanité en quête de spiritualité décantée et la Bonne Nouvelle de Jésus me montrent un chemin qui peut me faire découvrir l'Amour qui à la fois m'habite et à la fois me dépasse.

C'est en quoi je crois et que je peux volontiers appeler Dieu.

Je me sens une agnostique croyante chrétienne.

Christiane van den Meersschaut - LPC- mai 2003

30 septembre 2017 6 30 /09 /septembre /2017 16:00
bateau lpcEt tu trouveras le trésor qui dort en toi
Laurent Gounelle

Jacques Famerée nous propose un extrait d’un livre de Laurent Gounelle : « Et tu trouveras le trésor qui dort en toi » publié aux Editions Karo. (de la page 314 à 318)

Dans une église, l’assemblée attend avec impatience le père Jérémie qui doit célébrer la messe. Celui-ci est, en fait, volontairement retenu à l’évêché afin de perturber son travail pastoral jugé trop progressiste, trop " hors normes" par les autorités ecclésiastiques. Une personne réagit et s’adresse à l’assistance.

……

Je m’appelle Alice, je suis une amie d’enfance du père Jérémie. Bien que l'ayant souvent vu à l'œuvre, je ne suis pas sûre de savoir respecter tous les codes de la messe mais...

- Croyez-vous en Dieu, au moins ?

La voix tonitruante déchira le calme de l'édifice et les vibrations résonnèrent de toutes parts. Stoppée net dans son élan, Alice regarda vers sa gauche, d'où avait fusé la question.

Elle ne repéra pas l'homme qui l'avait prononcée. A sa voix, il devait avoir une soixantaine d'années. Sans doute un voisin connaissant la réputation athée de sa famille.

Embarrassée Alice chercha ses mots, et son absence de réponse immédiate provoqua une nouvelle onde de murmures dans l’église.

Elle leva de nouveau les yeux dans la direction de l'inconnu.

- Dites-moi qui est Dieu et je vous dirai si j'y crois.

Un nouveau bourdonnement parcourut la nef, puis le silence revint.

Tous les visages se tournèrent dans la direction de l'homme. Mais la réponse ne vint pas. Celui qui avait été si prompt à interpeller Alice sur sa croyance en Dieu ne semblait pas capable de dire qui il était.

Elle prit alors son inspiration et se lança.

- Je me suis longtemps considérée athée, puis j'ai découvert la valeur des paroles de Jésus que j'ai alors perçu comme un grand sage. J'ai appliqué ses préceptes pour les expérimenter moi-même, et j'ai été troublée par ce que j'ai alors vécu. J'ai compris qu'ils me guidaient vers la libération de mon ego, et les rares fois où j'y suis effectivement parvenue pendant quelques instants, j'ai touché du doigt ce qui ressemble à une autre réalité, un monde où je ne cherche plus compulsivement à exister indépendamment des autres, un monde où je me sens au contraire connectée aux autres, au point de fusionner avec eux, avec l'univers, avec tout. Peut-être est-ce un aperçu de ce que Jésus appelait « le Royaume des cieux »? Je n'en sais rien. Peut-être est-ce une connexion à la part de divinité présente en nous? J'ai en effet souvent entendu qu'au fond de nous, il y a le péché. Aujourd'hui, je sais que c'est faux : au fond de nous, il y a le divin. Le péché n'est que ce qui nous en détourne. Alors est-ce que Dieu existe ? J'ai longtemps ri à l'idée d'un vieux barbu sur un nuage, doté de pouvoirs exceptionnels. Les Juifs ont sans doute raison de refuser de nommer Dieu. Nommer met des images dans notre esprit, personnifie ce qui n'est pas une personne, transforme en matière ce qui est immatériel. Le simple mot « Dieu » m'évoque en effet un personnage ayant une existence palpable, doté de pouvoirs absolus, qui régenterait tout, des naissances aux morts en passant par les destins de chacun et la marche de l'univers. En cela je ne peux croire. En revanche, il existe peut-être une force créatrice, une énergie, une conscience dont nous serions sans le savoir un élément, une fraction, un chaînon. Tout comme notre corps est une poussière d'étoiles, un fragment de l'univers, notre conscience serait un fragment d'une conscience universelle et d'une force créatrice auxquelles on appartiendrait tout en s'en croyant détaché et indépendant, parce que jouissant en plus d'une conscience individuelle.

Elle balaya du regard l'assemblée des fidèles.

- Notre conscience individuelle nous ferait oublier cette conscience universelle qui est aussi nôtre, et notre ego nous en couperait en nous poussant à nous désunir, nous séparer pour se distinguer individuellement.

Elle reprit son inspiration quelques instants.

- Si c'est cette énergie impalpable, cette force créatrice, cette conscience universelle que l'on appelle Dieu, alors Dieu n’est pas une puissance extérieure que l'on doit implorer pour obtenir des faveurs comme si l'on s'adressait à un maître de l'univers.

Ce serait plutôt une force cosmique mais aussi intérieure à laquelle on peut se connecter et à travers laquelle on peut revivre, à la manière d'un retour au bercail, en se libérant de ce qui nous en sépare, c'est-à-dire notre ego. Au Xlll° siècle, Maître Eckhart disait : « L'homme doit être libre de cette manière qu'il oublie son propre moi et reflue, avec tout ce qu'il est, dans l'abîme sans fond de sa source. » Même s'il n'employait jamais ce terme, Jésus invitait sans cesse à se libérer de l'ego. J'ai personnellement tout essayé pour y parvenir, et n'ai réussi que de façon très ponctuelle. Plus on veut s'en libérer, et plus il résiste, en effet, et cela explique l'échec de la culpabilisation à laquelle se sont livrés les chrétiens pendant des siècles. La résistance de l'ego est sans doute illustrée dans les Évangiles par la grande difficulté qu'ont les apôtres à appliquer les préceptes de Jésus, à éveiller le divin qui sommeille en eux. En fait ils n'y parviennent guère et Jésus s'en lamente tout du long, jusqu'au dernier soir avant son arrestation, où il leur demande de veiller et aucun n'y parvient: tous s'endorment malgré leur bonne volonté ce qui fait dire à Jésus : « L'esprit est bien disposé mais la chair est faible. » Mais il existe un secret.

Elle marqua une pause, et quand sa voix eut fini de résonner dans la nef, un profond silence emplit l'église tout entière.

- Il existe un secret et Jésus lui-même semble l'avoir découvert vers la fin de sa vie, puisque c'est surtout là qu'il le répète, allant jusqu'à dire, au final, que s'il n'y avait qu'une seule chose à retenir, ce serait celle-là. Ce secret, je viens de comprendre qu'il avait le pouvoir de nous faire évader de l'enfer de l'ego pour nous conduire au paradis de la vie éveillée.

Ce secret... c'est d'aimer. Quand on aime, quand on ressent de l'amour, que ce soit pour un être humain, un animal, une fleur ou un coucher de soleil, on est porté au-delà de soi. Nos désirs, nos peurs et nos doutes se dissipent. Nos besoins de reconnaissance s'évanouissent. On ne cherche plus à se comparer, à exister plus que les autres. Notre âme s'élève tandis que nous sommes tout entier emplis de ce sentiment, de cet élan du cœur qui s'étend alors naturellement pour embrasser tous les êtres et toutes les choses de la vie. Alain, le philosophe, disait que l’amour est un merveilleux mouvement pour sortir de soi. C'est aussi un merveilleux mouvement pour se retrouver, en fusionnant avec l'univers, à la source de soi-même, là où nos problèmes n'ont plus cours et où règne la joie.

Alice balaya une fois de plus du regard l'assemblée des fidèles. Ils écoutaient, mais parvenait-elle vraiment à leur transmettre ce message qu'elle savait essentiel pour être heureux et réussir sa vie ?

- Aimer, c’est déjà s’aimer soi-même. S’aimer nous donne la force de ne pas être blessé par les piques décochées par l'ego des autres, et de ne pas les laisser activer le nôtre en retour. Aimer, c'est aimer l'autre en parvenant à discerner la personne derrière un ego parfois déplaisant, et voir alors ce dernier se dissoudre. Aimer, c'est trouver la force de parvenir à aimer ses ennemis, et les transformer en alliés.

Aimer, c’est aimer la vie malgré les tracas et les coups durs, et découvrir qu'ils ne sont que les outils de notre lâcher-prise, de notre évolution, de notre éveil. L'amour est la clé de tout. Le secret du monde.

Ses mots résonnèrent dans l'église, sous les hautes voûtes baignées de lumière.

Elle reprit son inspiration, puis continua la messe.

Ensuite, elle procéda au baptême.

Laurent Gounelle

21 mai 2016 6 21 /05 /mai /2016 14:31
Francis VAN DAM André Verheyen et la musique
Francis VAN DAM
LPC n° 33 / 2016

André Verheyen associait, à n’en pas douter, un goût prononcé pour la musique à sa célébration spontanée du sacré et de la foi.

Il avait trois frères dont l’un, Julien, fut intimement lié à la mise en route de LPC avec André Hannaert et Sœur Simone, réalisée par André Verheyen.

Très tôt, la maison fut emplie de musique et les quatre garçons prenaient plaisir, paraît-il, à marcher au pas autour de la table familiale au son de l’ouverture sémillante du "Barbier de Séville" de Rossini !

Un peu plus tard, Mozart apparut à leurs oreilles, qu’ils confondirent tout d’abord avec le précédent : c’était le début d’une aventure – et de réjouissances – musicales qui n’allaient plus quitter le "quatuor", puisqu’ici cette désignation est toute justifiée.

Car le dépistage des compositeurs allait devenir un "sport" au point que des cassettes se voyaient enregistrées alternativement par tel ou tel frère, sans mention de l’identité du compositeur mais avec pour consigne que le reste de la fratrie découvre le musicien-mystère. C’est que, entretemps, Julien avait obtenu sa licence en musicologie et qu’André réussissait à s’entourer de passionnés, parfois professionnels, parfois virtuoses même, tout en pratiquant à son échelle – modeste comme il l’était en tout – diverses expressions de son art favori.

Il avait connu le séminaire – encore à Malines – et plus tard, sous l’occupation, le travail obligatoire où déjà la musique avait dû lui faire escorte. Mais c’est comme professeur à l’Institut St-Boniface à Ixelles, sa première affectation, qu’il reprit la direction d’une chorale, inaugura un concours encourageant de jeunes instrumentistes et se remit lui-même à jouer du violon, toujours trop imparfaitement à son goût de mélomane averti, évidemment. C’était souvent l’occasion pour lui de faire, pour ses élèves du secondaire, des "master classes" en les initiant au jeu d’ensemble ou en les introduisant à l’écoute et à l’analyse de partitions de valeur. Eclectique, mais sans aucune rigidité, il collectionnait les 33 tours de valeur où se glissaient des répertoires de jazz et des musiques du monde, abordait avec ses choristes des œuvres peu à peu plus ambitieuses à quatre voix (la messe du Couronnement tout entière par exemple), organisait des initiatives "dans le vent" comme d’inviter un groupe alors très prisé des ados, les Djinns (Paris) en la salle St-Michel, etc.

En tant que vicaire à la paroisse St-Augustin (Forest), ensuite, il constitua à nouveau une chorale d’adultes cette fois, et organisa à nouveau des mini-récitals pour encourager les jeunes talents.

Là, j’avoue pour ma part avoir un peu perdu de vue la pastorale de mon ancien professeur, vu mon domicile plutôt éloigné, jusqu’au jour où, conquis par un rapprochement inattendu avec son frère Julien et avec LPC naissant, je fus notamment sollicité – et consentant ! – pour rédiger une note sur le parallélisme entre l’abandon de la pratique religieuse et celui de l’intérêt pour la musique classique. Ce qui pourrait paraître comme une corrélation assez banale voire insignifiante révélait chez lui une préoccupation authentique, car la musique était une porte ouverte vers le sacré et en même temps une incarnation de l’appel supérieur qui réside en nous.

L’intelligence qu’avaient les deux frères Verheyen à l’égard de la musique s’étendait à une connaissance et une réceptivité très grandes en fait de création contemporaine (avec des auteurs difficiles comme Messiaen, Penderecki ou Boulez) mais, de plus, en matière de "petite histoire" des œuvres et des grands musiciens. Julien détenait une collection rare d’enregistrements fabuleux, comme celui du concert d’adieu, en 1967, du pianiste Gérald Moore, où s’étaient réunies les divas qu’il avait accompagnées divinement, Elisabeth Schwarzkopf et Victoria de los Angeles, en plus de Dietrich Fischer-Dieskau, lui aussi demeuré inégalé. De tous ces enregistrements, Julien Verheyen donnait des commentaires vivants et hautement documentés. Il aurait fait un programmateur extra de Musique 3 ou de Klara, car – j’allais l’oublier – la famille était bilingue, ayant résidé au Limbourg (avec un amour avoué pour l’abbaye d’Averbode) et ensuite à Mons.

En marge d’une vocation sacerdotale marquée du sceau de la fidélité non dénuée de sens critique (comme on dira de ses émules le chanoine de Locht ou Gabriel Ringlet), André nous laisse, avec son frère Julien, l’image d’un attachement sans faille à ces évangélistes que sont, à leur manière, des musiciens inspirés comme Bach ou Franck et tant d’auteurs de cantates, de motets et d’oratorios.

Francis VAN DAM

1 octobre 2013 2 01 /10 /octobre /2013 13:37
Edouard Mairlot Des "indignés" espagnols (MOCEOP) qui se reconnaissent en Jésus de Nazareth.
Edouard Mairlot
LPC n° 23 / 2013

Nous étions une centaine de chrétiens, hommes et femmes, appartenant à des "communautés de base" et tous engagés socialement, pendant nos deux journées d’assemblée et de réflexion, celles de l’association de prêtres mariés espagnols ; le MOCEOP.

Lors de la célébration finale qui comportait le "partage du pain et du vin", l’un d’eux a pu faire ces deux apports successifs qui sont reproduits ci-dessous.

La société à laquelle Jésus appartenait était occupée par l’empire romain : un pouvoir qui la pressurait de ses richesses et l’écrasait de son autorité. Les riches parmi les juifs de ce temps ainsi que les prêtres du temple partageaient aussi ce pouvoir sur le peuple ordinaire et en profitaient pour s’enrichir davantage…

Jésus, après un temps passé avec Jean Baptiste et son séjour de silence au désert, se retrouvant lui-même face au mystère qui l’habitait se découvrit appelé à aimer autrui, à l’aider à grandir, à se libérer et se mettre debout. Il soulageait les corps et les esprits…

Il découvrit rapidement que bien des misères que vivaient ces gens de Galilée étaient liées au système de pouvoir qui les opprimait.

Dévoilés, ces riches et puissants, ne purent le supporter. C’est pour cela qu’ils l’ont éliminé. "C’est pourquoi ils l’ont tué ! ", disent les latino-américains forts de leur expérience et de leurs martyrs.

Nous ne découvrons pas autre chose aujourd’hui dans ce que nous vivons, engagés que nous sommes auprès des petits de notre société : les expulsés de leur maison, les sans travail et sans plus aucune aide du système de chômage, celles et ceux qui ont faim, de plus en plus nombreux, spécialement des familles avec enfants …

Et nous avons découvert que c’est le pouvoir de l’argent qui commande "le Système" d’aujourd’hui : l’ultralibéralisme… De plus, la corruption est omniprésente. Nous connaissons de mieux en mieux leurs noms et leurs façons d’agir ou de nous imposer leurs lois. A notre tour, nous gênons le pouvoir en place. Ses représentants, du monde politique ou non, manipulent l’opinion contre nous, ils cherchent aussi à nous faire taire, à nous éliminer… comme ils l’ont fait pour Jésus en son temps.

Puissions-nous chacun continuer à nous nourrir en entrant en nous-mêmes, en notre intériorité, comme le faisait si souvent "l’homme Jésus".

Nous y trouvons la paix et la liberté intérieure, qui nous permettent, à chacun dans notre propre vécu, d’être vrais, plus humains et plus proches de celles et ceux avec qui nous luttons. Cela nous rend aussi plus lucides sur ce qui se joue plus en profondeur dans nos engagements.

Edouard Mairlot

Parler de Jésus aujourd’hui, c’est découvrir un monde aussi pourri que le sien, une religion aussi loin de son Parent (Dieu père-mère) que la sienne, des pauvres aussi opprimés qu’à son époque, des grands aussi insensibles et déshumanisés qu’en son temps.

Parler de Jésus aujourd’hui, c’est rencontrer en soi une Colère qui ne se calme pas, des trésors de tendresse et une espérance indéfectible que rien de ce qui arrive ne restera caché.

Parler de Jésus aujourd’hui, c’est rencontrer des regards noirs de refus et découvrir des sœurs et des frères humains émouvants de compassion.

Parler de Jésus aujourd’hui, c’est dire sa conviction qu’un jour tout sera découvert, tout sera dévoilé, tous seront vus et se verront comme ils sont."

La source des paroles de Jésus. André Myre. Ed. Bayard mars 2012(p.58)