Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 février 2018 6 10 /02 /février /2018 09:00
Christiane van den MeersschautVous avez dit : « Agnostique croyant » ?
Christiane van den Meersschaut

Aujourd'hui, certains chrétiens qui vivent les valeurs évangéliques se déclarent: "Agnostiques croyants". Le terme semble déplaire, voire inquiéter bon nombre d'autres chrétiens qui, tout de suite, ont un sentiment de rejet et disent de façon doctrinale: "Alors, c'est que vous n'avez pas ou plus la foi, vous n'êtes pas chrétiens"

L'agnosticisme ( du grec "a" privatif et "gnosis" connaissance) est une conception philosophique selon laquelle ce qui dépasse l'expérience ne peut être connu avec certitude par la raison; il est donc impossible d'affirmer aussi bien l'existence que l'inexistence de Dieu. Si Dieu existe, ce qui n'est pas (Théo. Pages :534,535)

Il me semble que rien n'empêche l'homme qui ne sait pas exactement, de croire. L'homme "in fine" est toujours seul face à lui-même. Connaissons-nous si exactement notre conjoint, nos enfants, nos amis? Pourtant, cela ne nous empêche pas de croire en eux et de leur donner notre confiance. Et, pour vivre cette confiance avec eux, nous respectons des valeurs, nous faisons des choix parfois difficiles qui nous permettent de créer l'art du "bien vivre ensemble".

Si aujourd'hui, je me définis comme une libre penseuse chrétienne, je me définis aussi comme une agnostique croyante. Ne pas savoir. Mais croire est-ce plus mal ou moins fort que de croire parce que je sais? (Qui sait ?) Au contraire, je pense que la position de l'agnostique croyant qui croit sans certitude est une position de gratuité de la foi "Heureux ceux qui croient sans m'avoir vu" Jn,20,29) Je pense aussi que cette position est plus crédible pour une rencontre et un dialogue avec les non-croyants.

Dans notre enfance, notre enseignement voulait nous prouver sans cesse que Dieu existait. Pour cela, on nous lisait ou racontait des récits où Dieu nous était présenté comme le grand magicien tout- puissant qui veut le bonheur de l'homme, mais qui punit ou même se venge de l'homme désobéissant à la bonne marche de son plan. Un Dieu qui donne avec éclat mais reprend avec fracas.

Cela nous donnait à la fois un sentiment de protection et de sécurité, mais aussi de culpabilité et d'angoisse. Certains pourtant se trouvent très heureux dans cette perspective, ils se plaisent d'avoir un Dieu tout- puissant, ils "sur"vivent dans la fatalité puisque "c'est Dieu qui l'a voulu". Cela les rassure : "Dieu doit bien avoir une raison pour laisser faire les guerres, pour ne pas enrayer les famines... c'est certainement une punition!" Quand tout va bien, "Dieu nous récompense", et tant pis pour les autres!!! J'ose dire que personnellement, je suis athée de ce Dieu-là, qui renie la liberté de l'homme pour ne lui donner qu'une place de pion sur l'échiquier de notre planète, de marionnette dans le cirque mondial.

Par contre, en relisant les récits que l'on nous avait enseignés, non plus de façon fondamentaliste, mais en tant que libres penseurs chrétiens et avec l'aide d'exégètes tels que PH.BACQ, G.BESSIERE, J.P.CHARLIER, E.CHARPENTIER, H.KUNG, DREWERMAN, J.S.SPONG, D.MARGUERAT, J.REDING, A.WENIN......, nous découvrons des textes qui nous montrent l'évolution d'une image de Dieu, évolution parallèle à l'évolution culturelle de l'humanité. Donc, je crois que nous ne pouvons pas cerner Dieu, ni l'enfermer dans un livre sacré où tout a été dit à la dernière page, mais bien que Dieu continuera a être découvert à travers les expériences de sagesse de l'homme.

Relus dans cette perspective, les textes bibliques nous font évoluer de la foi de notre enfance, à une foi d'adulte, qui doit choisir et agir. Ces textes nous invitent à continuer la création de Dieu à son image.

Pour cela toute une série de héros bibliques vont nous dire quelque chose des qualités de Dieu, un Dieu de la Vie (Abraham), un Dieu qui se met du côté des plus faibles (Moïse), un Dieu qui ose faire confiance à des criminels (Moïse, David), un Dieu de justice (Amos).... tout le premier testament nous montre l'évolution de la croyance aux dieux de la nature des premiers hommes au Dieu Tout-Autre des contemporains de Jésus. Cette croyance ira de pair avec l'élaboration de certaines règles de vie, dont plusieurs nous paraissent aujourd'hui horribles voire ridicules (lapidation, impureté, racisme...)

Dans le second testament, Jésus qui est pétri de sa culture, va néanmoins prendre ses distances avec le Temple, avec la Tradition, avec la Loi (Sabbat, femme adultère, lépreux, Romains...) afin de mieux nous révéler un Dieu d'Amour et de Miséricorde.

A travers le récit des évangiles, il nous faut donc aussi décoder les textes pour trouver la Bonne Nouvelle de Dieu annoncée par Jésus.

Car à quoi cela sert-il à l'homme que Jésus ait marché sur l'eau, alors qu'aucun homme ne pourra jamais le faire et d'ailleurs, à quoi cela lui serait-il utile ? Pris fondamentalement, cela peut montrer sa puissance, mais est-ce une Bonne Nouvelle pour l'homme? Cela ne change rien à sa vie, si ce n'est de croire en la magie, mais aujourd'hui les "David Copperfield" peuvent faire encore mieux !

Par contre, savoir que passant de la rive de ma naissance à celle de ma mort, alors que je pourrais me noyer dans la solitude, le chômage, la maladie, la drogue, les conflits...... je peux appeler avec confiance et tendre mes mains vers un secours et qu'à mon tour je peux répondre et agripper les mains de celui qui se noie, ça c'est une Bonne Nouvelle qui m'invite sur les chemins du Royaume de Dieu ici-bas et maintenant à la suite de Jésus. Et, je vois : des familles d'accueil, des MèreTérésa, des s.o.s.Jeunes, des Téléservice, des Médecins Sans Frontières...

A quoi cela nous sert-il que Jésus ait multiplié des pains, alors qu'il y a la famine qui tue tous les jours. Mais découvrir dans le texte que, si chacun partage ce qu'il a, il y aura assez pour tous et même des restes. Ça, c'est une Bonne Nouvelle qui m'invite à changer ma vie pour que puisse régner le Royaume de Dieu ici et maintenant. Et, je vois : des Restos du Cœur, des magasins Oxfam, Made in Dignity, des Banques Alimentaires, des Opérations Arc-en-Ciel...

Rechercher le sens symbolique des textes, c'est vrai, cela dérange beaucoup de monde. Il est plus facile de croire en un magicien qui fait à notre place ( enfance de la foi) qu'en quelqu'un qui nous met devant nos responsabilités de justice, d'amour, de paix (adulte dans la foi) pour que l'homme vive debout dans le Royaume de Dieu ici et maintenant. N'oublions pas que dans de nombreux récits de miracles, Jésus s'adresse à l'homme pour le responsabiliser : "donnez-leur vous-mêmes à manger" Lc 9,13, "Prenez courage, n'ayez pas peur" Mc 6, 50, "enlevez la pierre" Jn11,39 , "déliez-le" Jn11,44, "appelez-le" Mc 10,48...

Cette façon de voir Dieu n'est pas toujours très confortable, c'est difficile, car cela nous demande un effort de conversion, une re-naissance, une résurrection de "nos morts".

Tout cela ne me dit toujours pas exactement qui est Dieu, cela ne me donne pas la preuve de son existence et je constate que les religions ne peuvent offrir à l'homme qu'une approche incertaine de Dieu. Par contre, le cheminement de l'humanité en quête de spiritualité décantée et la Bonne Nouvelle de Jésus me montrent un chemin qui peut me faire découvrir l'Amour qui à la fois m'habite et à la fois me dépasse.

C'est en quoi je crois et que je peux volontiers appeler Dieu.

Je me sens une agnostique croyante chrétienne.

Christiane van den Meersschaut - LPC- mai 2003

Published by Libre pensée chrétienne - dans Foi et croyance Témoignages Liberté de pensée