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27 juin 2020 6 27 /06 /juin /2020 08:00
bateau lpc A propos de Soif…
Jésus « devait-il » mourir sur la croix ? Le fait-il par obéissance au Père ?
P.Pierre- Monastère de Wavreumont

Qu’en dit Amélie Nothomb ? Quel portrait de Jésus fait-elle face à cette mise à mort ?

  • Elle le présente comme débordant ou se consumant d'amour (67-81)
  • Prêt à assumer son destin : pas question de se dérober (31)
  • Mais : "Cette crucifixion est une bévue…" p. 90
  • Il la vit comme une punition de la part de son Père :
    "Tu mets en scène la punition la plus hideuse et la plus lourde de conséquences qui se puisse imaginer." 91

La croix objet de rejet n’est pas le monopole d’Amélie Nothomb. Je pense à la réaction de mes élèves ici, devant la croix du réfectoire. C’est difficile pour beaucoup. Je ne citerai que Paul Damblon, pourtant ouvert au christianisme : « Cette idée d’un Dieu–Père dont on nous assure qu’Il est tout amour, envoyant Son fils se faire massacrer comme un agneau à Lui-même sacrifié pour racheter les péchés du monde (…) m’apparaît tout à fait inacceptable, indécente, pour ne pas dire obscène… »(1)

1. Alors… quel est le sens de cette mort ? Scandaleuse ? Nécessaire ?

Amélie Nothomb commence avec ces mots mis dans la bouche de Jésus : « j’ai toujours su que l’on me condamnerait à mort. »

Le ton est donné et la question surgit : Jésus savait-il qu’il serait condamné à mort ?

Il savait qu’il allait mourir, comme tout humain, c’est le lot de l’incarnation.

Savait-il qu’il allait mourir de mort violente ? Dès le début de sa vie publique, il a provoqué des réactions. Sa liberté dérangeait. Puis le climat autour de lui s’est raidi et il a dû sentir que l'étau se resserrait autour de sa personne. Il connaissait le prix payé par de nombreux prophètes, il a vu venir sa mort violente. Deux choix s'offraient à lui : poursuivre ou s'esquiver. Il aurait pu, par exemple, ne pas monter à Jérusalem.

Choisit-il sa passion ?

Amélie Nothomb parle d'une petite voix intérieure qui lui souffle d'accepter :

"Ai-je le choix ? J'accepte afin d'avoir moins mal." (67)

Un peu court… Et d'après les Evangiles ?

1.1 Quel sens donne-t-il lui-même à la mort violente qu’il pressent ?

° Une nécessité intérieure

Les évangiles sont là-dessus unanimes : si Jésus « va à la passion » selon le mot de Pascal, s’il ne se dérobe pas, c’est par cohérence interne, une forme de nécessité intérieure : il ne peut pas ne pas aller jusqu’au bout de son engagement; en s’esquivant, il se serait renié en quelque sorte, il aurait "perdu son âme". C'est par fidélité à lui-même qu'il consent à courir le risque d'une mort violente. Il ne choisit pas la mort, ce serait un non-sens pour un juif, pour qui le principe numéro un est de choisir la vie, toujours; il ne choisit pas la mort, mais par fidélité à lui-même et à ce qu'il croit être sa mission, il accepte de payer le prix fort.

° Le fait-il par obéissance à son Père ?

A lire Amélie Nothomb, Jésus exécute un programme préétabli par le Père, pour une bonne cause "montrer jusqu'où on peut aller par amour", un plan qui témoigne d'un si profond mépris pour le corps et qui résulte de la volonté de Dieu de faire expier par son fils le péché des hommes.

Quelle théologie y a-t-il là derrière ? Et, surtout, quel Dieu ?

Un Dieu bien loin de celui qu'incarne précisément Jésus. Lui, le visage humain de Dieu, selon la belle formule d'Yves Burdelot(2), n'a eu de cesse que de montrer à l'homme quel chemin prendre pour vivre libre et heureux, "asherei", selon l’esprit des Béatitudes.

Sa force, il la tenait de sa relation à Dieu, une relation intime, faite de cœur à cœur, qui lui permit de découvrir peu à peu sa filialité et sa mission, d'être Jésus, Yeshoua càd "Dieu sauve". Yeshoua signifie « Le salut de Dieu en acte ». Sauver, de l'hébreu 'iasha', signifie littéralement donner de l'espace, élargir…

Oui, ouvrir des brèches là où il n'y a plus d'espoir, donner de l'air quand on n'en peut plus, offrir une guérison comme un avenir à nouveau possible. Cela Jésus n'a pas arrêté de le faire…

Cette manière, c'était le fruit de cette obéissance, de cette écoute intime, de ce dialogue aimant avec son Père, qui l'a conduit à réaliser qu'il lui "fallait" aller jusqu’au bout, jusqu’à la mort peut-être.

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les répétitions évangéliques « Il faut que le Fils de l’homme souffre… qu’il monte à Jérusalem, meure sur la croix et ressuscite… »

Ces affirmations, écrites après les événements, attestent la perception par les disciples du sens que Jésus donnait lui-même à sa mission. Ce n’est pas un « il faut » extérieur à lui, mais une nécessité intérieure et libre qui le conduira à dire : « ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jn 10, 17-18). Cette nécessité s’inscrit à l’intérieur d’un choix de vie. Et sa mort n’a de sens qu’intégrée à son parcours de vie.

° "Tout est accompli", dit Jésus dans l'Evangile de Jean :

- l'humanité assumée jusqu'à l'abîme du mal radical

- l’amour jusqu’à l’extrême du don et du pardon

Le mal radical et l’absolu de l’amour, disait François Cheng à la Grande Librairie.

Ce « Tout est accompli », je le perçois aussi en ce qui se joue en cet instant entre le Père et le Fils. Moment paradoxal de déréliction suprême pour le Fils comme pour le Père, qui souffre de voir souffrir son fils et de ne pouvoir intervenir en sa faveur.

Jésus était "livré", non par la vindicte d'un Père qui aurait tout prévu, mais exposé à la liberté des hommes, selon la logique de l'incarnation. Dieu s'est dépouillé, par amour des hommes, de toute puissance interventionniste. Sinon qu'en serait-il de la liberté ?

Le Père et le Fils. Double kénose, où se vit la plus paradoxale expression d’un incommensurable amour, dans le silence et la plus totale nudité.

° Le don de sa vie symbolisé par la Cène(3)

Le sens que Jésus a donné à sa mort, nous le trouvons aussi dans le récit de la Cène et l’institution de l’Eucharistie. Jésus, par le don du pain et du vin, explicite le sens qu’il donne à sa mort prochaine.

Le pain, symbolisant le corps qui sera brisé par le supplice, ce n’est pas seulement le corps physique, biologique, c’est l’expression de la personne tout entière. Le vin, c’est le sang donné de sa propre vie. Il ne s’agit plus des liturgies sacrificielles du Temple de Jérusalem. Le sens est complètement renversé. Il exprime le don que Jésus fait de sa vie en consentant à une mort sanglante.

1.2 Et pour ses amis et disciples ?

° Dépasser l’infamie de la croix

Les choses n’ont pas été faciles pour les amis de Jésus. Ils se sont montrés plutôt pleutres au moment des événements, mais comment cela aurait-il pu en être autrement : cette mort leur apparaissait comme un échec, leurs espoirs étaient anéantis et la croix le symbole d’une infamie. Comment admettre qu’un crucifié puisse être leur sauveur ?

Amélie Nothomb n’est pas la 1ère à se rebeller devant une telle affirmation. Aujourd’hui comme hier, on bute face à ce paradoxe. Cela a été le combat de saint Paul que de le creuser : sa 1ère lettre aux Corinthiens commence par l’évocation de ce paradoxe de la croix « scandale pour les Juifs, folie pour les païens » et il n’aura de cesse de montrer que, contre toute raison humaine, la faiblesse –la croix- est lieu de la révélation de la puissance divine, mais une puissance tout autre que celle des hommes, celle d’un amour qui se livre.

° Le récit évangélique comme attestation

Un peu plus tard, les Evangiles laissent entendre que, derrière le fait divers d’une condamnation injuste, « un événement transcendant s’accomplit. »

Le récit évangélique devient en lui-même proclamation, selon les mots du théologien Sesboué(4). Une attestation. Et chacun des évangélistes le fait à sa manière.

Chez Matthieu et Marc, Jésus est présenté comme le juste par excellence, persécuté et martyr pour sa mission. Ces deux évangélistes insistent sur le cri d’abandon de Jésus en croix : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », qui exprime une déréliction totale.

Luc insiste sur le pouvoir de conversion de l’événement sur les témoins : Pierre pleure après le reniement, Simon de Cyrène « se charge » la croix. Très belle page, entre parenthèses, d’Amélie Nothomb sur Simon de Cyrène, ainsi que sur Véronique, non citée explicitement dans les évangiles. Un des malfaiteurs se convertit. Il met aussi dans la bouche de Jésus cette parole d’abandon, malgré tout, à Dieu : « Père entre tes mains, je remets mon esprit. » (23,46)

Ecrit un peu plus tard, l’Evangile de Jean présente la mort en croix de Jésus comme la manifestation de la gloire divine. La croix a changé de sens : il ne s’agit plus d’une exécution ignominieuse, mais de l’accomplissement d’un amour inouï.(5)

° La mort sur la croix transfigurée par la résurrection

Une autre manière de donner sens à la croix fut de montrer le lien entre celle-ci et la résurrection. On peut s'étonner du revirement somme toute assez rapide, même si nous n'avons pas de mesure précise de ce temps, du passage de la désespérance à la foi pascale. Sans doute, la raison principale tient-elle de ce qui avait causé le désarroi des disciples(6), c’est-à-dire sa mort. Ils font l'expérience, inouïe, qu’elle n'est pas l'étape ultime et définitive de la vie de leur maître et ami. Contre toute attente, Jésus, après sa mort et sa résurrection, établit des relations totalement inédites avec eux et ils le reconnaissent vivant, selon un tout autre mode de présence, mais vivant. Leur désespérance se transforme alors en joie

Ils reprennent pied, sont à nouveau debout, ressuscités en quelque sorte, prêts à semer à tous vents cette Bonne nouvelle. C'est le sens de la Pentecôte et de l'effusion de l'Esprit. Sa mort glorifiée, les transfigure; sa résurrection les ressuscite. Le mystère pascal suscite la foi pascale. Désormais, la croix dit le signe de la victoire de l’amour sur le péché, de la vie sur la mort.

° La croix peu représentée jusqu’au 5ème siècle

Mais la croix en tant que telle ne sera quasi pas représentée pendant longtemps encore. Comme signe de ralliement des chrétiens, soumis à la persécution romaine, nous avons essentiellement, dès le 2ème siècle, le poisson et l'inscription IXTUS, Iesou Christou Theou Uios Sauter, JC Fils de Dieu sauveur, ou le chrisme fait du iota et du chi (Iesous Christos) ou du chi et du ro, les deux premières du mot Christ. Les chrétiens de l’église primitive mettent donc en avant la personne du Christ comme sauveur.

Avant Constantin, nous ne trouvons que de très rares reproductions de la croix. Au IVème siècle, la redécouverte de la croix, généralement attribuée à sainte Hélène, contribua au développement du culte de la croix. On osa alors montrer le Christ en croix, mais un Christ à la fois crucifié et ressuscité, les yeux ouverts, les bras à l’horizontale, ouverts sur le monde, habillé souvent du vêtement rouge royal. Il s’agissait d’une surimpression de deux images, celle de la croix et celle de la résurrection. De nombreux Christ romans s’inscrivent dans cette veine, comme le Christ de Braunschweig, en Allemagne.

2. Que dire après ce petit parcours dans les évangiles ?

2.1 Je reviens à Amélie Nothomb.

° Ce que je regrette :

- C’est qu’elle soit passée à côté du sens de la mort de Jésus.

Même d’un point de vue humain, la mort de Jésus, comme celle de tant d’autres, qui ont choisi de rester fidèles à leur engagement au prix de leur liberté voire de leur vie, a une valeur inestimable, admirable, devant laquelle on ne peut que s’incliner avec respect et reconnaissance.

Il ne faut pas isoler la mort de la vie. C’est celle-ci, dans ses choix quotidiens, qui donne sens à la mort. La mort des frères de Tibhirine n’a de sens qu’intégrée au choix qu’ils n’ont cessé d’actualiser, qui était de rester présents auprès des villageois.

- Et, d’un point de vue spirituel, qu’elle n’ait pas dépassé une réaction première, venue de l’enfance, ne fût-ce que pour entrevoir la raison pour laquelle tant et tant d’hommes et de femmes trouvent en ce Jésus crucifié-ressuscité une force pour traverser leurs propres souffrances.

° Ce qui me questionne :

Le pardon de Jésus. Il est cohérent, d’une certaine manière, avec son refus de la croix : « Je ne parviens pas à me pardonner. Je suis responsable du plus grand contresens de l’Histoire… » (p.106) Mais aussi, un peu plus loin : « J’ai commis la plus grande des fautes …Si moi je peux me pardonner, alors tous ceux qui se trompent gravement pourront se pardonner. » (p. 114)

En fait, paradoxalement, par cette vision, l’auteure offre un avenir, ouvre sur une possible résilience pour tout homme avec lui-même. Et cela, c’est beau, c’est, j’allais dire, évangélique. Mais, sa manière de prendre des libertés avec l’évangile, d’en subvertir le sens, -de se jouer de lui ?-, est troublante, d’autant qu’elle ponctue cette réflexion par la parole de Jésus « Tout est accompli » évoquée plus haut.

Et l’auteure ne s’arrête pas : les paroles de Luc « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » sont pour elles un contresens, plus une forme de mépris pour les humains.

Le pardon, un mépris de l’homme ? S’il est arrogant peut-être, mais s’il offre réellement une nouvelle chance à la vie, à la relation ? S’il est vécu en vérité… ?

° Là où je la comprends et la rejoins :

- Lorsque l’on ne dépasse pas les théologies sacrificielles, expiatoires, héritées d’une certaine relecture de l’AT, selon lesquelles Jésus aurait été contraint par Dieu de payer du prix de sa vie le péché des hommes. C’est l’idée de punition et de sacrifice (fr Hubert reviendra sur cette notion de sacrifice) présente dans le livre. Et c’est, en effet, une vision insupportable aujourd’hui. Que l’on a heureusement dépassée.(7) La mort de Jésus est davantage intégrée à tout son parcours et à sa mission, et sa résurrection est relue comme la consécration de sa vie, son accomplissement. Mais pas toujours.

- Lorsque l’on prend au premier degré certaines paroles du NT ou de la liturgie, notamment certaines oraisons : « c’est par ses blessures que nous sommes guéris » ou « c’est le sang du Christ qui nous sauve ». Ce sont des raccourcis difficiles à accepter.

Non, ce n’est pas la souffrance qui sauve, ce n’est pas le sang versé, c’est l’amour. Une certaine vision de la croix (a)induit un sens insupportable de la souffrance.

- A. Nothomb met aussi le doigt sur un risque réel quand elle dit : « Des théories d’hommes vont choisir le martyre à cause de mon exemple imbécile) ».Là aussi, il convient d’être clair. On ne choisit pas le martyre. S’il arrive, c’est par fidélité au choix de vie, orienté vers la vérité et la justice.

Je reviens à la communauté de Tibbhirine. L’on se souvient de cette scène terriblement émouvante où, réunis pour le repas, les moines boivent la coupe, j’aurais envie de dire, du consentement. Comme Jésus, ils devinent ce qui les attend, sans savoir ni quand ni comment. Ils acceptent, mais ils ne choisissent pas. Ou encore cette autre scène, plus intime, de la rencontre entre frère Christian et frère Christophe, tellement angoissé à l’idée d’une mort prochaine possible : «Le martyre, on ne le choisit pas et ta vie tu l’as déjà donnée ; il est plus facile de donner sa vie une fois pour toutes que de la donner jour après jour. » (Cité de mémoire)

- Lorsque l’expression « il est mort pour nos péchés, ou mort pour nous », culpabilise à l’excès alors qu’elle devrait ouvrir un espace de résilience et de liberté. C’est l’idée de salut sur laquelle je terminerai.

En fait, ces expressions viennent sans doute d’une extension de sens : de la vie donnée par Jésus aux autres, sa « pro-existence » notamment pour les pécheurs, on en est venu à la conception du Christ mort pour nos péchés, qui rejoint l’expression « mort pour notre salut »(8)

2.2 Sa mort en croix est-elle une bévue inutile ? De quoi nous sauve-t-elle ?

Au terme de ce petit parcours, je voudrais reprendre la question soulevée par Amélie Nothomb : cette crucifixion est-elle une bévue ? Inutile de surcroît ! Elle n’aurait servi à rien.

° Une vision positive du salut

J’ai évoqué la racine hébraïque du verbe sauver Iacha, être large spacieux, avec une idée de bonheur, de délivrance, qui a donné sauver, délivrer… L’étymologie latine est intéressante aussi. Elle nous apprend que salut et santé procèdent de la même racine. Le salut serait de l’ordre de la santé, d’un bien être profond, d’un accomplissement.

Le salut est d’abord positif, dit A. Gesché(9). Il s’agit d’être sauvé avant d’être sauvé de, qui suggère les obstacles. Il en propose cette « définition » : « Sauver, c’est amener quelqu’un jusqu’au bout de lui-même, lui permettre de s’accomplir, de trouver son destin. » Il parlera plus loin de « destinée », le destin étant de l’ordre de la fatalité, la destinée de l’ordre de la liberté.

° L’enfer/mement comme obstacle au salut

Qu’est-ce qui empêche l’homme de connaître le salut, tel que je viens de le dessiner ? Plus je me pose la question, la retourne dans tous les sens, plus je me dis que ce sont toutes les formes d’enfermement. Enfer/mement. Et nous savons combien l’enfermement peut être synonyme d’enfer.

D’un point de vue extérieur, on peut citer certaines situations apparemment sans issue, la maladie, la mort, l’échec, la dépression, l’exil etc. Tout cela a tendance à enfermer sauf si…

D’un point de vue intérieur, on peut être enfermé par son ego, par la jalousie, la convoitise ou le ressentiment, par une manière d’exister, par un pardon que l’on n’arrive pas à donner, par des blessures dont on ne parvient pas à sortir pas etc. sauf si…

° Se laisser « désenfermer »…

Ce « sauf si… » pourrait bien être de l’ordre du dés-enfermement, du sortir de, -je mesure mes mots, je sais combien ce peut être difficile, ce n’est pas magique-, oui sortir de l’enfermement ou des enfermements où l’on est plongé, englué. Les situations de vie n’ont peut-être pas changé, la personne est la même, mais une brèche vient s’ouvrir, qui désenclave, désincarcère, dénoue… Une trouée dans l’obscurité de l’existence. C’est la sève de la vie qui trace son chemin, aube d’une liberté nouvelle.

°… Par le souffle de la résurrection

En langage chrétien, je peux dire le souffle de la résurrection.

En ce sens, me semble-t-il, on peut affirmer que la croix transfigurée par la résurrection, est salvatrice. Elle défatalise l’histoire et nos histoires, elle ouvre sur du « à nouveau possible », elle met de la vie là où régnait la mort ou la lassitude, de l’espérance là où tout semblait sombre ou fini, elle nous fait lever de nos tombeaux, grands ou petits.

Bien sûr, le mal, le péché - celui du monde et le nôtre-, ne sont pas évincés, mais la foi en l’événement pascal nous donne de pouvoir expérimenter en nos vies quelque chose de ce mouvement résurrectionnel, déjà ici et maintenant.

Il nous offre aussi une espérance, non pas une chimère qui nous dispense de relever nos manches, comme disent certains, mais une espérance qui nous engage au contraire à rendre le monde plus humain. Nous sommes à la fois dans le temps réel, l’aujourd’hui de Dieu, et le temps eschatologique, celui où le loup ne mangera plus l’agneau.

Voilà ma manière à moi de comprendre le salut à la lumière du mystère pascal.

J’aime beaucoup l’icône de la Résurrection, où l’on voit le Christ qui s’élève de terre tirant par la main Adam et Eve et d’autres.. Ce pourrait être nous.

Et je pense à cette phrase de Jésus dans st Jean : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » (12,32) Il me semble qu’il s’agit « tout simplement » ( !) de se laisser attirer par ce Christ élevé de terre, ce qui implique de se défaire de ce qui enferme, abime, aliène… mais non de sa chair, mais non de sa soif !

P.Pierre- Monastère de Wavreumont, le 15 février 2020

(1) Cité par Ignace BERTEN, in Croire en un Dieu trinitaire, Editions Fidélité p. 143 (retour)
(2) Yves BURDELOT, Devenir humain, Cerf, 2007 (retour)
(3) D’après Sesboué, Croire, p. 278 (retour)
(4) Id p. 280 (retour)
(5) D’après Sesboué p. 280-281 (retour)
(6) François-Xavier Durrwell insiste fort sur ce point dans « La mort du Fils », ainsi que D. Marguerat dans tous ses livres sur la résurrection. (retour)
(7) Cfr la thèse du livre de François-Xavier DURWELL, Christ notre Pâque (retour)
(8) Cf Daniel MARGUERAT, Vie et destin de Jésus de Nazareth, p. 258 ; Ignace Berten p. 144 et svtes (retour)
(9) Adolphe GESCHE, Dieu pour penser V,La Destinée, Cerf, p. 30 et svtes. Il développe les trois obstacles majeurs dont nous sommes sauvés : la mort, le péché, la fatalité. (retour)
Published by Libre pensée chrétienne