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11 juin 2022 6 11 /06 /juin /2022 08:00

 

Roger Sougnez (1927-2019) Jésus homme-Dieu (suite et fin)
Extraits du livre « De la prêtrise à l’abandon des doctrines » Golias 2018
Roger Sougnez (1927-2019)
Jésus, vrai dieu et vrai homme

Je ne peux plus croire à la divinité de Jésus. Il n'y a dans l'évangile aucun texte avéré authentique qui affirme clairement cette divinité. Dans la Bible, l'expression Fils de Dieu n'est pas employée dans notre sens théologique mais au sens large. Jésus lui-même se nomme habituellement le Fils de l'homme (Mt 9.6, / / Mc 2.10). De même, cette énergie intérieure et mystérieuse dont il tire sa force et inspiration, il ne l'appelle pas Dieu mais Père. Il ne faut pas oublier à quel point les Juifs n'acceptaient aucune atteinte à l'unicité de Dieu.

On a trop simplifié, généralisé. Il ne faut pas se faire d'illusion à propos de la foi des disciples, des premiers chrétiens comme des autres croyants jusqu'à nos jours. Loin d'être unanime , elle était très diversifiée. On le voit déjà dans l'évangile. A la question de Jésus: « Qui les foules disent-elles que je suis ? », ses disciples lui donnent diverses réponses : « Jean le Baptiste, Elie, Jérémie, un des anciens prophètes revenu à la vie » (Le 9.19, / / Mc 8.28 ; Mt 16,14).

C'est le premier concile œcuménique, convoqué en 325 à Nicée , non par un pape, mais par l'empereur romain Constantin qui le présidait et l'orientait, qui a déclaré dogme de foi : « Un Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, unique engendré du Père, [...] vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non créé ». Constantin s'était rendu compte que l'unité de foi chrétienne était un facteur de cohésion important pour son empire (comme maintenant encore la religion dans bien des pays).

Cette divinité n'était pas reconnue par tous et faisait l'objet de polémiques, luttes et excommunications. Une partie du christianisme adhérait à l'arianisme. Le nom de cette hérésie vient d'Arius, prêtre d’ Alexandrie (256-336) pour lequel, dans la Trinité, Dieu le Père a tiré Dieu le Fils du néant qui n'est pas de la même nature que Lui. Il est subordonné au Père.

La plupart des fidèles qui proclament avec assurance que Jésus est Dieu et qui s'insurgent avec colère contre ceux qui le nient n'ont jamais pris de recul et vraiment réfléchi à ce que cette affirmation exprimait d'absolument inouï. Il est impossible qu'une personne puisse être à la fois homme et Dieu. Il faut d'abord prendre la peine de bien considérer ce que représente le mot Dieu, Créateur et Maître tout puissant, transcendant tout ce qu'on pourrait imaginer ; Absolu : une entité existant éternellement, sans origine ni fin, ne dépendant de rien, douée de toutes les perfections.

La nature humaine et la nature divine sont contradictoires, s'excluent, ne peuvent coexister en un même être. Un dieu pourrait venir sur Terre simplement en prenant une apparence humaine mais il resterait toujours dieu et ne pourrait pas être réellement un homme avec toutes ses limites. C'est ce qu'ont très bien compris les chrétiens qui tenaient cette position appelée docétisme (qui vient du verbe grec « dokein » signifiant « sembler, paraître) et que l'Eglise a condamnée : Jésus n'est pas un homme, il reste réellement Dieu mais prend simplement l'apparence d'un homme. Beaucoup de chrétiens partagent aujourd'hui encore cette hérésie (parfois sans s'en rendre compte).

Ce dogme de l'incarnation, c'est merveilleux, un Dieu qui, par amour, se fait homme pour être proche de nous, mener la même vie, pour nous sauver. Moi-même, j'avais été séduit. Cela a quand même un relent de récits mythologiques, ce folklore des dieux descendant parmi les hommes.

Mais, ne faisons pas d'anthropomorphisme : un Dieu ne souffre pas et ne meurt certainement pas. Jésus de Nazareth n'est pas Dieu. Beaucoup de prêtres le savent, mais ne le disent pas. Concernant le dogme de l'incarnation et le dogme de la Trinité nous sommes dans la même situation : mystère ! Les tentatives des théologiens pour établir que la doctrine classique n'est ni contradictoire ni absurde échouent totalement. Ne vous torturez plus l'esprit, il n'y a rien à comprendre, car il n'y a pas de mystère, Jésus de Nazareth n'est pas Dieu mais simplement un homme tout à fait exceptionnel. Point ! Que Jésus ne soit pas Dieu entraîne des conséquences extrêmement graves. La religion chrétienne est totalement dévalorisée. Elle qui se targuait d'être la seule religion ayant un fondateur qui soit Dieu perd ce précieux privilège. C'est un drame aussi pour cette multitude de croyants et de mystiques qui fondaient le sens et le dynamisme de leur vie sur la présence de ce Jésus, Dieu, toujours vivant, qui les inspirait et les soutenait.

Jésus n'étant pas Dieu, la recherche de ce qu'il a dit et fait n'a plus la même importance, ce sont des actes et des propos humains.

Remarquons que deux dangers guettent celui qui a le souci de prendre Jésus comme modèle. Premièrement, le monde actuel est tellement différent , qu'il faut une grande prudence dans cette imitation. Ce qui était excellent à une certaine époque peut être contre-indiqué à une autre. Deuxièmement, l'important pour un être humain n'est pas d'imiter un autre mais de découvrir son projet personnel de vie où il pourra développer au mieux ses propres potentialités.

Trop souvent, « on brouille les cartes » ; je ne pense pas qu'il soit souhaitable d'employer l'expression : « Jésus est de Dieu » car tout homme peut dire qu'il est de Dieu. Il faut le dire clairement : Jésus est Dieu ou il ne l'est pas ! Beaucoup de prêtres et de théologiens sont très réticents à admettre et à déclarer que Jésus n'est pas Dieu. Il n'y a pas lieu de s'en étonner. Ce n'est pas tant parce qu'ils possèdent des preuves solides de la nature divine de Jésus mais surtout parce qu'ils sont conscients que nier cette divinité de Jésus les priverait d'un soutien qui leur était essentiel et provoquerait immanquablement un effondrement d'une grande partie du christianisme. Et cela, ils ne peuvent le supporter.

Ceux qui croiraient encore à la divinité de Jésus rencontreraient un énorme problème pour le dogme de la Rédemption. Si Jésus de Nazareth était ressuscité, il ne serait donc pas mort définitivement. Comment peut-on dire qu'il a donné sa vie pour nous, puisqu'il la conserve ?

« La preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ est mort pour nous » (Rom 5. 8). (C. 604)

Peut-on dire que la merveilleuse parole: « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime »( Jn l5.13) s'applique ici ? Car si Jésus était Dieu, pouvait-il connaître réellement la souffrance, la mort sur la croix au plus profond de sa personne ou seulement dans son apparence humaine ?

Les valeurs évangéliques

Recherche des paroles authentiques de Jésus.

Des exégètes (entre autres Joachim Jeremias) avaient cherché à rétablir les paroles exactes de Jésus (ipsissima verba Christi). On s'est rendu compte que l'entreprise était impossible car les traditions orales et les textes ont été trop retravaillés, modifiés. Toutefois, une pensée personnelle, riche, originale peut être communiquée à travers des mots qui ne sont pas rigoureusement originaux.

Les paroles de Jésus nous l'avons vu, ne sont plus communication divine mais propos humains ; si excellents soient-ils, leur précision n'est plus aussi essentielle.

Des thèmes de l'évangile sont toujours valables au jourd'hui. Ainsi :

Le sermon sur la montagne

Voici une merveille qui perdure à travers les siècles. Ce sont les chapitres cinq, six et sept de l'évangile de Matthieu qui rapportent ce célèbre sermon sur la montagne que l'on peut considérer comme la grande charte du royaume messianique prêchée par Jésus. Il s'agit de différentes sentences de Jésus qui ont été prononcées à des moments différents et qui sont rassemblées ici dans un style imagé, populaire, qui ne craint pas les hyperboles (la paille et la poutre, coupe ta main...). On en retrouve des éléments dans l'évangile de Luc (6.20-47).

Dans les pourparlers qui ont précédé l'indépendance de l'Inde, l'ancien vice-roi Lord Irwin et Gandhi cherchaient dans le texte grec du sermon sur la montagne les éléments d'une ligne de conduite pour l'homme. Gandhi aurait dit à Lord Irwin:

« Quand votre pays et le mien parviendront à une entente fondée sur les enseignements du Christ consignés dans le Sermon sur la montagne, alors nous aurons résolu non seulement les problèmes de nos deux pays, mais ceux du monde entier. En une autre occasion, Gandhi déclara : Par-dessus tout, abreuvez-vous aux sources jaillissant du Sermon sur la montagne,... car l'enseignement de ce Sermon est destiné à chacun d'entre nous ».

Les Paraboles

Jésus aimait s'exprimer en paraboles (une quarantaine). Celles-ci sont des comparaisons tirées de la vie quotidienne, développées sous forme d'histoires qui donnent un enseignement et amènent l'auditeur à changer son comportement.

« Il leur enseignait beaucoup de choses en paraboles » (Mc 4.2). Certaines sont d'ailleurs passées dans notre langage courant, telles que « Le bon samaritain » (Luc 10.30-37) et « Le fils prodigue » (Luc 15.11-32).

 

Les perles de l’Evangile

J'appelle ainsi des textes assez courts et connus, parfois trop entendus, « usés », pas assez bien traduits ni compris mais qui, approfondis, se révèlent d'une grande richesse spirituelle. Ils sont nombreux, j'en cite ici quelques-uns.

  • La règle d'or : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : c'est la Loi et les Prophètes (c'est-à-dire : la règle morale) » (Mt 7.12 / / Le 6.31).
  • « Car je vous le dis, si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux » (Mt 5.20). Le terme « justice » est à prendre dans le sens biblique. On peut traduire : « Si vous n'êtes pas meilleurs que les docteurs de la Loi et les bons pratiquants... ».
  • « Le sabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat » (Mc 2.27).
  • « Allez apprendre ce que signifie: c'est la miséricorde que je veux et non le sacrifice » (Mt 9.13).
  • « Quand donc tu vas présenter ton offrande à l'autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande » (Mt 5.23-24).
  • « En vérité, je vous le déclare : les collecteurs d'impôts et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu » (Mt 21.31). Les collecteurs d'impôts étaient considérés comme pécheurs publics.
  • « Vous avez annulé la parole de Dieu au nom de votre tradition, [...] car les doctrines qu'ils enseignent ne sont que préceptes d'hommes» (Mt 15.6,9).
  • « Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l'homme impur, mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui rend l'homme impur » (Mt 15.11).
  • « On ne met pas de vin nouveau dans de vieilles outres ; sinon, les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues. On met au contraire le vin nouveau dans des outres neuves, et l'un et l'autre se conservent » (Mt 9.17).
Conclusion : Jésus simplement

Pour atteindre quelque chose du vrai Jésus de Nazareth il faut le débarrasser de tout ce dont on l'a affublé. Au sujet de la valeur historique des évangiles, voici ce qu'en dit le pasteur protestant, théologien, Roger Parmentier dans son livre : « L'invention du christianisme » :

« Dès la mort de jésus, des Juifs 'hellénistes ' de Jérusalem ( Juifs de la Diaspora méditerranéenne parlant grec et de culture gréco-romaine évoqués dans les Actes des Apôtres, chapitre 6 à 8) ont construit le christianisme par la proclamation, le Kérygme, avec conviction et exaltation, un message, un système de croyances messianiques ou christologiques qui n'avaient rien à voir avec Jésus, avec sa prédication, son enseignement, sa proposition d'entrée immédiate dans la tout autre façon de croire, de penser, de vivre[ ...], ce qu'il appelait dans le 'règne de Dieu'.

Cette 'invention' du christianisme était une complète dénaturation du projet de Jésus, une vraie catastrophe qui nous a été proposée ou imposée pendant vingt siècles. Il est temps de revenir à l'authentique »

Historiquement , il est incontestable qu'un Jésus de Nazareth a réellement existé et qu'il y a eu un avant lui et un après lui. Son message et sa vie d'ouverture, de vérité, de paix et d'amour, dénonçant mauvaise foi, hypocrisie et suffisance ont permis à l'humanité de connaître un progrès substantiel.

Les valeurs authentiques prônées et vécues par Jésus restent extrêmement riches et pleines d'enseignements pour l'humanité. Ceux qui s'en inspirent peuvent se dire chrétiens.

Roger Sougnez (1927-2019)

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