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11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 09:00
Philippe Ronsse A propos du livre de John Shelby SPONG
ETERNAL LIFE : A NEW VISION Beyond Religion, Beyond Theism, Beyond Heaven and Hell
Philippe Ronsse
LPC n° 30 / 2015
ETERNAL LIFE : A NEW VISION Beyond Religion, Beyond Theism, Beyond Heaven and Hell ETERNAL LIFE : A NEW VISION Beyond Religion, Beyond Theism, Beyond Heaven and Hell
John Shelby SPONG

Cet ouvrage, du reste annoncé par l'auteur dans sa préface de "JÉSUS POUR LE XXIE SIÈCLE", constitue le prolongement naturel de ce dernier. Après avoir dressé un portrait de Jésus davantage conforme à la réalité de son temps, débarrassé des mythes dont l'histoire l'a chargé, son propos consiste ici à tirer les conséquences de cette mise à niveau, tant des points de vue religieux que simplement humains, en vue d'en retirer le sens à donner à sa vie d'aujourd'hui.

JS. Spong n'est pas un philosophe, ni même un théologien. C'est un penseur doublé d'un mystique. Son terreau, c'est sa vie faite d'un questionnement quasi ininterrompu de près de 70 ans, nourri principalement par l'expérience de sa vie relationnelle familiale et pastorale et enrichi de ses propres recherches dans tous les domaines de la connaissance. Il trace son chemin, soucieux de rendre cohérentes sa foi en Dieu et celle qu'il a en la vie, plus spécifiquement en l'Homme. Constamment confronté, dans l'exercice de son sacerdoce, à l'évolution des connaissances historique, scientifique et psychologique, il est petit à petit amené à modifier son appréhension du phénomène religieux, qu'il soit chrétien ou autre. Dans un tel contexte, le sujet de la vie éternelle doit être vu davantage comme l'aboutissement d'un long processus de pensée que comme une fin en soi.

L'auteur se consacre longuement à l'évolution, depuis le Big Bang jusqu'à l'émergence du vivant à partir de l'inerte, pour constater que celle-ci est accidentelle, le fruit de la conjonction d'évènements tous aussi improbables les uns que les autres, jusque et y compris celui de notre propre naissance. Or, ce caractère intrinsèquement aléatoire du cours de l'évolution est compensé par un fait remarquable, à savoir l'homogénéité et la constance des lois qui nous gouvernent depuis l'origine. Parmi celles-ci, la pulsion de survie est notoirement la principale, même en l'absence de toute explication scientifique la concernant.

Quand l'homme est devenu conscient de lui-même, il s'est naturellement heurté à cette loi immanente. Confronté à sa propre mort, et au surplus environné de phénomènes naturels auxquels il ne comprenait strictement rien, il a confusément cherché à lui donner un sens et à préciser sa finalité. Il ne faut pas voir d'autre origine au phénomène religieux, tel qu'il est parvenu jusqu'à nous sous ses différentes formes. Il est le fruit de la confrontation de la loi de la survie inscrite dans nos gènes à la prise de conscience de l'inéluctabilité de notre mort. C'est notre condition d'humain qui l'a engendré, non une quelconque révélation.

Depuis les Lumières, la compréhension du monde s'est nourrie des apports des Galilée, Newton, Darwin, Einstein et de tant d'autres. Petit à petit, a disparu la nécessité d'invoquer une intervention supranaturelle pour expliquer les phénomènes qui ne le sont pas. Depuis, l'écart entre les diverses croyances religieuses et le savoir acquis par l'humanité n'a cessé de grandir, faisant apparaître des contradictions flagrantes, à l'origine de tensions de plus en plus vives. Comment se fait-il, dans ces conditions, que l'homme persiste à vouloir se calfeutrer dans ses croyances millénaires, jusqu'à les défendre parfois avec tant de violences ?

L'humanité peine en réalité à quitter le stade de l'enfance - caractérisé par la dépendance envers des parents qui savent tout et qui dispensent la nourriture nécessaire - où Dieu tient lieu de parent. Or, observe JSS, si le destin de l'enfant est de grandir, celui de l'humanité lui est parfaitement semblable!

C'est pourquoi l'homme est inévitablement appelé à s'affranchir de ses croyances infantilisantes, fut-ce au prix d'un chemin long et difficile, et ceci d'autant plus, dit JSS, que "dans la confrontation entre la foi et la connaissance, la connaissance prend toujours le dessus". (p.120)

Le phénomène religieux, toutes religions confondues, a indiscutablement été nécessaire, voire salutaire à l'humanité naissante. Aujourd'hui cependant, il est devenu un leurre, une illusion que d'aucuns cherchent à entretenir, notamment pour conserver un pouvoir. Au nom de lois qu'elles ont elles-mêmes édictées, les religions persistent à manipuler l'homme, soit en endormant sa peur de mourir par des promesses de salut (le paradis), soit en lui faisant craindre le pire (l'enfer) en cas d'écart par rapport à des commandements soi-disant divins. Or, on l'a vu, cette dépendance parentale porte en elle-même les germes de sa perte : la mort des religions est donc prévisible, ce n'est qu'une question de temps.

La notion de Dieu se trouve complètement modifiée. De souverain absolu, de père, de maître et juge de toute chose, de dispensateur de récompenses et de punitions, de sauveur, voire de compagnon ou d'interlocuteur à qui nous cherchons surtout de plaire (comme à nos parents), Dieu se perçoit aujourd'hui comme l'Un dans le Tout, sans aucun pouvoir interventionniste dans l'évolution, ni dans nos vies. D'un Dieu "extérieur", nous évoluons vers un Dieu "intérieur" à nous-mêmes et à toute chose.

De proche en proche, JSS révèle davantage son mysticisme qui l'amène notamment à considérer la résurrection non comme une réalité physique mais comme la trace profonde laissée par Jésus dans le cœur de ses compagnons transformés par la nouvelle conscience qu'il leur avait donnée d'eux-mêmes. Le divin, ils l'ont rencontré au cœur même du vécu avec lui et non au terme d'apparitions post mortem. Pour ce qui nous concerne, par analogie avec ce que les premiers disciples ont vécu, c'est dans la mesure où nous vivrons intensément notre présent que nous parviendrons à transcender notre mortel destin et finalement à rencontrer le divin. La résurrection est le symbole de cette réalité qui est d'être de Dieu et partie de son éternité ici et maintenant.

En définitive, nous sommes invités à transgresser notre tendance à nous calfeutrer dans les croyances acquises du passé, autrement dit à quitter l'enfance !

Offrons-nous l'audace de penser et, à partir de là, osons écrire notre vie en personnes réellement adultes, responsables et aimantes. Autrement dit, osons être nous-mêmes en nous affranchissant de notre mentalité imprégnée de la loi de la survie, en adoptant une nouvelle façon d'être, telle que Jésus l'a suggérée, aimant assez pour transcender toutes les barrières y compris celle de la mort.

Étrangement pourtant, JSS termine en proclamant sa foi en la vie éternelle, envisagée comme une suite naturelle à l'intensité avec laquelle nous vivons réellement la nôtre.

Étrangement, parce que cela ne correspond pas au titre "A New Vision…" !

Il n'y a en effet rien de neuf dans l'aboutissement qu'il nous propose. Au vrai, on pouvait s'y attendre. Croyant, JSS pouvait-il réellement découpler le binôme "Dieu - vie éternelle" ? Se fut-il permis de mettre en doute l'existence de Dieu que la conclusion eut évidemment été tout autre. Mais il ne l'a pas voulu ainsi, ni pu…

Quoi qu'il en soit, l'ouvrage révèle un itinéraire intéressant, que l'on pourrait certainement faire sien à bien des égards. Sa finale, par contre, laisse un goût très net d'interrompu.

Philippe Ronsse

Published by Libre pensée chrétienne - dans Recensions