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9 février 2019 6 09 /02 /février /2019 09:00
André Verheyen Où l'on reparle de Jean-Claude BOLOGNE et du mysticisme athée
André Verheyen

Un de mes amis me dit: "En nous conseillant de lire le livre "Le mysticisme athée" de Jean-Claude BOLOGNE, voulez-vous dire que vous souscrivez à tout ce qu'il écrit dans ce livre?"

Ma réponse fut aussi nette que sa question: "Certainement pas"

Mais avant de mentionner quelques passages où il ne m'est pas possible de suivre l'auteur, je voudrais encore citer deux ou trois passages qui méritent notre attention.

"Chercher à définir un mysticisme athée ou réintégrer les mystiques religieux parmi les "philosophes" et les "poètes" correspond à la même démarche, à la même reconnaissance d'une parenté profonde par-delà les croyances religieuses." (p. 61)

Voilà une phrase que j'aime, à cause de la "parenté profonde par-delà les croyances religieuses". Et si le mot "athée" peut en déranger certains, je prends la liberté de l'interpréter dans le sens que lui donnait saint Justin, "qui, défendant au IIIè siècle les chrétiens contre l'accusation d'athéisme, déclarait: "On nous appelle athées. Eh bien, oui, nous le proclamons, nous sommes des athées, les athées de tous les prétendus dieux". Etonnante profession de foi qui n'a rien perdu de sa force paradoxale, car elle nous oblige à purifier notre christianisme, à nous montrer des "briseurs d'idoles", celles de tous ces "prétendus dieux" que nous mêlons trop souvent à notre religion. ( J.-P. DUBOIS-DUMEE sur la pochette du disque JER 18, édité en 1962 en collaboration avec les "Informations catholiques internationales")

On peut d'ailleurs se demander si les "religions", au sens habituel du terme, sont capables de véhiculer autre chose que sdes images de "prétendus dieux". Je songe évidemment au triangle de la Trinité, à tout l'arsenal conceptuel de Nicée-Constantinople et à tout notre héritage graphique et pictural... même les trois commensaux de la célèbre icône de Roublev dont la valeur artistique est, par ailleurs, incontestable.

Voici un autre passage que j'’aime beaucoup: "La "Jubilation" d'Hubert Reeves est proche du mysticisme athée. Il évoque par ailleurs une forme de ce mysticisme qui m'est chère, l'immersion dans la musique, et plus précisément dans celle de deux compositeurs qui m'ont ouvert les portes de l'infini, Beethoven et Wagner. C'est dire si je me sens proche de sa démarche. Mais, scientifique, il ne décrit pas ses sensations avec la même finesse que les romanciers et les poètes qui me servent de référence." (p. 73)

En considérant que "l'immersion dans la musique" est une forme de mysticisme qui lui est chère l'auteur me procure la satisfaction de me laisser croire que je connais, moi aussi, mes moments de mysticisme. Mais je suis forcé de reconnaître que le répertoire religieux atteint des sommets! Ceux qui connaissent le chœur final de la Passion selon St. Matthieu de J. S. Bach me comprendront!

Mais si la "finesse" des romanciers et des poètes est vitale pour notre culture, n'oublions tout de même pas que la "finesse" des scientifiques nous a souvent protégés contre les confusions des genres et les objectivations abusives.

Puisque nous parlons d'objectivité et de rigueur, voici un passage où J. Cl. Bologne me permettra de prendre mes distances: "Ainsi donc, l'union de ces deux termes, "mystique" et "athée", est si peu paradoxal que certains croyants, au stade ultime de leur expérience, ont découvert un domaine qui échappait à Dieu – au Dieu en tout cas de la théologie.

Quoi d'étonnant, dans ce "voyage au bout du possible de l'homme", selon l'expression de Bataille? "Chacun peut ne pas faire ce voyage, mais, s'il le fait, cela suppose niées les autorités, les valeurs existantes, qui limitent le possible". Oui, le véritable paradoxe, en fin d'analyse, c'est peut-être le mysticisme religieux, qui prétend découvrir l'absolu sans sortir des cadres terrestres." ( p. 61)

Je sais bien qu'il existe de la mauvaise théologie mais de là à admettre que le Dieu de la théologie est limité à certains domaines auxquels échappe celui de la mystique... non, cela n'est pas très sérieux.

De même, réduire les valeurs existantes à des limites qui n'atteignent pas "le bout du possible de l'homme". De quelles valeurs s'agit- il?

Et encore ce "mysticisme religieux qui prétend découvrir l'absolu sans sortir des cadres terrestres". Quels sont ces cadres terrestres? On peut renvoyer dos-à-dos les théologiens du "surnaturel" et les mystiques qui pensent que leur "expérience absolue" (p. 64) se situe en-dehors des cadres terrestres. Surtout si l'on y ajoute: "On trouve dans ce roman de jeunesse (Gaudeamus de Mircia Eliade, Actes sud ,1992) de belles formules pour opposer la sensualité du mysticisme à l'intellectualisme de la théologie..." (p. 69)

Quelle est cette "sensualité" du mysticisme qui se situerait en-dehors des cadres terrestres? Peut-être est-ce l'endroit de souhaiter, à côté de la finesse des romanciers et des poètes, celle – un peu plus rigoureuse - des philosophes.

Je terminerai en signalant l'heureuse initiative de Jean-Claude Bologne qui nous donne, à la fin de son ouvrage, un "glossaire personnnel" dans lequel nous pouvons découvrir le sens qu'ont pour lui des mots comme Absolu - Agnosticisme- Mysticisme- Athéisme- Extase - etc.

C'est ainsi que nous y trouvons : "Mysticisme : expérience de mise en contact directe et inopinée avec une réalité qui dépasse nos perceptions habituelles, et qu'on peut ressentir selon le cas comme étant le vide ou l'infini. Cet infini étant souvent assimilé à Dieu, le mysticisme s'est généralement développé à l'intérieur d'une croyance religieuse...

Je n'utilise pas le mot dans son sens étymologique (connaissance et rencontre de la divinité par l'initiation à des mystères) ni le sens courant dérivé (exacerbation de la foi en un dieu ou en une idée).

Je me sens plus proche de ce qu'on appelle par référence aux mystiques rhéno- flamands des XIIIè- XIVè siècles, la "mystique de l'être" (wesenmystik).

Je relève surtout "une réalité qui dépasse nos perceptions habituelles et qu’on peut ressentir selon le cas…"

Voilà qui est plus nuancé et qui permet de se comprendre.

André Verheyen - décembre 1996

Published by Libre pensée chrétienne - dans Athéisme Agnosticisme Mystique Dieu