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11 mars 2017 6 11 /03 /mars /2017 09:00
Herman Van den MeersschautLe baptême de Jésus (Matthieu III, 13 à17)
Herman Van den Meersschaut

Au chapitre IV de son évangile, Matthieu, dans une étonnante composition symbolique nous présente, les options que Jésus de Nazareth va rejeter et surtout, mais par « sous-entendus », celles qu’il va choisir et vivre pleinement durant toute sa vie publique.

La scène décrite dans les tentations n’a pas de témoins puisque Jésus est seul dans le désert. Donc, pour imaginer ce récit il a fallu que l’auteur intègre le mieux possible la spiritualité de Jésus afin de nous faire découvrir, pour ainsi dire, « de l’intérieur » son cheminement intime, surtout, pendant la période que l’on appelle sa vie cachée.

Période dont on ne sait rien, mais dont on peut supposer qu’elle fut une longue quête faite d’étude de la Thora, de méditations et de débats intérieurs dans la solitude et, sans doute, aussi de la fréquentation du groupe baptiste de Jean. C’est, pendant ce temps de maturation que Jésus va expérimenter, pas à pas, la présence du Divin qu’il sent vivre au plus profond de son être et qu’il appellera : Père. Parmi ses expériences spirituelles intenses, celle de son baptême par Jean sera décisive.

Aussi, avant d’aborder les tentations je voudrais m’arrêter à ce récit car tous deux sont intimement liés.

C’est, en effet, la première démarche publique que Jésus entreprend dans l’évangile de Matthieu au chapitre III, versets 13 à17.

- Alors paraît Jésus : raconte-t-il. Jésus n’apparaît pas comme un super-Messie, mais, tout simplement, en se fondant humblement dans la foule de ceux qui viennent se faire baptiser en confessant leurs péchés.

- Jean voulait l’en détourner. Il ne comprend pas. Lui, il annonçait un maître de justice « qui va couper et jeter au feu tout arbre qui ne donne pas de bon fruit », et voilà que celui qu’il reconnaît comme le Messie lui demande le baptême !!! Eh! Oui, Jean est ici le premier tentateur qui veut empêcher Jésus d’accomplir toute justice.

- Laisse faire : dit Jésus. Ainsi, en s’avouant pécheur, en s’identifiant à eux, il exprime son engagement radical pour les malades, les exclus, les mal-aimés. En confessant ses doutes, ses peurs, ses faiblesses et en plongeant dans l’eau du Jourdain il devient solidaire de ces hommes, il est un des leurs. C’est à eux qu’il rendra justice. Il se mouillera, d’ailleurs, définitivement pour eux. En se faisant baptiser par Jean, fils de prêtre, mais qui prêche hors du Temple dans le désert, Jésus affirme déjà la position marginale qui sera la sienne par rapport à l’institution religieuse.

En s’immergeant dans l’eau, en se mouillant, en passant la rivière Jésus franchit un pas décisif et prend un engagement irrévocable qui déterminera toute sa vie future. Il laisse derrière lui l’homme ancien pour revêtir l’homme nouveau comme le dit Paul.

Dans le premier Testament, on trouve plusieurs passages de rivières comme, par exemple, celui de Jacob qui, après avoir lutté toute la nuit avec l’ange, changera de nom, devient Israël et passera le Yabboq pour prendre enfin ses responsabilités en affrontant son frère Esaü. On remarque la même symbolique : le combat intérieur qui l’amène à trouver sa vérité et à passer à l’acte.

- En sortant de l’eau les cieux s’ouvrent. Dans son paysage intérieur tout s’éclaire, une voie s’ouvre à lui, Jésus sent qu’il a fait le bon choix. L’Esprit le confirme en descendant comme une colombe et venant sur lui en le désignant comme son fils bien-aimé qui a toute sa faveur. La voix ne s’adresse pas uniquement à Jésus mais, peut-être, surtout à Jean qui semble ébranlé par la démarche de celui-ci. Chez Marc et Luc c’est à Jésus seul que s’adresse la voix. Ici c’est ensemble qu’ils prennent conscience de la mission de Jésus.

Ces signes symboliques, tout en fraîcheur, en légèreté, en transparence, en tendresse que sont l’eau, la nuée, la lumière, le ciel, la colombe, la voix, sont tous des éléments aussi insaisissables que l’Esprit qu’ils symbolisent…

L’eau, associée ici à la rivière est une eau vive. C’est l’eau qui est à l’origine de toute vie, qui purifie, qui vivifie, qui régénère. Mais on peut y voir aussi le fleuve de la vie, le monde des hommes qui peut nous entraîner, nous engloutir, nous noyer. Jean vit retiré du monde, Jésus s’y plongera à corps perdu, l‘aimera et y tendra la main à tous ceux qui s’y perdent.

Les cieux s’ouvrirent : La nuée symbolise le Divin qui ne peut que se deviner et ne peut ni être saisi, ni être vu. Ici, pour Jésus, la nuée s’ouvre, ce qui était encore obscur, incertain se dévoile, la lumière l’inonde, son choix lui apparaît comme évident et confirmé par le frôlement d’aile de la colombe qui vient sur lui.

La colombe : Dans le récit de la création, l’Esprit de Yahvé plane sur les eaux, image aérienne évoquant le vol majestueux de l’oiseau. La colombe est évidemment présente dans le récit du déluge comme messagère entre Yahvé et Noé.

Les anges ailés sont, eux aussi, images symboliques de l’Esprit qui souffle où il veut et dont on ne sait d’où il vient et où il va. Tout cela est en rapport avec l’air et donc avec le souffle, le vent évoquant, eux aussi, la réalité indicible et invisible de Celui-ci.

La voix : Celui-ci est mon Fils bien-aimé…Fils, en grec, signifie aussi serviteur. Jésus est donc désigné ici comme le vrai Serviteur annoncé par Isaïe (Is.42, 1), « celui qui apporte le droit, ne rompt pas le roseau broyé et n’éteint pas la flamme vacillante »...autrement dit, celui qui est solidaire de tous les hommes et plus particulièrement de ceux qui sont broyés et vacillants.

En s’entendant appelé Fils bien-aimé, Jésus ressent au plus profond de lui que son choix correspond à ce que l’Esprit attend de lui, c’est-à-dire : Se plonger dans le monde, aimer les hommes, les sauver de leurs démons et tracer avec eux la voie vers un monde plus fraternel. Son intuition se transforme en évidence. Une nouvelle vie commence, Jésus re-naît dans cet Esprit - là.

C’est alors que l’Esprit le conduit au désert, mais ça c’est une autre histoire.

Et nous, où sommes-nous dans cette histoire? Nous pouvons certainement tous nous reconnaître parmi cette foule en recherche d’autre chose que le ritualisme stérile que proposait le Temple. Nous nous retrouvons, peut-être, en Jean qui ne supporte pas de voir Jésus avouer sa faiblesse et son humanité ; un super-Messie qui ferait le ménage dans le monde, sur demande, serait tellement plus rassurant. Et enfin, pourquoi ne pas prendre la place de Jésus ? Ah oui, évidemment, c’est plus difficile. Quand lui se plonge dans nos vies, il s’y mouille et s’y salit complètement, alors que nous le faisons souvent du bout des doigts, si ce n’est du bout des lèvres. Et pourtant, lorsque nous nous mouillons de tout notre être pour quelqu’un et que c’est dur parce que si nous lâchons sa main, il coule ; il nous arrive, en un moment de grâce, de voir le ciel s’ouvrir et d’entendre, au fond de nous, la voix qui nous dit : « C’est bien, Fils, tu as fait le bon choix »

C’est cela ma foi.

Herman Van den Meersschaut

Published by Libre pensée chrétienne - dans Jésus