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23 mars 2019 6 23 /03 /mars /2019 09:00
Jacques Musset « La vraie vie » selon Jésus
Jacques Musset

Dans Une saison en enfer, Rimbaud écrit : "La vraie vie est absente". On lui prête également mais à tort l’expression : "La vraie vie est ailleurs." Mais qu’est-ce que « la vraie vie » ? C’est la question capitale que les hommes se posent depuis qu’ils pensent. Question existentielle inévitable. Toutes les philosophies et les religions depuis l’antiquité proposent des voies de sagesse et de salut grâce auxquelles les humains peuvent trouver sens à leur vie individuelle et collective. Ces chemins on les trouve aussi bien en Chine avec le Tao, au Tibet avec le Bouddhisme, en Inde avec l’Hindouisme, en Palestine et sur le pourtour méditerranéen avec la religion juive, qu’en Grèce avec les écoles stoïciennes, épicurienne, platonicienne, aristotélicienne. La question du sens est inhérente à tout humain qui ne se contente pas de vivre comme une girouette, un somnambule, une marmotte. Se la poser sérieusement et sans a priori (et pas seulement d’une façon théorique et abstraite) est le commencement d’une démarche féconde. Chercher et trouver le chemin qui fait expérimenter « la vraie vie » est la grande affaire de chacun qu’il ne peut déléguer à personne, même s’il y chemine avec d’autres. Il en vérifie en route les bienfaits: sa réflexion et sa pratique le libère des illusions, l’ouvre sur une relation juste avec lui-même et autrui, l’entraîne sans cesse à creuser les interrogations essentielles et à affiner voire corriger ses manières de voir et d’agir.

La voie évangélique est l’un des humanismes qui s’offre à tout humain pour expérimenter ce qu’est « la vraie vie ». On la trouve vécue par Jésus de Nazareth, présentée par ses apôtres et disciples quelque temps après sa mort et des années ensuite notamment dans les évangiles. En quoi consiste « La vraie vie » selon Jésus ? Comment sa mort en croix, malgré les apparences d’un échec cuisant, leur en est-elle apparue comme le vivant témoignage ? Comment en sont-ils venus à cette certitude intérieure ? Avec quels langages les premiers chrétiens l’ont-ils exprimée dans les évangiles et comment les décoder ? Comment actualiser en paroles et en actes cette « vraie vie » dont Jésus est le témoin ? A l’approche de Pâques et dans la lumière de Pâques, prêtons l’oreille à la proposition évangélique de « la vraie vie ».

Nous la déclinerons en quatre articles :

  1. Jésus crucifié, un échec ?
  2. Pâques : révélation de « la vraie vie »
  3. Décoder les récits évangéliques sur la résurrection de Jésus : une nécessité.
  4. Donner corps aujourd’hui à « la vraie vie » selon Jésus.

 

Jacques Musset

9 mars 2019 6 09 /03 /mars /2019 09:00
André Verheyen Il est temps de devenir sérieux
André Verheyen

Je me sens de plus en plus interpellé par la pagaille intellectuelle dans laquelle le peuple chrétien doit se débrouiller au seuil du troisième millénaire.

On dit que Pâques est la plus grande fête de l'année. Et on cite souvent "Si le Christ n'est pas ressuscité, notre foi est vaine" (l Cor. 15, 17). Je suis d'accord, évidemment. Mais j'ajoute avec Marcel Légaut : "Je voudrais demander à saint Paul de préciser ce qu'il entend par ce mot "ressuscité".

Le 25 f é vrier 1996, je lisais dans "DIMANCHE" - diffusé à des centaines de milliers d'exemplaires, distribué dans toutes les boîtes aux lettres de plusieurs paroisses, donc aussi chez des non-croyants qui essaient honnêtement de savoir quelle est notre foi : "La meilleure "preuve" que Jésus est le Fils de Dieu c'est sa résurrection."

Or, je pensais que des auteurs sérieux, jouissant du même label officiel "Imprimatur", avaient déjà montré que la résurrection du Christ n'est pas un miracle ni la réanimation de son cadavre. (LA FOI DES CATHOLIQUES - Le Centurion 1984 - page 240).

Je pensais que des exégètes de qualité nous avaient déjà introduits au genre littéraire des évangiles, nous mettant en garde contre une lecture "historicisante" et nous disant que "les Evangiles ne sont pas de la biographie" [LE GRAND CODE de Northrop FRYE - Seuil 1984 - pp. 85-86 (cité dans L.P.C. n° 54, page 16)].

Je pensais que les exégètes nous avaient suffisamment expliqué la portée des Signes utilisés par les évangélistes dans la foulée des auteurs de l'Ancien Testament (voir les "cycles" d'Elie et d'Elisée dans les livres des Rois (I Rois 17; II Rois 4).

En particulier, pour ce qui concerne le "tombeau ouvert" ou le "tombeau vide", voir "Pour lire le Nouveau Testament" d'Etienne Charpentier (Cerf 1981 - page 38).

Je me souvenais même d'un commentaire liturgique, paru dans La Libre Belgique il y a quelques années et où l'auteur posait cette merveilleuse question: "Et les Apôtres? Ont-ils cru en Jésus parce qu'il est ressuscité ? Ou bien ont-ils proclamé sa résurrection parce qu'ils croyaient en lui ?"

Oui, il est temps de devenir sérieux !

Est-il imaginable qu'un théologien de renom consacre 25 pages en 1995 à un plaidoyer pour l'interprétation biologique de la naissance virginale de Jésus ! (Bernard Sesboué - Pédagogie du Christ- Cerf 1995 – pages 203-229)

Je ne résiste pas à l'envie de vous citer cette "perle" :

"Dans la conception virginale comme dans la résurrection, l'unité concrète de la nature divine et de la nature humaine du Christ doit pouvoir se signifier aussi au niveau du biologique, car l'histoire surnaturelle est l'unité de l'histoire naturelle et de l'histoire humaine." (o. c. page 227) ???

Voilà ce qu'on publie encore en 1995 !

Alors que nous disposons depuis longtemps de l'excellente étude du Père Jean-Pierre Charlier "Marie vierge et mère" (n°4 de la série "Connaître la Bible"- 40, avenue de la Renaissance, B - 1040 Bruxelles).

J'ai souscrit à la ''Déclaration du Peuple qui est Eglise''. Les problèmes qui y sont évoqués sont importants. Mais je me dis qu'il y a actuellement un autre problème, celui de la crédibilité pour mon Eglise.

Et j'ai envie de lancer une "Mini-déclaration d'une Mini-portion du Peuple de Dieu concernant un MAXI-problème de Pagaille Théologique".

Les noms des signataires seraient publiés et, bien sûr, cette déclaration serait proposée à tous les théologiens et à tous les évêques.

André Verheyen - avril 1996

9 février 2019 6 09 /02 /février /2019 09:00
André Verheyen Où l'on reparle de Jean-Claude BOLOGNE et du mysticisme athée
André Verheyen

Un de mes amis me dit: "En nous conseillant de lire le livre "Le mysticisme athée" de Jean-Claude BOLOGNE, voulez-vous dire que vous souscrivez à tout ce qu'il écrit dans ce livre?"

Ma réponse fut aussi nette que sa question: "Certainement pas"

Mais avant de mentionner quelques passages où il ne m'est pas possible de suivre l'auteur, je voudrais encore citer deux ou trois passages qui méritent notre attention.

"Chercher à définir un mysticisme athée ou réintégrer les mystiques religieux parmi les "philosophes" et les "poètes" correspond à la même démarche, à la même reconnaissance d'une parenté profonde par-delà les croyances religieuses." (p. 61)

Voilà une phrase que j'aime, à cause de la "parenté profonde par-delà les croyances religieuses". Et si le mot "athée" peut en déranger certains, je prends la liberté de l'interpréter dans le sens que lui donnait saint Justin, "qui, défendant au IIIè siècle les chrétiens contre l'accusation d'athéisme, déclarait: "On nous appelle athées. Eh bien, oui, nous le proclamons, nous sommes des athées, les athées de tous les prétendus dieux". Etonnante profession de foi qui n'a rien perdu de sa force paradoxale, car elle nous oblige à purifier notre christianisme, à nous montrer des "briseurs d'idoles", celles de tous ces "prétendus dieux" que nous mêlons trop souvent à notre religion. ( J.-P. DUBOIS-DUMEE sur la pochette du disque JER 18, édité en 1962 en collaboration avec les "Informations catholiques internationales")

On peut d'ailleurs se demander si les "religions", au sens habituel du terme, sont capables de véhiculer autre chose que sdes images de "prétendus dieux". Je songe évidemment au triangle de la Trinité, à tout l'arsenal conceptuel de Nicée-Constantinople et à tout notre héritage graphique et pictural... même les trois commensaux de la célèbre icône de Roublev dont la valeur artistique est, par ailleurs, incontestable.

Voici un autre passage que j'’aime beaucoup: "La "Jubilation" d'Hubert Reeves est proche du mysticisme athée. Il évoque par ailleurs une forme de ce mysticisme qui m'est chère, l'immersion dans la musique, et plus précisément dans celle de deux compositeurs qui m'ont ouvert les portes de l'infini, Beethoven et Wagner. C'est dire si je me sens proche de sa démarche. Mais, scientifique, il ne décrit pas ses sensations avec la même finesse que les romanciers et les poètes qui me servent de référence." (p. 73)

En considérant que "l'immersion dans la musique" est une forme de mysticisme qui lui est chère l'auteur me procure la satisfaction de me laisser croire que je connais, moi aussi, mes moments de mysticisme. Mais je suis forcé de reconnaître que le répertoire religieux atteint des sommets! Ceux qui connaissent le chœur final de la Passion selon St. Matthieu de J. S. Bach me comprendront!

Mais si la "finesse" des romanciers et des poètes est vitale pour notre culture, n'oublions tout de même pas que la "finesse" des scientifiques nous a souvent protégés contre les confusions des genres et les objectivations abusives.

Puisque nous parlons d'objectivité et de rigueur, voici un passage où J. Cl. Bologne me permettra de prendre mes distances: "Ainsi donc, l'union de ces deux termes, "mystique" et "athée", est si peu paradoxal que certains croyants, au stade ultime de leur expérience, ont découvert un domaine qui échappait à Dieu – au Dieu en tout cas de la théologie.

Quoi d'étonnant, dans ce "voyage au bout du possible de l'homme", selon l'expression de Bataille? "Chacun peut ne pas faire ce voyage, mais, s'il le fait, cela suppose niées les autorités, les valeurs existantes, qui limitent le possible". Oui, le véritable paradoxe, en fin d'analyse, c'est peut-être le mysticisme religieux, qui prétend découvrir l'absolu sans sortir des cadres terrestres." ( p. 61)

Je sais bien qu'il existe de la mauvaise théologie mais de là à admettre que le Dieu de la théologie est limité à certains domaines auxquels échappe celui de la mystique... non, cela n'est pas très sérieux.

De même, réduire les valeurs existantes à des limites qui n'atteignent pas "le bout du possible de l'homme". De quelles valeurs s'agit- il?

Et encore ce "mysticisme religieux qui prétend découvrir l'absolu sans sortir des cadres terrestres". Quels sont ces cadres terrestres? On peut renvoyer dos-à-dos les théologiens du "surnaturel" et les mystiques qui pensent que leur "expérience absolue" (p. 64) se situe en-dehors des cadres terrestres. Surtout si l'on y ajoute: "On trouve dans ce roman de jeunesse (Gaudeamus de Mircia Eliade, Actes sud ,1992) de belles formules pour opposer la sensualité du mysticisme à l'intellectualisme de la théologie..." (p. 69)

Quelle est cette "sensualité" du mysticisme qui se situerait en-dehors des cadres terrestres? Peut-être est-ce l'endroit de souhaiter, à côté de la finesse des romanciers et des poètes, celle – un peu plus rigoureuse - des philosophes.

Je terminerai en signalant l'heureuse initiative de Jean-Claude Bologne qui nous donne, à la fin de son ouvrage, un "glossaire personnnel" dans lequel nous pouvons découvrir le sens qu'ont pour lui des mots comme Absolu - Agnosticisme- Mysticisme- Athéisme- Extase - etc.

C'est ainsi que nous y trouvons : "Mysticisme : expérience de mise en contact directe et inopinée avec une réalité qui dépasse nos perceptions habituelles, et qu'on peut ressentir selon le cas comme étant le vide ou l'infini. Cet infini étant souvent assimilé à Dieu, le mysticisme s'est généralement développé à l'intérieur d'une croyance religieuse...

Je n'utilise pas le mot dans son sens étymologique (connaissance et rencontre de la divinité par l'initiation à des mystères) ni le sens courant dérivé (exacerbation de la foi en un dieu ou en une idée).

Je me sens plus proche de ce qu'on appelle par référence aux mystiques rhéno- flamands des XIIIè- XIVè siècles, la "mystique de l'être" (wesenmystik).

Je relève surtout "une réalité qui dépasse nos perceptions habituelles et qu’on peut ressentir selon le cas…"

Voilà qui est plus nuancé et qui permet de se comprendre.

André Verheyen - décembre 1996

2 février 2019 6 02 /02 /février /2019 09:00
André Verheyen Le mysticisme athée
De Jean-Claude BOLOGNE - Ed. du Rocher 1995 présenté par André Verheyen

Pas facile, quand on est passionné de rigueur intellectuelle, de donner une idée de cet ouvrage. En effet, l'auteur nous avertit que le mysticisme "est par essence incommunicable et suppose une totale liberté. Anarchique, et souvent persécuté comme tel, il a plus d'une fois fait éclater les cadres de la religion et de la pensée" (p.14)

Plus loin, utilisant la comparaison du récit de la chute dans la Genèse, il dit: "J'avais goûté à tous les arbres du Jardin – ceux de la littérature, de la musique, de l'art, de l'amour, de la nature. C'est par mégarde que je touchai à celui de la connaissance." (p.19) Et aussi: "Symboliquement, la substitution mentale - automatique et tout à fait involontaire - avait fait entrer le verbe "savoir" dans ma vie, au détriment du verbe "sentir". Et je me savais soudain nu." (p.20)

Pas facile non plus, quand on lutte pour une théologie qui soit crédible, d'encaisser: "Moi je vous baptise dans l'eau, mais celui qui vient après moi est plus fort que moi: il vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu", avait prophétisé Jean­ Baptiste..... La prédiction de Jean ne cesse de se réaliser. Et le monde se divise pour moi en ceux qui la comprennent et ceux qui la vivent. Les premiers sont les théologiens; les autres, les mystiques." (pp, 11 et 12)

Heureusement, pour nous encourager, il y a ce paragraphe à la page 13: "Mystique"? "Athée"? Comment justifier ce singulier mariage? Le paradoxe , on me l'a fait comprendre; heurte le croyant aussi bien que l'athée. Pourtant, en cette fin de siècle; en cette faim d'un autre millénaire; des ponts de plus en plus nombreux se jettent sur l’abîme qui séparait encore, voici une génération, ceux qui croient et ceux qui nient. Le mysticisme, selon moi, est un de ces ponts. Il ne s'agit pas de provocation, mais d'une invitation à écouter les mots au-delà de leur usure naturelle, à écouter les hommes au­delà des idéologies et des religions qui habillent différemment les mêmes expériences. Les étiquettes servent trop facilement de parapets à la pensée.

L'union de deux termes qui semblent s'exclure a le mérite de briser ces garde-fous et d'inviter à une réflexion en vol libre."

Effectivement, s'il s'agit bien

  • de jeter des ponts entre ceux qui croient et ceux qui nient,
  • d'écouter les mots au-delà de leur usure naturelle,
  • d'écouter les hommes au-delà des idéologies et des religions qui habillent différemment les mêmes expériences d'inviter à une réflexion en vol libre, nous sommes partie prenante.

 

Jean-Claude Bologne regrette qu’on utilise le mot mysticisme un peu à tort et à travers, ce qui entraîne "une banalisation du concept". Et après avoir récusé certaines conceptions fausses, il poursuit: "J'adhérerais plus volontiers à la définition de Georges Bataille: "l'aspect que la vie humaine prend au moment de sa plus grande intensité"; encore faut-il savoir ce qu'on mettra dans cette formulation qui demeure fort vague. Pour éviter ces extensions abusives du terme, je me référerai quant à moi à un mysticisme bien précis, ce qu'on a appelé la "mystique de l'être" dans la Rhénanie et les Flandres à la fin du Moyen Age. Un courant bien entendu chrétien, né dans les cloîtres et les béguinages. Mais la hardiesse de sa pensée (Marguerite Porete finit sur le bûcher, certaines propositions de maître Eckhart furent condamnées par Jean XXII en 1329, la secte du "libre esprit" fut vivement combattue par Ruusbroec…) ne peut que susciter la curiosité du non-croyant.

..... Je crois que le mysticisme est par essence même athée et que ses rapports avec la religion (avec les religions) n'ont été qu'un malentendu historique. Les catholiques qui ont vécu de semblables expériences n'emploient pas le mot "Dieu" dans le même sens que les théologiens. Quant à leurs rapports avec l'Eglise, ils se ressentent de l'extraordinaire liberté que leur a donnée l'expérience, liberté incompatible avec les dogmes et les pratiques de la religion.

Qu'importe! Les éditeurs sont là pour rétablir l'orthodoxie à coup de note s et de préfaces. "Pour satisfaire aux exigences d'une saine théologie, il faut entendre...", commente imperturbable celui de Hadewijch mystique flamande du XIIIè sièc1e."(PP. 48- 50)

D'accord pour adhérer à un mysticisme qui serait cet aspect que la vie humaine prend au moment de sa plus grande intensité! D'accord aussi pour tenter de savoir ce qu'on mettra dans cette formulation qui demeure fort vague!

Tiens? "savoir"? " encore faut-il savoir ce qu'on mettra..."?

L'auteur nous rassure au sujet de sa relation au rapport "savoir//sentir" exprimée à la page 20. D'ailleurs, des pages comme 48-49-50 nous rassurent pleinement sur la pertinence d'une... (que Jean-Claude Bologne m'excuse cette association aussi provocante que celle du titre de son livre).., réflexion mystique!

Et puisque nous nous sentons en communion et en sympathie, l'auteur me permettra de dire autant de franchise fraternelle: encore faudrait-il savoir ce qu'on met dans la formule "athée".

Si des catholiques mystiques n'emploient pas le mot "Dieu" dans le même sens que beaucoup de théologiens, sans doute est-ce parce qu'ils ont retrouvé la pureté des origines bibliques qui "n'employaient" pas du tout le mot "Dieu" et qui poursuivaient dans la logique de la même intuition: "Tu ne feras pas d'images de ton Dieu".

Quant à l'extraordinaire liberté que l'expérience a donnée aux mystiques catholiques par rapport aux dogmes et aux pratiques de la religion, nous voudrions la vivre en L.P.C. également. Et, si nous ne pensons nullement que cette liberté puisse nuire à notre référence à Jésus-Christ, nous constatons nous aussi qu'il faudra sans doute beaucoup de "notes et de préfaces" pour que "croyants" et "athées" découvrent leur communion profonde en faisant le vide de leur arsenal de murs, de frontières, de limites, etc.

Le livre "Le Mysticisme Athée" de Jean –Claude Bologne ne comporte que 125 très courtes pages mais les quelques lignes citées montrent à suffisance à quelle densité de réflexion elles invitent.

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles je m'en tiendrai là pour l'instant: il faudrait beaucoup de pages pour donner une idée quelque peu valable de l'ouvrage. L'autre raison est que je ne voudrais pas vous enlever l'envie de le lire.

André Verheyen novembre 1996

17 novembre 2018 6 17 /11 /novembre /2018 09:00
bateau lpcL'ultime secret de Gérard Bessière
présenté par Jacques Musset
L'ultime secret  de  Gérard Bessière

Gérard Bessière, à quatre-vingt-neuf ans, demeure un des explorateurs incessants du mystère du monde et des humains et donc de son propre mystère. Dans son dernier livre, il s'interroge encore et toujours : « Quel est le Secret des secrets, à l'origine permanente de l'univers et de l'humanité » ( entendez bien « permanente »), telle est la question qui l'habite au plus intime de son être et qui le tenaille au cœur de sa longue existence d'homme, de chrétien et de prêtre. Il s'agit pour lui d'une interrogation vitale concernant le sens de l'aventure humaine et de chacune de nos vies singulières. Les réponses traditionnelles de la doctrine catholique élaborées dans des contextes qui ne sont plus les nôtres ne paraissent plus pertinentes à ses yeux. Les réflexions qu'il nous livre peuvent nous aider à nourrir, creuser et affiner nos propres questionnements.

Dans la première partie de son ouvrage, Gérard Bessière éprouve le besoin de revenir aux sources de sa tradition chrétienne que sont les grandes voix prophétiques qui ont retenti depuis le 8ème siècle avant notre ère et dont Jésus est l'héritier. Peut-on y puiser toujours ? Le cœur de leur message s'exprime dans des langages et des procédés littéraires qui ne sont plus les nôtres mais il n'a rien perdu de son actualité. C'est, disaient-ils, dans la pratique de la justice avec autrui et la solidarité avec les êtres les plus délaissés que l'aventure humaine de chaque personne et des sociétés humaines prend sens et que se crée la paix véritable et durable ; l'expérience du contraire ne fait qu'engendrer malheurs, oppressions, violences, destructions. Ils parlaient d'expérience et c'est toujours vrai. On le constate chaque jour au plus près et au plus loin. Les prophètes de la Bible naturellement croyants ajoutaient en même temps que cette façon humanisante de vivre, personnelle et collective, authentifiait la vérité de la relation de quiconque avec le « Dieu caché et inconnaissable ». Jésus « héritier et novateur » est allé dans le même sens que ses devanciers mais plus loin encore, en approfondissant et en universalisant leur démarche. Son combat contre les puissances de l'époque qui opprimaient la dignité de l'homme (le légalisme et le ritualisme) révèle « le Secret », mystérieux et invisible ferment au cœur des réalités humaines. Considéré par ses adversaires comme fossoyeur de la religion, Jésus est exécuté mais, depuis vingt siècles, son témoignage n'en finit pas de susciter une multitude de chemins de vie. « Avec lui une mutation de l'humanité commence, ambitieuse, pathétique, douloureuse. En lui la nouveauté de la liberté, de l'amour sans limites, du don et du pardon jusqu'à la mort, demeure à jamais éblouissante. Depuis, cette vision, cet appel, cette présence n'ont pas cessé de réveiller et de stimuler des femmes et des hommes. Tant de justes et de saints, connus et inconnus, et la fragile émergence d'une planète éprise de respect et de justice, (en) sont des échos vivants ». Mais qu'en est-il aujourd'hui ?

Dans une seconde partie, intitulée « Tâtonnements », Gérard Bessière s'interroge avec gravité : dans notre situation actuelle, inédite à tous points de vue par rapport au passé, comment nous risquer à donner sens à notre aventure humaine et à en percevoir « le Secret » ? Notre auteur a en effet une vive conscience que le développement des connaissances et des inventions depuis quatre siècles qui ne cessent de s'accélérer ont bousculé nos représentations tous azimuts. Notre terre est une tête d'épingle dans l'infini cosmos et nos savoirs sur la complexité de l'infiniment grand et petit ont balayé les conceptions d'autrefois, y compris les croyances religieuses. G. Bessière évoque la série de déplacements qu'il a lui-même opérés au fil des ans, à la suite de ses études, de ses lectures, de ses observations et de ses rencontres. Ses certitudes d'antan se sont amenuisées. Pour lui, les doctrines traditionnelles sur l'homme, Jésus et Dieu que l'on dit tombées du ciel ou qui sont inscrites dans le marbre par les hommes au cours des siècles ne sont plus significatives en notre temps. « Le lierre des religions, des théologies n'a pas cessé d'entourer (Jésus), de prendre sa place, de le cacher ». Quant à Dieu : « On a depuis toujours vénéré, nommé, adoré le Secret en lui construisant des espaces sacrés, en lui rendant des culte solennels, en élaborant des doctrines, en déployant les ressources de tous les arts [...]Le secret demeurait secret alors même qu'on l'habillait avec les revêtements successifs des cultures. Que d'écrans pour l'accommoder aux poussées archaïques de nos besoins religieux ! » Ainsi en est-il des doctrines et cérémonies liturgiques qui revendiquent d'être la voie royale d'accès au « Secret » Ces prétentions sont laminées à bon escient par la pensée critique et cèdent le pas à des balbutiements plus modestes et discrets sans que la question essentielle ne faiblisse pour autant : « Quel est le Secret des secrets à l'origine permanente de l'univers et de l'humanité ? »

G. Bessière confesse que c'est dans l'indéniable qualité d'humanité dont il est le témoin qu'il devine la trace indicible et mystérieuse du « Secret ». Pour l'observer, s'en émerveiller, se laisser stimuler par elle, Il suffit d'ouvrir les yeux que l'on maintient souvent aveugles. Cette qualité d'humanité se nomme sous toutes les latitudes « solidarités nouvelles, recherches de vie collectives, ébauches de fraternité ». Elle se révèle dans la diversité et la profondeur des vies au-delà des clivages de croyances et d'idéologies. « Le premier sourire d'un enfant, le dévouement de vies entières, l'aspiration des foules à la justice, la recherche inassouvie en tous domaines, les créations des artistes, des poètes, des musiciens, des penseurs, montrent les beautés, innombrables, de l'existence. Elles sont entravée, parfois, par la violence, la soif de domination, l'appétit de l'argent, mais il n'empêche ; le Secret est là, intime aux ténèbres présentes et aux jours nouveaux que les prophètes de jadis annonçaient dans les circonstances politiques et sociales de leurs temps. […] Dans l'humble quotidien des multitudes, que de personnes, sans chercher de justifications ou d'impulsions surnaturelles, sont des prophètes de l'avenir immédiat ou lointain ! »

N'est-ce pas là le lieu de la révélation permanente du « Secret ». On a entendu longtemps le mot révélation comme une parole venue d'en haut. Ne faut-il pas plutôt en pressentir la présence « en pleine vie ? Pas besoin de théories, de grandes considérations sur Dieu et l'au-delà. La Révélation est en acte, dans les actes. Elle est souvent brimée quand les cœurs et les mains se ferment. Elle fleurit quand l'humanité devient plus humaine.[...] Beaucoup de femmes et d'hommes, sans le savoir, le portent en eux et vivent de lui. »

Si le « Secret » reste à jamais le secret, un mystère impossible à définir, à mettre en catégories, à enclore dans des dogmes, il se laisse deviner au travers des conduites humaines qui le révèlent. « On ne voit pas la lumière, dit Sulivan, mais les visage qu'elle éclaire ». Et Maurice Bellet n'hésite pas à écrire que « Dieu, c'est le plus humain de l'homme (1) ». Gérard Bessière lui aussi nous convie, dans son merveilleux essai, à chercher et à entrevoir ce « Secret » au milieu de nous et en nous. « Dans les cœurs qui aiment, dans les dévouements de vies entières, dans les naissances et renaissances de peuples avides d'avenir humain, le Secret est proche, brûlant parfois, (il) bouillonne en nous, l'Intime plus intime que toute intimité ». Sommes-nous au rendez-vous ?

Jacques Musset

L'ouvrage est disponible uniquement auprès de l'auteur : Gérard Bessière 158, La Grave, 46140 Luzech ( 10€+ port)

(1) L'épreuve ou le tout petit livre de a divine douceur, édition DDB, 1988, page 62 (retour)
18 août 2018 6 18 /08 /août /2018 08:00
Herman Van den MeersschautA propos de la fin des temps
Herman Van den Meersschaut

Nous nous sommes arrêtés un moment à la notion de "Salut". Dans la théologie traditionnelle, ce salut est inévitablement lié à la fin des temps et au retour du Christ qui jugera si les hommes méritent ou non la vie éternelle.

Mais que peut-on entendre par "fin des temps" ?

L'idée d'un monde décadent et qui va vers sa fin était très répandue à l'époque où se sont formés les évangiles. La littérature apocalyptique témoigne de ces époques troublées où certains événements ont été interprétés comme signes du début de la fin d'un monde, en l’occurrence celui du peuple d'Israël (70 : destruction du Temple de Jérusalem).

Le Père J.P. Charlier pensait que Jésus, lui-même, avait dû vivre avec cette impression de l'imminence de la fin de ce temps dont il était témoin. Les premiers chrétiens vivront d'ailleurs, eux aussi, dans cette attente du retour proche du Christ.

Le temps passant et l'évangélisation faisant des progrès énormes, l’Eglise s'installera et on repoussera ce retour et cette fin des temps dans un avenir plus lointain.

Les "millénaristes" et les sectes tenteront régulièrement de dater cette fin en s'appuyant sur une lecture fondamentaliste des textes bibliques, notamment de l'Apocalypse.

Mais peut-on imaginer une fin du monde, de notre terre?

Dans les années cinquante on nous disait encore que Dieu avait puni les hommes par le déluge, qu'il ne le ferait plus, mais que le monde serait détruit par le feu !

Mais que nous disent les scientifiques de la fin de notre planète bleue ?

D'après leurs savants calculs, ils nous disent que le soleil se meurt, c'est-à-dire que sa puissance diminue, mais tellement lentement que cela prendra quelques centaines de millions d'années avant qu'il ne s'éteigne. Or, sans la chaleur et la lumière du soleil, pas de vie sur terre.

Cela semble une chose établie, la terre mourra d'un refroidissement plutôt que d'une insolation. L'univers étant toujours en évolution, cela semble assez logique : des étoiles naissent, d'autres meurent. Mais que sera devenu l'être humain dans tout cela ? Dans l'immédiat, cela ne nous concerne pas vraiment. Quoique ?!

Quant à l'idée que le Créateur puisse mettre fin subitement à l'univers, selon son bon vouloir, et juger ses créatures, cela m'apparaît comme un anthropomorphisme d'un autre âge, tout à fait inacceptable aujourd'hui.

Par contre ce qui semble bien réel et inquiétant, c'est que l'homme aujourd'hui est capable de détruire la planète. Tout y est. Tout est prêt. Depuis que les hommes sont apparus, ont commencé à transformer la nature et à faire des "progrès", ils n'ont pas arrêté de perfectionner leurs armes en les rendant de plus en plus meurtrières. Nous en sommes aujourd'hui au point de pouvoir faire basculer le fragile équilibre planétaire. Malgré quelques traités, le danger persiste toujours. Nous pourrions bien avoir là notre fin du monde par le feu !

Ces progrès-là, les hommes peuvent cependant les maîtriser s'ils le veulent vraiment, mais comme l'observe Hubert Reeves, il y a en l'homme comme une "pulsion de mort" qui le pousse à l'autodestruction.

Et cela nous concerne tous dans l'immédiat.

Il s'agit ici de la fin de notre, de mon temps. Bien qu'actuellement notre espérance de vie ne fasse que croître, la grande faucheuse peut m'abattre à tout moment. Le temps nous est donc précieux, nous n'avons qu'une vie.

Qu'allons-nous en faire ? Comment donner du sens à cette courte vie ?

Dans le Livre des Maccabées du premier Testament, les Juifs ont fait toute une réflexion sur l'absurdité, le non-sens de la vie des victimes innocentes des persécutions perpétrées par le Séleucides. C'est à cette époque assez tardive que naît l'idée d'une réparation, une consolation pour les justes dans une vie future. Les Sadducéens, eux, ne croyaient pas à cette vie future. Pour eux, tout se joue, en fait, ici en cette vie. N'est-ce pas en ce sens que parle Jésus lorsqu'il nous révèle que le Royaume de Dieu est en nous (Luc, XVII, 21), qu'il commence maintenant, qu'il est à créer tout le temps et qu'il va même au-delà du temps comme la suite logique de ce que nous aurons semé ?

Hubert Reeves fait remarquer comment dans le monde animal et végétal tout est mû par une formidable "pulsion de vie" qui va toujours dans le sens de la sauvegarde et du perfectionnement de l'espèce. Chez l'homme, il semble que la "pulsion de mort" prenne souvent le pas sur la vie. N'avons-nous pas déjà détruit irrémédiablement des milliers d'espèces animales et végétales ? Il n'y a que l'homme qui en soit capable. En s'éloignant de la nature, l'homme semble perdre certains réflexes de conservation, mais aussi la conscience de la nécessité de l'interdépendance de tous les acteurs de la vie. (ex: réchauffement climatique du aux gaz à effets de serre, déforestation…)

II s'agit donc bien de "sauver" l'homme d'aujourd'hui de ces pulsions destructrices qui l'habitent. Jésus sait bien de quoi il s'agit, puisqu'il en a été victime lui-même. Jésus, habité par une extraordinaire pulsion de vie nous rappelle sans cesse que c'est "ensemble" qu'on peut créer le Royaume. Dès qu'il y a rupture de solidarité, il y a déséquilibre et donc des victimes et des souffrances.

Je ne puis donner un sens à ma vie que si je suis aimé et que j'aime. Aimer avec tout ce que cela comporte de don, de pardon, de partage réciproque.

Dès que l'on sort de cette voie, c'est l'enfer.

On voit cela tous les jours dans les journaux, la télé, autour de nous et dans nos vies.

La qualité de ce que je pourrais vivre et partager avec ceux dont je suis responsable et tous ceux qui croisent ma route, cela me semble essentiel et me permet de fonder ma vie.

"Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés", qu'est-ce qu'on nous l'a rabâché !

Mais cela reste heureusement la seule solution, la seule issue, le seul salut pour nous, avant la fin de notre temps.

Herman Van den Meersschaut - LPC-1999

Source : Hubert REEVES, "L'heure de s'enivrer" - L'univers a-t-il un sens ? - Seuil 1992

4 août 2018 6 04 /08 /août /2018 08:00
Herman Van den MeersschautFatima, révélation ou parapsychologie ?
Herman Van den Meersschaut

Quand j'écrivais dans le numéro de juin que l'homme sortait peut-être lentement de son enfance et que nous étions en train de quitter, entre autres, le dieu magicien, j'étais sans doute un peu trop optimiste, puisque voilà que le Pape le ressuscite de plus belle à Fatima.

L'affaire de la révélation du troisième secret est, comme le dit Pierre de Locht, "profondément choquante'' (1), avant tout pour la conception de Dieu qu'elle implique.

Ainsi Dieu, via Marie, aurait protégé Jean-Paul II, mais ne serait pas intervenu pour sauver Romero, Luther King, l'enfant qui meurt du sida ou les victimes des génocides? Cette image d'un dieu injuste et sadique agissant selon son bon vouloir est tout simplement révoltante et en complète contradiction avec le Dieu d'Amour annoncé par Jésus. De ce dieu- là, je suis radicalement athée.

Se pose évidemment ici le problème de l'immédiateté de l'intervention de Dieu dans nos vies. Que penser de formules comme "c'est la volonté de Dieu, à la grâce de Dieu, Dieu y pourvoira, le plan divin, le projet de Dieu, les voies de Dieu..." lorsqu'elles servent à justifier n'importe quoi, voire les pires horreurs (croisades, inquisitions, jihad, sionisme...)?

Certains ne pensent-ils pas pouvoir infléchir, orienter l'action de Dieu par des rites, des prières, des pèlerinages, des impositions de mains ou même des mortifications ?

Nous naviguons ici, me semble-t-il, en pleine mentalité magique. Qu'en pensez-vous ?

En faisant foi aux révélations à la Nostradamus de la voyante de Fatima, Jean-Paul II

Perpétue les anciens rites païens de divination, que l'Eglise a souvent combattus et qu'elle appelait de l'idolâtrie. Qu'il se ridiculise aux yeux des laïcs en s'impliquant personnellement dans cette affaire, c'est triste; mais pour nous, chrétiens, c'est choquant car cela risque de faire croire qu'être catholique c'est adhérer à de telles conceptions de foi.

Mais cela pose aussi et surtout le problème de la "Révélation" des textes révélés, de toute révélation.

* Pour notre cardinal, les choses sont simples ; c'est dans le buisson ardent que Dieu se révèle lui-même à Moïse. Je cite (2) : "Tout est arrivé là : en personne, Dieu dit qui Il est. Nous ne pouvons en effet l'apprendre que de Lui-même ; toutes les autres sources d'information sont trompeuses. Seul Dieu peut parler de soi-même. La vraie connaissance de Dieu ne surgit pas de notre expérience, comme la vapeur d'un marais ; elle descend d'en haut et réduit en miettes tous les miroirs mensongers. Dans ces miroirs, nous ne voyons jamais plus que nous-mêmes !"

Voilà, Dieu parle en direct et seuls certains élus et initiés auraient le privilège d’ entendre la révélation. L'expérience des hommes est impuissante à nous révéler quoi que ce soit sur Dieu.

C'est terrible d'oser encore écrire des choses pareilles à une époque où nous sommes mis en présence de toutes les religions et spiritualités du monde.

* Par contre, si nous considérons les Ecritures comme la recherche passionnée des hommes d'un absolu qui les habite, qu’ils essayent de cerner et de comprendre à travers des récits souvent mythiques, alors elles deviennent chemin de révélation de Dieu dans nos vies.

Lorsque je lis dans la Bible : Dieu dit à Moïse..." et que je traduis cela par : "Moïse pense que Dieu lui dit..." il ne s'agit pas simplement des impressions ou des imaginations subjectives d'un personnage. Ce que les auteurs font dire à Dieu, ici, est dans une expression littéraire particulière, soigneusement ciselée l'énoncé des conclusions auxquelles une très longue réflexion commune sur la vie les a menés. En fréquentant ces textes nous profitons et nous nous nourrissons de l'expérience de nos ancêtres dans la foi.

On pourrait donc dire que ce n'est qu'à travers notre expérience que quelque chose de Dieu peut se révéler à nous. Accepter la possibilité de contact direct avec la divinité et donc de révélation immédiate de la part de celle-ci peut mener à tous les abus et déviations. Les sectes sont des spécialistes en la matière. Le gourou prétend toujours avoir eu un contact direct avec la divinité, ce qui lui donne une aura et un mystère qui seront savamment entretenus et lui procureront une autorité infaillible.

Bien sûr, que certains voyants d'apparitions mariales soient sincères ne fait aucun doute. Qu'ils aient vu et entendu quelque chose n'est pas à contester mais cela concerne plutôt le domaine du paranormal, du parapsychologique, de la psychiatrie.

Si ce qu'ont vu et entendu ces voyants leur apporte un mieux-être, un épanouissement spirituel, une libération dans le sens évangélique, on ne peut qu'applaudir. Mais cela ne semble pas toujours être le cas pour tous, comme à Fatima par exemple. Les enfants ont, en effet, beaucoup souffert de ce qui leur est arrivé.

Ce qui est frappant dans ces apparitions, c'est la débilité déconcertante des révélations en regard du mystère qui les a entourées. Jugez-en :

En 1917 Lucia, Jacinta et Francisco voient la Vierge leur apparaître au-dessus d'un petit chêne. Voici u n des dialogues :

"Lucia demande si elle ira au ciel ?

La Dame lui répond : oui tu iras au ciel.

- Et Jacinta ?

- Elle aussi, dit la Dame.

- Et Francisco ?

Lui aussi, dit la Dame, mais... ajouta-t-elle, il devra auparavant réciter beaucoup de chapelets'' (3).

Francisco mourra de la grippe espagnole en 1918, Jacinta en 1920. Lucia restée seule, apprit à lire et ne relata les événements de 1915-1917 qu’entre 1930 et 1970 (??).

Cinq cahiers manuscrits successifs, qui reprennent la même histoire, furent demandés par l'Eglise à Lucia, afin de pouvoir recouper ses affirmations.

En lisant le livre de Daniel COSTELLE, qui a été écrit d'après les cahiers de Lucia, on a la nette impression que Lucia, qui était l'aînée, semblait manifestement dominer les deux autres enfants et surtout Francisco qui, lui n'a jamais rien entendu de ce que disait l'apparition et en était d'ailleurs fort déçu ! C'est toujours Lucia qui questionne et répond et c'est elle seule qui racontera leur histoire.

Sans doute écoutait-elle bien le catéchisme car, dans le discours de l'apparition on retrouve tous les poncifs de la théologie doloriste de l'époque.

"Voulez- vous, dit la Dame, vous offrir à Dieu, en acceptant toutes les souffrances qu'il voudra bien vous envoyer, en réparation de tous les péchés qui l'offensent, et pour obtenir la conversion des pécheurs ? ...

- Oui, nous le voulons, répond Lucia.

- Vous aurez beaucoup à souffrir... ( puis, avec un merveilleux sourire) la grâce de Dieu vous assistera et vous consolera toujours...

... Priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs. Sachez que beaucoup d'âmes vont en enfer parce qu'il n'y a personne qui se sacrifie et prie pour elles." (4)

Jean-Paul II semble, lui aussi, aller dans ce sens, puisqu'il dit offrir, lui aussi, les souffrances de sa maladie et de son grand âge pour le salut du monde.

Et vous, qu'en pensez-vous '!

Herman Van den Meersschaut - LPC-1998

(1) Fatima : la révélation choquante. Article de Pierre de Locht dans "Le Soir" du 26 mai 2000 (retour)
(2) Trois à table" Paroles de vie - Pâques 2000 Lettre du Cardinal Dannee!s (retour)
(3) "Fatima" de Daniel Costelle aux éditions François Bourin (retour)
(4) "Fatima" de Daniel Costelle aux éditions François Bourin (retour)
7 juillet 2018 6 07 /07 /juillet /2018 08:00
bateau lpcQui êtes-vous, monsieur le professur?
Jean Ghisdal

Il est né à Lyon, il y a aujourd'hui 75 ans, dans une famille bourgeoise très catholique. C'est l'un des scientifiques les plus populaires de notre temps : il s'agit du biologiste Albert Jacquard.

Edmond Blattchen, le présentant dans son émission ''Noms de dieux", lui adresse ces très belles paroles: "Jadis catholique, vous revoilà en effet chrétien. Simplement, pour vous, l'amour du prochain c'est désormais l'amour de cinq milliards de prochains."

C'est à cause de ce souci des autres qu'Albert Jacquard a une grande vénération pour saint François d'Assise et une réelle amitié avec l'abbé Pierre. Albert Jacquard ne saurait donc laisser indifférent un chrétien qui pense librement (L.P.C.!). Aujourd'hui, nous allons déposer nos catégories toutes faites, nos jugements hâtifs, notre racisme religieux et nous allons essayer d'entrer dans la peau de quelqu'un pour qui la peau des autres est ce qu'il y a de plus sacré au monde. Prenons garde aux gros titres, aux phrases-choc et aux citations hors-contexte. Ce sont des produits hautement inflammables à manipuler avec la plus grande précaution !! "Ne pas enfermer l'interlocuteur dans les phrases qu'il a prononcées", telle est la consigne de celui à qui nous nous intéressons en ce moment. Nous allons puiser, dans un livre et dans deux dialogues, des paroles et des écrits d'Albert Jacquard lui-même. Dans "Petite philosophie à l'usage des non-philosophes", écoutons-le, d'abord, exprimer de façon très poétique la place des autres dans notre vie. C'était en janvier 1995. Il rencontrait les élèves des classes de terminale d'Albi à l'initiative d'Huguette Planès, professeur de philosophie au lycée Rascol.

"Ma capacité à penser et à dire "je" ne m'a pas été fournie par mon patrimoine génétique; ce que celui-ci m'a donné était nécessaire, mais non suffisant. Je n'ai pu dire ''je" que grâce aux "tu" entendus. La personne que je deviens n'est pas le résultat d'un cheminement interne solitaire ; elle n'a pu se construire qu'en étant au foyer des regards des autres. Non seulement cette personne est alimentée par tous les apports de ceux qui m'entourent, mais sa réalité essentielle est constituée par les échanges avec eux : JE SUIS LES LIENS QUE JE TISSE AVEC LES AUTRES. Avec cette définition, il n’y a plus de coupure entre moi et autrui."

Lisons-le maintenant au chapitre "Dieu" dans son livre : "Le souci des pauvres". C'est le scientifique qui écrit, le généticien Albert Jacquard, celui qui, tout en ayant les pieds sur terre et la tête dans le cosmos, s'efforce de rejoindre l'inaccessible. Il utilise pour cela tout son bagage intellectuel de savant de la fin du xxe siècle.

"Le concept de création a du sens pour une statue qu'un sculpteur fait sortir d'un bloc de marbre, un poème qu'un écrivain fait apparaître sur la feuille blanche, il n'en a pas pour un néant sans durée qui "exploserait" pour produire de la matière et de l'énergie. L'univers, autour de nous, est ; nous le voyons se transformer ; nous sommes capables de restituer son histoire passée et d'imaginer son histoire future. Mais nous sommes définitivement incapables d'accéder à l'instant initial et même de le définir. Essayons de nous passer du Créateur.

Quant à la toute-puissance, elle est trop évidemment une extrapolation des fantasmes humains pour être acceptée comme caractéristique divine. Un Dieu tout-puissant n'est jamais qu'un super-homme, constamment hanté par le désir de manifester sa capacité à l'emporter sur les forces de la nature ou sur les volontés humaines. Désirer être tout-puissant, c'est renoncer au statut divin.

"Privé de sa toute-puissance et de son rôle de créateur, que reste-t-il à Dieu ? ... L'essentiel.

A défaut de François d'Assise, trop lointain, écoutons le message d'un de ceux qui l'ont suivi, ... l'abbé Pierre. Il parle de Dieu. Il n'a qu'une phrase pour préciser son sujet : "Dieu est amour. Dès que l'on remplace le mot "amour" par un autre, ajoute-t-il, on trahit Dieu."

Enfin, Edmond Blattchen interviewe Albert Jacquard dans son émission "Noms de dieux" et, à cette occasion, notre généticien persiste et signe. Ecoutons-le:

"Si Dieu est amour, c'est que l'amour est Dieu. En inventant l'amour, ce qui n'était pas évident, nous avons inventé cette chose ineffable, cette transcendance à l'intérieur de laquelle nous sommes, qui nous fait, mais que nous faisons en même temps. Et c'est ça que j'appelle Dieu. Donc, il n'y a plus besoin d'un créateur. Il n'y a plus besoin de dire à ce Dieu qu'il est responsable de ceci ou de cela. Je suis responsable, même de lui ! Et cette idée est très bien résumée par un homme de foi, un dominicain, Jean Cardonel, un ami, qui écrit : Dieu est mort en Jésus-Christ, ce Dieu d'autrefois qui était un être jaloux, méchant, qui ne pensait qu'à se venger en permanence, à nous juger, à nous donner des ordres, à vérifier qu'on avait obéi. Ce Dieu-là a été détruit par Jésus-Christ, qui remplace cette volonté de puissance par l'amour, l'amour entre les hommes".

Merci, Professeur Jacquard. Vous nous obligez à sortir des sentiers battus dans le champ de mines de nos vérités dogmatiques. Vous nous forcez à quitter notre torpeur spirituelle. Vous réveillez l'équipage endormi qui a branché le pilote automatique et qui vole paisiblement au­ dessus des nuages.

Oh oui ! Vous secouez drôlement le cocotier! Merci.

Nous la faisons nôtre votre prière à saint François d'Assise:

"François, aide-nous à devenir des HOMMES".

Jean Ghisdal - LPC-2001

Bibliographie :

  • Petite philosophie à l'usage des non-philosophes - Calman-Lévy, 1996
  • Le souci des pauvres. L'héritage de François d'Assise - Calman-Lévy, 1996
  • L'intégrale des entretiens "Noms de dieux" d'Edmond Blattchen n° 8 - Editions Alice - RTBF-Liège
9 juin 2018 6 09 /06 /juin /2018 08:00
André VerheyenDes questions sans réponse?
André Verheyen

Quand on s'est enthousiasmé pour la liberté et l'indépendance de la pensée...

Quand on a compris qu'il faut s'opposer aux dogmatismes, intégrismes et autres fondamentalismes...

Quand on a découvert l'intérêt du discernement critique face aux déviations survenues au fil des siècles et qui ont souvent remplacé le dynamisme de la foi par un carcan de croyances largement dépassées...

Quand toutes ces démarches ont provoqué un réseau de sympathies et d'amitiés nouvelles avec des personnes qu'on avait cru devoir considérer comme des adversaires (autres religions, agnosticisme, franc-maçonnerie, etc.)...

Alors vient le temps de la question essentielle:

Que découvre-t-on lorsqu'on a levé les obstacles ?

C'est au moment où je réfléchissais à cette question que je remettais la main sur le texte d'une conférence du Père dominicain Jean-Pierre LINTANF, donnée en l'église Saint-Marc à Bruxelles le 10 mars 1988. Le titre de la conférence était : "LE DON DE DIEU, C'EST D IEU."

Dès le début de sa conférence, l'orateur exprime aussi cette idée, qu'au- delà de beaucoup de recherches, de travaux et de questions passionnantes, il y a cette question fondamentale.

Voici comment il s'exprime : "Le thème que nous allons traiter ce soir est pour moi le thème fondamental. De métier, je suis plutôt théologien moraliste, je viens d'être élu à l’Institut international de bioéthique, ce qui me réjouit le cœur, mais par-delà toutes ces recherches et tout ce travail que l’on peut faire, comment ne pas être en interrogation décisive et radicale devant le mystère même de Dieu !

... En effet, par-delà les questions qui nous préoccupent dans l'Eglise, dans le monde, cette interrogation vis-à-vis du mystère de Dieu se pose."

Jean-Pierre LINTANF souligne que nous vivons une époque intéressante parce qu'on se demande plus que jamais "Qu'est-ce que c'est que vivre en hommes ? - Où est le bonheur, où est la liberté ? A quoi sommes-nous appelés ?" Et il ajoute que les chrétiens ont difficile à donner une réponse qui soit à la hauteur de l'attente qui se perçoit. Il illustre cela en partant d'une phrase de Marcel LEGAUT, qui était un de ses amis :

"Un jour où nous travaillions ensemble, Marcel Légaut avait eu cette phrase qu’il a reprise par après très souvent: "Les communautés chrétiennes, les paroisses, les communautés religieuses, toutes les communautés chrétiennes auraient dû et devraient être des lieux où est favorisée l’expérience chrétienne profonde de l’homme. Mais, disait-il, ces communautés, très souvent, au lieu de favoriser une expérience chrétienne en profondeur, la rendent difficile, ou impossible."

C'est-à-dire que l'on remplace l'expérience spirituelle profonde, que j'appellerai tout à l'heure l’aventure mystique, par toute une série de choses qui sont : la liste des choses à croire (orthodoxie), la liste des choses à faire ou à ne pas faire (orthopraxie), l’obéissance aux évêques (c’est plus sûr) et enfin un petit peu de dévotion pour la consolation du cœur et voilà ! Eh bien, je pense que cet ensemble de choses ne conduit pas nécessairement à une expérience de fond."

La plus grande illusion serait de penser que nous pouvons réduire cette "aventure mystique", cette "expérience spirituelle profonde", à un objet communicable par les médias. En effet, le principal obstacle à cette communication a été, sans doute, cette "chosification" qu'on retrouve dans les choses à croire, les choses à faire, etc.

Un autre aspect de cette "chosification" que J.-P. LINTANF met en lumière se situe dans la doctrine traditionnelle de la "grâce" développée en Occident depuis saint Augustin. Et, dans la ligne de son thème " ce don de Dieu qui est Dieu lui-même", il donne évidemment la préférence à "un mot qui ne fait pas partie de notre vocabulaire, qui n'est pas le vocabulaire de la grâce, mais qui est le vocabulaire des énergies divines qui fait partie de la spiritualité et de la théologie orientale de façon décisive. Les énergies de Dieu, c'est Dieu se manifestant. Dieu, nous le verrons tout à l'heure, est inaccessible dans son secret, dans son mystère, mais ce sont les énergies de Dieu qui nous transfigurent et nous divinisent . Ces énergies sont incréées, c'est- à-dire que c'est Dieu se communicant, tandis que la grâce, pour nous, était une grâce créée, à la limite, devenant une chose. Pour les orientaux, les énergies divines sont des sortes de vibrations qui émanent de Dieu et qui nous font entrer en vibration avec lui."

Pour développer cette belle perspective, J.-P. LINTANF évoque une conversation avec le Père J.-P. CHARLIER, qui lui expliquait le mot hébreu qui a été traduit par " ... je sais maintenant que tu crains ton Seigneur". "Or le mot hébreu, c'est : je sais que tu as frissonné de ton Dieu, je sais que tu as frémi de Dieu. On peut frissonner devant quelqu'un, quelqu'un qui vous donne le frisson parce qu'il est beau, parce qu'on l'aime, parce qu'on en a un peu peur, parce qu'il fascine... et c'est beau de frissonner de Dieu. Alors se produit cette sorte de frisson de Dieu qui, tout d'un coup, se met en nous et qui nous fait, face à Dieu, vivre de la vie même de Dieu ces énergies incréées." (1)

Et maintenant ? Touchons-nous vraiment à l'Essentiel ?

Il faut avouer que nous nous trouvons ici en présence de considérations de très belle qualité dans ce désir d'échapper à la "chosification" de la réalité transcendante.

Mais d'autre part, il faudra bien se rendre compte que le problème reste entier dans la mesure où le frisson que je ressens devant quelqu'un "parce qu'il est beau, parce que je l'aime, parce que j'en ai un peu peur, etc." ne peut être qu'une réalité psychosomatique qui ne se situe pas en dehors du créé.

Ce thème du frisson rappelle un beau passage biblique : "Et voici que Yahvé passa. Il y eut un grand ouragan, si fort qu'il fendait les montagnes et brisait les rochers, en avant de Yahvé, mais Yahvé n'était pas dans l'ouragan ; et après l'ouragan un tremblement de terre, mais Yahvé n'était pas dans le tremblement de terre ; et après le tremblement de terre un feu, mais Yahvé n'était pas dans le feu : et après le feu, le bruit d'une brise légère. Dès qu'Elie l'entendit, il se voila le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l'entrée de la grotte...." (Premier Livre des Rois, chapitre l 9)

Malgré toute l'émotion esthétique et spirituelle que nous procurent ces textes merveilleux, nous sommes bien obligés de dire que ce ne peuvent être que des images symboliques.

J.-P. LINTANF disait "Dieu est inaccessible dans son secret, dans son mystère'' mais il ajoutait "ce sont les énergies de Dieu qui nous transfigurent et nous divinisent."

Mais alors, ne peut-on vraiment rien dire de Dieu ?

Il est tout à fait remarquable d’expérimenter que là, peut-être plus qu'ailleurs, si la parole est d'argent, le silence est d’or.

Gabriel RINGLET exprime cela merveilleusement en parlant d'un SILENCE HABITE et d'un NON-DIT ACTIF.

"Ce non-dit" n'est-il pas, au cœur de toutes les religions et de toutes les sagesses ? Les théologiens le savent bien qui, au Moyen-Age, ont inventé la théologie dite "négative" ou "apophatique (du grec 'apophanaï',"dire non") pour signifier qu'il n'est pas possible d'approcher la connaissance de Dieu par affirmations mais uniquement par négations successives (il n'est pas visible, nommable, etc.) Par d'autres chemins, nombre de mystiques disent aussi qu'on ne peut pas percer le Mystère, et les moines, et le bouddhisme, tous sont convaincus que la réalité ultime reste insaisissable.

Ricoeur élargit encore en se demandant s'il n'existe pas "un fondamental" une sorte de réalité ultime, impossible à exprimer, à enfermer en tout cas dans une formulation dogmatique, et qui pourtant concerne chacun, quelle que soit sa philosophie ou sa religion. "Il faudrait presque un silence commun, dit-il, sur ce qui ne peut pas être dit." Parce que chacun, finalement, croyant ou non, chrétien ou laïque, est appelé à trouver, au fond même de sa conviction, ce qui le rejoint de façon souterraine et que, par certains côtés, il ne maîtrise pas. En ce sens-là, il y aurait, au bout du dialogue, comme un dia-silence, un "silence traversé", là où se rejoignent, dans l’extrême différence," le point de silence et le point de rassemblement." (L'Evangile d'un libre penseur - Albin Michel 1998. page 49)

Nos lecteurs et amis comprendront que je n'ajoute plus rien...

André Verheyen - LPC-1998

(1) Les citations de J.-P. Lintanf sont extraites d'un compte rendu de sa conférence qui a voulu garder son caractère oral. (retour)
28 avril 2018 6 28 /04 /avril /2018 08:00
André VerheyenJésus Fils de Dieu (suite)
André Verheyen

Nous rappelons qu'il s'agit de réponses à la question "

Pour vous, qui est Jésus-Christ ?

" recueillies par le Père A.-M. CARRE et publiées aux Editions du Cerf en 1978. Certains témoignages sont anonymes. D'autre part, nous ne citons que des extraits; il faut en tenir compte pour l'objectivité vis-à-vis de la pensée totale des auteurs cités.

 

1 - Anonyme (Nord)

J'ai assez fait de philosophie pour pouvoir vous dire de belles choses bien pensées. Mais Jésus n'est pas un sujet de thèse. Il est "l'Amour" ! Explique-t-on l'amour? Je n'ai pas répondu à la question, je le sais. Mais lorsqu'on aime quelqu'un, on ne peut pas le définir, l'enfermer dans le carcan étroit et incommode des mots.

2 - Etienne BORNE (philosophe, agrégé de l'Université)

Ce qui me gêne dans la question est le "pour vous". Il m'est en effet difficile de m'expliquer sur ce que peut ê tre ma foi en Jésus- - Christ, non que je répugne à la confesser publiquement, mais parce que la manière dont je tente de la penser et de la vivre, et qui n'est nullement exemplaire, rapetisse la foi en Jésus - Christ selon la médiocre mesure de mes difficultés et de mes obscurités, de mes questions et de mes recherches, dont je crains que les unes et les autres soient sans fin aussi longtemps que je vivrai en un monde ainsi fait que, comme disait Pascal, on en voit toujours trop pour nier et pas assez pour s'assurer. (0.C. p.25)

Ici en particulier nous devons signaler que cet extrait ne rend pas complètement le témoignage de l'auteur, qui se termine d'ailleurs par "A cette foi de l'Eglise, je crois et je veux croire". Mais il nous semble intéressant de recevoir également le témoignage des difficultés, des questions et des recherches.

3 - 74 ans, ( Rhône)

Depuis plus de 65 ans, je tourne autour; rebuté par les bigotismes, les fanatismes… et les cantiques, je m'impose de "pratiquer" pour, un jour j'espère, obtenir de vraiment croire.

Tellement homme, impossible qu'il soit Dieu! Tellement plus grand que l'homme, impossible, plus impossible encore, qu'il ne soit pas Dieu! (o.c. p. 26)

4 - Robert BURON (ancien ministre)

Pour moi Christ est à la fois l'auteur et l'acteur de la plus belle histoire du monde. Henri Laborit, dans " Biologie et Structures", dit que l'Evangile constitue la clef de l’esthétique des structures. Je partage ce sentiment. Christ pour moi a recréé la vie, lui a donné un sens nouveau que je ressens essentiellement comme harmonieux, esthétique , épanouissant.

Peut-être, comme me l'ont reproché des Pères dominicains, experts en la matière, suis-je un agnostique chrétien. S'il en est ainsi, je m'assume comme tel. Mais ce n'est pas comme philosophe, moins encore théologien, que je m'affirme chrétien, c'est comme être vivant, séduit par ce que nous appelons maintenant un modèle.(o.c. p. 33)

5 - Yves CONGAR (Dominicain)

… je crois m'être approché d'une position à la saint Paul, pour laquelle on se demande en vain si elle est théocentrique ou christocentrique. "Dieu" est absolument premier, mais il est "le Père de Jésus- Christ, Notre Seigneur" : ceci dans ma pensée dogmatique et dans ma prière, si j'ose employer d'aussi grands mots pour des choses qui sont, chez moi, si médiocres. Mais il s'agit de ma vie telle que j'essaie de la mener au milieu des hommes, avec eux et pour eux, alors c'est Jésus- Christ qui en est la lumière, la chaleur et, par son Saint-Esprit, le mouvement. Chaque jour Il m'interpelle. Chaque jour Il m'empêche de m'arrêter…(o.c. p. 58)

6 - Marc ORAISON (docteur en médecine, docteur en théologie)

Pour moi Jésus - Christ est d'abord un homme comme les autres, au milieu des autres, aussi peu spectaculaire que possible et "non sacral". On s'aperçoit peu à peu qu'Il exprime en même temps "autre chose" que l'homme disons l'Amour en tant que préexistant et triomphant. Il achève la mort. Il est la parole de l'Amour, dont on aperçoit la présence comme telle après sa mort, sur un mode qui n'a aucun point de comparaison.

C'est parce que les disciples d'Emmaüs aimaient le Christ, prêts à aller plus loin que leurs catégories, c'est parce qu'ils croyaient en lui qu'ils se sont aperçus qu'Il était là ressuscité d'entre les morts. La foi dans le Christ Jésus transcende toute catégorie et toute culture. Elle transcende le temps en l u i donnant son sens. Elle nous transfigure dans notre réalité la plus concrète et la plus palpitante, éventuellement la plus sordide…

Il est bien plus que " l'Ami" ; Il est celui qui "cristallise " l'humanité vers son vrai destin. Jésus fait que "le Christ", c'est nous tous… (o.c. p. 124)

7 - André ROUSSIN (auteur dramatique, de l'Académie française)

Puisque c'est un avis personnel que réclame cette enquête il faut abattre ses cartes. C'est, hélas, celui d'un homme qui doute de la divinité du Christ que je dois formuler, c'est dire d'un incroyant. A ce titre le Christ reste pour moi le plus haut exemple de l'Initié, du mystique en constante liaison avec l'Esprit (le Père). Sa figure, sa légende, son martyre font de lui celui vers qui peuvent aller toutes les prières, car nul n'aura porté plus loin la notion d'amour universel, l'exemple du don de soi pour le bien du monde, la non-violence, le respect des humbles, en un mot tout ce que l'homme, de système en système, essaie éternellement d'établir au nom de l'humanité.

Le Christ représente enfin la force révolutionnaire et d'une inéluctable pensée qui porte en soi le principe de la libération des masses opprimées et l'avènement des misérables. Jamais plus qu'aujourd'hui où elles sont reniées et combattues, la pensée, la doctrine du Christ n'ont été aussi actuelles. Jamais plus qu'aujourd'hui le croyant et l'incroyant peuvent y trouver la même source de Vie.( 0.c.p.142)

8 - Arthur RUBINSTEIN

Pour moi Jésus- Christ a été depuis toujours, est et sera l'être sublime, suprême et idéal que l'humanité ait produit. En tant que Juif, c'est le seul orgueil que je ressens d'être de sa race. Son existence, ses paroles, son sacrifice et sa foi ont donné au monde le plus noble cadeau qu'il ait jamais reçu: celui de l'amour, l'amour de son prochain, l'amour du pauvre, la pitié, l'humilité, enfin tous les sentiments qui anoblissent l'être humain.

Cependant, j'ai la conviction qu'on ne peut pas le concevoir comme un être qui ne soit pas de ce monde, comme un Dieu. A mes yeux, cela lui enlèverait la qualité de martyr suprême...

Je préfère donc l'aimer, l'adorer comme l'Homme suprême... (o.c. p. 144)

 

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Il est évident que l'un ou l'autre de ces témoignages ne correspond pas exactement à celui que les Apôtres et Evangélistes ont voulu donner de leur foi en Jésus - Christ. Et le Magistère de l'Eglise – qui a entre autres pour mission de veiller à la fidélité au message des Apôtres – peut et doit le faire remarquer. Cela n'a rien de choquant si ce n'est pas exprimé sous forme de condamnation mais sous forme de constatation d'une différence.

Dans une Eglise qui serait libérée de tout autoritarisme, il y aurait toujours place pour les dogmes mais pas dans le sens où l'on obligerait les gens à croire quelque chose sous peine d'excommunication. Le sens du mot grec 'dogma’ est 'ce que je pense', 'ce que nous croyons’. Les responsables d'une communauté de croyants ont non seulement le droit mais le devoir d'exprimer "ce que la communauté croit" pour rendre service aux membres de cette communauté.

Il est inutile de répéter ici que ce ne sera un service rendu à la communauté que si on s'adresse à elle dans son langage et dans les termes de sa culture.

D'autre part il faut souligner le rôle important que peuvent jouer en cette matière tous ceux qui sont soucieux d'une compréhension fidèle du message originel et de son actualisation fidèle dans la culture contemporaine. Les théologiens qui ont le sens de l'humour ne prennent pas de mauvaise part qu'on plaisante à leur sujet, comme on le fait d'ailleurs d'un certain nombre d'autres professions, par exemple les "psy"…Mais qu'il soit permis d'attirer ici l'attention sur le rôle indispensable des historiens, exégètes, théologiens et autres gens qui réfléchissent pour arriver à une expression satisfaisante de la foi.

André Verheyen - LPC- 1993