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21 octobre 2017 6 21 /10 /octobre /2017 09:48
André VerheyenToussaint
André Verheyen

Dans quelques jours, des miIlions de chrétiens - et d'autres peut-être aussi - fêteront la Toussaint avec, souvent, une dimension très accentuée de la mémoire des défunts.

La confusion entre la Toussaint et le Jour des Morts n'est évidemment pas dangereuse puisque la plupart des saints que nous honorons sont morts et que beaucoup de nos défunts ont vécu une certaine sainteté.

Dans notre pays, le ler novembre est jour férié, pas le 2, ce qui explique que les visites aux cimetières se font surtout le jour de Toussaint.

Ce qui, par contre, est beaucoup plus préoccupant, c'est la qualité médiocre d'un culte des saints, généralement intéressé et souvent superstitieux. Si on ajoute à cela une conception dépassée du Paradis, liée aux dimensions de temps et d'espace, on aura compris qu'il y a encore "du pain sur la planche" pour une sérieuse réflexion.

Plusieurs personnes, qui sentent bien qu'il y a quelque chose qui cloche dans le système folklorique et superstitieux actuel, nous demandent "si ça sert encore à quelque chose de prier les Saints". L'utilisation du verbe "servir" est remarquable : comme si le culte que je voue à mon père et à ma mère devait servir à quelque chose!

Et pourtant si ! Cela sert énormément, à condition de revoir radicalement ce système que j'ai appelé folklorique et superstitieux.

Il est clair que si je prends la peine de lire une biographie de St Antoine de Padoue, j'y découvrirai sa foi profonde et son zèle missionnaire. Si alors, même sans paroles ni prières formulées, je pense à lui en désirant partager sa qualité de vie spirituelle, bien sûr, mon désir va être efficace.

Mais quelle honte et quelle pitié dans ces pseudo-prières où on demande à St Antoine de retrouver des objets perdus!

Nous avons recréé notre "panthéon" à l'instar des religions de l'antiquité gréco-romaine qui avaient leurs divinités tutélaires pour l'amour, la guerre, les voyages en mer, l'économie et les af­faires, la chasse, etc.

Un des cas les plus surprenants est celui de St Christophe dont tout le monde sait actellement qu'il s'agit d'un personnage de légende. (1)

Rien ne s'oppose évidemment à ce qu'on continue les manifestations folkloriques autour de St Christophe dans le cadre de la valorisation du patrimoine. Mais entretenir l'ambigüité de cette pseudo-dévotion superstitieuse envers un personnage de légende ne favorise certainement pas la crédibilité du culte des Saints.

Nous conseillons plus volontiers la communion spirituelle avec quelqu'un comme Dom Helder Camera, qui n'a heureusement pas encore été récupéré par le système. Cette communion spirituelle-là, oui vraiment, ça sert à quelque chose...

André Verheyen - LPC – octobre 1999

(1) "Ce saint, très populaire au Moyen Age, a été écarté du calendrier romain en 1970, son histoire ne relevant que de la légende." (Dictionnaire LAROUSSE • 2 volumes - 1988)
N. d. l. r. : les dictionnaires spécialisés dans le domaine de la vie des Saints mentionnent neuf saints Christophe mais aucun d'eux n'a quelque chose à voir avec la légende qui est née du nom "Christophoros". En effet, cela signifie en grec "porteur de Christ". (retour)
7 octobre 2017 6 07 /10 /octobre /2017 09:10
André VerheyenNous ne sommes pas des iconoclastes
André Verheyen

"L'origine et le fondement de l'iconoclasme résident dans l'hostilité envers toute forme d'art religieux, hostilité qu'une partie de l'Eglise ancienne avait héritée de la Synagogue et tirée des interdictions vétérotestamentaires des images (cf Exode, XX, 4)." (Nouvelle Histoire de l'Eglise, Tome 2, p. II O - Seuil I 968)

La citation de l'Exode est la suivante : "Tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici- bas, ou dans les eaux au-dessous de la terre."

Un passage parallèle (Lévitique XIX 3) dit : "Ne vous tournez pas vers les idoles et ne vous faites pas fondre des dieux de métal. Je suis Yahvé votre Dieu."

Et le Deutéronome (IV, 15-20) fournit un commentaire qui donne clairement le sens de cette interdiction: "Prenez bien garde à vous-mêmes : puisque vous n'avez vu aucune forme, le jour où Yahvé, à l'Horeb, vous a parlé au milieu du feu, n'allez pas prévariquer et vous faire une image sculptée représentant quoi que ce soit : figure d'homme ou de femme, figure de quelqu'une des bêtes de la terre, figure de quelqu'un des oiseaux qui volent dans le ciel, figure de quelqu'un des reptiles qui rampent sur le sol, figure de quelqu'un des poissons qui vivent dans les eaux au­ dessous de la terre. Quand tu lèveras les yeux vers le ciel, quand tu verras le soleil, la lune, les étoiles et toute l'armée des cieux, ne va pas te laisser entraîner à te prosterner devant eux et à les servir. Yahvé ton Dieu les a donnés en partage à tous les peuples qui sont sous le ciel, mais vous, Yahvé vous a pris et vous a fait sortir du creuset de fer, l'Egypte, pour que vous deveniez le peuple de son héritage, comme vous l'êtes encore aujourd'hui."

"Vous n’avez vu aucune forme le jour où Yahvé, à l'Horeb, vous a parlé du milieu du feu." Mais l'auteur de l'Exode a tout de même eu besoin de l'image du feu pour signifier la présence de Dieu !

Nous ne sommes pas de purs esprits et nous avons besoin de média(tions) pour exprimer les réalités spirituelles.

Ces média(teurs) peuvent être des signes, des images, des symboles, des concepts, des mots, un langage...

Si nous utilisons ces media, c'est parce qu'ils nous aident à exprimer l'un ou l'autre aspect de la réalité en question : c'est leur utilité. Mais l'image est aussi un écran si je me braque sur le signe (le fameux proverbe chinois du doigt qui montre la lune).

La relativité des signes est bien exprimée dans le texte suivant : "Des signifiés divins (la transcendance et l'amour de Dieu) nous est offerte une connaissance fragmentaire et progressive. Nous les cherchons et découvrons à travers des signifiants: les événements bibliques; les paroles des prophètes, de Jésus, des apôtres, des frères; les célébrations sacramentelles ; la vie priante du Peuple de Dieu et ses efforts de fidélité évangélique.

Les signifiants d'hier, interprétés en fonction de ce qu'était hier, peuvent se voir réexprimés pour être des signifiants pour aujourd'hui. Mais la signification doit demeurer.

Modifiables, les signifiants le sont parce que empruntés à un monde qui change." (La Foi des Catholiques - Centurion 1984 - p. 318)

Voici donc un double problème.

D'une part, il faudra inventer les nouvelles images, les nouveaux symboles, le nouveau langage, qui peuvent être signifiants pour aujourd'hui. Nous avons la joie de constater que de nombreux théologiens, liturgistes, catéchistes, compositeurs, prédicateurs et autres s'y emploient avec une heureuse créativité.

Mais l'autre problème est plus délicat : que faire des signes, images, symboles, etc., qui étaient signifiants hier et qui ne le sont plus aujourd'hui ? C'est là que le sens culturel et la passion du témoignage évangélique peuvent entrer en conflit.

Nous ne songeons évidemment pas un seul instant à détruire le patrimoine artistique de la peinture classique. Nous ne sommes pas des iconoclastes !

Même si la représentation picturale de l'ange et de la colombe dans les "annonciations" de Fra ANGELICO peut favoriser une certaine lecture fondamentaliste de l'Ecriture, nous remercions Dieu pour le décorateur génial de San Marco à Florence.

Même si cette lecture fondamentaliste est favorisée par la matérialisation des symboles et des mythes qui est inhérente au genre pictural, nous ne pouvons que louer le Créateur pour, Michel-Ange, le décorateur génial de la Chapelle Sixtine.

Même si les termes du Credo de Nicée-Constantinople sont particulièrement liés à une philosophie qui n'est plus la nôtre aujourd'hui, nous ne songeons messes de Bach, Mozart, Beethoven et autres génies musicaux.

Ceci étant dit, nous ne pouvons pas taire notre souffrance devant l'ambigüité du langage qui est toujours en usage dans nos églises. Cette souffrance est particulièrement vive dans les célébrations qui devraient être des temps forts de la vie chrétienne: Première Communion, Profession de Foi, Confirmation...

Lorsque nous avons la chance d'avoir des églises bondées... de pouvoir nous adresser à une majorité de parents et amis qui ne fréquentent habituellement pas nos assemblées... mais que les orateurs oublient que cette foule n'a pas de formation à l'exégèse scripturaire (Hélas, ils n'en ont souvent pas eux-mêmes !) ...

Quelle souffrance alors d'entendre un langage traditionnel, historicisant toujours les signes, les symboles et les mythes et confirmant le caractère d'une religion qui s'adresse aux enfants et que l'on abandonnera massivement lorsqu'on deviendra adulte!

Il est urgent d'apprendre à nos responsables de communautés et à tous les intervenants dans le témoignage évangélique à décoder les signifiants d’hier et de les retraduire en signifiants d’aujourd’hui.

« Etant donné que le pire n’est pas toujours évitables » comme le disait le père Valadier, nous pouvons espérer que nos Eglises ne perdront pas, encore, cette bataille-là.

André Verheyen - LPC juillet 1995

30 septembre 2017 6 30 /09 /septembre /2017 16:00
bateau lpcEt tu trouveras le trésor qui dort en toi
Laurent Gounelle

Jacques Famerée nous propose un extrait d’un livre de Laurent Gounelle : « Et tu trouveras le trésor qui dort en toi » publié aux Editions Karo. (de la page 314 à 318)

Dans une église, l’assemblée attend avec impatience le père Jérémie qui doit célébrer la messe. Celui-ci est, en fait, volontairement retenu à l’évêché afin de perturber son travail pastoral jugé trop progressiste, trop " hors normes" par les autorités ecclésiastiques. Une personne réagit et s’adresse à l’assistance.

……

Je m’appelle Alice, je suis une amie d’enfance du père Jérémie. Bien que l'ayant souvent vu à l'œuvre, je ne suis pas sûre de savoir respecter tous les codes de la messe mais...

- Croyez-vous en Dieu, au moins ?

La voix tonitruante déchira le calme de l'édifice et les vibrations résonnèrent de toutes parts. Stoppée net dans son élan, Alice regarda vers sa gauche, d'où avait fusé la question.

Elle ne repéra pas l'homme qui l'avait prononcée. A sa voix, il devait avoir une soixantaine d'années. Sans doute un voisin connaissant la réputation athée de sa famille.

Embarrassée Alice chercha ses mots, et son absence de réponse immédiate provoqua une nouvelle onde de murmures dans l’église.

Elle leva de nouveau les yeux dans la direction de l'inconnu.

- Dites-moi qui est Dieu et je vous dirai si j'y crois.

Un nouveau bourdonnement parcourut la nef, puis le silence revint.

Tous les visages se tournèrent dans la direction de l'homme. Mais la réponse ne vint pas. Celui qui avait été si prompt à interpeller Alice sur sa croyance en Dieu ne semblait pas capable de dire qui il était.

Elle prit alors son inspiration et se lança.

- Je me suis longtemps considérée athée, puis j'ai découvert la valeur des paroles de Jésus que j'ai alors perçu comme un grand sage. J'ai appliqué ses préceptes pour les expérimenter moi-même, et j'ai été troublée par ce que j'ai alors vécu. J'ai compris qu'ils me guidaient vers la libération de mon ego, et les rares fois où j'y suis effectivement parvenue pendant quelques instants, j'ai touché du doigt ce qui ressemble à une autre réalité, un monde où je ne cherche plus compulsivement à exister indépendamment des autres, un monde où je me sens au contraire connectée aux autres, au point de fusionner avec eux, avec l'univers, avec tout. Peut-être est-ce un aperçu de ce que Jésus appelait « le Royaume des cieux »? Je n'en sais rien. Peut-être est-ce une connexion à la part de divinité présente en nous? J'ai en effet souvent entendu qu'au fond de nous, il y a le péché. Aujourd'hui, je sais que c'est faux : au fond de nous, il y a le divin. Le péché n'est que ce qui nous en détourne. Alors est-ce que Dieu existe ? J'ai longtemps ri à l'idée d'un vieux barbu sur un nuage, doté de pouvoirs exceptionnels. Les Juifs ont sans doute raison de refuser de nommer Dieu. Nommer met des images dans notre esprit, personnifie ce qui n'est pas une personne, transforme en matière ce qui est immatériel. Le simple mot « Dieu » m'évoque en effet un personnage ayant une existence palpable, doté de pouvoirs absolus, qui régenterait tout, des naissances aux morts en passant par les destins de chacun et la marche de l'univers. En cela je ne peux croire. En revanche, il existe peut-être une force créatrice, une énergie, une conscience dont nous serions sans le savoir un élément, une fraction, un chaînon. Tout comme notre corps est une poussière d'étoiles, un fragment de l'univers, notre conscience serait un fragment d'une conscience universelle et d'une force créatrice auxquelles on appartiendrait tout en s'en croyant détaché et indépendant, parce que jouissant en plus d'une conscience individuelle.

Elle balaya du regard l'assemblée des fidèles.

- Notre conscience individuelle nous ferait oublier cette conscience universelle qui est aussi nôtre, et notre ego nous en couperait en nous poussant à nous désunir, nous séparer pour se distinguer individuellement.

Elle reprit son inspiration quelques instants.

- Si c'est cette énergie impalpable, cette force créatrice, cette conscience universelle que l'on appelle Dieu, alors Dieu n’est pas une puissance extérieure que l'on doit implorer pour obtenir des faveurs comme si l'on s'adressait à un maître de l'univers.

Ce serait plutôt une force cosmique mais aussi intérieure à laquelle on peut se connecter et à travers laquelle on peut revivre, à la manière d'un retour au bercail, en se libérant de ce qui nous en sépare, c'est-à-dire notre ego. Au Xlll° siècle, Maître Eckhart disait : « L'homme doit être libre de cette manière qu'il oublie son propre moi et reflue, avec tout ce qu'il est, dans l'abîme sans fond de sa source. » Même s'il n'employait jamais ce terme, Jésus invitait sans cesse à se libérer de l'ego. J'ai personnellement tout essayé pour y parvenir, et n'ai réussi que de façon très ponctuelle. Plus on veut s'en libérer, et plus il résiste, en effet, et cela explique l'échec de la culpabilisation à laquelle se sont livrés les chrétiens pendant des siècles. La résistance de l'ego est sans doute illustrée dans les Évangiles par la grande difficulté qu'ont les apôtres à appliquer les préceptes de Jésus, à éveiller le divin qui sommeille en eux. En fait ils n'y parviennent guère et Jésus s'en lamente tout du long, jusqu'au dernier soir avant son arrestation, où il leur demande de veiller et aucun n'y parvient: tous s'endorment malgré leur bonne volonté ce qui fait dire à Jésus : « L'esprit est bien disposé mais la chair est faible. » Mais il existe un secret.

Elle marqua une pause, et quand sa voix eut fini de résonner dans la nef, un profond silence emplit l'église tout entière.

- Il existe un secret et Jésus lui-même semble l'avoir découvert vers la fin de sa vie, puisque c'est surtout là qu'il le répète, allant jusqu'à dire, au final, que s'il n'y avait qu'une seule chose à retenir, ce serait celle-là. Ce secret, je viens de comprendre qu'il avait le pouvoir de nous faire évader de l'enfer de l'ego pour nous conduire au paradis de la vie éveillée.

Ce secret... c'est d'aimer. Quand on aime, quand on ressent de l'amour, que ce soit pour un être humain, un animal, une fleur ou un coucher de soleil, on est porté au-delà de soi. Nos désirs, nos peurs et nos doutes se dissipent. Nos besoins de reconnaissance s'évanouissent. On ne cherche plus à se comparer, à exister plus que les autres. Notre âme s'élève tandis que nous sommes tout entier emplis de ce sentiment, de cet élan du cœur qui s'étend alors naturellement pour embrasser tous les êtres et toutes les choses de la vie. Alain, le philosophe, disait que l’amour est un merveilleux mouvement pour sortir de soi. C'est aussi un merveilleux mouvement pour se retrouver, en fusionnant avec l'univers, à la source de soi-même, là où nos problèmes n'ont plus cours et où règne la joie.

Alice balaya une fois de plus du regard l'assemblée des fidèles. Ils écoutaient, mais parvenait-elle vraiment à leur transmettre ce message qu'elle savait essentiel pour être heureux et réussir sa vie ?

- Aimer, c’est déjà s’aimer soi-même. S’aimer nous donne la force de ne pas être blessé par les piques décochées par l'ego des autres, et de ne pas les laisser activer le nôtre en retour. Aimer, c'est aimer l'autre en parvenant à discerner la personne derrière un ego parfois déplaisant, et voir alors ce dernier se dissoudre. Aimer, c'est trouver la force de parvenir à aimer ses ennemis, et les transformer en alliés.

Aimer, c’est aimer la vie malgré les tracas et les coups durs, et découvrir qu'ils ne sont que les outils de notre lâcher-prise, de notre évolution, de notre éveil. L'amour est la clé de tout. Le secret du monde.

Ses mots résonnèrent dans l'église, sous les hautes voûtes baignées de lumière.

Elle reprit son inspiration, puis continua la messe.

Ensuite, elle procéda au baptême.

Laurent Gounelle

18 août 2017 5 18 /08 /août /2017 08:00
André VerheyenDire le contraire pour être fidèle
André Verheyen

Pour être fidèles à nos ancêtres, nous devons souvent agir autrement qu'eux. On connaît l'histoire de cette congrégation religieuse qui avait des Statuts dans lesquels il était dit que "par esprit de pauvreté, les religieuses mangeraient dans des assiettes en terre cuite." Aujourd'hui, les assiettes en terre cuite sont plus chères que la plupart des autres.

On a le même phénomène dans les formulations théologiques. Quand la culture change, il faut changer la formulation d'une vérité pour lui être fidèle.

"Puisque les hommes ont tous une nature de chair et de sang, "Jésus a voulu partager cette condition humaine." (He. 2, 14)

La mutation culturelle que nous avons vécue pendant le XXe siècle ne nous permet plus de dire que Jésus "a voulu" être homme. Il l'était ! Il est né homme, Juif, que ce soit à Bethléem ou à Nazareth.

C'est au cours de sa croissance humaine qu'il a pu, librement, vivre sa condition humaine et même sa vocation prophétique et messianique.

Il en va de même du fameux "fiat" de Marie: "que tout se passe pour moi comme tu l'as dit." (Luc, 1,38)

-Si on a compris le genre littéraire des évangiles de l'enfance (Chap. 1 et 2 de Luc et chap. 1 et 2 de Matthieu) qui est théologique et non pas historique.

-Si on a compris que les auteurs bibliques racontent de façon miraculeuse la naissance de leurs grands personnages,

-Si on a compris que Marie a donné naissance à son enfant comme toute autre maman en Israël,

-Si on constate que même pendant son ministère public: "les gens de sa parenté vinrent pour s'emparer de lui. Car ils "disaient: "Il a perdu la tête"" (Marc, 3, 21)
"Arrivent sa mère et ses frères. Restant dehors, ils le firent "appeler." (Marc, 3, 31)
"En effet, ses frères eux-mêmes ne croyaient pas en lui." (Jean."7, 5)

-On voit que rien n'était "convenu d'avance".

On comprend par le fait même que Marie n'a jamais eu à choisir ni à donner son accord au fait de donner la vie au « Sauveur »

C'est plus tard, au fil des événements qu'elle a dû les accepter en essayant d'y percevoir la volonté de Dieu et la signification messianique de l'activité prophétique de son fils.

André Verheyen ( LPC n°23 août 2007)

5 août 2017 6 05 /08 /août /2017 08:00
André VerheyenPour ou contre ?
André Verheyen

Un ami me demande: Vous êtes pour Beauraing ?

R. : Je ne sais pas répondre à cette question. Vous voulez dire pour les apparitions?

Alors je ne peux pas encore répondre: les apparitions sont un fait. Et un fait, comme disent les Anglais, est plus respectable qu'un Lord Maire.

Je n’ai pas à être pour ni contre.

- Oui mais, vous y croyez ?

R. : Là, la question devient intéressante.

Mais il faut tout de même préciser la question: est-ce que je crois que les apparitions sont un phénomène surnaturel dont la Sainte Vierge prend l'initiative ? Ou bien, est-ce que je crois que les apparitions sont des phénomènes subjectifs qui se passent dans les personnes qui voient et auxquels ne correspond rien d'objectif en-dehors de ces personnes.

Ici, ma réponse est que c'est un phénomène subjectif que les psychiatres connaissent. Il y a en particulier un psychiatre français qui était aussi prêtre, Marc ORAISON, qui écrit: "Or ce phénomène est relativement fréquent dans les consultations ou les services de psychiatrie. J'en ai eu pour ma part un certain nombre d'observations, soit seul, soit en collaboration avec certains confrères. Or il se trouve que l'on ne parle guère de ces "apparitions" qu'elles n'ont pas de retentissement au dehors. On peut d'ailleurs se demander pourquoi..." (Vraies et fausses apparitions dans l'Eglise"- Dessain et Tolra, Paris1973)

- Alors, vous n'êtes pas d'accord avec l'Eglise ?

R. : Si ! Avec son enseignement, oui; pas avec ses pratiques.

Depuis notre enfance, on nous disait que l'Eglise n'oblige pas à croire aux apparitions ni aux miracles qui y sont liés. En langage d’aujourd'hui, je traduis: les apparitions et les miracles qui y sont liés ne sont pas objet de notre foi chrétienne.

Mais je dois bien constater que la pratique de mon Eglise est en contradiction avec cet enseignement. Toute l'organisation de la dévotion autour de ces lieux d'apparition est contraire à cet enseignement.

- Donc vous êtes contre ?

R. : Soyons tout de même un peu nuancés! Il est incontestable qu'il se passe des choses merveilleuses dans ces lieux d'apparition. On dit souvent que le vrai miracle de Lourdes ce sont les conversions et les actes de charité autour des malades qui s'y passent.

Mais c'est vrai qu'il y a le revers de la médaille. La crédulité de beaucoup de chrétiens et leur attitude vis-à-vis des apparitions et des miracles favorisent certainement l'incroyance de beaucoup de nos contemporains.

Rappelez-vous l'émission "Questions à la Une" de Jean-Claude Defossez qui avait été consacrée à ce sujet. Il y disait entr'autres qu'à cause du grand nombre de pèlerins à Lourdes (6 à 7 millions par an), il est normal qu'il y ait plus de décès à Lourdes que de guérisons miraculeuses. Dans ce cas on comprend que toute l'argumentation basée sur le miracle tombe à l'eau.

- Vous n'allez tout de même pas démolir toute cette dévotion à la Sainte Vierge ?

R. : Je ne demande jamais de démolir; je demande qu'on construise. Et, dans ce cas-ci, qu'on aide à construire une foi adulte qui soit conforme au projet évangélique de Jésus et à la foi de Marie.

Et permettez-moi, à mon tour de vous poser une question.

Avez-vous déjà songé à ce que Jésus et sa maman pensent de ce que la piété populaire a fait de Marie ?

Très certainement, ils regardent cela avec beaucoup d'amour et ne s'en offusquent pas. Mais les dégâts pour l'incroyance de notre Occident moderne sont certainement incalculables.

André Verheyen (LPC n°23- août 2007)

24 juin 2017 6 24 /06 /juin /2017 08:00
Herman Van den MeersschautDieu parle… ou les hommes font-ils parler Dieu ?
Herman Van den Meersschaut

On nous dit que la Bible est la "Parole de Dieu".

Voici une affirmation qui, personnellement, me gène de plus en plus, particulièrement pour l’Ancien Testament. On peut, en effet, constater que, dès la Genèse, Dieu parle énormément.

Il n’arrête pas de s’exprimer et de communiquer ses volontés à Abraham, à Moïse, et autres prophètes. La formule : Dieu dit à … m’a toujours gênée et troublé comme, sans doute, beaucoup de lecteurs de la Bible.

Lorsque j’étais petit garçon et que j’écoutais les merveilleux récits de « L’Histoire Sainte » je trouvais que ces gens de l’ancien temps avaient bien de la chance de pouvoir converser ainsi avec Dieu en direct. J’étais, par contre, très inquiet à ce sujet me demandant pourquoi aujourd’hui, Dieu ne parlait plus ainsi et surtout pourquoi, moi, je ne l’entendais pas ?

Si je posais la question au professeur de religion, il me répondait que la Grâce ne m’avait, sans doute, pas encore touché, mais que les saints, eux, l’entendaient.

On nous racontait aussi l’histoire de Samuel (Samuel 3, 1 à 10) pour nous faire comprendre que Dieu parle dans notre cœur Je me souviens de nombreuses soirées où, dans le silence de ma chambre, je me mettais anxieusement à l’écoute de cette voix…sans résultat, et pourtant, Dieu sait, si je la désirais ! Frustration et sentiment de culpabilité. Qui n’a pas vécu cela ne peut le comprendre. Bien sûr, j’étais un enfant et je croyais comme un enfant. Mais à combien de croyants il n’a pas été donné de dépasser la foi de l’enfance !

Lorsqu’en 1962 j’achetai ma première Bible et que je découvris par moi-même ces récits de mon enfance, ma perplexité ne fit que croître .Comment tous ces grands personnages pouvaient-ils affirmer avec tant d’aplomb qu’ils parlaient au nom de Dieu ? Comment des hommes pouvaient –ils se dire avec certitude envoyés de Dieu ? Comment un peuple pouvait-il se prétendre élu par Dieu ? La plupart des introductions qui me tombèrent sous la main présentaient le projet de Dieu pour les hommes comme inscrit dans l’histoire : Dieu, de sa propre initiative, s’est révélé à tels hommes, en tels lieux, en telles circonstances, à tels moments de l’évolution humaine selon son plan divin.

Il m’a fallu attendre les années septante et l’enseignement du père Jean-Pierre Charlier, entre autres, pour recevoir, enfin, les clés d’une lecture intelligente de ces textes.

Je découvris alors, avec soulagement, que la Bible n’est pas Parole de Dieu mais paroles d’hommes sur Dieu. Pour moi, une fenêtre s’ouvrait toute grande, ce fut une véritable libération et, très vite, beaucoup de questions trouvèrent des réponses.

Le père J. Raedermaekers dit que "La Bible c’est l’homme qui parle de Dieu qui parle à l’homme" Ce n’est donc pas Dieu qui parle, mais l’homme qui fait parler Dieu.

Cela me semble très important de faire ce constat préalable, mais capital, lorsqu’on aborde le Livre. Des millions de croyants restent encore " coincés " devant le caractère sacré d’un texte considéré comme révélé par Dieu.

Il est donc utile et salutaire de prendre des distances par rapport à ce qu’on appelle la révélation, tout en ne sous-estimant en rien la merveilleuse inspiration de cet extraordinaire monument de notre patrimoine qu’est la Bible. Au contraire, cette distance permet de mieux apprécier la richesse de la quête spirituelle exprimée par cette foule d’auteurs qui se sont succédés tout au long des siècles.

Mais que peut-on alors entendre par révélation ? Révéler c’est dévoiler. Est-ce Dieu qui se dévoile ou l’homme qui cherche à le dévoiler ?

Pour les musulmans, c’est clair, le Coran est la Parole incréée de Dieu dictée directement à son Prophète. Cette Parole est donc immuable et définitive excluant donc toute révélation ultérieure. Comme libre penseur il m’est, évidemment, impossible d’accepter une telle affirmation, tout en ne mettant pas en doute la sincérité de ceux qui y adhèrent.

Par contre, en survolant l’évolution de l’humanité, on peut observer que depuis que les hommes émergent lentement de leur animalité ils n’ont cessé de se poser les questions fondamentales : D’où venons-nous ? , Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Ils ont vite été confrontés à des forces qu’ils ne maîtrisaient pas et ont essayé de les cerner, les identifier et de se les concilier C’est le début d’une quête sans fin de la transcendance que les hommes ont pressentie comme une présence mystérieuse autour d’eux et en eux. Cette recherche s’exprimera de façons très diverses dans les différentes cultures et aboutira à des conclusions parfois fort contrastées.

Si révélation il y a, elle ne peut surgir qu’au cœur de la réflexion des hommes sur leur vie, comme une Parole inattendue qui les éclairerait dans leur travail patient et passionné de recherche vers plus d’humanité.

Ce qui est merveilleux dans la Bible c’est que les auteurs ont transmis tout cela sous forme de récits mettant en scène l’humanité avec tout son poids de faiblesses, de contradictions, de compromissions, mais aussi de grandeur, de générosité et d’amour.

Aussi lorsque les enfants, à l’école, me demande comment comprendre : "Dieu dit à Abraham…", je leur suggère de traduire par : "Abraham pense que Dieu lui dit…" Ce qui exprime mieux, à mon sens, la réflexion du personnage qui est à l’écoute de ses voix intérieures. Réfléchir, n’est-ce pas se poser des questions face à un miroir ? Souvent mes propres réponses seront incomplètes, alors d’innombrables autres voix, nourries par tout ce qui compose ma vie, se feront entendre et viendront enrichir le débat. C’est là que peut surgir la Parole inattendue, identifiée comme présence divine par le croyant.

Dans leurs récits les auteurs bibliques expriment, à travers les actions et les dialogues de leurs personnages avec Dieu, la réflexion de leur communauté sur une question particulière comme, par exemple, le problème des sacrifices humains. C’est un ensemble foisonnant et inépuisable d’expériences humaines qu’ils livrent à notre méditation.

Comme le dit André Wénin : "Lire, c’est toujours interpréter, c’est-à-dire entrer en dialogue avec un texte. Ceci dit, il faut ajouter que si la lecture est dialogue, elle doit faire en sorte que les deux parties en dialogue puissent être vraiment elles-mêmes…. Ce n’est pas parce que la Bible est un texte que l’on dit sacré qu’il faut renoncer à ce qu’on est en face d’elle. Au contraire même: dans un dialogue, c’est faire honneur à l’autre que de lui résister et de rester soi-même en face de lui". (Actualité des mythes. Cefoc)

En tant que libre penseur chrétien je ne puis qu’abonder dans ce sens.

En ces temps troublés de "retour du religieux " où on assiste avec inquiétude à la renaissance des pires intégrismes et fondamentalismes dans toutes les religions, il s’agit de rester vigilant face aux progrès fulgurants des multinationales religieuses et des sectes qui font des révélations miraculeuses de leurs gourous leur gagne-pain quotidien. Chez eux aussi Dieu est très bavard, mais ce qu’ils Lui font dire ne conduit pas toujours les hommes à plus de sagesse et d’humanité. Que d’abominations n’a-t-on pas commises au nom de Dieu !

Encore faut-il savoir, bien sûr : "De quoi parle celui ou celle qui emploie le mot Dieu"

Herman Van den Meersschaut - Avril 2006

17 juin 2017 6 17 /06 /juin /2017 08:00
André VerheyenDe la magie à la spiritualité
André Verheyen

Nous avons peut-être répété que "le 21e siècle sera religieux ou ne sera pas" en pensant que c’était ce qu’André Malraux avait dit. Et puis, grâce à l’émission "Noms de Dieu" d’Edmond Blattchen, qui s’ouvre chaque mois avec la citation exacte, nous savons qu’il s’agit de: "Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu’ait connue l’humanité, va être d’y réintroduire les dieux"

La tentation est grande de penser qu’il s’agit de ce qu’on appelle "le retour du religieux".

Et certains catholiques se félicitent chaque fois qu’ils voient des rassemblements comme les Journées Mondiales de la Jeunesse catholique, en pensant que la religion revient.

Mais les dieux dont parle André Malraux ne sont pas ceux des kamikazes d’Al Quaida qui leur promettent d’aller directement au ciel après s’être fait sauter en tuant des civils innocents.

Les dieux dont parle André Malraux ne sont pas non plus ceux des sectes qui donnent naissance à des gourous qui savent tout sur eux et qui vous invitent à ne pas réfléchir car ils font cela pour vous.

Ce ne sont pas non plus ceux du folklore, qui vous inspireraient par exemple d’aller vénérer les reliques des rois mages dans la cathédrale de Cologne! Ni ceux de la parapsychologie qui vous feraient croire à leur intervention surnaturelle dans des guérisons miraculeuses (à Lourdes, Fatima ou ailleurs) beaucoup moins nombreuses que les décès provoqués par les rassemblement dans ces lieux de pèlerinage.

Nous ne mettons évidemment pas dans le même sac les dieux des sectes ou des kamikazes et ceux des reliques de Cologne ou des lieux d’apparitions. Mais il est vrai que tous ces dieux-là sont précisément ceux qui conduisent aux catastrophes de la Palestine, d’Israël, de l’Irak, de l’Afghanistan, de Syrie, etc…

L’interconvictionnel.

C’est peut-être le nouveau nom de l’oecuménisme.

Nous savons bien qu’au sens strict, l’œcuménisme est une affaire entre chrétiens. Mais c’est aussi une des conséquences de la mondialisation que cet œcuménisme au sens strict est largement dépassé et -notons-le- sans avoir été réalisé.

Après le niveau des "Fils d’Abraham" qui vise la communion entre Juifs, Chrétiens et Musulmans, il y a le niveau de toutes les religions, qui fait parler d’interreligieux. Et depuis que nous nous rendons compte qu’il y a aussi des spiritualités non-religieuses, nous parlons d’interconvictionnel.

Les contacts interconvictionnels sont intéressants à plusieurs points de vue et le désir d’opter pour une charte commune qui exprime les valeurs auxquelles nous croyons tous en est le signe le plus visible.

Parmi ces valeurs, la tolérance et la bienveillance permettent précisément d’approfondir la réflexion sur des sujets qui divisent. Et la méthode écrite favorise encore le climat de dialogue serein car les débats oraux –on le voit bien sur nos plateaux de télévision– prètent souvent aux émotions et à l’emballement.

Religion, spiritualité, magie.

Le sujet que nous avons l’intention de traiter est certainement un de ces sujets qui peuvent "fâcher" au début mais qui sont incontournables dans notre société occidentale contemporaine. En effet, certains vouent tellement de respect et de vénération à des réalités ressenties comme sacrées ou surnaturelles, que le seul fait de proposer une réflexion à leur sujet est déjà ressenti comme une désacralisation ou une provocation. Qu’on se rappelle les relations entre les catholiques et la libre pensée au siècle dernier.

Or, ceux qui proposent la réflexion à leur sujet, le font au nom de la vérité et de la rigueur intellectuelle qu’ils considèrent eux, comme sacrées, même s’ils n’utilisent pas nécessairement cet adjectif pour le dire.

Ce n’est pas manquer de modestie, que de constater que nous, "Libre Pensée Chrétienne", nous sommes bien placés pour communiquer notre expérience et notre réflexion au sujet de cette évolution, de cette maturation qui part d’une conception un peu enfantine, un peu magique de la religion et qui découvre, dans l’Evangile même les clefs d’une purification vers la spiritualité.

En relisant le Premier Testament dans cette optique, nous constatons que les clés d’interprétation y étaient déjà présentes. Qu’il nous suffise d’évoquer deux passages éloquents.

- Dans le premier Testament : "Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis rassasié. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’en veux plus… L’encens, j’en ai horreur… Apprenez à faire le bien, recherchez le droit…" (Isaïe I,11…) "C’est l’amour que je veux, non les sacrifices, la connaissance de Dieu, non les holocaustes".

Nous n’avions jamais remarqué qu’il est tout aussi absurde de payer 5 euros pour "avoir l’intention de la messe", alors que toutes les intentions – disons plutôt les dimensions de notre communion spirituelle- sont exprimées dans la prière eucharistique.

C’était une pensée louable de David :"…le roi David dit au prophète Nathân : j’habite une le prophète Nathân pour aller dire à David :"Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour ma résidence ? Je n’ai jamais habité de maison depuis le jour où…" (Sam. VII, 5-6)

Et quand, des années plus tard, Salomon aura achevé, avec tous les efforts qu’on imagine, la construction du Temple, il dira cette chose extraordinaire dans sa prière : "Mais Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j’ai construite !" (I Rois VIII,27)

- L’Evangile va approfondir ces perspectives :"Je ne suis pas venu abolir mais accomplir" ( Mt V, 17) Nous n’avons que l’embarras du choix pour illustrer cela mais nous choisissons deux passages qui correspondent assez bien aux deux passages du Premier Testament cités ci-avant.

- Le premier illustre bien l’erreur d’optique qu’on rencontre fréquemment en matière de culte et de liturgie. Il suffit que quelque chose fasse partie du programme liturgique officiel pour qu’on lui attribue une valeur sacrée. C’est inconscient; c’est la force de l’habitude. Si je suis dans une grande cathédrale, lors d’un office auquel participent un cardinal et d’autres évêques, vêtus d’ornements somptueux, dans un cadre et avec un équipement tout aussi somptueux (calices et ciboires, missel et lectionnaires, chandeliers et encensoir,…), j’ai davantage l’impression de vivre quelque chose de sacré que si je vais aider mon voisin dont la cave est inondée. Or, Jésus nous dit :"Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat" (Marc II, 27) "Quand tu vas présenter ton offrande à l’autel et que là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère". (Mt V,23-24) Ce qui est sacré, c’est l’être humain créé à l’image de Dieu. Le sacré n’est pas dans les objets mais dans l’esprit et le cœur de l’homme. Nous y reviendrons.

- Le second passage fait également allusion au Temple. Dans la conception traditionnelle, ma religion est sacrée, c’est la vraie ; mon Eglise est sacrée et son pape aussi. Elle a été voulue par Dieu ; les catholiques disent "instituée par Jésus Christ" Il n’est pas question de reconnaître aux autres la même valeur. L’autorité romaine refuse même l’intercommunion! (célébration eucharistique commune avec d’autres chrétiens que catholiques) Jésus dit à la Samaritaine : "Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père… Dieu est Esprit et c’est pourquoi ceux qui l’adorent doivent adorer en esprit et en vérité" ( Jn IV, 21, 24)

Bénédictions

La caractéristique de ce que nous appelons une religion magique, c’est qu’elle situe le sacré dans les choses matérielles (objets, gestes, paroles, etc…) Un bel exemple nous en est donné dans les différentes bénédictions d’objets.

Une dame, revenant de Lourdes, avait acheté un certain nombre de médailles qu’elle voulait donner à ses amis et amies. Elle me demande d’en bénir la moitié, qu’elle tenait dans sa main droite en me disant quelle avait déjà eu l’occasion de faire bénir à Lourdes l’autre moitié, qu’elle tenait dans sa main gauche. Le fait est réel, vécu. Vous pouvez imaginer mon envie de les mélanger ! Les personnes d’un certain âge se rappellent les missions paroissiales, prêchées par des religieux, où, un jour donné, les gens étaient invités à apporter les crucifix, statues, chapelets et autres objets pour les faire bénir. On peut mesurer toute l’ampleur de la question en réfléchissant au sens que pouvait avoir ce geste : faire un signe de croix sur un crucifix. Et on se souvient également de l’embarras qu’on avait quand une statue ou un crucifix étaient dépareillés et qu’on n’osait pas -pensant qu’on ne pouvait pas- le jeter à la poubelle.

Un autre fait vécu : après le baptême d’un bébé, qui portait au cou une jolie chaînette avec une médaille représentant Jésus ou Marie, la maman me demande de bénir cette médaille. Elle n’avait pas perçu que, dans cette célébration, la médaille avait été amplement bénie et rebénie avec l’enfant. Nous trouvons un bel exemple de l’évolution vers une conception spirituelle de ces bénédictions dans la différence entre les anciennes formules, ou on demande à Dieu de bénir l’objet (rameaux, cendres, cierges, etc…) et les nouvelles formules, où on demande le bien spirituel de ceux qui utilisent l’objet. Voici, par exemple les deux formules, telles qu’elles sont proposées pour la bénédiction des Rameaux dans le "Missel dominical de l’assemblée" (Ed.Brépols/Paris1972) : "Dieu tout-puissant, daigne bénir ces rameaux que nous portons pour fêter le Christ notre Roi ; accorde-nous d’entrer avec lui dans la Jérusalem éternelle. Lui qui…" ou bien "Augmente la foi de ceux qui espèrent en toi, Seigneur, exauce la prière de ceux qui te supplient ; nous tenons à la main ces rameaux pour acclamer le triomphe du Christ. Pour que nous portions en lui des fruits qui te rendent gloire, donne-nous de vivre comme lui en faisant le bien. Lui qui…"

Eucharistie

Le sujet devient plus délicat lorsqu’on y réfléchit à propos de l’Eucharistie. La difficulté provient de tout une tradition de la "présence réelle" qui insinue - ou qui affirme - qu’il s’agit d’autre chose que d’une présence symbolique de Jésus dans le Pain de Vie. Or, les théologiens reconnaissent aujourd’hui qu’il ne faut pas opposer symbolique et réel. "Jésus est réellement présent dans le symbole du pain" dit Ignace Berten dans son cours sur l’eucharistie au CEFOC. On découvre le caractère magique de la conception traditionnelle dans toute la littérature pieuse autour du St. Sacrement. Il n’est pas étonnant qu’on en soit arrivé dans certains cas extrêmes aux phénomènes paranormaux de "miracles d’hosties qui saignent". On le découvre aussi dans la réaction de certaines personnes à l’affirmation que ce n’est pas sur l’autel que ça se passe mais bien dans notre cœur et notre esprit. Qu’on se rappelle l’attention scrupuleuse avec laquelle les prêtres prononçaient les paroles latines "Hoc est enim corpus meum" en essayant de ne rater aucune syllabe !

C’est toujours le même processus qui amène à dire dans le domaine de la foi ou de l’amour des choses exagérées qui ne sont pas réelles objectivement. Celui que j’aime dit la vérité. Or, il a dit : "ceci est mon corps" ; donc ce pain est vraiment son corps. Il ne faut pas essayer de comprendre comment mais s’il l’a dit il faut croire que c’est ainsi. Et, à partir de là, on parle de transsubstanciation, de présence réelle, etc… Tout cela ne serait pas grave si cette conception n’entraînait pas les conséquences que l’on sait : que les Protestants n’ont pas ce pouvoir sacerdotale (magique) que les prêtres catholiques ont, de réaliser la transsubstanciation et qu’ils n’ont donc pas la présence réelle de Jésus dans leurs cènes ni dans leurs temples, etc… que la présence de Jésus dans sa Parole et dans son peuple assemblé n’est pas vraiment réelle et qu’il faut attendre la consécration pour qu’il soit vraiment présent… que la pénurie actuelle de prêtres ne permet plus aux chrétiens d’avoir de vraies célébrations dans certains cas, mais des succédanés (ADAP).

La rigueur intellectuelle nous invite aujourd’hui à nous reporter en pensée à la dernière Cène pendant laquelle Jésus a dit à ses Apôtres : "Ceci est mon corps" Notre bon sens nous dit que Jésus, tenant en main le pain en disant "ceci est mon corps", voyait bien la différence entre lui-même, assis sur sa chaise - même si c’était couché sur un divan - et le pain qu’il tenait en main ! Et qu’il n’a pu vouloir dire que "Ce pain est le symbole de mon corps, le signe de mon corps ; ceci représente mon corps"

Il est caractéristique de la conception que nous appelons magique de ne pas se satisfaire de notre bon sens et d’exiger des modalités "surnaturelles" ou "mystérieuses" de cette présence.

Finalement, le vrai problème se trouve dans notre conception de Dieu. Pour que notre foi en Dieu soit authentique, on a pensé qu’il devait être un Dieu qui fait des miracles, qui intervient de temps en temps dans sa création. Et, dans le prolongement de cette conception, Dieu prouve son existence ou sa toute-puissance en intervenant de temps en temps par des miracles. Au stade enfantin, cela semblait une apologétique impeccable, d’autant plus qu’on la trouve à de nombreux endroits dans la Bible. Mais dès qu’on réfléchit un peu, on se demande quel sens peut avoir cette représentation d’un Dieu qui se situe quelque part comme spectateur au balcon, observant le monde de l’extérieur et intervenant de temps en temps, ce qui voudrait dire qu’aux autres moments il n’interviendrait pas !? Dans les millions de guérisons qui surviennent dans le monde et dont nous percevons les causes, par exemple dans la médecine, Dieu n’interviendrait pas mais, dans les quelques-unes que nous ne savons expliquer, là ce serait l’œuvre de Dieu !?

Dans une religion spirituelle, Dieu est Esprit et Amour, et sa présence ne dépend pas de notre capacité d’expliquer ou non une guérison ou un événement.

L’enthousiasme des minorités

Les magiciens attirent le monde, les concerts rock et les rave-party aussi. La spiritualité s’approfondit et se partage dans le recueillement et dans la discrétion. Les premières générations chrétiennes n’ont pas connu les grands rassemblements ni les grandes églises et il n’est pas certain que la persécution en soit le seul motif. La remise en question et l’exigence d’authenticité n’attirent pas les foules. Nous ne devons pas vouloir rivaliser avec les évangélistes américains ou brésiliens qui remplissent des stades, ni avec des groupes dont la foi ignore tout sens critique. La foi que nous devons renforcer et dont nous devons témoigner est l’enthousiasme profond des minorités agissantes et conscientes.

Les "signes du Royaume" la soutiennent : chaque fois que quelqu’un, qui se demandait s’il n’allait pas quitter ce christianisme dogmatique dépassé, nous manifeste sa joie de ressentir comme une libération la découverte de ce chemin d’enthousiasme discret qu’est "Libre Pensée Chrétienne" Sachez-le et dites-le !

André Verheyen - LPC 18/2006

10 juin 2017 6 10 /06 /juin /2017 08:00
André VerheyenDe quoi ont-ils peur ? Qu'on perde la foi ?
André Verheyen

La difficulté devant laquelle je me trouve souvent me semble comparable à celle qu’ont éprouvée le Père LEBBE ou les frères CYRILLE et METHODE quand ils ont voulu traduire la foi chrétienne dans le langage des Chinois ou des Slaves.

Ceux qui ne partagent pas mon souci de trouver un langage compréhensible pour notre Occident contemporain doivent sans doute craindre qu’on ne perde quelque chose d’essentiel à la foi ?

Et je les comprends fort bien car il s’agit en fait de plus que de langage au sens strict ; il s’agit d’un discours crédible. Comment ne pas les comprendre quand nous constatons que c’est la plus grande partie du CREDO traditionnel qui n’est plus crédible ?

Comment apporter quelque lumière dans ce problème ? Par la distinction entre foi et théologie.

Ce qui relève de la foi authentique reste vrai aujourd’hui mais l’emballage théologique est démodé.

Prenons l’exemple de la Trinité.

Ma foi en Dieu, Père de tous les humains, qu’avec Jésus je nomme moi aussi Père, reste forte et sereine, même si ma sincérité me fait dire plus que jadis que je ne sais pas grand’chose sur Dieu.

Ma foi en Jésus, Christ, Sauveur, Fils de Dieu, reste intacte aujourd’hui, même si ma sincérité me fait constater et dire que Jésus ne s’est jamais prétendu Dieu.

Ma foi en l’Esprit de Dieu, agissant dans ma vie particulièrement par l’intermédiaire de Jésus-Christ, reste intacte, même si ma sincérité me fait reconnaître aujourd’hui qu’au-delà de toutes les personnifications légitimes que les auteurs bibliques ont faites de la Sagesse de Dieu, de la Parole de Dieu et de l’Esprit de Dieu, ils ne sont pas « quelqu’un d’autre que Dieu »

Par contre, ce qui ne passe plus aujourd’hui, c’est cette théologie que j’ai envie de nommer « mathématique » ou « géométrique » qui s’efforce de me convaincre que 1=3 et 3=1 et qui utilise des images comme le triangle, alors que je préfère de loin l’inspiration biblique : « tu ne feras pas d’images de ton Dieu »

Sincèrement, je ne vois pas ce que la notion de « trinité » apporte comme valeur ajoutée à ma vie spirituelle.

Le Père est central dans la spiritualité de Jésus mais « ce Père est Esprit et les vrais adorateurs doivent adorer en esprit et vérité » (Jean chap.4)

Je trouve donc tout à fait convenable que mon adhésion à Jésus Christ exprime cette relation au Père, au Fils et à l’Esprit et donc aussi que je sois baptisé « au nom du Père et du Fils et du St-Esprit »

Par contre, je constate que le mot « Trinité » ne figure nulle part dans la Bible !

J’ai toujours dans mon bureau une icône de la « Trinité » de ROUBLEV. Il ne me viendrait pas à l’esprit de me débarrasser de cette belle icône. J’écoute régulièrement – en priant – le « Et incarnatus est » de la messe en ut mineur de W.A.MOZART et le « Et in Spiritum Sanctum » de la messe en si mineur de J.S.BACH. Mais ils n’ont évidemment aucun lien avec une quelconque théologie arithmétique ni géométrique triangulaire.

BACH et MOZART m’entraînent dans les parages de la Transcendance grâce à cette musique sublime qui me fait décoller de la littéralité du texte. Mais si vous attirez mon attention sur la littéralité des formules, je redescends de suite sur terre, dans les embouteillages de la circulation notionnelle et conceptuelle théologique.

Pour revenir à ceux que je ne parviens pas à faire partager mon souci de trouver un discours crédible, nous échangeons souvent au sujet de ce que « les gens » ou « les jeunes » peuvent ou ne peuvent plus admettre… Et je constate que nous avons souvent des lectures sociologiques différentes.

Ici aussi, je pense pouvoir apporter quelque lumière. Comment ?

En abandonnant la sociologie, en ne parlant plus des autres mais bien de vous et moi.

Moi, André Verheyen, je vous demande à vous - qui que vous soyez – de me parler en 2005 un langage compréhensible et surtout de me tenir un discours crédible. Et je vous préviens : il ne faut plus venir me dire des choses dont vous devez ajouter par après : « Oui mais ce n’est pas ça que ça veut dire » !

Je souhaite haut et fort, avec Albert JACQUARD, « que les chrétiens utilisent des expressions qui veulent dire ce qu’elles disent » !

Je sais bien qu’il y a des réalités qu’on ne peut exprimer qu’avec des images et des symboles. Mais alors, je souhaite qu’on ne confonde pas le signe avec le signifié ; qu’on ne proclame pas comme dogme ce qui n’est qu’une image, un signe de la réalité qu’il signifie.

Et nous voilà donc au cœur du problème. Si le signe d’une naissance virginale a pu être « parlant » dans un certain contexte culturel pour exprimer la réalité mystérieuse et transcendante de Jésus de Nazareth, il faut se rendre à l’évidence que notre culture occidentale demande aujourd’hui d’autres signes, d’autres symboles.

Et la grande erreur, c’est évidemment de proclamer comme « dogmes de foi » ce qui n’en était que des signes dans une culture déterminée.

Voilà donc la réponse à la question énoncée dans le titre de cet article ; non, on ne perd pas la foi quand on constate qu’un certain nombre de signes traditionnels ne sont plus « signifiants » aujourd’hui.

Et c’est précisément parce que ma foi dans la réalité signifiée est intacte que je demande d’autres « signes » pour aujourd’hui.

Y a-t-il de quoi paniquer ?

Cela dépend… Si vous êtes de ceux qui pensent que toute la Christologie et toute la Mariologie de notre catéchisme est « révélée »… Ou si vous êtes de ceux qui pensent que toute notre théologie de l’origine du monde et des fins dernières est « révélée »… Alors, nous pourrions comprendre que vous ayez l’impression que « tout fout l’camp ».

Mais si vous pensez avec Jésus qu’il faut « rendre à César ce qui est à César ». (Mt 22,21), c’est-à-dire à la science ce qui est à la science, alors vous ressentirez comme une libération que vous ne soyez plus obligés, au nom de la foi , de savoir ce qui s’est passé au Big-Bang ou à l’apparition de l’Homo sapiens… que vous ne soyez pas obligés non plus, au nom de la foi, de savoir ce qui va se passer après votre mort.

Et si vous pensez qu’il faut rendre aussi « à la philosophie ce qui est à la philosophie », vous ferez la même expérience libératrice concernant la Christologie et la Mariologie.

Il est évident que si la Bible, « c’est l’homme qui parle de Dieu qui parle à l’homme », selon la belle expression de Père RADERMAKERS, la théologie est a fortiori « l’homme qui essaie de comprendre la foi ». Et les formules théologiques sont essentiellement conditionnées par la culture de ceux - des hommes et des femmes – qui les choisissent.

Il est particulièrement important d’en prendre conscience en ce qui concerne la Christologie et la Mariologie car ceux qui disent quelque chose par foi ou par amour au sujet de Jésus ou de Marie sont évidemment choqués s’ils rencontrent quelqu’un qui dit le contraire.

Et c’est ici que la philosophie intervient.

Ne craignez rien. Vous allez vous rendre compte que vous faites de la philosophie tous les jours !

A titre de comparaison, je reprends le cas du soleil. Quelqu’un demande à un autre s’il croit que le soleil se lève à l’est. Celui-ci répond : « C’est une question qui ne se pose pas ! C’est évident ! » Et lorsque le premier lui dit : « Eh bien non ! C’est faux ; le soleil ne se lève pas à l’Est », le second pense : « Il est fou… ou bien il se moque de moi ». Mais le premier lui dit le plus sérieusement du monde : « Le soleil se lève ni à l’Est ni ailleurs ; c’est une boule qui tourne autour de son axe et nous tournons autour de lui ».

Que se passe-t-il ?

Ils ont raison tous les deux mais le premier parle de ce qui se passe en dehors de toute perception subjective. Tandis que le second parle de ce qui se passe pour nous, comme nous le percevons.

Il est donc important de préciser en quel sens chacun a raison

Prenons maintenant le cas de la divinité de Jésus.

Les croyants qui n’ont jamais réfléchi à cette question sont choqués quand ils entendent affirmer que Jésus n’est pas Dieu. Mais le problème s’éclaircit lorsqu’on précise en quel sens il l’est et en quel sens il ne l’est pas.

En quel sens pouvons-nous dire que Jésus est Dieu ? Dans le sens qu’il est divin, qu’il participe à la divinité de Dieu par l’Esprit qui vit en lui.

En quel sens pouvons-nous dire que Jésus n’est pas Dieu ? Dans le sens de « être » sans autre nuance. On ne peut pas affirmer l’égalité Jésus = Dieu. Il faut d’ailleurs préciser que Jésus prêche, prie et adore YHWH, le Dieu d’Israël. Et cela se confirme dans l’évangile. Jésus n’a jamais accepté le titre de Dieu. Lui-même s’appelle le Fils de l’Homme ; il accepte les titre de Messie et Fils de Dieu mais pas celui de Dieu (// Jean, 10,33-36)

Comme dans la comparaison avec le soleil, celui qui dit : « Jésus est Dieu » parle de la manière dont Jésus est pour nous, c’est-à-dire habité par l’Esprit de Dieu, chargé de nous apporter la Bonne Nouvelle de Dieu, nous faisant participer à la vie divine.

Et celui qui dit que Jésus n’est pas Dieu parle de la différence entre un homme et son Créateur, de l’honnêteté avec laquelle Jésus n’a jamais voulu s’attribuer le titre de Dieu.

Ce qui est vrai – et là il y a une difficulté majeure – c’est que, comme le dit le Père A.FOSSION), « Favoriser aujourd’hui les commencements de la foi, c’est dès lors défaire un certain nombre de nœuds de représentations – souvent très tenaces – qui sont simplistes, désuètes, infantilisantes voire perverses qui habitent encore les esprits en les tenant ainsi éloignés de la possibilité de croire de nouvelle façon. C’est pourquoi l’évangélisation aujourd’hui passe par un nécessaire désapprentissage de certaines représentations de la foi, qui la rendent incroyable voire indésirable. »

Sans engager le Père Fossion dans mes interprétations personnelles, c’est ce que je ressens quand j’entends encore lire un bon nombre de nos textes liturgiques.

Car, si beaucoup d’affirmations contradictoires peuvent être vraies à condition de savoir en quel sens, il y a un autre fait dont il faut tenir compte : c’est l’évolution des cultures.

Il y a beaucoup d’affirmations qui étaient défendables, en un certain sens, jadis mais qui ne le sont plus aujourd’hui parce que les dominantes de notre culture ont changé. Et il est remarquable de voir les efforts que font des historiens et des théologiens – souvent dans des livres fort intéressants – pour expliquer qu’à telle époque les gens comprenaient que telle affirmation de foi ou tel dogme était pertinent dans tel sens particulier.

Même pour démontrer que telle ou telle affirmation désuète est encore défendable aujourd’hui, certains auteurs font des prouesses de jonglerie notionnelle ou conceptuelle que les neuf dixièmes des chrétiens ne peuvent pas suivre!

Pour ne rappeler qu’un seul exemple, même si à une certaine époque l’adage « hors de l’Eglise point de salut » était défendable dans tel ou tel sens, il est aujourd’hui une de ces représentations de la foi qui la rendent non crédible et indésirable.

Non, on ne perd pas la foi ; on s’exprime dans les sensibilités de la culture occidentale contemporaine. Et comme « le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat »(Mc.2, 27) il faut bien modifier certains textes devenus incompréhensibles.

André Verheyen

27 mai 2017 6 27 /05 /mai /2017 08:00
Herman Van den MeersschautEsprit es-tu là ?
Herman Van den Meersschaut

Lorsque j'étais enfant, nous avions à l'école un cours d'Histoire Sainte qui me passionnait. Je me souviens d'avoir été souvent émerveillé par ces personnages, comme Abraham, qui parlaient avec Dieu "en direct". A toutes les pages du Premier Testament, "Dieu dit..." Quelle chance avaient donc ces gens, en ces temps bénis, de converser ainsi avec Dieu.

Mais aussitôt après, j'étais envahi par une terrible et inquiétante question : pourquoi ne nous parle-t-il plus aujourd'hui et particulièrement à moi ? Sans doute ne suis-je pas digne, pensais-je; sans doute ne suis-je pas assez bon ? Lorsqu'on posait la question à nos professeurs, ils répondaient que Dieu avait parlé par les prophètes et qu'avec Jésus et son Eglise se terminait la "révélation". Tout était dit. Point final. Dieu s'était éloigné; Dieu était devenu muet.

Lorsque plus tard je fis ma communion, on me rappela que j'avais reçu l'Esprit-Saint à mon baptême et qu'à ma confirmation je le recevrais en abondance. Je me mis donc à rêver d'un événement extraordinaire où je me sentirais "rempli de l'Esprit-Saint" comme les apôtres à la Pentecôte. On me prépara à ce grand jour en m'obligeant à apprendre des réponses à des questions que je ne comprenais pas. Grande fut ma déception, évidemment. Mais, sans doute, n'avais-je pas assez de foi, n'est-ce pas ?

L'Esprit-Saint m'apparaissait comme une entité quantifiable que Dieu donnait selon son bon plaisir. Certains recevaient "des grâces" dont on pouvait "être rempli" par l'action efficace des sacrements ; c'est-à-dire par une sorte de rite magique. Ce qui m’inquiétait, et je ne devais pas être le seul, c'est que, chez moi, cela n'avait pas l'air de fonctionner ?! Et pourtant, Dieu sait qu'il me poursuit depuis ma tendre enfance !

Aujourd'hui, malheureusement, on continue, dans beaucoup de milieux, à véhiculer cette conception magique. Comme si par l'imposition des mains nous pouvions "convoquer" l'Esprit et le faire pénétrer dans l'esprit du jeune confirmand, comme un produit que l'on offre à la demande. Les autorités religieuses ont, semble-t-il, le monopole de cette distribution. Pauvre Esprit-Saint !

Heureusement, je ne suis pas resté un enfant et j'ai eu le bonheur de rencontrer sur ma route quelques "anges" qui m'ont ouvert les portes de la Bonne Nouvelle, grâce à des "clés de lecture" bien adaptées à notre époque (avec tout l'apport des différentes exégèses actuelles), ce qui m'a permis de balayer une fois pour toutes les vieilles croyances accumulées au cours des siècles par l'Eglise traditionnelle et de pouvoir ainsi aborder en toute liberté de pensée ce magnifique trésor qu'est la Bible.

C'est donc en toute liberté que je vous pose la question : de quelle nature est donc cet Esprit qui vous fait vivre, qui vous "inspire", vous "anime" et vous guide ?

Le définir serait, me semble-t-il, lui faire injure, le limiter, le réduire. Il reste le tout autre. Mais il y a une chose qui me semble évidente : c'est qu'on ne peut comprendre ce qu'est l'Esprit qu'en l'expérimentant dans notre vie.

Je peux prendre connaissance intellectuellement de ce qu'il dit et fait dans les Ecritures, mais je ne pourrai vraiment le rencontrer, en vivre, que si j'expérimente moi-même ce qui est écrit.

Un prêtre, préparant des enfants à l'Eucharistie, disait un jour à des parents assez interloqués que "la religion n'est pas une affaire d'enfants". J'avais moi aussi sursauté à cette affirmation, mais en y réfléchissant bien je me suis dit qu'il a raison. Certains passages de l'Evangile ne deviennent lumineux pour nous que lorsque nous vivons réellement les situations décrites symboliquement dans le texte.

L'expérience des enfants est souvent trop courte pour qu'ils puissent faire un rapport avec leur vie. Sauf pour les enfants qui, très tôt, vivent des drames ou des grandes joies (séparation, réconciliation, décès, génocide, ...). Leur expérience de vie les dispose alors à recevoir une parole de vie qui se vérifie pour eux à travers le témoignage des personnes avec qui ils ont vécu l'événement. Ces textes peuvent alors les "inspirer", les faire vivre, les remettre debout.

Mais le texte n’est pas l'Esprit; il faut qu'il passe par les hommes, qu'il s'incarne dans la vie des hommes. Il ne peut "parler" qu'à travers nos bouches et nos actions.

Au fond, l'inspiration de l'Esprit est, pour moi, du même ordre que "l'inspiration artistique".

L'artiste "exprime", "expire" dans son oeuvre ce qu'il "inspire" tout au long de sa vie. Il peut, comme Goya, exprimer ses phantasmes, ses souffrances, son mal de vivre. C'est son malaise par rapport à la société de son temps qui va l'inspirer. Il va transformer et exprimer cela à travers une oeuvre d'une beauté sombre et grave.

Tout au contraire, un Fra Angelico, tout habité par sa foi simple et limpide de moine, inspiré par une vie calme, paisible et protégée, va exprimer son rêve paradisiaque dans des images lumineuses et pleines de sérénité.

Mais tous deux sont inspirés par le monde dans lequel ils vivent. Et selon l'éducation, les influences, les personnes qu'ils ont côtoyées, ils vont exprimer avec leur personnalité propre ce qu'ils ressentent en eux comme une "nécessité". Tout artiste a ressenti en lui cette nécessité de création. C'est de l'ordre de l'irrationnel. Il y a quelque chose en moi qui me pousse irrésistiblement à créer, à exprimer ce qui s'est imprimé en moi et ce n'est pas nécessairement facile, car bien souvent c'est un véritable accouchement.

Je dirais que l'inspiration divine provoque cette même nécessité. Si dès mon plus jeune âge j'ai baigné dans un milieu où l'on vit d'une façon active dans !'Esprit d'Amour de Jésus de Nazareth, si j'ai pu voir avec mes yeux et mon coeur ce qu'aimer veut dire, si j'ai personnellement expérimenté cet amour, si je me suis senti aimé par mes proches, je pourrai à mon tour en exprimer aux autres.

Cela se présentera à moi comme une "nécessité", comme si quelqu'un d'extérieur à moi me poussait à agir. Je pourrai dire alors : Oui, Esprit-Saint, tu es là, vivant en moi, au milieu de nous ; tu vis, tu inspires toutes nos actions. Comme l'artiste sent en lui la nécessité de s'exprimer, moi aussi je sens la nécessité de te communiquer aux autres.

C'est ce qu'on appelle "l'enthousiasme". Notre monde en manque cruellement. Ce n'est pourtant que dans l'enthousiasme que les hommes ont progressé. Mais, comme pour l'artiste, il s'agit souvent d'un long enfantement.

L'esprit, disait quelqu'un, c'est comme un sous-marin ; il est là en nous, en plongée. Lorsqu'il fait surface, ce sont nos jours d'enthousiasme, nos jours de Pentecôte.

Herman Van den Meersschaut

13 mai 2017 6 13 /05 /mai /2017 08:00
André VerheyenRéflexion sur la foi
André Verheyen

En songeant à quelques thèmes importants de nos échanges, tels que la vie après la mort, la place centrale du Christ dans le salut de l'humanité, la divinité du Christ, etc., on en arrive à cette question plus générale : quelle est cette approche particulière que nous appelons la foi chrétienne ?

Dans notre démarche de libre pensée chrétienne, nous tenons à élargir l'œcuménisme au-delà des religions, c'est-à-dire aux spiritualités laïques. Et nous sommes fort encouragés dans cette démarche chaque fois que nous percevons, grâce à un discernement sérieux, que des convictions que l'on avait considérées depuis toujours comme relevant de la foi sont plutôt des croyances basées sur des mythes ou des héritages culturels pré-scientifiques.

On songe spontanément aux affaires Galilée et Darwin mais il y a des zones sensibles qui ne sont pas encore totalement défrichées, comme les apparitions, les miracles et tous les phénomènes dits "surnaturels". Dans ces domaines, la rigueur intellectuelle nous invite à faire davantage confiance aux approches scientifiques qu'aux convictions de la crédulité religieuse mais elle ne nous dispense pas de la question précise : quel est finalement le contenu de notre foi ?

Un premier élément de réponse à cette question attire notre attention sur l'ambiguïté du mot "contenu" et lui préfère "spécificité".

En effet, le mot "contenu" suggère qu'il y aurait des vérités - ou même des faits surnaturels - que le croyant connaît grâce à une "révélation", également surnaturelle. Et dans la présentation traditionnelle on parlait de "mystères" qui échappent à nos connaissances naturelles ou à notre raison mais que nous devons accepter humblement dans la foi.

Le mot "spécificité" a l'avantage de situer la différence dans l'attitude du sujet croyant ou incroyant, face à une réalité qui est évidemment la même pour les deux.

Il y a deux domaines qui sont particulièrement éclairants dans la question qui nous occupe; ce sont les domaines scientifique et philosophique.

Pour ce qui est du domaine scientifique, le bilan du contentieux "science-foi" nous permet de refuser aujourd'hui la compétence des autorités religieuses en ce qui concerne l'explication de phénomènes matériels, c'est-à-dire visibles, audibles, tangibles, etc. Autre chose est de leur donner un sens; nous y reviendrons.

Prenons l'exemple des apparitions. Il y a quelques années, nous avions trouvé assez pitoyable le commentaire d'une séquence télévisée sur les apparitions de Medjugorje par un religieux disant : "Observez bien les lèvres des cinq voyants ; ils ne disent pas la même chose. Donc la Sainte Vierge a cinq conversations différentes et simultanées, ce qui permet de penser que les corps des ressuscités doivent avoir des possibilités assez extraordinaires." (!?!)

Autant on peut faire remarquer les richesses spirituelles que certaines personnes retirent d'un séjour à Medjugorje, à Lourdes ou à un autre endroit d'apparitions, autant il faut laisser aux disciplines scientifiques l'explication du phénomène même des apparitions.

Il en va de même pour les guérisons miraculeuses. Le rôle des autorités religieuses se limite à porter un jugement sur les qualités spirituelles et morales des personnes concernées. L'explication de la guérison relève de la compétence des scientifiques et il est à remarquer que la seule conclusion qu'ils expriment dans le cas d'une guérison miraculeuse - par exemple au bureau des constatations médicales de Lourdes - c'est qu'ils constatent que la guérison n'est pas explicable dans l'état actuel des connaissances médicales.

Un cas particulièrement remarquable est celui de la Résurrection du Christ. Si cette résurrection était un retour du corps matériel (de chair et d'os) à la vie antérieure, elle ne serait pas objet de foi mais de constatation visuelle ou de témoignage historique. Mais puisque la Résurrection du Christ est objet de foi, elle est autre chose que ce retour à la vie corporelle antérieure. C'est ce que tous les théologiens expriment actuellement en disant que la Résurrection du Christ "n'est pas la réanimation de son cadavre".

Nous pourrions donc conclure - pour ce qui est du domaine scientifique - que la constatation ou l'explication d'un fait matériel n'est jamais objet de foi. Par contre, ma vision de foi me fera donner à l'événement un sens qui pourra être différent du sens que lui donnera un incroyant.

Venons-en à cet autre domaine de la connaissance qu'est la philosophie.

Ici, le problème sera différent, étant donné que la démarche philosophique et la démarche de foi sont toutes deux recherche et affirmation de sens.

Pour situer d'emblée la différence, rappelons cette affirmation traditionnelle : "Le Dieu des philosophes n'est pas le Dieu de la foi." Cela voulait dire que le philosophe pouvait affirmer sa conviction d'une Cause Première sans avoir de relation personnelle avec elle, même s'il l'appelait Dieu.

Dans le cas de la foi chrétienne, il y a encore cette différence supplémentaire que le philosophe peut faire totalement abstraction de Jésus-Christ dans sa recherche sur la Cause Première ou sur la transcendance.

Quand nous nous situons au niveau du dialogue interreligieux et de l'œcuménisme du quatrième cercle, qui englobent les spiritualités laïques, nous sommes amenés à estomper fortement les différences. Pour ne pas trop allonger cet article, je me limite à quelques brefs énoncés, quitte à y revenir plus tard.

  • Le croyant et le philosophe sont solidaires dans leur recherche de ce que peut signifier la notion de personne attribuée à Dieu (avec ses aspects anthropomorphiques éventuels).
  • Le croyant et le philosophe sont solidaires dans leur recherche de ce que peuvent signifier des notions de personne et de nature appliquées à Dieu et à Jésus-Christ, ainsi que plus généralement les notions de transcendance, d'au-delà, matière, esprit, naturel, surnaturel, etc.
  • Le croyant et le philosophe sont solidaires dans leur recherche de ce que peut signifier le terme - et la réalité ! - de "révélation", compte tenu de ce que toute révélation dans l'histoire de l'humanité passe par des médiations qui demandent à être étudiées avec discernement.

En guise de conclusion, pour ce qui est de la dimension philosophique, je dirai que la spécificité de la foi chrétienne réside dans la relation privilégiée d'amour, de confiance, d'adoration, etc. avec Jésus-Christ et donc aussi avec Dieu, tel que Jésus le prie, le prêche et l'adore lui-même.

Mais l'ouverture d'esprit et l'exigence de sincérité de Jésus lui-même font que nous ne sentons nullement notre foi chrétienne en danger dans le dialogue interreligieux et en compagnie de philosophes en quête comme nous du sens des choses.

André Verheyen (LPC n°98- mars 2000)